The Witch Slay
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 Alice

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Antoine Vaudremont
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Antoine Vaudremont


Alice Vide
MessageSujet: Alice   Alice Icon_minitimeSam 13 Aoû 2011 - 12:40

La porte tremblait sous les chocs répétés du poing d'Antoine, qui semblait avoir perdu une grande partie de son sang froid. Le domestique commit l'erreur d'enlever le verrou pour voir de qui il s'agissait. Il fut catapulté en arrière alors que l'artisan pénétrait de force dans le manoir. Il fut inutile de lui demander s'il s'était annoncé ou s'il avait une invitation. Il marcha d'un pas implacable vers l'endroit où il y avait le plus de chance qu'Europe soit.

Elle avait les cheveux de sa mère, les yeux de son père. Elle était le premier enfant du couple, elle était la deuxième personne au monde dont son père était amoureux. C'était une petite fille adorable, l'enfant sage et obéissant que la plupart des parents voulaient. Elle s'appelait Alice.

Antoine n'avait appris la nouvelle que par la tribu du Lys, personne parmi l'ancienne tribu n'avait daigné lui faire part de ce qui pourtant le concernait directement, plus que tout autre. On n'avait jamais vu ca, jamais rien vu d'aussi choquant. Antoine se savait banni, mais il pensait tout de même recevoir au moins deux lignes de la part d'Europe. Ce n'était pourtant pas le plus grave.

Elle allait commencer son apprentissage, sous la tutelle de sa mère, elle avait même pour la première fois assisté à une réunion dans la clairière, qu'elle avait regardé avec de grands yeux ronds d'enfant curieux. Il lui manquait encore deux dents de devant, et elle souriait en les montrant ostensiblement. Elle souriait à tout le monde. Son père l'avait pris dans ses bras en l'embrassant et elle avait rit comme lorsqu'elle était bébé.

Elles étaient allés jusqu'au bout, elles avaient achevé son éducation et l'avait monté contre lui, et ensuite elles l'avaient envoyé à la mort. L'ancienne Tribu ne s'était pas contenté de séparer père et fille, elle avait en plus sacrifié sa fille dans un commando qui n'avait que très peu de chance de revenir, dans des circonstances où les inquisiteurs étaient alertés par leur astronome... Antoine avait supporté de vivre loin de sa fille, même s'il en était ulcéré, mais il avait l'impression que cette mission suicide avait uniquement pour but de le blesser lui en la tuant elle. Un domestique se mit en travers en disant: « Vous n'irez pas plus loin! » Il avait beau faire le même gabarit que l'artisan, il finit par manger la tapisserie murale.

A treize ans, fini les risettes et les yeux étonnés. Son visage s'allongeait et elle prenait une mine de dégoût de plus en plus prononcée et naturelle. Ses cheveux bruns et bouclés, ceux de Louise restaient magnifiques, et des observateurs alertes voyaient les signes d'un beau corps en devenir. Toujours accompagnée de son aguerrie, Hélion, une de celles qu'Antoine aimait le moins, elle la suivait comme son ombre, Antoine était bien mis à l'écart par Hélion, même au beau milieu de la foule du marché.

Antoine se trompa de porte une ou deux fois avant de réussir à accéder au salon-véranda ou de façon très naturelle, avec un contrôle des émotions digne de sa noblesse, Europe écrivait coupée du monde. Le contraste était fort entre un Antoine furieux et malheureux comme les pierres, où on pouvait lire tout sur son visage et une Europe maîtresse d'elle même comme toujours. Connaissant un petit peu la Grande-prêtresse, il se contenta de lancer un furieux:

« Inutile de me rappeler les bonnes manières, tu peux te les carrer tes bonnes manières! »

Seize ans, c'était une belle fille, une fille qu'Antoine aurait aimé voir sourire plus souvent et non arborer cet air de princesse blasée, qui si elle ne peut être reine veut n'être rien. S'il avait pu la garder, elle serait autrement plus vivante et ouverte. Au moins, elle n'aurait pas de problème à se trouver un mari le moment venu vu tous les visages boutonneux qui se tournaient sur son passage. Antoine se souvenait comment il avait coincé dans un coin l'un d'entre eux, qui avait peloté sa fille. Alice ne lui en avait jamais été reconnaissante. Maintenant elle sortait seule, mais son père était un pur fantôme pour elle, et aucune conversation n'avait jamais pu avoir lieu, pas même un regard.

