Visite surprise... Ou pas. [Chez Owen]

Enquêteur Royal

Face à la fenêtre située derrière son bureau, la raison d'Owen, réintégré à sa personnalité, recommençait à fonctionner à plein régime. L'esprit de l'aventure ? Et puis quoi encore ? L'enquêteur se rappela de quelques propos de son ami médecin sur l'amour. Pour lui, il y avait les sentiments, bien entendu, mais il semblait également y avoir des phénomènes bel et bien physiques qui se déclenchaient. Le fait que le cœur batte plus fort lorsque l'on embrassait quelqu'un envers qui ont avait de l'affection en était certainement le plus bel exemple. Pour lui, il semblait évident que ce n'était pas la seule cause/conséquence. Après tout, il semblait assez idiot de dire que les animaux en général étaient dotés de sentiments et que les relations animales n'étaient pas simplement dues à des phénomènes physiques et naturels. L'homme étant une version évoluée de l'animal, on pouvait difficilement croire qu'il avait perdu l'ensemble de ces traits-là. Peut-être s'étaient-ils un peu effacés avec le temps, mais le désir inhérent à la majorité des gens de fonder une famille était probablement le reflet de cette animalité qui coulait forcément un peu dans nos veines. Notre corps ne réagissait-il pas d'une certaine manière face à la « femelle » ou au « mâle » qui nous attirait ? N'avions-nous pas un comportement « bizarre » dans ce cas ? Probablement.

Owen était d'accord avec la réflexion de son ami, mais pouvait-il la calquer sur la situation actuelle ? Là était probablement la question. Inès était-elle cette femme qui l'attirait ? Il y avait indéniablement un certain charme en elle et il devait bien admettre également qu'il avait fait, pour elle, des choses qu'il n'aurait jamais fait en temps normal, comme, par exemple, la ramener chez « lui ». La question fondamentale était maintenant, pourquoi avait-il fait quelque chose comme ça ? Et surtout, plus encore, pourquoi pour elle et pas une autre ? Était-ce le fait de la voir ainsi, presque morte, fragile et malmenée au bord de l'étang ? Était-ce justement cette proximité qui avait fait que ? Ou simplement la curiosité ? Celle d'avoir rencontré une femme, différente, et fondamentalement intéressante? Beaucoup de questions se pressaient dans la tête d'Owen et, s'il n'y avait pas tant été habitué, il aurait surement été victime d'un sérieux mal de crâne. Mais là où certains pouvaient voir une incohérence d'action, l'enquêteur ne voyait qu'une absence de logique, une logique existante mais sur laquelle il ne parvenait pas encore à mettre le doigt. Cela finirait par arriver, il comprendrait. Comme pour l'affaire de l'Agent du Diable, cette histoire serait mise en pleine lumière et tout deviendrait limpide.

Il fut néanmoins interrompu dans ses pensées alors qu'elle se levait du lit pour se rapprocher de lui. Les pas de la jeune femme le fit se retourner vers elle. Elle semblait garder une certaine distance avec lui, comme si elle aussi semblait désorientée par ce qui venait de se passer. Pourtant cela n'avait rien de bien dramatique, il ne s'agissait que d'un homme et d'une femme qui s'étaient embrassés. Elle-même ne savait trop si elle devait rester ou partir, apparemment et lui demanda si elle pouvait lui poser une question. Restant dans un mutisme consentant, Owen l'écouta lui demander si elle avait été la seule à ressentir quelque chose lors de leur baiser. L'homme ne put toutefois pas avoir le loisir de répondre avant qu'elle n'estime sa question stupide et n'aille se saisir de son manteau. Alors qu'elle lui tournait le dos, il fit quelque pas dans sa direction, posant ses mains sur ses épaules recouvertes de son manteau.

« - Votre question n'a rien de stupide, mais je ne suis pas certain de pouvoir vous décrire convenablement ce que j'ai ressenti. Pour être franc, je crois même n'en avoir aucune idée. »

il enleva ses mains de ses épaules et reprit:

« - Maintenant si vous désirez partir, laissez moi le temps de mettre mon manteau. »

Joignant le geste à la parole, il tendit une main pour se saisir de son long vêtement de cuir.

Prêtresse

Elle sentit les mains d'Owen sur ses épaules, et à ce contact elle se figea. Il lui avoue ne pas savoir ce qu'il avait ressenti lorsqu'ils s'étaient embrassés. Cela voulait tout de même dire qu'il avait ressenti quelque chose, ce qui était une réponse en soi. Elle garda la tête baissée, sans un mot. Puis, il ajouta que si elle désirait rentrer, elle devrait attendre qu'il ait enfilé son manteau. Alors qu'il se saisissait de son cuir, elle se tourna vers lui. Il ne comprenait pas. Il ne LA comprenait pas !

