Mise au point entre Hasbauer

Aguerri(e)

Alexandrine était revenue directement à meurs appartements comme demandé par sa mère. Il fallait avouer qu’elle ne souhaitait parler à personne après ce qui venait de se passer !

Une fois rentrée, elle prit place dans le salon de leurs appartements pour attendre nerveusement Elisabeth. La jeune femme réfléchissait, les mots étaient venus facilement face à ses juges, mais face à sa mère qu’en serait-il ? La question primordiale était celle du mensonge, devait-elle continuer à dire que sa rencontre avec Adal avait été fortuite ? C’était sa mère, elle pourrait comprendre… pourtant Alexandrine doutait.

La Vicomtesse détestait réellement Le Conti et Alicia et ignorait le reste de sa famille – ses deux fils en l’occurrence. Et il y avait des raisons légitimes à cela, on les lui avait expliqué : Alicia en scindant le clan avait provoqué l’arrivée des malheurs de Forbach, mais Adal n’avait rien à voir dans tout cela !

*Oh non, voilà que j’essaye de le défendre maintenant.*

Elle se prit doucement la tête entre ses mains, alors que ses pensées la conduisaient vers la pire des hypothèses, celle que sa mère ait pris le parti du clan contre sa propre fille. Lorsqu’elle releva les yeux, son regard se posa sur l’imposant tableau qui trônait au dessus de l’âtre, l’homme qui se dressait fièrement inspirait le respect sans utiliser une once de peur.

Lui aurait compris, elle en était certaine, mais il n’était plus là, à cause d’elle. Un peu de culpabilité revint, souvenirs d’un passé qu’elle ne trouvait pas glorieux du tout mais dont elle n’avait aucuns souvenirs. Tout au plus des ombres et le froid du sol et des chaîne qui l’entravaient. L’enfant qu’elle était à l’époque avait perdu connaissance et son père était mort. Sa mère ne lui en avait jamais voulu, du moins, elle ne l’avait jamais fait ressentir à Alexandrine si cela avait été le cas.

Penser à lui raviva la flamme de ses convictions, même si pour cela, elle devait perdre la mémoire et être envoyée en Bourgogne ! Le Vicomte était mort pour ce en quoi il croyait et elle était certaine d’être de la même trempe que lui !

Pourtant, lorsque sa mère franchit le seuil de la porte, Alexandrine eut du mal à retenir ses larmes tant elle avait honte d’avoir déçue la personne qui lui était plus chère que sa vie. Elle avait tant de choses à dire, pourtant elle garda le silence, la demoiselle voulait que ce soit sa mère qui parle en premier… principalement pour savoir ce qui s’était passé une fois qu’elle était partie et comment elle avait pu arranger la situation.

A son grand dam, sa mère prit son temps, enlevant la cape légère qu’elle avait prit et allant la ranger dans sa chambre. Lorsque la Vicomtesse revint dans le salon, elle se mit dos à sa fille, faisant mine de regarder par la fenêtre. Alexandrine sentie le chagrin monter, elle avait l’impression d’être la pire fille qu’on puisse avoir, c’était comme si elle avait enfoncé un poignard dans le cœur de sa mère.

Prêtresse

Si Elisabeth avait accéléré le pas en s’éloignant de l’assemblée réunie sans elle en ce jour, elle ralentit une fois hors de leur vue. Elle prit ensuite le chemin le plus direct pour rentrer au château le plus rapidement possible tout comme avait dû le faire sa fille. Lorsqu’elle avait été en vue de l’imposante bâtisse qui était la leur, elle avait déjà en tête les phrases précises qu’elle allait dire à sa fille… pourtant une fois le grand escalier qui menait à ses appartements dépassé, les mots lui échappèrent et lorsqu’elle franchit la porte, elle ne pût rien dire et alla directement dans sa chambre dans l’espoir que sa fille ne perçoive pas son trouble.