« Explique moi POURQUOI je n'ai pas reçu même deux lignes pour me dire que MA FILLE était morte! »

Bien sûr Antoine était un proscrit, mais les liens du sang étaient tout de même plus profond que ceux de la Tribu, à moins qu'Europe n'ait évolué en mal, et que la paternité ne signifie rien pour elle.
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Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeSam 13 Aoû 2011 - 17:25

En cet an de grâce 1640, la Grande Prêtresse Europe Eléanora-Sun n’avait pas encore établie la loi interdisant tout contact entre membres du Lys Noir et de la tribu d’Olrun. Sinon, nul doute qu’elle aurait dit à Antoine Vaudremont venu lui parler ce jour-là d’aller se faire voir, et l’aurait renvoyé sans ménagement…
Elle était tranquillement assise dans le patio à rédiger des paragraphes sur de petites feuilles carrées, quand un vacarme insupportable l’interrompit dans sa tâche. Europe se leva et eut le temps d’apercevoir par une porte entrouverte un domestique voler et des cris retentir. Ses sourcils se froncèrent en une expression mécontente, puis débarqua un Antoine Vaudremont ayant l’air de frôler la crise d’apoplexie.

L’agressivité de son interlocuteur la pris de cour, mais il se trompait. Elle n’avait nullement l’intention de le saluer avec politesse et bonnes manières, surtout après cette entrée fracassante; non, elle avait plutôt sur le bout de la langue un « si tu portes encore la main sur un de mes serviteurs, c’est moi-même qui m’occupe de ton cas ».
Mais bon… Antoine était un homme blessé, furieux, désespéré, comme en témoignaient ses muscles frémissants, son visage rouge et les veines saillant sur ses tempes. Europe en avait plus qu’assez de gérer la susceptibilité de chacun. Pourtant, elle fit un effort.


"Parce que j’étais en train de les écrire" répondit-elle d’un ton buté. Et effectivement, elle désigna d’un rapide signe de la main le petit tas de feuilles carrées destinées à exprimer les condoléances aux familles des défunts. "Avec les récents événements, j’ai passé mon temps à envoyer et répondre à des faire-part de décès. (Elle voulut ajouter « par ordre de priorité », puis renonça par peur de se prendre un coup de poing). Excuse-moi de ne pas aller plus vite que la musique."

Antoine était touchant dans son rôle mélodramatique de père affligé. Mais il y avait encore neuf autres pères derrière lui, alors il ferait comme les autres: la queue, en attendant son tour.
Une horde de domestiques et de préposés à la sécurité des lieux se ruèrent dans la pièce, prêts à sauter sur cet intrus vindicatif. Europe leur lança un regard sévère et les en dissuada d’un geste.


"Laissez-nous." Les types hésitèrent, puis finirent par laisser les deux interlocuteurs seuls à seuls, veillant cependant au grain de l’autre côté de la porte. "Et la prochaine fois, je te serai gré de ne pas violenter mes gens. Ils ne sont responsables de rien."

C’était clairement un ordre. Europe n’avait pas peur d’Antoine. Lui et elle, c’était une longue histoire. En outre, elle s’était plus ou moins attendue ces dernières heures à ce qu’il débarque chez elle pour cracher son fiel –comme si elle était responsable du fait que sa fille ait renié son géniteur.
La sorcière prit le temps de poser son nécessaire à écriture sur la petite table basse transparente, puis fit face à Vaudremont. Elle imaginait fort bien l’image qu’elle lui renvoyait en cet instant: celui d’une noble froide, dont le contrôle des émotions pouvait passait pour de l’insensibilité. Mais que s’imaginait-il? Qu’elle était une femme sans cœur qui ne ressentait rien, et n’était même pas émue par la mort de ses consoeurs? Depuis le rituel raté sur le parvis de l’Eglise, la Grande Prêtresse était dans tous ses états. Dix sorcières d’Olrun avaient été capturées puis brûlées par l’Inquisition, certaines au bout d’une longue séance de torture dans les forme. Manon, une adolescente. Alice, une autre jeune fille. Caroline, l’aguerrie d’Inès Gallois. Et tant d’autres… C’était un formidable coup dur porté à la tribu, dont ils ne se relèveraient qu’avec de la chance. Europe n’avait réchappé au coup de filet que de justesse et ce seul souvenir la bouleversait.
C’est juste qu’elle ne le montrait pas, voilà tout.