"Je n'ai PAS envie de partir, Owen ! En fait je... Je ne sais plus ce que je veux ! Ce qui c'est passé entre nous... Ça m'a complètement chamboulée ! Je ne sais plus où j'en suis, je suis totalement perdue. Je n'ai pas envie d'être loin de vous, pourtant il le faudrait, pour que je puisse réfléchir et avoir les idées claires. Oh, que je suis idiote !"

Elle se retourna de nouveau, dos à lui, en serrant les poings. Attention, elle ne regrettait aucunement de l'avoir embrassé, simplement, elle ne savait pas ce qu'elle éprouvait à cet instant. Ce ne pouvait être de l'amour. Non, impossible, il se connaissaient à peine ! Et pourtant...
Dans un murmure, elle ajouta.

"Je crois que je suis en train de m'attacher à vous, et ça me fait peur."

Voilà, c'était dit. Si par miracle il ne s'en était pas encore rendu compte, maintenant elle le lui avait clairement exprimé. Elle se tourna de nouveau vers lui, les joues rougies par toutes ces émotions qui lui tourneboulaient l'esprit.

"Oui, je m'attache à vous, et ce qui m'effraie, c'est que ce ne soit pas réciproque."

Elle mourait d'envie de se jeter dans les bras de l'enquêteur, mais son bon sens la retenait. Elle n'osait plus se laisser aller, par peur d'être déçue. S'il faisait le premier pas, alors elle suivrait sans hésitation, mais elle-même était incapable de prendre une décision, et son hésitation était évidente...

Enquêteur Royal

Owen était loin de s'imaginer qu'une véritable tempête était à l'œuvre dans l'esprit d'Inès. Se contentant d'appréhender les choses rationnellement, il prenait les faits et les observations comme ils venaient et s'attachait à les classer, les ordonner, les expliquer. Bien entendu, pour le moment, la phase explicative restait quelque peu vierge, mais il ne doutait pas qu'avec plus de temps devant lui, il pourrait expliquer ce qu'il s'était passé et ce qui se déroulait à présent. Avec un tel état d'esprit, comment s'imaginer que le commun des mortels, dont ne faisait pas vraiment partie Inès, mais dont elle faisait partie pour lui, ne puisse pas raisonner de manière identique ? Owen concevait que peu de personnes raisonnaient comme lui, mais néanmoins, de là à céder à un vortex de questionnements ou de contradictions, il y avait un pas de réflexion qu'il n'aurait jamais franchi. Pourtant, n'avait-il pas lui-même cédé à quelque chose d'autre que la raison lorsqu'il l'avait embrassé ? Non, probablement pas, il n'avait juste pas encore mit le doigt sur cette fameuse raison, mais il finirait par comprendre.

Mais, visiblement, la jeune femme ne fonctionnait pas comme lui, vraiment pas. Alors qu'il se saisissait de son manteau, elle se retourna vers lui, affirmant qu'elle ne voulait pas partir, ou tout du moins qu'elle ne savait pas vraiment si elle voulait le faire ou non. Elle semblait complètement embrouillée dans ses pensées. Apparemment ce baiser l'avait également perturbée mais autant Owen était resté très cartésien et méthodique dans ses raisonnements, autant Inès était complètement dépassée par ses idées et pensées. Une telle réaction était étonnante, de ce qu'il avait vu d'elle, il n'aurait pas pensé qu'elle puisse réagir ainsi. Lorsqu'elle se retourna à nouveau, lui tournant le dos, il reposa lentement son cuir sur le porte-manteau tandis qu'il l'observait, serrant les poings. Elle essayait probablement de reprendre le contrôle d'elle-même, mais était-ce seulement possible ?

Les révélations continuèrent. Elle lui avoua avoir peur de s'attacher à lui. Qu'est-ce qui pouvait motiver une crainte pareille ? Il n'eut pas l'occasion de réellement s'y intéresser puisqu'elle se retourna presque aussitôt pour renchérir en lui disant qu'elle avait peur de s'attacher à lui car elle craignait que ce ne soit réciproque. Attendait-elle qu'il réponde à cela ? Que pouvait-il répondre ? Voulait-il s'attacher à elle ? Il n'en savait rien. Il avait lui-même beaucoup d'interrogations dans son esprit, des interrogations qu'il contrôlait, contrairement à Inès, mais dont il ne pouvait apporter guère plus de réponses. Toutefois, fallait-il nécessairement apporter des réponses à tout ? L'enquêteur ressentit la même pulsion que lors de son baiser. Il tenta de résister, de la ralentir pour l'observer, mais encore une fois, sa raison fut propulsée hors de lui, et il s'en retrouva démunie alors qu'il prenait la jeune femme contre lui, l'enlaçant délicatement d'un bras et amenant sa tête contre sa poitrine d'une main délicate dans ses cheveux.

