La lettre a été remise à un serviteur en main propre par son expéditeur. Il n’y a qu’un nom sur l’enveloppe qui contient surement une lettre et qui est cachetée d’un sceau royal représentant l’Enquêteur qui en est le propriétaire. Un mot du serviteur accompagne la remise de la lettre, comme quoi que l’intéressé viendrait s’enquérir une éventuelle réponse dans quelques jours, s’il devait y en avoir une.

Citation :

23 Mars 1644

A l’attention de mademoiselle Inès Gallois,

Comment allez-vous ? Vous remettez-vous bien depuis notre rencontre ? J’ai conscience de l’incongru de cette lettre, mais néanmoins il me semblait très maladroit de ne pas m’enquérir de votre santé après ces quelques jours passés dans la demeure de Madame Europe Eléanora-Sun. Je voulais également vous prévenir que je m’étais permis de jeter un regard à votre boutique pour vérifier si je ne pouvais trouver quelques preuves ou indices qui m’auraient permis de remonter la piste de l’Agent du Diable. Je me suis permis sans vous demander la permission au préalable pour éviter d’avoir à attendre trop longtemps, la curiosité des autres personnes pouvant réduire à néant les quelques traces qui auraient pu être exploitable. J’espère néanmoins que vous ne prendrez pas ombrage de mon audace. Sachez toutefois que je me suis contenté d’observer votre boutique et ne me suis pas permis d’entrer dans votre intimité sans votre accord explicite, mais je suis convaincu que nous pourrons éventuellement en parler dans quelques jours lorsque vous irez mieux.

En gage de gratitude, j’aimerais vous faire part de mes trouvailles et de mes avancées, néanmoins il n’y avait, à part quelques fibres de tissus pas vraiment exploitables et quelques empreintes déjà à moitié effacées en direction de l’étang, pas grand-chose à déceler. N’ayez cependant aucune crainte, l’étau se resserre autour de votre agresseur et je veillerais à ce qu’il paie pour l’ensemble de ses meurtres et de ses agressions. Vous serez vengée. J’espère seulement que vous n’essaierez pas de faire justice vous-même, ce serait malvenu, car vous devriez semblable à lui et vous ne seriez pas satisfaite de cela. N’oubliez pas que d’autres personnes désirent sa mort, il serait bien égoïste de penser que vous êtes la seule à vouloir vous venger. Qui plus est, croyez-moi, cela n’apporte rien, du moins rien de ce que l’on peut espérer lorsque l’on désire se venger, et je parle en connaissance de cause.

Comme je vous l’avais déjà dit, et comme le serviteur qui a prit ma lettre a du surement vous le dire, si vous désirez me répondre, laissez lui votre lettre, je viendrais la récupérer moi-même dans quelques jours. Néanmoins, ne vous sentez pas obligée de répondre.

En espérant sincèrement que vous vous remettrez rapidement,

Avec ma cordiale affection,

Owen Josh Lock Mansholther,
Enquêteur Royal.

Pour avoir elle-même utilisé ce sceau quelques jours plus tôt, Inès le reconnut immédiatement. Dès que le messager lui tendit la missive, elle l'ouvrit, la lut puis y répondit aussitôt.

Citation :

23 mars 1644

A l'attention de Monsieur Owen Mansholther, Enquêteur Royal.

Monsieur,

J'ai été agréablement surprise de recevoir une lettre de votre part. Je vous remercie de vous enquérir de mes nouvelles, et je vous retourne la question. Comment vous portez-vous ?
Mes blessures guérissent, du moins celles qui ne sont que physiques. Même si mon corps guérit, je crains que les blessures infligées à mon âme ne restent ouvertes plus longtemps. Je fais de mon mieux pour passer à autre chose, et mon séjour au Manoir Eléanora-Sun contribue grandement à me changer les idées. Je tiens d'ailleurs à vous rassurer : je ne chercherai nullement à me venger, même si je vous avoue sans hésiter que l'envie d'arracher les boyaux de ce monstre m'a plus d'une fois traversé l'esprit. Je préfère pourtant laisser la justice faire son oeuvre, ainsi toutes ses victimes seront vengées.

