Viviane regarda la bouteille avec philosophie : de la vodka, de la délicieuse vodka, importée directement de Russie, une bouteille offerte par Louisa. Sa vision était trouble, mais la sorcière pouvait tout de même voir que la bouteille était plutôt largement entamée, presque vide même, diraient certains. Il ne fallait surtout pas que Cassandra déboule maintenant, elle tuerait sa propre sœur. Mais comment en était-elle arrivée là ?

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En ce jour d’avril, Viviane avait soif de renouveau, soif de quelque chose de totalement différent. Et puis, Narcissa allait arriver d’un instant à l’autre, et sa tante était décidée à lui enseigner certaines choses de la vie, comme comment s’amuser de manière totalement non conventionnelle pour une femme. Pour se faire, elle avait préparé quelques petites choses : son grimoire ouvert à la page des sorts idiots, une tenue plus confortable que d’habitude, permettant des amples mouvements, et surtout, ces deux bouteilles de vodka, gracieusement offertes par Louisa voilà quelques mois. Viviane n’était pas spécialement fan de ce genre de breuvages, mais aujourd’hui était une exception. Aujourd’hui, elle boirait jusqu’à plus soif cette bouteille, et ce, accompagnée par sa filleule et nièce : Narcissa. Il était temps pour elle d’apprendre un peu les choses de la vie, à commencer par comment se prendre une bonne cuite en prenant du bon temps.

Lorsqu’on frappa à la porte, elle se leva immédiatement pour aller ouvrir à Cissy. Tout guillerette, elle bondit jusqu’à l’entrée et laissa entrer sa nièce qui devait probablement se demander ce qu’il était en train de se passer.

- Allez, entre ma chérie ! Aujourd’hui est un grand jour. Un jour exceptionnel devrais-je dire ! Je vais t’apprendre beaucoup de choses, mais commençons par le commencement. Installe-toi dans le séjour.

Se dirigeant vers la cuisine, elle continua à parler de loin à son hôte.

- Retire ton manteau, mets-toi à l’aise, tu verras, on va s’amuser comme des folles !

Dans une armoire, elle prit deux petits verres qui leur serviraient pour les shots qu’elles allaient s’envoyer. Elle les avait trouvés il y a quelques années de ça dans les affaires de son père qu’elle n’avait pas eu tout de suite le courage de ranger. Elle n’avait pas encore eu l’occasion de les utiliser, voilà qui était le moment rêvé. Viviane retourna donc dans le salon, armée de ses deux verres, un immense sourire aux lèvres.


- Aujourd’hui, Narcissa, tu va devenir une femme !

Tout en annonçant cette délicieuse nouvelle, elle ouvrit la première bouteille qui se trouvait devant elle et versa le précieux liquide dans les deux petits verres. Elle en prit un et tendit l’autre à sa nièce.

- Ma chérie, à ta santé ! Cul sec !

Et ce disant, elle avala d’une seule gorgée le liquide transparent. Oh Dieu, que c’était fort. Mais une fois la brûlure passée, c’était délicieux ! Un goût légèrement fruité, une sensation admirablement tonifiante, aaah, que c’était bon. Mais un seul verre n’allait pas suffire à ses plans.

- Bon, ne raconte jamais rien de tout ceci à ta mère, elle me tuerait sur le champ ! Si tu veux que ça fasse effet, il va falloir boire un peu plus qu’un verre. Allez, hop, on en reprend un !

Narcissa lui obéit sans trop poser de questions, Viviane était heureuse, tout son plan fonctionnait à merveille. D’ici peu, sa filleule allait faire des choses dont elle ne se souviendrait sans doute jamais, ce qui était pour le mieux. Armée de vodka et de toute sa volonté, rien ne pourrait l’arrêter, pas même l’amoncellement de mauvaises nouvelles auquel elle avait l’habitude de faire face.

Devant elle, son grimoire lui apparaissait de plus en plus attrayant au fil des verres, les formules non-prononcées jusque là allaient d’ici peu trouver vie au travers des ressources de Viviane et Narcissa.