Enfin, maintenant que Vaudremont était là face à elle, plus besoin de lui envoyer de missive.


"Antoine… Je sais que tu ne vas pas me croire, mais je suis désolée pour Alice. Je l’aimais bien." Cela au moins, ce n’était pas un mensonge. Europe n’avait jamais vu une adolescente plus dévouée à Olrun que la fille de l’artisan. Elle lui avait collé Hélion dans le but de prévenir toute mentalité frondeuse, mais cela s’était avéré inutile; le dévouement d’Alice était d’autant plus jouissif qu’elle avait par là-même renié son père, le Judas de la tribu. Et seul le respect de cette journée de deuil interdisait à Europe de dire ses quatre vérités à Vaudremont; pourtant, elle en mourrait d’envie. Pour une fois qu’ils avaient l’occasion d’être seuls face à face! Elle aurait eu énormément à lui reprocher.
Mais il avait perdu sa fille.
Alors elle se tut. Qu’on ne vienne pas lui dire après qu’elle n’était pas diplomate.
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Antoine Vaudremont
Meneur
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Antoine Vaudremont


Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeDim 14 Aoû 2011 - 12:45

Un père blessé n'est pas rationnel. Un homme à la famille brisée est incapable d'accuser les bonnes personnes. L'éloignement de sa fille avait été dans la tête d'Antoine toujours l'œuvre de l'ancienne Tribu, qui avait manipulé la petite fille de dix ans pour qu'elle fasse finalement son apprentissage, certes un petit peu en avance chez Olrun et non chez le Lys. Chez maman et non chez papa. Il avait suffi qu'Antoine s'absente une demie-journée pour ne retrouver que le petit Mathieu au retour, qui n'avait rien compris à ce qu'il s'était passé et qui était trop jeune pour raconter. Heureusement, une ancienne d'Olrun était venu lui annoncer officiellement ce qu'il s'était passé, et lui interdit formellement de récupérer sa fille, sous peine d'avoir à affronter l'ancienne Tribu toute entière. Antoine n'y était pas prêt.

Mathieu regardait son père en train de faire des choses bizarres devant la porte. Lorsque le petit était allé se coucher, papa s'activait déjà à faire son enchantement, quand il s'était levé le matin, papa était toujours en train de construire son enchantement. Antoine Vaudremont s'était juré que plus jamais aucune sorcière ne pénètrerait chez lui sans en payer le prix, et qu'on ne lui prendrait pas son fils de la même façon, en son absence. Il y avait passé la nuit, son huis était entaché de sang de mouton, porte et linteau, et avait fait appel à des esprits que les sorcières préféraient éviter, pratiquer des enchantements qui comportaient une part de risque. Il serait alerté si jamais quelqu'un franchissait le seuil et l'intrus subirait alors toute la mesure de la colère et de l'habileté de l'artisan. Personne ne tenta jamais de prendre Mathieu.

Europe paraissait presque sincèrement désolée de cette mort, cela calma le ressentiment de Vaudremont, sans pour autant qu'il ne regrette de s'être emporté. Si on ne déchaînait pas ses émotions dans un moment pareil, quand le faisait on alors? Maintenant que tout était définitif, il était impossible de lâcher des années de tristesse et de malheur, maintenant qu'il n'y avait plus d'espoir de revoir la fille, un verrou sautait. La rage partait, mais la colère était intacte.

« Tu l'aimais bien? Et bien moi, je l'aimais plus que tout, elle me rappelait tellement Louise. Je n'ai eu que deux enfants qui ont dépassé leur première année, et on m'a amputé la moitié de ma famille! »

Les larmes, sincères et chaudes, firent leur apparition, et Antoine ne pouvait pas les cacher en regardant par la fenêtre non plus. Les reflets sur ses yeux étaient trop caractéristiques.