Sa première envie était de hurler, non pas de colère, mais plutôt de peur. Elle ne voulait pas que sa fille perde les moindres souvenirs, l’Oracle lui avait déjà volé un an de sa vie en la choisissant pour hôte. Alors quoiqu’il arrive, plus personne ne toucherait à la mémoire de son enfant dû-t-elle en payer le prix ! Elle déposa sa cape négligemment sur le lit et prit un instant pour se calmer. Elle avait beau y réfléchir, elle ne trouvait pas d’issue à cette situation. Elisabeth était convaincu qu’Alexandrine ne laisserait pas ses principes quel qu’en soit le prix et jamais Europe ne laisserait passerait une si belle occasion de récupérer le livre. Elle était prise entre deux feux, entre sa famille et son clan, même si le choix entre les deux serait vite fait, comme elle l’avait fait remarquer à leur Chef avant de partir de ce jugement.

Finalement, elle se décida à sortir, mais lorsque ses yeux se posèrent sur sa fille assise dans le salon, elle prit le parti de lui tourner le dos et faire mine de regarder par la fenêtre. Pourquoi sa fille ne lui avait-elle rien dit au sujet de cette rencontre ? Alexandrine ne pouvait pas avoir eu peur de sa réaction, alors quoi ? Se pouvait-il qu’il y ait eu quelque chose de vrai dans les paroles des celles qui s’étaient érigées en juges face à sa fille ?

Non, ce n’était pas possible, son enfant ne pouvait pas s’être lié d’amitié avec un Loewenstein ! Son cœur se serra, malgré cela elle prit un ton calme pour prendre la parole.

"Pourquoi ne m’as-tu rien dis au sujet de cette rencontre ?"

Finalement, cela avait sonné comme un reproche et elle s’en voulu à l’instant même où ces quelques mots avaient franchi ses lèvres. Elle alla s’installer à côté de sa fille, elle passa la main dans les cheveux en bataille de son enfant et l’embrassa doucement sur le front, comme lorsqu’elle avait fait un cauchemar étant plus jeune.

Puis elle la prit doucement dans ses bras comme pour la consoler. Ce simple lien suffit briser l’infime barrière qui s’était dressé entre elle à cause de cette histoire.

"Ne soit pas inquiète pas, nous allons trouver une solution."

Il allait sans dire qu’utiliser Adal ou faire perdre la mémoire à sa fille n’était pas une solution acceptable pour la Prêtresse d’Olrun. Mais elle trouverait, elle avait toujours fait en sorte que sa fille soit épargnée, pendant un temps elle avait cru avoir mal fait et qu’Alexandrine aurait des problèmes pour se débrouiller sans elle s’il venait à lui arriver malheur. Mais après sa prouesse d’aujourd’hui, Elisabeth se rendait compte qu’elle avait finalement fait de sa fille quelqu’un capable de se battre pour ses convictions qu’importe si personnes ne les partageaient… elle était comme son père !

Ce fut dans un murmure qu’elle souffla sa pensée à haute voix.

"Je suis si fière de toi, ma fille."

Aguerri(e)

Juste quelques mots lui brisèrent le cœur, ainsi sa mère lui en voulait réellement. Alexandrine ne put retenir une larme qui glissa sur sa joue avant d’être balayée d’un revers de main. Elle s’était promis d’être forte, elle posa de nouveau les yeux sur le portrait de son père – pour sa donner du courage.

Elle savait à présent qu’il était trop tard qu’elle aurait dû dire tout la vérité à sa mère en revenant ce jour-là. Pourquoi ne l’avait-elle pas fait ? Ce n’était pas comme si elle allait revoir Adal, peut-être juste la honte de s’être fait piéger par un membre du Lys Noir.

Puis finalement les gestes d’Elisabeth finirent par être les mêmes que lorsque sa fille se réveillait de ses cauchemars avec juste pour souvenir une intense terreur. La jeune femme su que la tempête était passée et que maintenant tout irait bien, il ne pouvait en être autrement, sa mère venait de le lui dire. Aux derniers mots de celle-ci, Alexandrine n’avait plus aucun doute sur le fait qu’elle devait lui dire la vérité.

"Je m’excuse Mère, mais je ne pensais pas que cela porterait à conséquence. Je pensais que cette histoire serait clause au moment où j’étais partie et que jamais elle ne reviendrait me hanter. J’avais tellement tort."