« - Partager ses craintes et le meilleur moyen d'y faire face, Inès. »

La raison réincarnant l'esprit d'Owen, il put enfin analyser la situation dans laquelle il était, enlaçant la jeune femme. Hélas, s'il pouvait analyser toutes les conséquences de son acte, il ne parvenait toujours pas à mettre le doigt sur la raison de celui-ci, car elle venait à nouveau de lui échapper.

Prêtresse

Owen était aussi cartésien qu'Inès était une passionnée, voilà pourquoi il ne pouvait comprendre ce qui se passait dans l'esprit de la demoiselle. Lorsqu'elle faisait quelque chose, quoi que ce put être, elle y plongeait véritablement corps et âme, quitte à en ressortir brisée en mille morceaux. Et c'était cette passion qui l'animait qui rendait ses réactions si imprévisibles.
Owen n'avait absolument rien dit pendant qu'elle lui avouait ses sentiments et ses craintes, mais une fois qu'elle eut terminé, il la prit dans ses bras avec tendresse, et elle se laissa aller à ce contact affectueux. Son esprit semblait s'être totalement vidé, et ses craintes envolées. Pour le moment. Elle savait que ce calme ne durerait sans doute pas, pourtant à cet instant là rien d'autre ne comptait que la chaleur qui se dégageait de l'enquêteur, sa main dans les cheveux de la jeune femme, et les battements de son coeur qu'elle entendait à travers sa chemise.

"Je me sens si bien avec vous..." avait-elle murmuré dans un souffle tout en fermant les yeux pour profiter un peu plus de l'instant présent.

Les secondes passèrent, comme au ralenti. Son esprit commençait à s'apaiser, et elle leva vers Owen un regard plein de douceur avant de murmurer de nouveau, comme si elle avait peur que parler à haute voix ne puisse rompre le charme du moment.

"J'aimerais rester ici, finalement, si vous êtes toujours d'accord..."

Ses yeux ne quittaient pas ceux d'Owen, et elle n'avait visiblement aucune envie de se défaire de cette étreinte. Elle se pelotonna un peu plus contre lui. Elle lui paraîtrait peut-être indécise, pourtant cette fois-ci, elle était certaine de sa décision. Elle resterait ici cette nuit, et peu lui importait qu'ils discutent ou non. Tout ce qu'elle voulait à cet instant, c'était rester tout contre lui... Sa présence lui faisait du bien, elle dissipait tous les doutes qui envahissaient son esprit, comme un remède miracle contre la solitude. Mais n'était-ce pas une sensation amplifiée par la liqueur qu'elle avait ingurgité ? Non, elle ne le pensait pas. D'ailleurs, elle n'avait pas assez bu pour être véritablement touchée par l'alcool...

Finalement, au bout de longues minutes passées ainsi, sans bouger, elle se hissa sur la pointe des pieds pour venir déposer doucement un chaste et court baiser au coin des lèvres d'Owen avant de reculer d'un pas.

"Je pense... Que nous devrions discuter, qu'en pensez-vous ?"

Elle pensait qu'à deux, ils pourraient plus facilement comprendre ce qui leur arrivait. Finalement, elle qui avait craint une discussion autour du baiser se retrouvait à vouloir en parler d'elle-même avec l'enquêteur. Elle lui prit doucement la main pour l'entraîner avec elle sur le lit, où elle s'assit sans une autre parole, attendant de savoir s'il voulait en discuter ou pas.

Enquêteur Royal

Analyser… Analyser… Mais y avait-il quelque chose à analyser ? Owen commençait-il à douter ? Il observa un peu la jeune femme blottie dans ses bras. Tandis qu’elle ne pensait à rien d’autres, pour lui c’était tout l’inverse bien au contraire. Sa raison le poussait à tout analyser. La chaleur des corps, les battements de cœur qui filtraient au travers des tissus… Tout n’était que paramètres et données à analyser. Son esprit tournait à vitesse grand V. Il essayait de retrouver cette sensation, cet instant intemporel qui l’avait poussé à prendre la jeune femme dans ses bras. C’était là la clef, il le savait mais pourtant elle se refusait inévitablement à lui. La preuve en était qu’il avait senti précisément ce moment mais que sa raison en avait été éjectée. Quelque chose l’empêchait de pouvoir accéder à ce souvenir, l’empêchait de comprendre ce qu’il se passait entre eux deux. C’était presque rageant, à bien y penser. Lui qui finissait toujours par avoir une explication pour tout, se pouvait-il que quelque chose échappe à sa logique ? Il préférait ne pas le croire. Il n’avait simplement pas suffisamment d’éléments pour parvenir à la solution, c’était tout, rien d’autre.