« Alice aurait dû entamer son apprentissage dans la Tribu d'Olrun avec ton épouse comme aguerrie. C'était ce que vous aviez annoncé officiellement à la Clairière. La Tribu a entendu, et a retenu. Tes changements de camps ne concernent que toi, mais Alice Vaudremont fera son apprentissage au sein de la Tribu d'Olrun, c'est écrit. Voilà pourquoi elle n'est pas à ton domicile, et pourquoi elle n'y reviendra pas. Tu ne pourra pas te plaindre ni demander de changer d'aguerri pour la mettre sous ta tutelle: tu as quitté notre Tribu, tu as quitté le droit de paraître devant nous, tu as quitté le droit de réclamer un apprenti de nos rangs. Ne songe pas à la récupérer de force, je te jure que toute la tribu se liguera contre toi et il n'y aura aucun moyen devant lequel nous reculerons. Contrairement aux Lys Noir, nous défendons nos soeurs. »

« Je n'ai jamais même eu le droit de connaître ses progrès, ni le genre de jeune fille qu'elle devenait. Etait elle une bonne apprentie? Promettait elle de devenir une bonne sorcière? Etait elle suffisamment pieuse? Ce n'est certainement pas elle qui me l'a dit. Je n'ai pas pu lui dire un mot depuis plusieurs années, alors qu'elle est dans le même village! »

Il frotta son nez contre sa manche en reniflant.

« Tu connais la réponses à ces questions? »

Il n'était pas là pour la guerre, il était là pour le deuil.
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Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeLun 15 Aoû 2011 - 1:18

Alors que le moment était plutôt mal choisi pour avoir une telle pensée, Europe se dit qu’elle devait paraître singulièrement agaçante, à avoir toujours réponse à tout comme pour cette histoire de faire-part de décès. Antoine ne cessait de lui rabâcher sa douleur et sa colère, or plus les secondes passaient, plus la Grande Prêtresse sentait l’agacement prendre place dans son esprit. Mais enfin! Etait-ce de sa faute si sa femme était morte le soir de la trahison de l’Oracle? Etait-ce de sa faute si cette épouse et, conséquence logique, sa fille, ne l’avaient pas suivi dans ses élucubrations religieuses à propos du Lys Noir? Au moins, ces deux personnes avaient eu du bon sens. Tout le contraire d’Antoine.
Oui, c’était douloureux de perdre un membre de sa famille. Mais tout le monde avait des problèmes. Surtout en ce moment. C’est pourquoi elle fut tentée d’ajouter un sarcastique: « vois le côté positif, il te reste encore l’autre moitié » mais se retint.

Des larmes chaudes –l’enfer!- coulèrent sur les joues d’Antoine au paroxysme de son chagrin. Horriblement gênée, Europe détourna le regard pour ne pas avoir à fixer ce visage chialant, gémissant et reniflant. Les souvenirs affluaient dans sa propre tête aussi, comme toujours ces dernières heures: ceux d’une Alice sérieuse, pragmatique, excellente, destinée sans aucun doute à marcher dans les pas du traditionalisme mis en exergue par Europe au cours des années de son mandat. Oui, elle avait perdu un membre fidèle d’Olrun et le regrettait amèrement. C’était Alice elle-même qui avait tenu, par dévotion à son clan, à faire partie de ce commando, ce soir-là sur le Parvis de l’Eglise. Europe avait eu l’intention de n’y assigner que des vétérans mais avait fait quelques exceptions, pour une pluralité de raisons.

Vaudremont et elle auraient pu en rester là, finalement assez d’accord sur le chagrin et le deuil de cette journée, mais il fallut qu’Antoine ouvre de nouveau la bouche et profère des inepties qui agacèrent prodigieusement la Grande Prêtresse. Elle contracta les mâchoires et fixa son interlocuteur d’un regard impavide, sentant venir le moment de vérité –ce moment qui aurait dû arriver depuis des années en leur permettant enfin de dire ce qu’ils avaient sur le cœur… Antoine n’était peut-être pas là pour la guerre. Mais Europe ne connaissait pas de paix, jamais.