Je ne vous en veux pas d'avoir fouillé mon échoppe. Après tout, elle est une scène de crime. Et je vous remercie d'avoir préservé mon intimité, car bien que je n'ai rien à vous cacher, il est une chose de savoir que son lieu de travail a été fouillé, il en est une autre si c'est le domicile qui est violé.
Vous avez d'ailleurs dû croiser un domestique du Manoir, venu avec quelques ouvriers pour effectuer quelques réparations avant que l'idée de piller ma boutique n'effleure les voisins...

Je ne suis pas encore tout à fait en état de sortir, mais dès que je me sentirai prête, je viendrai vous voir. J'ai encore ma déposition exacte à faire, et je ne vous ai toujours pas remercié comme il se doit pour m'avoir sauvé la vie, ce jour là, au bord du lac...

Bien à vous,

Inès Gallois.

L’Enquêteur est repassé quelques jours plus tard, le domestique accusant alors réception à la jeune femme. Les jours passent pourtant sans réponse, jusqu’à la semaine suivante où le même domestique rapporte une nouvelle lettre portant le même sceau que la première.

Citation :

30 Mars 1644

A l’attention de mademoiselle Inès Gallois,

Je suis ravi de savoir que vous vous portez de mieux en mieux physiquement. Je sais que les blessures infligées à votre âme seront plus longues à guérir, mais je suis convaincu que votre force de caractère et votre volonté de vivre vous aideront à les cicatriser au plus vite. Je suis également certain que vos amis ne manqueront pas de vous soutenir dans cette épreuve difficile et qu’ils seront d’un précieux secours dans cette entreprise. N’abandonnez pas, les choses s’arrangeront avec le temps, ce n’est qu’une affaire de volonté – ce que vous avez assurément – et de patience, ce qu’il vous faudra peut-être apprendre à acquérir mais vous verrez, ce n’est pas le plus difficile à obtenir.

Pour moi-même, je dois admettre que je me porte pour le mieux. Chercher des indices et interroger des témoins me fait prendre le frais souvent et la marche à pieds me tient plus en forme qu’on ne pourrait le suggérer. Je suis également soulagé de savoir que vous ne chercherez pas à vous venger personnellement, j’aurai été quelque peu peiné de vous avoir sauvé une nuit pour vous retrouver morte une autre, défaite par un adversaire qu’il serait indécent de vouloir défier sur son terrain. Je veillerai à ce que la Justice face son travail pour tout le monde, croyez-moi.

J’ai effectivement croisé un domestique et des ouvriers alors que je quittais l’échoppe. Vous avez eu une bonne initiative, même si je songeais à faire garder votre maison par un de mes hommes histoire de vous tranquilliser complètement. Quant au témoignage, ne vous inquiétez pas, j’ai déjà fort à faire. Prenez le temps de vous reposer pleinement, nous reviendrons sur cet incident lorsque vous vous en sentirez le courage. Et, s’il vous plait, renoncez à me remercier, je n’ai fait que mon devoir et mon action était à la base peut-être plus une opportunité égoïste qu’un véritable élan de secours charitable inné.

Reposez vous bien,
Avec ma cordiale affection,

Owen Josh Lock Mansholther,
Enquêteur Royal.

Inès avait été bien trop occupée pour répondre à la missive de l'enquêteur dès sa réception, aussi ne put-elle y répondre que trois jours plus tard...

Citation :

2 avril 1644

A l'attention de Monsieur Owen Mansholther, Enquêteur Royal.

Monsieur,

J'ai le plaisir de vous annoncer que depuis quelques temps, je me porte beaucoup mieux. Ma cheville foulée semble guérie, et mon bras me fait moins souffrir qu'avant. Je me remets beaucoup mieux que je ne le pensais.
Mon moral va mieux aussi, et bien qu'il me soit encore difficile de repenser à cette horrible matinée, je vous exprime ici mon désir de vous revoir afin d'en parler avec vous. Je ne sais si ce que je vous dirai sera matière à faire avancer votre enquête, mais j'ai espoir que ma maigre contribution puisse, sinon vous conduire jusqu'au coupable, au moins contribuer à vous montrer la voie.
Je passerai vous voir d'ici quelques jours, aussi ne vous inquiétez pas si vous me trouvez chez vous en rentrant un de ces soirs.

Cordialement,

Inès Gallois