- Tu sais, Narcissa, je suis contente de ne pas être ta mère pour pouvoir partager tout ça avec toi ! Regarde ce grimoire, ces formules que jamais personne n’a crues bon d’essayer, hé bien il est temps désormais. Il est temps de s’y mettre et de les exploiter au mieux. La première que tu vois ici est une formule qui sert à voir le monde avec plus de couleurs que d’habitude. Je ne l’ai jamais essayée, n’y voyant pas d’utilité, elle me provient de ta grand-mère, voyons voir ce qu’elle vaut !

Et ce disant, Viviane se concentra tant qu’elle put sur l’énoncé et les applications de ce qu’elle avait devant elle. Le sort nécessitait de rester concentré quelques minutes, en prononçant des phrases dans un vieux latin. Si tout fonctionnait comme prévu, elle et Narcissa verraient les choses de manière plus vive et plus abstraite que jamais. Y mettant toutes ses maigres forces que l’alcool avait légèrement annihilées, elle parvint au résultat qu’elle avait espéré. Les objets et la maison qui l’entouraient avaient soudain pris une teinte rose vive, agrémentée de jolies nuances de vert, bleu, mauve, jaune, tant de couleur qu’elle aurait aimé qu’elles remplissent également son quotidien.

- Alors Narcissa, toi aussi tu vois ? Ne trouves-tu pas que ce fauteuil a bien meilleure allure désormais ?

Aussitôt arrivé, aussitôt devant une petite table et deux bouteilles de vodka dont une bien entamée ! Enfin, il y avait de l’action ! Narcissa se frotta les mains, un immense sourire accroché aux lèvres qui attendaient une promesse. Ah ! Ah ! Par les dieux que cela devait être bon ! Elle voulait une bonne cuite des familles avec un truc qui n’est pas fabriqué par des enfants de Chœur. Ah ! Il avait intérêt à tordre les boyaux et à te brûler les tuyaux, sinon la Russie aurait de ses nouvelles et pas des bonnes !
Elle n’osa pourtant pas dire qu’elle n’en était pas à sa première expérience dans ce domaine, il y avait eu une autre. Mais elle connaissait que trop bien l’orgueil des adultes quand ils voulaient vous faire découvrir un truc génial et puis comme souvenir de dire que sa tante lui avait offert sa première cuite était quelque chose de chouette. Viviane prit son verre et quand elle lui demanda de boire cul sec, autant dire que la jeune fille ne s’en privât pas. Oh ! La vache que c’était du bon ! C’était de la lave en fusion ! Narcissa frappa de sa main la table, presque pliée en deux tant la douleur était intense et deux secondes plus tard, elle ordonna d’une voix atténuée :

- Allez la tantine, envoie le bazar ! La vache, c’est du bon celui-là.

Elle vida un verre, puis deux et s’en suivit le troisième, sans trop écouter les conseils de sa tante, sachant la marche à suivre. Pas vrai, il ne fallait pas bouder son plaisir ? Ah là ! On entrait en matière, on se sentait enfin vivant tellement la douleur était forte. Une de ces choses qui font que la vie valait la peine d’être vécut. Bon sang que cela lui avait manqué !

- On ne le dira jamais à Maman, c’est ça qui est le meilleur dans cette histoire. Santé !

Elle enchaina sur quatre autres avec une descente de compétition. Pliée totalement en deux, cette sensation était fantastique. Le seul véritable goût d’aventure et d’interdit de tout son voyage à Forbach, un événement que personne ne pourrait savoir, ni cette idiote d’Aguerrie officielle, ni Europe, ni David (qui aurait forcément tué Viviane s’il le savait) et enfin ni maman (et elle savait que ces expéditions punitives étaient au combien terribles !). Narcissa voyait sa marraine compter ses verres et semblait très satisfaite, faire un douze avec une main. C’était bien parti pour une magnifique soirée.