Lorsqu’elle lui murmura d’être bien avec lui, il eut un petit sourire incontrôlé. Oui, il était bien avec elle aussi. Il fallait l’admettre. Mais encore une fois, ce n’était pas ça l’important… C’était de comprendre pourquoi. Une obsession du pourquoi, du comment. Le pourquoi était une source intarissable de pouvoir. Lorsque l’on connaissait les causes de tout, on avait un avantage certain. C’était beau de savoir qu’il était bien avec cette femme, mais pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Etait-ce sa beauté ? Son caractère ? Son parfum ? Sa chaleur ? Il y avait beaucoup trop d’indécision et cela ne lui plaisait pas beaucoup. Elle bougea lentement contre lui, relevant le regard vers le sien, lui avouant dans un murmure qu’elle préférait rester, s’il acceptait. Sans réfléchir, il acquiesça d’un léger mouvement de tête tandis qu’il retirait le manteau de ses épaules pour le poser d’une main à côté du sien sans s’écarter d’elle plus que nécessaire.

« - C’est vous qui décidez… »

Ils restèrent ainsi quelques instants de plus. Owen toujours un peu perdu dans ses pensées lorsque les choses se figeaient physiquement. Inès décida finalement de rompre l’étreinte en embrassant doucement le coin de ses lèvres avant de s’écarter. Ils se regardèrent un moment de plus, avant qu’elle ne lui propose de discuter de tout cela. Il devait admettre que ce serait probablement une bonne idée, peut-être comprendrait-il davantage. Il se laissa prendre par la main, non sans hausser un sourcil de surprise et suivit la jeune femme jusqu’au lit où elle s’installa et où il prit place juste à côté d’elle.

« - J’ai bien peur de ne pas pouvoir vous éclairer davantage. Je suis bien incapable de mettre des mots sur les raisons qui m’ont poussé à faire cela. J’ai conscience de leur existence, c’est indéniable, sinon nous n’en serions pas là, mais je ne peux expliquer plus que cela. »

Owen regarda en direction de la fenêtre un instant, puis se retourna vers la jeune femme.

« - Qu’avez-vous ressenti ? Une sensation ? Quelque chose de physique ? De mental ? J’aimerais savoir si vous avez vécu exactement la même chose. »

Il est beau le cartésien, n’est-ce pas ? Rien de plus inexplicable que l’amour…

Prêtresse

Il l'avait suivie jusqu'au lit sans protester, pour finir par s'asseoir juste à côté d'elle. Là, il lui avoua ne pas connaître les raisons qui l'avait poussé à l'embrasser, bien qu'il soit conscient qu'elles existent bel et bien. Il fallait bien avouer qu'elle non plus ne savait comment expliquer son geste. Elle-même était tout à fait consciente que quelque chose au plus profond d'elle l'avait poussée à embrasser à son tour l'enquêteur, mais elle ne comprenait pas ce que c'était. D'ailleurs, contrairement à Owen, elle ne cherchait pas particulièrement à comprendre...

Lorsqu'il lui demanda de décrire ce qu'elle avait ressenti, de mettre des mots sur ses émotions, elle ne put s'empêcher de grimacer avant de répondre.

"C'est une chose difficile que vous me demandez là. Je ne suis même pas certaine de pouvoir vous répondre..."

Elle réfléchit un instant en mordillant sa lèvre inférieure, les yeux dans le vague. Puis elle finit par lui dire :

"Mon cœur s'est soudain mis à accélérer, et mon esprit a semblé se vider de toute pensée cohérente, si c'est que ce vous désirez savoir. Mais honnêtement je ne pense pas qu'il soit réellement possible de mettre des mots sur ce que j'ai ressenti..."

Elle prit de nouveau les mains de l'enquêteur.

"Pourquoi êtes-vous sans cesse en train de chercher une logique là où il n'y en a pas forcément ? Laissez pour une fois votre cœur vous guider, et non votre esprit..."

Elle lui sourit avec douceur, sans pour autant lâcher les mains d'Owen. Elle avait besoin de garder un contact physique avec lui, même si elle ne s'en rendait pas vraiment compte à cet instant précis.

Enquêteur Royal

C’était elle la première qui lui avait demandé s’il avait ressenti quelque chose lui aussi. C’était d’ailleurs la question qu’elle lui avait posé pour savoir si elle resterait ou non. Alors elle devait être la mieux placée pour lui dire ce qu’elle avait pu ressentir non ? Pourtant la suite devait finalement le décevoir. Apparemment, elle n’en avait aucune idée. Il cacha néanmoins sa déception sous son masque, celui qu’il portait souvent, celui qui ne reflétait pas beaucoup d’émotions, celui qu’il utilisait pour le travail. Se pouvait-il vraiment que personne ne puisse mettre des mots sur ces choses ? Il s’imagina un instant recueillir des informations à ce sujet, peut-être devrait-il écrire à son ami John. Mais il doutait sincèrement que ce denier puisse lui apporter quelques précisions. S’en était presque décevant. Devait-il vraiment essayer de comprendre ? Pourquoi ne parvenait-il pas à comprendre ? Etait-ce si difficile de mettre une logique là-dessus ? Incroyable. Il ne pouvait pas ne pas y avoir de logique, impossible. Il devait certainement s’agir d’une réaction corporelle, d’un phénomène quelconque dû à une attirance physique, caractérielle, quelque chose, forcément.