Cela ressemblait de plus en plus à des excuses de petite fille qui avait fait quelque chose de terrible sans penser à mal sur le moment.

"Je suis quelqu’un de responsable, j’avais cru que j’aurais pu m’en sortir sans toi. Mais je te remercie d’être là – toujours là."

Elle se blottit un peu plus dans ses bras. Avant de lui raconter toute l’histoire.

"Ce n’était pas un hasard si j’étais là-bas. Depuis quelque temps, je recevais des lettres anonyme…"

Elle sentit un infime tressaillement de se mère aussi se dépêcha-t-elle d’elle de s’expliquer.

"Non, ce n’était pas des lettres de menace. A vrai dire, elles sont plutôt tournées comme des lettres d’amour. Dans la mesure où elles n’étaient pas signée je n’y portais pas grande importance, pourtant les tournures de phrase font qu’on a grand plaisir à lire ses courriers."

Elle avait utilisé le "on" dans ses phrases sachant pertinemment qu’elle était la seule à les avoir lu (en dehors de la personne qui les avait écrites) et par conséquent c’était elle qui les aimaient, qu’importe qu’elle se retranche derrière quelques principes grammaticaux. Sa mère avait dû le percevoir au travers des mots de la demoiselle car elle caressa doucement les cheveux de sa fille comme pour l’apaiser et l’inciter à continuer.

"Et puis, il y a eu une lettre où il me donnait rendez-vous. Je voulais savoir à quoi il ressemblait, j’étais curieuse, c’est tout ! Alors je m’y suis rendue. Pour pouvoir le voir, je devais grimper à un arbre, une branche s’est cassée et j’ai chuté."

Elle parlait vite, trop vite sous le coup de l’émotion de revivre ce moment. Aussi elle fit une petite pause, plus pour reprendre sa respiration que pour laisser Elisabeth intégrer tout ce qu’elle lui disait.

"Il a entendu le bruit et il est venu, je ne savais pas que c’était lui ! Je te le jure ! J’ai cru qu’il allait me tuer !"

Sa mère l’interrompit doucement, resserrant son étreinte. Alexandrine avait l’air de paniquer, de revivre exactement la même chose que ce jour-là. La jeune femme savait que, contrairement à ses juges, sa mère la croirait lorsqu’elle disait qu’elle avait cru que sa vie était en danger.

"Crois-moi, je serais partie directement, mais en tombant je m’étais blessée à la cheville. Oui, c’est là que je suis blessée. On n’a fait que discuter, de rien… Il m’a dit qu’il voulait juste me parler et c’était tout. Au final, j’ai accepté qu’il m’aide à regagner ma monture, parce que je ne sais si j’aurais pu le faire tout seule."

Si elle avait su où tout cela la mènerait, il était naturel qu’elle ne se serait jamais rendu à ce rendez-vous ! Mais les regrets ne servent à rien, sa mère le lui avait suffisamment répéter pour qu’Alexandrine intègre ce principe comme si il allait de soi.

Prêtresse

Patiemment Elisabeth écouta sa fille, en essayant d’être posée et calme. Pourtant à l’évocation des lettres elle ne put s’empêcher d’avoir un frisson d’inquiétude qui la fit tressaillir. Elle les croyait menaçante, mais au final, il n’en était rien - des lettres d’amour d’Adal Loewenstein ? Elle avait vraiment du mal à y croire, il devait y avoir quelque chose derrière cela. Mais sa fille devait finir, si elle l’interrompait maintenant pour lui dire qu’elle n’aurait pas dû être aussi naïve et n’aurait jamais dû se rendre à ce rendez-vous, elle perdrait sa confiance.

Naturellement, elle ne douta pas un seul instant que sa fille lui racontait la vérité à présent. Ainsi lorsqu’elle avait été face aux autres, elle avait menti par omission, tout comme Alexandrine l’avait fait face à elle lorsqu’elle était rentrée et avait dit que sa blessure était dû à un chute sans rien détailler. Elisabeth ne l’avait pas questionné d’avantage, pourquoi l’aurait-elle fait ? C’était une facette de sa fille qu’elle ne connaissait pas et elle aurait menti si elle avait dit que cela ne la décevait pas un peu. Alexandrine avait perdu une part d’innocence aux yeux de sa mère.