La jeune fille suivit tant bien que mal sa tante. Il fallait bien dire que les tapis du salon devenaient très taquins et souvent elle dut bien leur ordonner d’arrêter de la faire trébucher. Mais ils semblaient adorer son rire bête. Devant le grimoire familial et le programme de la soirée de son Aguerrie officieuse, l’apprentie en fut toute excitée et en dansant tout en tapant des mains :

- Viiiiiiiiii ! Oh vi ! Vivi ! Oh vi ! Vivi ! Oh viiiiiiii !

Puis aux petites cuillères qui discutaient :

- Chuutttt ! Faut se concentrer ! Hihihihiiiiiii !

Narcissa dut attendre très longtemps pour que le sort soit exécuté avec grand renfort de trainées lumineuses et psychédéliques. Mais elle sut s’occuper en parlant à « Madame la plante verte ». Et quand ces dernières atteignirent ses yeux :

- Hééé ! Mesdames les lucioles, faut pas me faire ch… Ohhhhh ! Ben dit moi donc ! Zé Zoliiiiiiiii !

Une vie en couleur mouvante et totalement rigolote, comme si le monde était une grosse bulle de savon. Mais tout devenait bien étrange, la chaise dansait, la table se gondolait et le sol faisait des vagues, avant ça discutait maintenant tout vivait ! Mais Viviane n’avait pas changé :

- P’quoi tout bouge, Viviiiii ? Oh, mais faut faire aut’chose ! Plus dr’l ’core ! Hic !

Elle se pencha sur le grimoire et vit une formule sur « les papillons anthropophages » :

- L’est bien ! Hic ! Hihihiiiiiiiii ! Faut marquer les zzzzzzz’ezzzzzpriteuhhh ! Pirce queeee, l’alccoollll c’est pôô fort du pffffffff ! Alleezzzz ! Envoieeee la bibine ! Qu’on s’bourre la gueellleeeuhhhh ! Hic ! B’soir m’sieur… euh ?.... Jaune d’orrr

Concentration. En se concentrant, il devait y avoir moyen. Gniiiiiiiii. Gniiiiiiii ! La langue tirée, tant bien que mal, Viviane essaye d’attraper ce verre rose qui la nargue. Non. Il n’est pas encore dans sa main. Mais elle a soiiiiiiiiiiif ! Han… Un verre ! Encore un seul petit verre, et après, elle arrêtera !

- Narciiiiiii, y a mon verre qu’veut pas v’nir !! Aide-moiiiiiiii !!!

Mais Narciiiiiiii est occupée apparemment, fascinée par une formule du grimoire. Penchée par-dessus elle, Viviane tente de lire de quoi il s’agit. Papillons anthropophage. En voilà une excellente idée ! Mais l’alcool aidant, elle perd l’équilibre et s’écrase sur Narcissa qui s’écrase à son tour sur le coffre de bois. C’est un amas de bras et de jambes qui finit par atterrir sur le tapis, dans un éclat de rire grassement alcoolisé.

- Désolée choupette. Pas fait exprès. D’pas ma faute à moi. Si j’entends tout autour de moi V-I-V-I-A-NE, moi Vi-vi-ane !

La chanson était d’un absolu mauvais goût mais elle semblait plaire à nos deux compères qui n’en n’étaient plus à ça près depuis bien longtemps. Viviane arracha le grimoire des mains de sa nièce et entreprit de lire avec le plus d’attention possible ce qu’il était écrit. Les lettres et les mots dansaient devant ses yeux, formant des choses totalement incohérentes. Enfin, incohérentes pour un esprit clair, dans celui de la dame Valdemar, c’était d’une évidence limpide. Se concentrer n’était pas une chose évidente, il lui fallait un remontant, elle tendit son bras vers la bouteille qui serait sans doute moins rebelle que son verre et s’enfila quelques délicieuses gorgées avant de tendre la bouteille à Narcissa.