Il écouta avec une certaine impatience les « révélations » de la jeune femme. Elle expliqua qu’elle avait senti son cœur s’emballer, son esprit se vider de pensées cohérentes. Elle aussi n’arrivait pas réellement à mettre de mots sur ce qu’elle avait ressenti. Il essaya de se souvenir à nouveau de ce qu’il avait ressenti, de la chaleur des lèvres de la jeune femme, de leur douceur. Son cœur s’était peut-être mis à battre un peu plus fort, oui, surement. Ce qui était certain, c’est qu’effectivement son esprit s’était également vidé de pensées. La preuve en était ce sentiment que la raison l’abandonnait pendant un instant. Il s’arrêta de penser lorsqu’elle prit ses mains à nouveau. Il sentit la chaleur de sa peau contre la sienne et l’écouta lui demander s’il devait toujours chercher une logique, même là où il n’y en avait pas. S’il ne pouvait pas se laisser guider par son cœur et non par son esprit. Ne comprenait-elle pas qu’il était impossible qu’il n’y ait pas de logique ? Il y avait toujours une logique. La seule différence était le fait que l’on soit à même de la comprendre ou non. Quand à laisser son cœur le guider… C’était une notion qui lui était totalement étrangère. Il prit sur lui de le lui expliquer :

« - Il existe toujours une logique à toute chose Inès. Rien n’arrive par hasard. Si vous ne voyez pas la logique, ce n’est pas parce qu’elle est absente, mais simplement car vous n’êtes pas à même de la comprendre. Comme quand on croit d’abord dans un mystérieux tour de magie, qui, au final, n’est que quelque chose de logique lorsque l’on découvre le « truc ». Non, il y a forcément une logique derrière tout cela. Je ne suis pas obsédé par sa découverte, mais j’aime seulement comprendre. Savoir pourquoi est important. Pouvez-vous réaliser quelque chose sans savoir pourquoi vous le faites ? »

Owen fit une pause.

« - Pour ce qui est de me laisser guider par mon cœur… Il va surement me falloir un temps d’adaptation, j’ai passé ma vie au chevet de la logique. »

Il fallait dire la vérité, Owen n’était pas du genre à se laisser porter par les émotions…

Prêtresse

Alors qu'Owen tentait de lui expliquer qu'en toute chose il existait une logique, la jeune femme haussa les sourcils d'étonnement. Il semblait réellement convaincu de ce qu'il avançait. Comme un peu plus tôt avec l'existence de la magie. Ou plutôt sa non-existence, selon l'enquêteur. Il lui assura aimer simplement comprendre les choses, leur fonctionnement. Là, elle ne put s'empêcher de sourire largement.

"Et bien, quel romantique vous êtes !"

L'ironie dans sa voix n'était pas méchante, au contraire. Il s'agissait d'une simple taquinerie, l'une de ses petites piques qu'elle pouvait envoyer aux personnes qu'elle appréciait vraiment.
L'une de ses mains lâcha celles d'Owen lorsqu'il lui déclara qu'il tenterait d'un peu plus écouter son coeur, bien que la tâche ne lui semble guère facile par manque d'habitude. Sa main vint se poser avec douceur sur la joue de l'enquêteur, comme une douce caresse, alors qu'elle approchait son visage de celui du Loup de la Reine pour lui murmurer :

"Tenez, par exemple, que vous dit votre cœur en cet instant ? Fermez les yeux et écoutez-le avec attention..."

Elle effleura les lèvres d'Owen avec son pouce en un geste empreint d'une profonde douceur avant de venir encore une fois y poser ses lèvres. Elle, contrairement à lui, écoutait toujours son cœur, et plus rarement sa raison. Elle écarta légèrement son visage avant de murmurer :

"Le cœur a ses raisons que la raison ignore. Ce proverbe n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui..."