"Très bien vous avez juste parlé, je te crois n’aie pas d’inquiétude."

Elisabeth ne dit rien sur le fait que sa fille avait manqué de prudence en allant seule à ce rendez-vous, mais Alexandrine se sentait visiblement assez coupable sans que sa mère ait besoin de lui faire la leçon une fois de plus.

Elle essaya d’imaginer la scène, sa fille chutant et ce jeune Loewenstein venant la secourir, c’était vraiment irréaliste ! S’il n’y avait pas eu toute cette histoire de procès et que sa fille se soit confiée à elle, la Vicomtesse se demanda si elle n’aurait pas cru à une farce.

"Tu n’as pas à t’excuser, tu n’as rien fait de mal. Maintenant, il vaut voir pour une solution. Très bien, quel genre de piège cela t’a-t-il semblé être ?"

Sa fille s’écarta un peu d’elle et leurs regards se croisèrent. Elisabeth vit clairement que sa fille n’avait pas compris sa question.

"Je veux dire, vous avez parlé, mais il fait partie du Lys Noir, aussi il avait forcément une idée en tête en voulant te rencontrer. Peut-être t’inviter à trahir ton clan une fois qu’une confiance suffisante vous aurait uni ? Ou avoir quelques renseignements au fil de la conversation, pour les rapporter à sa mère et être enfin proche d’elle ?"

Son sang se glaça d’avoir prononcé ces mots, sa fille avait vraiment été en danger avec cet individu ! Qu’avait encore imaginé la famille de la Meneuse pour mettre la sienne en danger ? Même après tout ce temps, la haine qu’elle avait envers cette femme ne s’était en rien atténuée. Et pourtant, elle avait essayé de ne pas trop lui en vouloir, de ne pas lui tenir rigueur des malheurs qui s’abattaient sur Forbach. Rien n’y avait fait, c’était au-dessus de ses forces de pardonner à cette femme ! Elisabeth était pourtant persuader que c’était ce qu’aurait voulu son défunt mari, mais elle ne pouvait s’y résoudre, trop de choses, de souvenirs – de mauvais souvenirs – à cause d’une seule et même personne venait la hanter.

Aguerri(e)

Même si elle savait que sa mère lui faisait confiance, l’entendre le dire à haute voix la rassura. Et puis la jeune femme fut également soulager qu’elle abonde dans son sens et qu’elle souligne le fait qu’elle n’y était pour rien et qu’elle n’avait pas d’excuse à faire. C’était en partie vrai pour elle, Alexandrine ne s’excusait pas d’être allée au rendez-vous, mais plutôt du fait qu’elle n’ait rien dit à sa mère lorsqu’elle était rentrée ce jour-là.

Pourtant la demoiselle ne comprit pas où sa mère voulait en venir lorsqu’elle demanda quel piège s’était. Lorsqu’elle entendit sa mère prononcer les mêmes mots qu’elle avait pensé lors de sa rencontre avec Adal, sans savoir exactement pourquoi elle s’insurgea.

"Ça n’était pas du tout un piège, il voulait juste parler !"

Qu’est-ce qu’il y avait de compliqué ? Pourquoi cela paraissait-il tellement invraisemblable que le jeune homme ait juste voulu lui parler ?

"Il n’est pas comme sa mère. Je t’ai écouté – toi et les autres de notre clan. Je sais ce qu’elle a fait, mais lui, il n’y est pour rien ! Il est vrai qu’il appartient au…"

Elle avait failli commettre une faute d'irresponsable. Sa mère lui avait bien dit de ne jamais citer à haute voix des choses interdites, comme le nom des clans par exemple, car on ne pouvait jamais savoir qui pouvait vous entendre.

"Il a fait ça parce que sa mère en fait partie, tout comme moi, j’ai suivi vôtre voie. Mais c’est quelqu’un de gentil !"