- T’es trop p’tite et pas assez douée pour faire ce sort. C’est moi qu’va l’faire. Prends la bouteille et tais-toi ! On va faire pleiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin de chouettes choses ! T’vas voiiiiiir. Au nom d’Europe, d’Inès, d’Elisabeth et de moi-même, j’invoque la Terre à nous écouter. On veut des papillons. Plein de papilons ! Papillonus anthropophagus apparicius !

Dans un éclat de lumière dorée, des centaines de papillons déployèrent leurs ailes dans le salon. Viviane était émerveillée ! La magie, c’est cool quand même ! Mais les papillons ne sont pas vraiment de gentils animaux, en tout cas pas quand ils sont anthropophages et invoqués par une Prêtresse d’Olrun totalement bourrée. Les petites bestioles se mirent à attaquer nos deux compères, battant de leurs petites ailes. Viviane, comprenant vaguement que quelque chose n’était pas normal et ressentant de minuscules morsures sur les avant bras commença à s débattre mollement. Ce n’était point drôle de se faire attaquer par des papillons…

- Narciiiiiiiiiiiiiiii, c’tai quoiiii cette formuuuule ? Pourquoiiii ils nous mordent ? C’est nuuuuuuuuuuuuul ! Papillonus disparicus !
…
- Merde, ça marche pas ! Fais quelque chose Narciiiiiiii, moi j’y arrive paaaaaaaaaas !

Mais Narciiiiiii ne semblait pas tellement plus apte à résoudre leur problème qu’elle, les papillons l’attaquaient tout autant que Viviane, mais elle semblait trouver ça beaucoup plus amusant que sa tante. Viviane ne voulait pas qu’une môme ait le dernier mot, ce n’était pas dans l’ordre des choses. Alors elle alla chercher une bûche enflammée dans l’âtre et entreprit de cramer les papillons qui l’apporchaient.

Viviane 1 – Papillons 0
Viviane 1 – Narcissa 0

Alors, qui dit mieux maintenant hein ? Certainement pas Narciiiiiii qui est subjuguée par l’adresse de sa tante qui telle un pourfendeur de la justice s’élance vers le nuage de papillons avec l’habileté d’une mousquetaire et la classe du justicier masqué ! D’ailleurs, n’est-ce pas un masque qu’on peut deviner posé sur ses yeux. Mais d’où sort-il celui-là ? Peu importe, Viviane a la classe, Viviane est sexy, Viviane est surpuissante et latte la gueule de tous les papillons, na !

- YIIIIIIIIIIIIIIIIIIHHHHHHHHHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !

Et Viviane vainquit !

- Nonnnnnn méééééé ! Ch’uis pi-être jaunneeeuhhh euh… jeunneeuhhh, méééé j’veux faire des truqqqueuuuhhh z’auzi !

Narcissa prit la bouteille que sa tante lui tendait et pour se consoler la vida cul sec. Le sort fut rapidement exécuté et des centaines de papillons bleus apparurent dans toute la pièce.

- S’trop bôôô ! Aïe ! Mais euhhhh ! Aïe !

Trois papillons ont décidé de la mordre au visage. Ah non ! Si les choses allaient ainsi, elle devait chercher une armure et justement :

- Pô, justeuh ! Tends !

Elle se dirigea vers la salle secrète de son grand-père - une grande penderie à costumes - pour choisir une tenue d’un goût exquis : une chemise recouverte de rubans de toutes les couleurs, un pantalon violet à volants de dentelles blanches dont par-dessus elle mit une culotte bouffante à frous-frous, des chaussures dorées à talons de quinze centimètres et un large chapeau à plumes de paon. Puis, elle ouvrit la fenêtre et sur la jardinière prit une grande branche de verveine, qu’elle mit à sa bouche comme on mâcherait négligemment le bout d’un bâton de réglisse. Elle quitta la salle et d’un air suffisant déclara à Viviiiii :

- Verveiiiiine forreeevveerrrrrrrr !

Et d’un geste totalement avant-gardiste, elle mit sa main sur son pubis et l’autre directement levée au ciel, comme une supplication aux Déesses protectrices de la nature :

- M’tnant on peut jouer. Ch’uiiiisss pr’tégé !