Enquêteur Royal

Son sourire était un ravissement, il fallait l’admettre. Il l’observa tranquillement alors qu’elle lui disait, non sans une taquinerie qu’il décela, qu’il n’était pas vraiment romantique. Oui, c’était probablement le cas, mais était-ce de sa faute ? Il n’avait jamais connu cela. Comment se comporter avec une femme ? Comment aurait-il pu le savoir lui qui ne les avait que seulement côtoyées par courtoisie et non par véritable envie ? Il haussa les épaules dans un mouvement détaché et répondit :

« - Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans ce domaine, je dois bien l’admettre, mais je me permets de vous signaler que j’apprend très vite. »

Etait-ce une pointe d’amusement dans sa voix ? Probablement. Faisait-il plus confiance à son cœur qu’à son esprit pour répondre de telles choses ? Il en doutait. C’était simplement une tentative d’humour pour contrer celle qu’elle avait faite à ses dépends. Ce n’était en rien une vengeance, mais simplement une continuité dans la discussion, œil pour œil, dent pour dent, mais plus gentiment.

Il ne put s’empêcher toutefois d’être surpris lorsqu’elle posa une main sur sa joue. Le contact était agréable, une caresse dont, l’espace d’un instant, il se demanda comment il avait pu s’imaginer pouvoir s’en passer. Mais il passa très rapidement à autre chose lorsqu’elle s’approcha, à une distance à laquelle la convenance elle-même aurait pu s’en offusquer. Que lui disait son cœur ? Il n’en savait rien, mais il obéit à la jeune femme et ferma les yeux et tenta d’écouter ce qu’il lui disait. C’était idiot, bien entendu, car son cœur aurait été bien incapable de lui dire quoique ce soit, mais il le fit quand même. Il sentit le pouce de la jeune femme effleurer ses lèvres et rouvrit les yeux alors que les lèvres de cette dernière se posaient sur les siennes en un léger baiser. Elle s’écarta peu après, de quelques centimètres. Ils étaient si proches qu’Owen pouvait sentir son souffle chaud contre son visage. C’était … agréable. Il l’écouta murmurer que le cœur avait une logique que parfois la raison ne pouvait déceler, oui, c’était probablement vrai mais cela ne justifiait pas tout pour l’enquêteur. Néanmoins peut-être n’était-il plus temps de tergiverser.

Il combla la maigre distance qui les séparait et l’embrassa d’une passion qu’il ne se connaissait pas. L’évidence éclata alors dans son esprit comme une vague percute une falaise dans un millier d’embruns. Inès avait raison, son cœur avait la réponse à cela. Il était simplement amoureux. Ce sentiment étrange que l’on ne comprend réellement que lorsqu’on le vit par soi-même. Cette chose qu’il avait entraperçue dans la demeure des Rosbruck. Oui, cela il le comprenait maintenant, alors que ses mains enlaçaient la jeune femme dans une étreinte qui devait être proche de ce qu’on pourrait appeler une étreinte amoureuse, il l’embrassa longuement. Encore une fois, le temps s’échappa, les laissant là seuls, hors de son emprise.

Il s’écarta ensuite de la jeune femme, non sans continuer de l’enlacer.

« - Vous pensez que je fais déjà des progrès ? »

Prêtresse

Les paroles et les gestes doux de la jeune femme semblèrent avoir fait leur petit bout de chemin dans l'esprit d'Owen, et au lieu de lui répondre il décida de l'embrasser avec passion. D'abord surprise par cette fougue soudaine, elle se laissa bien vite emporter à son tour par le tourbillon d'émotions qui faisait vibrer son coeur. Les yeux clos, savourant le goût des lèvres d'Owen sur les siennes, elle sentit les bras de ce dernier venir enlacer sa taille pour la serrer contre lui, et elle-même l'enlaça à son tour, prolongeant ce baiser passionné.
Le temps fila de nouveau alors que l'esprit d'Owen comprenait enfin ce qui lui arrivait, et à son tour Inès comprit qu'elle avait bien plus qu'une simple affection pour lui. Etait-ce donc ça, le véritable amour ? Si au début elle avait eu des doutes, ils s'étaient maintenant envolés, laissant simplement place à un sentiment profond de plénitude.

Le baiser prit fin, et le temps reprit son cours naturel alors que leurs lèvres se séparaient doucement. Sans défaire son étreinte, il lui demanda dans un sourire s'il avait progressé. Elle lui sourit à son tour, les yeux pétillant de malice, avant de lui répondre :

"Oui, vous progressez. Mais il vous faut encore un peu d'entraînement..."

Elle se blottit contre lui, sa respiration se calquant sans le vouloir sur celle de l'enquêteur. Elle ferma les yeux et se laissa aller à écouter les battements de son coeur, complètement apaisée maintenant. Elle pourrait presque s'endormir ainsi, dans les bras d'Owen. Un de ses bras était toujours passé autour du cou de l'homme, et sa main libre caressait doucement l'avant bras d'Owen.
Son esprit n'émettait plus le moindre doute, les gestes du Loup de la Reine avaient été bien plus explicites que ses paroles, et elle savait à présent ce qu'il ressentait pour elle. Les mots étaient futiles, inutiles, seuls les actes étaient importants. Et il lui avait prouvé qu'il tenait à elle, au moins autant que ce qu'elle-même tenait à lui.