"Oui, je connais la réponse, et puisque tu es visiblement un homme en détresse, je vais être franche avec toi." La dirigeante d’Olrun releva le menton; malgré leur différence de genre, elle était aussi grande que Vaudremont.

"Alice était une très bonne apprentie et promettait de devenir une sorcière exemplaire. Mais ce n’était certainement pas grâce à sa piété. Ce qui causera ta perte, Antoine, c’est ton acharnement à croire que ce qui fait de nous des sorciers est un pouvoir et non un savoir! Nous ne devenons pas plus puissants en priant la déesse, mais bien en passant des heures à potasser studieusement, penchés sur des grimoires!! Et cela, ta fille l’avait compris. Elle a fait son choix. Tu dis que personne n’a essayé de comprendre ta décision de quitter la tribu pour le Lys; mais toi, Antoine, as-tu déjà seulement essayé de comprendre la sienne?"

Le regard d’Europe se fit impérieux. Quiconque se serait trouvé dans la même pièce aurait été choqué de son manque de compassion; mais la Grande Prêtresse se rendait compte en cet instant qu’il était difficile de compatir pour le chagrin d’un homme qu’on n’aimait pas. Auparavant, elle avait éprouvé de la rancœur pour Antoine Vaudremont et ses caprices versatiles et inexpliqués de changement de tribu. A présent, la vérité s’imposait à elle: elle ne le haïssait pas. Pourquoi se serait-elle donné cette peine? Il avait changé de camp, grand bien lui en fasse. Puisque de toute façon, il n’était indispensable en rien à Olrun. Avec ou sans lui, on ne voyait pas la différence.
Oui, elle ne le haïssait pas: son sort l’indifférait, tout simplement. La perte d’Alice, voilà qui était douloureux –et cela avait tout d’un attachement personnel, un lien dont Vaudremont était totalement absent.


"Maintenant, je vais te dévoiler quelque chose qui, je l’espère, te fera réfléchir à mes précédents propos. C’est ta fille elle-même qui s’est portée volontaire pour faire partie de cette expédition. Au début, je n’étais pas d’accord à cause de son jeune âge. Mais elle y tenait absolument. Jamais je n’ai vu quelqu’un d’aussi dévoué à Olrun –oui, la déesse si tu veux, mais je parle avant tout de la tribu. Et tu sais pourquoi? Car elle était conscience de l’impérieux degré de nécessité de récupérer le Livre de Lumière –le même livre jalousement dérobé puis gardé par TA Meneuse, par la tribu où TU es allé te réfugier sciemment. Alors si tu avais ne serait-ce qu’une once d’amour propre, tu aurais déjà pris l’initiative de me rapporter ce Livre, avec le grimoire d’Alicia en signe de repentir, afin que ta fille ne soit pas morte en vain."

Europe marqua une pause, puis son regard dur comme l’acier sembla se radoucir, de façon presque imperceptible.

"Mais il n’est pas trop tard, Antoine. Tu peux encore changer d’avis, faire marche arrière et revenir à la raison. Tu es passé à l’ennemi certes, et ça semble impardonnable, mais… premièrement, l’erreur est humaine. Deuxièmement, tu as cru bien faire. « Souvent la peur d’un mal nous conduit dans un pire »… tu dois connaître cette phrase des Arts Poétiques d’Horace; c’est la favorite de ta Meneuse."
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Antoine Vaudremont
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Antoine Vaudremont


Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeMar 16 Aoû 2011 - 17:23

Antoine ne savait pas exactement ce qui lui faisait le plus mal, s’il s’agissait d’entendre qu’il valait mieux connaître les grimoires que la Déesse ou bien si c’était de l’accuser lui de la mort de sa fille. Les deux coups faisaient mal et touchaient au cœur. Il blanchit comme un linge, manqua plusieurs battements, mais ne s’emporta pas dans un tourbillon de rage. Il était davantage horrifié de ceci, comme le bigot qu’il était par certains côtés.