Elle marcha un pas et tomba lourdement sur le sol, les chaussures n’étant pas si pratique que ça et puis, marcher avec une main entre ses cuisses, ce n’était pas vraiment recommandé. Morte de rire, elle se retourna et tenta avec ses mains de tuer tous les papillons qui venaient à elle. Mais à ce jeu Viviiiii était bien plus efficace, pouvant marcher et jouant avec une bûche enflammée avec panache et d’une façon vraiment sexy et féline. Ce n’est vraiment pas juste, pourquoi Narciiiii avait toujours le rôle de la fille sympa mais pas sexy ?

- Pfffff ! Tends, j’veux jouer ausssiiiii ! T’trop bien pour moâââ ! Ch’uis nulleeuhhh !

Narciiiii se releva, se dirigea maladroitement vers le salon, prit une bûche dans la cheminée et tenta de tuer le dernier papillon. Quand soudain, il se transforma en vampire à grosses dents et sensiblement adepte des tenues argentées et moulantes et grand amateur des chansons totalement horribles sur une reine de la danse (et sa voix de stentor était vraiment brrrr !). Elle ne se démonta pas, il fallait prouver à sa tante qu’elle était digne de la tribu d’Olrun ! Elle jeta de toute sa force son arme enflammée et le monstre partit dans les flammes… Sauf qu’il n’a même pas crié ! Pas normal ça ? Narcissa décida de se rapprocher du brasier et constata que le monstre n’était que des canapés recouverts de tissus métallisés. Boulette ! Alors, elle décida d’aller vers Viviiiiii et diiittttt :

- C’est pôôô d’ta faut’ ! Et quand j’donneeeuhhh m’langue au pap’llon, j’vois l’autre… Tout prêt à’s’j’ter sus moââââ. C’pô m’faut’à moââââ, s’j’tends t’autour d’moââââ… L’canapé brûleuhhhhh ! C’lui qu’m’a ‘taquéééée !

Narciiiii est dégueu, Narciiiii n’a pas de goût, Narciiiii n’a pas de pouvoir et latte la gueule des canapés du salon ! Non, mais !

- Pleintagramme d’opérette ! T’es qu’une pleintagramme d’opérette ! Tu touches rien ma fille ! Tu viens de latter la gueule des canapés alors qu’il y a un vampire juste là… Ah mais non. L’est plus là ! Tu l’as fait disparaître ! Bien ça, bonne nouvelle.

La deuxième bouteille, sur la table, lui tend les bras. Des mignons petits bras en verre, qui crient « prends-moi, prends-moi, prends-moi ». Pendant quelques secondes, Viviane se demande pourquoi cette bouteille veut lui faire l’amour. C’est étrange de la part d’une bouteille.

- Tu le sais toi, Narciiiii, pourquoi la bouteille veut faire l’amour avec moi ? J’comprends pas. C’pas normal. Pourquoi elle veut qu’j’la prenne ? … … Oooooh ! Aaaaah ! J’ai captéééééééééééé ! Elle veut que je la boiiiiiiiiiiive !

Très fière de sa découverte, elle prit la bouteille dans sa main et entreprit de l’ouvrir. Ce fut difficile, long et pénible, comme faire l’amour avec son ex-mari, mais elle gagna la bataille cette fois-ci. Goulument, elle avala de nombreuses gorgées. Très nombreuses. À tel point que des étincelles se mirent à jaillir devant ses yeux. De toutes les couleurs.

- Tu les voiiiiiiiiis Narciiiiii ? Tu les voiiiiiiiiiiiiiiiiiis les étoiiiiiiiiiiiiiles en plein jouuuuuur ? Oh que c’est beaaaaaauuuu ! C’est magiiiiiiiiique ! On est des zorcières, on fait pleiiiin de maziiiiiiiiiiiiie ! On est trop fortes… Les inqui, c’est de la gnognooooooooote ! MORT AUX INQUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS ! Viens Narciiiiiiiiiii !