Sa mère la regardait, c’était à son tour de le ne plus comprendre. La Prêtresse d’Olrun ne disait mot, fixant sa fille. Alexandrine aurait voulu que sa mère fasse la connaissance d’Adal, après tout, si Alicia était quelqu’un de foncièrement mauvais au vue de ses actions passées. Il n’en était pas de même pour son fils, du moins celui qu’Alexandrine avait rencontré. Après tout, il avait pu hériter tout cela de son père, le Comte de Forbach, non ?

Alexandrine se força à respirer lentement, c’était la première fois qu’elle tenait tête à sa mère, peut-être que la confrontation dans la forêt lui avait donné ce courage ou plutôt de la témérité.

Un bruit venu du couloir les surprit, peut-être l’écho d’un plateau rempli qu’on avait reversé quelque part dans le château. Dehors la pluie commença à tomber, venant frapper les carreaux à intervalles réguliers. La demoiselle se retourna subitement, se dirigeant vers sa chambre et en revint avec le portrait que le jeune Loewenstein avait fait d'elle.

"Adal n’est pas un sorcier, c’est un artiste !"

Elle posa alors le tableau sur la table basse qui était placée devant le canapé où se tenait sa mère. De cette manière, celle-ci pouvait voir à quel point Adal avait du talent.

"Ce jour, là, il n'a pas posé de question sur Olrun, il n'a pas cherché à me vanter les mérites de son clan. Il m'a juste parlé un peu de lui..."

Elle vit de l'inquiétude dans le regard de sa mère lorsqu'elle prononça ces mots.

"Soit rassurée, je ne lui ait rien dit sur moi."

*Non, parce qu'il semblait déjà bien me connaître.*

"Ensuite, comme j'étais blessée il m'a aidé à regagner ma monture. Pourquoi est-ce si difficile à croire, qu'il n'avait pas d'intention cachée en provoquant cette rencontre ?"

Prêtresse

La situation lui échappait, Elisabeth ne comprit pas pourquoi brusquement sa fille avait pris ce ton pour lui parler de ce jeune homme. Eut-il été possible qu’Alexandrine soit déjà sous l’emprise de ce garçon ? Non, ce n’était pas cela, elle se targuait d’assez bien connaître sa fille et elle savait qu’elle avait suffisamment de jugeote pour ne pas se laisser manipuler par des individus comme les membres du Lys Noir. Au moins qu’ils ne se soient vu plus d’une fois… Encore une fois, non, Alexandrine ne savait pas mentir, c’était une qualité aux yeux de sa mère. Aussi la Prêtresse savait que la jeune fille lui avait dit la vérité lorsqu’elle avait résumé son unique rendez-vous avec Adal, mais cela signifiait également que sa fille pensait ce qu’elle disait à cet instant sur ce jeune homme.

D’ailleurs, dans son emportement, Alexandrine avait failli prononcer le nom de l’autre clan. Même si sa fille avait toujours été impulsive, elle avait malgré tout toujours fait preuve de prudence vis-à-vis de leur secret. Aussi Elisabeth commença à avoir peur pour son enfant, à mesure des mots de celle-ci, elle avait l’impression que la jeune femme s’éloignait d’elle. Et puis finalement, une fois qu’elle eut réussi à rassembler ses esprits pour bien assimiler chaque mot qu’Alexandrine prononçait, elle comprit. Sa fille défendait juste le fait qu’Adal n’était pas coupable des actes de sa mère et qu’elles n’avaient pas à le juger sans le connaître.

C’était une idée rassurante et pleine de vérité, même si Elisabeth se dit que c’était perdu d’avance, avec une mère comme Alicia Loewenstein et un beau-père comme Lorenzo Maestriani, comment cet enfant aurait pu avoir la moindre chance d’avoir des valeurs d’honnêtes gens ?

Lorsque Alexandrine planta le portrait que le jeune homme avait fait d’elle, Elisabeth fut stupéfaite. On aurait presque cru que sa fille avait posé tellement chaque détails étaient vraisemblables et ressemblants. C’est alors qu’une conversation lui revint en mémoire, avec un jeune homme qui se disait être l’ami d’Adal et qui lui avait dit que celui-ci peignait admirablement. Elle devait bien avouer que cela était vrai, même si elle vérifierait par la suite – en dehors de la présence de sa fille – si la toile n’était pas piégée (même si c’était peu probable au vue des protections dont bénéficiait ses appartements).