Finalement, après de longues minutes de silence et de tendresse, elle s'écarta doucement en se frottant les yeux. Elle commençait vraiment à s'endormir, mine de rien ! Et dormir en position assise n'était pas très judicieux. Aussi, elle demanda :

"Je commence à être bien plus fatiguée que je ne le pensais... Pourriez-vous..."

Elle hésita, puis poursuivit sa question.

"Pourriez-vous me prendre dans vos bras le temps que je m'endorme ?"

Oui, elle lui demandait de s'allonger côte à côte avec lui, et qu'il la tienne contre son coeur le temps qu'elle s'assoupisse... Mais attention, elle ne voulait rien de plus. La simple proximité d'Owen lui était tout à fait suffisante, et il ne fallait pas que l'enquêteur s'imagine qu'elle désire plus que ça...

Enquêteur Royal

Owen avait compris, enfin du moins l’espérait-il, ce qui lui arrivait. Oui, il était probablement tombé amoureux de cette jeune femme. Son physique, son caractère, sa façon d’être, peut-être sa détresse aussi, en fait, à bien y réfléchir, il y avait surement beaucoup de choses qu’il aimait dans cette femme. Peut-être y avait-il également des choses qu’il n’aimerait pas. Comment savoir ? Mais bizarrement, il n’en avait pas grand-chose à faire en ce moment. Elle était là, et pour lui, à présent, c’était la seule chose qui importait réellement. Que pouvait-il y avoir d’autres dans la balance ? Son métier ? Sa façon de vivre ? Sa famille ? Ses amies ? Ils auraient probablement le temps d’évoquer tout cela plus tard, si cela devait durer plus tard… Pourtant il ne doutait pas de cela. Cette façon qu’elle avait de le regarder, de l’embrasser en lui rendant son baiser. Son corps entier, même si elle ne l’admettait pas, criait de quelque chose qui n’était définitivement pas de la haine. Quelle femme aurait répondu à l’étreinte d’un presque parfait inconnu si elle n’avait rien ressenti pour lui ? Non elle l’aurait probablement giflé et serait partie si elle ne l’aimait pas. C’était évident, c’était logique.

Il eut un sourire lorsqu’elle lui avoua gentiment qu’il lui faudrait encore un peu d’entrainement. Il l’accueillit dans ses bras tandis qu’elle se blottissait contre lui. Elle lui caressait doucement l’avant-bras tandis qu’il écoutait sa respiration se caler sur la sienne. D’une main tendre, il caressait ses cheveux distraitement, les yeux perdus dans le vague de la chambre. Owen avait cessé de réfléchir, tout simplement. Ce fut elle qui rompit ce statu quo en s’écartant légèrement de lui, se frottant les yeux. C’était un fait, il commençait à se faire tard et il était logique qu’elle soit fatiguée. Néanmoins, sa question surprit un peu l’Enquêteur. La tenir dans ses bras ? Il sembla interdit un moment puis il acquiesça doucement de la tête. Il se releva doucement, invitant d’une main la jeune femme à se lever également. Il tira les couvertures et se retourna vers Inès. En silence, il la dirigea vers le lit où il la fit asseoir, tout en la rassurant du regard. Il ne ferait rien de déplacé, ce n’était pas son genre, loin de là. Une fois installée, il se mit à genoux et défit les chaussures de la jeune femme avec force patience et soin. Tandis qu’il le faisait, il releva la tête dans un sourire amusé et répondit :

« - Il serait fort indélicat de ma part de salir ce que l’on met gentiment à ma disposition. »

Il se remit à la tâche, et, une fois terminé, souleva les jambes de la jeune femme pour les placer sur le lit. Il s’installa à son tour sur le bord du lit et enleva ses bottes qu’il déposa au bord du lit avant de s’y coucher à son tour. Obéissant au désir de la jeune femme, il s’installa à côté d’elle, passant un bras autour d’elle, l’attirant contre lui. Il n’avait pas sommeil, et il ne l’aurait probablement pas avant plusieurs heures mais il n’avait vu aucune objection à faire ce qu’elle lui avait demandé. Quel mal y avait-il à cela ? Le bras passé dans son dos, il caressa distraitement ses cheveux, les yeux braqués sur le plafond, l’esprit en ébullition. Non pas prit par ce qui lui arrivait, mais par ce qui arrivait à Forbach et qui avait prit une dimension toute autre depuis quelques dizaines de minutes…

Prêtresse

Owen sembla surpris de la demande de la jeune femme. Il ne répondit pas, restant un moment interdit, puis hocha doucement la tête pour acquiescer. Il se leva alors, et Inès l'imita. Puis il tira les couvertures et la fit asseoir avant de s'agenouiller devant elle. Il commença à délacer ses chaussures avec délicatesse, lui indiquant qu'il serait malvenu de salir la pièce qu'on lui prêtait gracieusement. Elle acquiesça sans mot dire, simplement en souriant avec douceur, et une fois qu'il eut fini d'ôter les chaussures de l'herboriste, il l'installa plus confortablement sur le lit avant de s'allonger à côté d'elle.