Viviiiiii tira Narciiii par le bras pour qu’elle l’accompagne. Il était temps qu’elles aillent casser de l’inqui. Qu’elles les tuent tous, comme ils avaient tué les leur. Et en premier, Viviiiiiiiii tuerait ce crétin de David qu’avait eu l’audace de lui faire subir un interrogatoire. Petit merdeux. Faudra pas que Narciiiiiiiiii voit ça. Elle l’aime bien. Pourquoiiiiiiiiiii ?

- Pourquoiiiiiiii Narciiiiiiiiii t’aimes bien ce merdeux de Geisler ? C’est un pitit con ! Ze suis déçue. Tu vaux mieux que zon amitié de merde. C’est vrai quoi à la fin ? Qu’est-ce tu fous avec lui ? M’dis pas que tu fricottes avec ce looser perdu dans les zupes de sa môman.

Ben ouais quoi c’était vrai, non ? Vivi, titubante, se dirigea vers l’entrée, la bouteille toujours attachée à sa main. Une brillante idée lui vint à l’esprit ! Et si elles mettaient des étincelles partout en ville ? Ce serait croooooooooo marrant !

- Narciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ?! Vieeeens, on r’décorer la ville. Forbaaccccccccch, prends garde, on arriiiiive !

Et ce disant, elle s’élança pleine de bonne volonté vers la porte qu’elle heurta de plein fouet. Elle a oublié de l’ouvrir. Oh ben ça alors ! Quelle distraction stupide ! C’est quand même drôle, non ? Et elle éclate de rire, rire tellement contagieux que bientôt, Narcissa l’acccompagne.

- Nan, mais z’est pas sérieux ça, faut sortir pour mettre des étincelles partout. Aller, viens ‘vec moiiiiiiiiiii.

Cette fois-ci, elle prit la peine d’ouvrir la porte avant de s’élancer dehors. L’air frais, au lieu de la dégriser lui fit tourner un peu plus la tête. Y avait plein de nuages, alors Vivi les chassa tous d’un geste négligeant de la main. Si facile. Si facile quand on est Prêtresse d’Olrun de faire tout ça ! Maintenant, y a plus de nuage pour les mouiller. Y a plus que les étoiles. Elles sont pas assez brillantes, faut les faire briller plus. Faut les voir bien. Alors Vivi prend Narciiiiii, lui vole une part de son énergie et fait briller les étoiles plus fort.

- Z’est mieux comme za, nan ? Moi je préfère.

Vivi est pleine d’amour pour sa nièce.

- L’aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaamour brille, sous les éééééééééééééééééééétoiles, d’une étraaaaaaaaaaaaaaaaaaaange lueur ! La terre entièèèèèèèèèèèèèèèère, en paaaaaaaaaaaaaarfaite haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarmonie, vit un moment royaaaaaaaaaaaaaal ! Tu sens l’harmonie mon chou ?

- Héééé pleintagramme d’opérette ti-même d’abord ! Le masque c’pô sexe, d’tout ! Hic ! Ben ouai, que j’l’ai latté la gueule ! Ch’uis ta nièce, heinnnn ! J’dois ben mont’rer qu’ch’uis digne d’la tri’buuuuuuuuuu ! Oh, d’la gnaule….

Narciiii éclata de rire en voyant que sa tante voulait faire l’amour à la bouteille. D’une ce n’était pas possible et de deux, tout le monde savait que ces trucs ne voulaient que se faire vider le gosier dans ceux des autres. C’est vraiment dégueu l’alcool, mais qu’est-ce qu’on se marrait bien ! Tiens, sa copine eau-de-vie lui fit les yeux doux. Narciiii regarda furtivement sa tante bien trop occupée. Telle une sirène, elle hypnotisa l’innocent liquide bleu roi, en une série de rots bien gras. Une fois que cette dernière ne bougeait plus, rapidement, elle décida de la vider encore plus vite que les autres… Un truc que le gros ours dans le couloir n’aurait pas. Non, mais !