Les mots d’Alexandrine résonnèrent dans l’esprit de sa mère, la faisant doucement sourire.

"Ces mots ton père aurait pu les dire."

Oui, Adrien aurait pu les dire et pour la même cause ! Elisabeth enviait sa fille de pouvoir encore penser que ceux qui l’entouraient, d’où qu’ils viennent, puissent être sincères. A part dans les yeux de sa fille, cela faisait bien longtemps qu’elle ne voyait plus dans les autres que des manipulateurs ou des moutons de Panurges.

"Peut-être as-tu raison, mon enfant, sans que je te le dise que je sais que tu feras ce qu’il faut… mais je tiens quand même à te dire ces mots à haute voix. Sois prudente, ma fille."

Elle se leva et rejoint sa fille, la regardant droit dans les yeux sans une hésitation dans la voix.

"Quoi qu’il se passe, je serais là."

En fait ce qu’elle aurait aimé dire c’était que si elle qui avait raison et que sa fille se brûle les ailes à faire confiance à cet individu, elle sera là pour la consoler. Accessoirement, Adal serait sur sa liste noire et payerait cher le fait d’avoir blessé son enfant chérie !

Mais pour l’heure, elle devait juste laisser Alexandrine suivre sa propre voie, où que cela puisse la conduire. C’était probablement le moment le plus difficile lorsqu’on était parent, celui où es enfants s’éloigne tant qu’on ne peut qu’être là que pour soigner leurs blessures et pas pour leur éviter d’être blessé.

Aguerri(e)

Alexandrine craignit un instant que sa mère ne s’emporte ou ne lui manifeste que de l’incompréhension. Il fallait dire que ses propos semblaient vouloir donner raisons à Europe et aux autres. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle les avait tus lors du procès même si elle les pensait déjà. Face à sa mère, elle avait été sincère. Elisabeth avait toujours été de bon conseil pour sa fille, mais aujourd’hui la jeune femme savait qu’elle avait raison.

Le cœur de la demoiselle fit un bond lorsque sa mère lui dit que son père aurait pu prononcer ces mots. Un élan de fierté l’envahit comme jamais auparavant et elle était persuadée que c’était sans doute le plus beau des compliments que celle-ci puisse lui faire au vue de l’attachement qu’elle lui portait toujours.

C’est lorsque sa mère prononça la phrase suivante qu’Alexandrine su qu’elle avait la pleine et entière confiance de sa mère, même si celle-ci s’inquiétait visiblement pour elle. Alexandrine se rendit compte qu’il n’y avait rien au monde qu’elle puisse faire qui éloignerait sa mère. Aurait-elle trahi son Clan que sa mère serait toujours à ses côtés, c’était à présent une certitude dans l’esprit de la jeune femme.

C’était vraiment une situation nouvelle pour elle, contrairement à Elisabeth qui avait traversé bien des tempêtes dans sa vie, Alexandrine n’avait eu tout au plus que des bourrasques. Mais là tout était différent, si elle avait été l’unique personne menacée dans cette histoire, elle ne s’en serait pas trop souciés, mais quoi qu’il arrive et quoi qu’elle fasse, il y aurait également des répercutions sur sa mère … et sur Adal.

On ne pouvait pas dire qu’elle était maître de la situation, loin de là, mais c’était à elle et a personne d’autre de régler ce problème et finalement, Alexandrine était reconnaissante envers sa mère de la laisser gérer cela. La Vicomtesse aurait très certainement pu mettre fin à toute cette mascarade rapidement, en menaçant Europe… ou peut-être Adal, pour l’éloigner de sa fille. Alexandrine n’en aurait probablement rien su et aurait continué sa vie candide. La jeune femme n’était pas naïve au point de ne pas savoir que sa mère n’était pas un ange et qu’elle avait protégé sa famille ou son clan avec des moyens parfois limite. Elle savait également que sa mère connaissait les jeux de manipulation et de diplomatie qui se jouent à la Cour du Roi ou à celle de Forbach… bien qu’Elisabeth ait moins d’égard envers le Conti qu’envers son Roi.