Elle se tourna vers lui et posa sa tête au creux de l'épaule d'Owen et une main sur son torse, se laissant doucement bercer par les caresses que ce dernier prodiguait à ses cheveux. Les yeux de l'enquêteur fixaient le plafond, le regard dans le vague. A quoi pouvait-il donc penser ? Inès essaya de s'imaginer les pensées d'Owen. Lui, le cartésien, se retrouvait confronté à un sentiment qu'il ne semblait jamais avoir éprouvé auparavant, une émotion sans véritable logique, incontrôlable, insaisissable, unique. Oui, elle pouvait tout à fait concevoir qu'il soit perdu dans ses pensées. Il était venu ici pour arrêter un assassin, et au final il se retrouvait avec des sentiments sincères pour l'une des survivantes de ce monstre.

Le fait de repenser à l'Agent du Diable l'empêcha de s'endormir aussi rapidement qu'elle l'aurait souhaité. Elle revoyait encore son visage, caché sous un masque, si proche d'elle qu'elle pouvait sentir son haleine putride, les mains rugueuses de l'homme qui fouillaient son intimité, puis ce qui avait suivi, l'immonde sensation de douleur lorsqu'il avait brisé à jamais son hymen, volant ainsi sa virginité et le peu de dignité qu'il restait à la jeune femme...
Non ! Elle ne devait pas y penser. Au Diable les pensées négatives, elle devait respirer un grand coup et penser à quelque chose d'agréable pour ne pas sombrer de nouveau, pour éviter de pleurer. Aussitôt, ses pensées se tournèrent vers l'homme qui la serrait contre lui. Owen. Si seulement elle l'avait rencontré en de meilleures circonstances, l'aurait-il seulement remarquée ? La situation serait-elle semblable à maintenant ?

Elle se pelotonna un peu plus contre lui avec un soupir de bien-être. En fin de compte, son agression avait eu plus d'effets positifs qu'elle ne l'aurait pensé. D'abord, elle avait trouvé un mentor en la personne d'Europe, qui avait accepté de lui apprendre ce que son Aguerrie décédée ne pouvait plus faire, mais mieux que tout, elle avait trouvé l'Amour. Car oui, à cet instant-là, elle le comprit avec certitude : elle était en train de tomber amoureuse d'Owen Mansholther.

En fin de compte, si sa route croisait de nouveau celle de l'Agent du Diable, il faudrait qu'elle pense à le remercier, avant de le tuer...

Sur ces pensées positives, elle finit par s'endormir, le sourire aux lèvres...

Enquêteur Royal

Couché sur le lit, Owen n'avait rien fait de plus que ce qu'elle lui avait demandé. Elle avait désiré qu'il la prenne dans ses bras le temps qu'elle s'endorme, c'est ce qu'il fit. Couché sur le dos, il réfléchissait déjà à autre chose. L'enquête était bientôt terminée, bien évidemment, et il restait encore quelques pièces du puzzle à mettre en place mais au-delà de l'enquête, pourrait-il rester ici ? Probablement pas. Le suivrait-elle s'il devait partir ? Il n'en savait rien mais elle était surement le genre de femme à ne pas le vouloir. Pourtant, il ne fallait pas se voiler la face, viendrait forcément un jour où tout serait terminé et où il n'aurait plus rien à faire à Forbach. Que ferait-il ? Resterait-il pour elle ? L'accompagnerait-elle ? Quelqu'un devrait faire des compromis s'ils désiraient rester ensemble. Accepterait-elle de rester ici pendant qu'il retournerait à la capitale ? Il doutait que, loin l'un de l'autre, ils soient capables de continuer à vivre ce qu'ils vivaient maintenant.

Quelques dizaines de minutes plus tard, la jeune femme respirait régulièrement et était profondément endormie. Owen se glissa hors du lit avec force précautions pour ne pas la réveiller puis remonta les couvertures sur elle pour ne pas qu'elle ait froid suite à son départ. Il la regarda quelques instants avant de se diriger vers son bureau. A l'extérieur, le soleil était encore loin d'être levé, il restait plusieurs heures avant l'aube et l'Enquêteur n'avait pas sommeil. Ainsi, comme tous les soirs où c'était le cas, il reprit son carnet et en relu les notes. Il ne bougerait pas de son bureau durant toute la nuit... Malgré tout ce qu'il venait de se passer, Owen n'avait pas encore tout à fait changé.

-FIN-