- Oh ! Des n’étoileuh ! C’est zolliiiiiiiii…. Bouah ! Zé manzééééé des brocoolliissss, c’pô bon.

Puis Viviiiii lui diiitttt qu’il fallait absolument tuer tous les Inquisiteurs. Une idée qui lui plaisait bien d’un coup, mais sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que c’était vachement interdit et donc super hilarant à faire. De plus, cela rendrait l’Agent du Diable en vrai pleintagramme d’opérette ! Mais quand on lui parla de David, d’un air fortement alcoolisé elle répondit :

- Touche pôôôô lui ! Il est pi-ître mauvais caractère, pi-ître un peu spontanéééé, pi-ître timideeeuhhh, pi-ître pas beaucoup instruiiiiitttt, mais c’est un bon gars avec l’cœur sus la main. T’l’connais pô com’j’l connais ! Ch’ais qu’il f’rait d’mal à p’rsonne… Même s’il savait qu’j’suis une grosse dégueu, plusseuh sorcièrreeeee. Hic ! T’vois, t’vivante !

Et quand on lui proposa de faire des étincelles partout, ça, c’était drôlement drôle. Elle pourrait peut-être en faire aussi ? Après tout, ce n’est pas pour rien qu’elle est devenue sorcière ! C’était pour faire des trucs cools et stupides aussi.

- Viiiiiiii ! Des n’étinzelles partouutttt ! Crooooo biennnn ! Hic !

Sa tante la prit par le bras jusqu’à la porte d’entrée et quand elle se paya le morceau de bois, la jeune fille fut morte de rire, incapable de la relever. Cela n’empêcha pas Viviiii de recommencer à traverser la porte, mais ouverte cette fois-là et de l’entrainer dehors. Ebahit, Narciiiii regarda le village d’un autre œil.

- Ben ça alorrsss ! C’est mazzziqqquueeeee ! Ch’uis plus d’l’maisssonnnnn ! Ouahhhh… Un crottin de zébuuu !

Elle tenta de marcher dessus et remarqua que c’était tout dur. Curieux ça ? Elle regarda de plus prés et vit que c’était son pied. Zut, ça put ! Mais son grand-père marchait où avec ces chaussures ? Non, mais, c’est quoi cette eau qui mouille, c’est croooo vilain ! Heureusement que sa tante les a chassés d’un revers de la main. Elle est crooo chouette, non ? Sauf que Narciii rigola moins quand la sorcière-trop-sexy-et-puissante lui vola une partie de son énergie.

- Héééééé ! C’pô juste, ch’peux rien firrreeee ! T’vas t’éclater à fair’d’tincelles et mi, vé s’vir d’porte d’éééénerggieeee ! Pfff !

Narciiii ayant appris à se ressourcer, à partir d’un élément de son environnement, toucha la porte d’entrée qui une bonne inspiration et concentration plus tard (donc trois bonnes minutes), tomba en poussière. Éberluée, l’apprentie regarda ses mains. Elle toucha un volet, une respiration après, un nuage de sable. Puis ce fut le tour d’un ruban de sa chemise… Sa tante avait donc raison, la magie c’est vraiment trop bien ! Maintenant avec un petit pouvoir, elle pouvait peut-être… Et puis cette chanson typique des Olrun sur l’harmonie de la nature, de l’amour et des petites étoiles, au bout de onze mois, Narciiiiii en pouvait plus. Harmoonniiieeee ? Vengeaaanncceeeee !

- A pouâââlleeeee !

Tel un zombie, Narciiii la bave aux lèvres, tenta de toucher les vêtements de sa tante…

- Arghhh ! A pouâââlleeeee l’tannttinnneeeee ! Hé héééé ! A pouâââlleeee !