Ce moment en était presque magique tellement leur complicité était presque palpable. Ses pensées l’avait conduit bien loin d’Adal et de ce qu’elle devrait faire pour ne pas avoir à le manipuler sans toutefois devoir en perdre la mémoire. Sa mère la ramena à la réalité en lui enlevant le tableau des mains et en le posant délicatement sur le fauteuil qui était dans leur dos. Elles allèrent ensuite s’asseoir de nouveau sur le canapé, le temps de la complicité était fini, venait celui de la réflexion.

"Je serais prudente, Mère, je vous le promets."

Bien qu’elle ne jugeait pas le jeune homme sur les actes de sa mère, Alexandrine connaissait tout ce qui s’était passé entre la Meneuse du Lys et sa famille. Aussi, la confiance d’Alexandrine, Adal devrait la gagner… enfin, non, puisqu’il fallait qu’elle trouve une solution pour qu’ils ne se voient plus… plus jamais !

Prêtresse

Elisabeth espérait sincèrement qu’elle avait raison et que sa fille ne courrait aucun danger du fait de sa décision de la laisser gérer cela toute seule. Enfin, c’était une inquiétude que chaque parent avait en permanence pour ses enfants et la Vicomtesse ne s’inquiétait pas moins pour son fils en Bourgogne que pour celle qui était à ses côtés. Elle parait juste à une situation de danger à court terme.

La Dame savait que sa fille s’en sortirait très bien, elle avait l’intelligence nécessaire à ce type de situation. D’ailleurs, les mots que la demoiselle avait employés pour convaincre sa mère avaient été l’écho de ceux prononcés par son père lorsqu’il lui avait appris qu’il était sorcier. Il avait voulu faire en sorte qu’elle rejoigne le Clan d’Olrun alors qu’elle était enceinte de cette enfant qui se trouvait à présent en face d’elle. Se pouvait-il que la petite ait entendu ou est-ce juste une coïncidence du fait qu’Alexandrine avait une vision du monde assez proche de celle de son père ? Nul ne pouvait le dire.

Elisabeth savait de quelle façon, elle aurait réglé le problème, mais – même si celle-ci lui demandait – elle n’en toucherait pas un mot à Alexandrine. Pour n’avoir aucuns regrets, la jeune femme devait entreprendre les actions selon sa vision des choses et au gré de son caractère.

"Très bien, reste à trouver l’inspiration ! Alors qu’elle idée splendide va sortir de ce si bel esprit ?"

Après ces quelques moments de complicité intense, l’ambiance était redevenue légère et Elisabeth avait le ton de la plaisanterie, même si son compliment était sincère. Cela fit sourire sa fille, celle-ci fit mine de réfléchir avec un sérieux digne d’une enfant de quatre ans. Le rire d’Elisabeth s’envola alors dans la pièce, discret et distinguée, tout comme sa propriétaire.

La confrontation d’idée était le meilleur moyen de trouver parmi des idées farfelues – voir même ridicules – de trouver la perle, tout en s’amusant un peu. Cela ne pourrait pas faire pas de mal après une journée pareil ! Peut-être qu’il n’en ressortirait qu’un bon moment passé entre elles, mais ce serait au moins ça.

Elle avait hâte d’entendre ce que sa fille avait à proposé, même si elle ne le montrait pas. Il était inutile de faire sentir à Alexandrine qu’elle devait trouver une idée sublime pour impressionner au plus grand point sa mère ! Surtout qu’en ce qui concernait Elisabeth, quelque soit l’idée, du moment qu’elle venait de sa fille, serait à même d’être menée à son terme.

"En tout cas, si il te faut de l’aide, je suis volontaire ! Je pourrais même me glisser dans la peau de quelqu’un d’autre pour faire une quelconque diversion, qu’en penses-tu ma chérie ?"

En réalité, Elisabeth se voyait assez mal se travestir et espérait bien que le plan que sa fille mettrait sur pied ne demande pas à ce qu’elle fasse. Cependant, si elle devait le faire, elle n’hésiterait pas ! Il n’y avait rien qu’on ne puisse faire pour venir en aide à un être cher – en particulier pour son enfant !