« Si ceux qui avaient écrit des grimoires réfléchissaient comme toi, alors nous ne serions pas des sorciers, mais des cuisiniers ! Le cœur même de notre identité se situe en la Walkyrie, comment toi, la Grande-Prêtresse, peut tu dire des choses aussi légères ? C’est à travers la Déesse que nous devons nous approprier le Savoir et non nous contenter de bouquins. Sommes-nous des alchimistes ou des sorciers ? Est-ce que tu veux davantage ressembler à la caricature qu’on fait de nous ? Une verrue sur ton nez crochu peut être ? Tu… je… »

Il s’en étranglait d’indignation, et c’était pourtant un vieux cheval de bataille que celui là, une position qu’il savait archaïque. Mais c’était sa position, et il ne s’était jamais trouvé mieux qu’en défendant le tout-religieux. C’était une structure complète, suffisante et qui avait fait ses preuves. Un dinosaure venu du fond des âges pour certains, mais qui avait fait preuve de sa capacité de survie selon des gens comme Vaudremont. Plus solide qu’adaptable, le tout-religieux était une voie de sécurité, de développement sain. Ne garder que la technique, les grimoires et les hocus pocus, c’était se couper de tout sens, de toute objectif. En revanche, on pouvait effectivement accéder au pouvoir, sans limitations, on pouvait tout faire. Mais qu’en était-il de l’âme et de l’humanité de celui qui faisait cela ?

« La Walkyrie nous as légué son héritage non pas pour que nous soyons des dieux tous puissants, mais pour que nous soyons une humanité meilleure. Tes grimoires techniques t’aident-t-ils en cela ? »

En tout cas ils n’avaient pas aidés Alice. Malgré les réponses d’Europe, dont Antoine ne voyait pas l’intérêt de réfuter, sa fille et la femme qu’elle devenait restait un mystère pour lui. Il comprenait confusément certains des mécanismes : elle avait probablement voulu prouver qu’elle n’était pas son père, qu’elle était infiniment plus loyale. Elle s’était entraînée avec assiduité, s’était plongé dans les grimoires comme son père dans la prière et il était logique finalement qu’elle ait fait partie de ce commando.

Cependant, rester dans la Tribu d’Olrun était le choix d’une petite fille de 10 ans, participer à cette mission était le choix d’une femme de 16 ans. Le premier, on pouvait rejeter la faute sur les adultes, le deuxième en revanche… Visait elle le Lys Noir dans une optique de grandeur de la Tribu, ou bien était ce une attaque contre son père dans une optique de vengeance ?

« Et pour ma fille… je te crois quand tu dis qu’elle a insisté. Si moi aussi je m’étais gavé de livres de sorcellerie, si je m’étais préparé à une bataille, j’aurais demandé à y prendre part. Elle s’est comportée dans le conflit comme moi en temps de paix. Et mon attachement au Lys est désormais aussi fort que fut celui d’Alice à l’ancienne tribu, je ne suis pas plus un traître qu’elle ne le fut. »

Pourrait-il comprendre sa décision néanmoins ? Vaudremont la comprenait déjà. A travers sa vision, c’était l’ancienne tribu qui avait monté sa fille contre lui, en même temps que contre le Lis. Ils n’avaient pas insisté, ils avaient eu seulement à laisser faire.

« Quand à revenir au sein de l’ancienne tribu, je ne l’ai pas fait quand il y avait un reste de ma famille, je ne le ferai pas maintenant. Avec la majorité des sorcières de Forbach qui me détestent déjà et qui ne changeront pas d’avis en me revoyant, je ne tiens de toute façon pas à m’aliéner la partie restante. Non, Europe, je ne trahirai pas mes convictions pour me faire pardonner auprès de vous. Et je me fiche royalement que vous compreniez ou non ces convictions. »


Ils n’avaient pas voulu comprendre il y a une douzaine d’années, ce n’était pas le pourrissement de la situation et les rancoeurs accumulés qui les aiderait aujourd’hui. Antoine restait malgré tout ferme dans sa résolution, quel que soit les tempêtes qui lui passaient sur la tête : il ne troquerait pas la Communion contre le Rituel. Il ne quitterait pas une tribu de liberté pour revenir à une tribu archaïque ne croyant même plus à ce qu’elle prêchait.