Au moment où Narcissa lui sauta dessus afin de la mettre à poil, Viviane n'eut pas le temps de réagir que déjà, elle se retrouvait en sous-vêtements dans la rue. Mais enfin, c'était quoi le problème de sa nièce ? À pouaaaaaaaaaaaaaal, et puis quoi encore ? Elle pouvait se mettre à pouaaaaaaaaaaal elle-même, non ? Plutôt que de se jeter sur sa tante innocente qui n'avait rien fait pour mériter ça ! Décidée à ne pas se laisser faire, Viviane se rua sur sa nièce et tenta à son tour de lui enlever sa robe, mais sans succès. Était-ce dû à l'alcool ou à l'excès de magie ? Elle n'avait plus aucune force et ne parvint à s'agripper mollement aux jupons de sa nièce.

- Narciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, t'es pas gentille ! Laiiiiiiiiiiiiiiiiiiise-toiiiiiiiiiiiiiii faireuuuuuuh ! Alleeeeeeeeeeeeeïïi ! Sois sympaaaaa. Sinon, je bude. À pouaaaaaaaaaaaaal !

De la Viviane pleine de classe de toute à l'heure, il ne restait plus qu'une épave humaine, un déchet qui rampait dans la boue. De la boue ? Oh ouiiiiiiii, que voilà une bonne idée. Prenant une grosse motte dans sa main, elle visa et atteignit sa cible magistralement : la chevelure de sa rouquine de nièce.

- T'veux bas te déshabiller hein ! Ben tu vas devoiiiiiir. T'es toute pleine de bouuuuuuuuuuue ! Ah ah aaaaaaaaaaah !

Hystérique, ce rire, sorti de nulle part. Viviane, sale, l'air vieille, rabougrie ressemblait désormais à tout ce qu'on se faisait comme idée des sorcières les plus moches de la terre. Celles avec des verrues sur les nez et des balais volants. Il manquait à Narciiiiiiiiii, une verrue sur le nez. Il fallait arranger ça.

- Hey, Narciiiiiiiiiiiii ! Narciiiiiiiiiii, viens par ici, t'as perdu queque chose ! Tiens, regarde !

Et d'un geste de charlatan à la manque, elle ajouta une grosse verrue plein de poil sur le nez de sa nièce.

- Voilà, comme ça, David, il saura qu't'es une sorcièèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèère ! Sorcière, sorcière, prends garde à ton derrière !

Ce qu'il y a de bien avec Viviane, c'est que lorsqu'elle est saoule, elle perd toute sa finesse d'éducation. Il ne reste plus qu'un piètre être humain rampant et malheureux. Tant bien que mal, elle regagna s maison. La porte lui paraissait super loin tout d'un coup. Genre pas pour rire (spéciale dédicasse à Sébou).

- Alllllleeeeeeïïïïïïï la porte, revieeeeeeeeeeens. T'en vas pas, j'ai besoin de toi moi ! Et Narciiiiiiiii aussi ! Elle arrivait de l'Italie, et moi j'arrivais à Forbach. On trouva vite une occasion, d'entamer la conversatioooooooooooon! Il faisait un temps superbe, je me suis assise sur l'herbe et Narciiiiiiiiiiiiiiiii aussi !

Dans la finesse, n'est-ce pas ? Enfin, la porte fut à elle, et Viviane put entrer. La tête lui tournait, une envie pressante de vomir lui entortillait les entrailles, mais elle lutta encore quelques instants pour vérifier que Narciiiiiiiiiiiiii était rentrée elle aussi. Une fois que ce fut fait, elle s'écroula par terre et libéra son estomac. Aaaaah, que ça faisait du bien. Cette vodka était un tord boyau tout de même. Viviane jugeant qu'elle avait fait ce qu'il fallait s'endormit à même le sol.

La nuit fut agitée, peuplée de rêves étranges et colorés, de Narciiiiiiiiiii pleine de grâce et de plein d'autres absurdités. Quand Viviiiiiiiiii se réveilla le lendemain, il ne restait de la veille que deux cadavres de bouteilles de vodka sur le sol, et une migraine atroce. Ce fut une soirée réussie. Très réussie.

N'est-ce pas, Narciiiiiiii ?