Aguerri(e)

Elisabeth ayant pris le ton de l’amusement, il fut naturel pour Alexandrine de prendre la posture d’une enfant qui réfléchit sur un problème vital. Elle essayait réellement de trouver une idée géniale pour se sortir de cette situation – et pour impressionner sa mère, par la même occasion. Même si Elisabeth pensait que c’était une première, sa fille savait qu’elle avait déjà eu à faire des choix et d’en assumer les conséquences dans certaine situation que sa mère devait ignorer. Seulement, rien n’avait jamais été aussi menaçant que ce qu’elle vivait là – hormis peut-être l’Oracle, mais la demoiselle n’en gardait aucun souvenir.

Sa mère avait foi en elle, Alexandrine aurait aimé avoir la même certitude sur sa capacité à régler la situation. L’inquiétude commençait à s’immiscer dans son esprit et elle avait beau y réfléchir, elle ne parvenait pas à trouver une échappatoire à tout cela. Elle allait finir avec la mémoire vide si elle continuait comme ça ! L’idée de faire fi de ses principes et de se jouer du garçon ne lui vint même pas à l’esprit.

La Vicomtesse reprit la parole, ce qui la sortie de ses pensées. Après ses paroles, elle imagina sa mère en pirate ou en fille du peuple… mais aucune de ses images n’était très convaincante tant la prestance d’Elisabeth ne pouvait disparaître d’un coup. Elle était consciente que si il le fallait vraiment, elle pourrait demander à sa mère d’intervenir, mais elle gardait à l’esprit que cette solution ne serait envisageable qu’en tout dernier recourt.

"Non, je ne pense pas que puisse passer inaperçue où que tu ailles et quelque soit ce que tu portes… Désolée de briser tes espoirs d’aventure."

En tout cas, maintenant que l’atmosphère était plus détendue, Alexandrine était plus sereine.

"En tout cas, je suis soulagée que tu ne m’en veuilles pas. Maintenant que la situation est clarifiée entre nous, j’ai l’esprit plus libre pour réfléchir au cas « Adal » "

Son ton n’avait rien de péjoratif, elle avait trouvé cela amusant de le nommer ainsi, cela faisait aventure, même si elle avait conscience qu’on jouait bel et bien dans la réalité et qu’elle risquait les souvenirs de toute une vie.

Malgré cela, pas un seul instant elle n’en avait voulu au jeune homme. Après tout, cela aurait été facile de reporter le tort sur cet ennemi ! C’était avec ses lettres que tout avait commencé, mais Alexandrine avait appris a assumé ses responsabilités et reporter la faute sur autrui était une solution de facilité à laquelle la demoiselle ne succomberait pas.

Le silence dura, installant le calme et la quiétude dans la pièce. Tout était tellement tranquille dans son entourage alors que son esprit était en pleine action pour pouvoir contrer la demande d’Europe. Alexandrine ne se leurrait pas, même si ses juges étaient trois c’était surtout de la Grade Prêtresse qu’émanait ce plan ridicule !

Il fallait qu’elle trouve quelque chose pour qu’il n’y ait plus de rencontre. Peut-être lui écrire une lettre où elle lui dirait qu’elle ne voulait plus le revoir ? Non, cela ne pouvait se faire, on saurait qu’elle était à l’origine de la rupture et si Europe venait à l’apprendre, elle risquait de mettre sa mère dans une position difficile. La jeune femme savait qu’elle aurait beau prendre toutes les précautions, Europe pourrait savoir ce qu’il se passait d’une façon ou d’une autre… elle avait bien su pour sa rencontre avec Adal.

Très bien, donc il fallait qu’ils se rencontrent, encore une fois et qu’ensuite… Oui ! C’était cela, elle avait trouvé. Elle se pencha et murmura quelques mots à l’oreille de sa mère. Celle-ci eut un sourire et acquiesça de la tête à l’idée de sa fille.

Très bien il ne lui restait plus qu’à trouver le courage de demander une entrevue au jeune homme et tout serait finit !

~~ FIN ~~

-- > L'aube : lorsque le soleil a rendez-vous avec la lune