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Europe
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Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeMer 17 Aoû 2011 - 0:44

Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, Vaudremont riposta au discours d’Europe dirigé contre lui, étalant ces sempiternelles (soi-disant) justifications qu’il avait déjà rabâché maintes et maintes fois pour expliquer sa décision de rejoindre le Lys Noir. La Grande Prêtresse retint une moue à mi-chemin entre l’agacement et le mépris; car Antoine avait beau s’expliquer encore et encore, elle ne comprenait toujours pas. Son raisonnement, sans logique, ne tenait pas debout et était bourré de failles. Il disait vouloir retrouver ses racines spirituelles, soit. Mais alors pourquoi avoir choisi le Lys Noir, la pire tribu qui soit, à l’opposé même de l’héritage de la Walkyrie? Moralement parlant, le clan d’Alicia se situait tout en bas de la hiérarchie. Plus bas que les chrétiens, que les sectaires, que les assassins, que les violeurs, que les troupeaux de chiens galeux… tout juste à côté des cloportes à la rigueur.

Mais après tout, elle s’en fichait, elle n’était pas là pour se lancer dans un débat théologico-religieux. Essayer de comprendre les élucubrations de son interlocuteur la fatiguait déjà; elle trouvait cela très ennuyeux, elle avait eu une longue journée, et n’était pas dans de bonnes dispositions. Même si Antoine était venu au nom de son chagrin de père. Mais Europe avait déjà fait sa b.a en disant qu’elle était désolée; il ne fallait pas en attendre beaucoup plus d’elle sur ce plan-là… Non, la seule chose qui la retenait de ne pas congédier Vaudremont sur-le-champ, c’était que sa mission n’était pas totalement remplie: il restait encore un objectif, difficile à réaliser s’il en est… Le convaincre de récupérer le Livre de Lumière.


"Oh, oui" railla-t-elle avec un affreux rire, ironique et glacial. "Une humanité meilleure. Tu es allé chez le Lys pour retrouver ça. Ils ont juste empoisonné les eaux de Forbach, fait revenir les morts, tué une de nos Prêtresses en empoisonnant la Clairière, exécuté trois hommes en leur gravant un pentacle sur le front, volé le Livre de Lumière… mais à part ça, oui, aucun doute, ils représentent une humanité meilleure." Elle marqua une pause avec une moue dédaigneuse. Antoine répondait toujours à côté, en esquivant et feintant oralement; et pour cause, il était incapable de répondre par oui ou par non à ce genre d’accusations car elles étaient fondées, contrairement aux opinions de Vaudremont. Alors si le Lys Noir représentait une humanité meilleure, la tribu d’Olrun était la sainteté même.

D’abord, lui prouver qu’il avait tort. Ensuite, l’attaquer sur ses fautes pour le faire culpabiliser. L’action de la Grande Prêtresse était rodée depuis plusieurs heures, depuis qu’elle s’attendait à la visite d’Antoine en fait. Elle avait déjà cerné les faiblesses de son interlocuteur: tout ce qui touchait à sa fille le forçait à se remettre en question. D’ailleurs, il n’avait pas répondu à la question de savoir si il avait vraiment essayé de comprendre la décision de sa fille. Preuve flagrante, selon la sorcière, que la réponse aurait été « non ».


"Ce n’est pas auprès de nous que tu devrais te faire pardonner" dit Europe d’un ton glacial avec un regard souverain. "Plutôt auprès de toi-même. Mes félicitations si tu parviens à vivre avec la mort de ta fille sur la conscience. Car oui, elle a tenté de récupérer le Livre en y laissant sa vie –sachant pertinemment cela, sachant pertinemment nos tentatives répétées et risquées, tu n’as pourtant pas bougé le petit doigt pour l’aider ou lui éviter tout danger. A mes yeux, cela te place au même titre que les Inquisiteurs et que les autres membres du Lys Noir, au rang d’assassin d’Alice Vaudremont." La Grande-Prêtresse leva les yeux au ciel. A sa propre surprise, ses mains tremblaient d’une colère contenue et sa voix, bien que d’un calme polaire, était chargée d’hostilité.

"Tu aurais pû au moins faire l’effort de rapporter le Livre, ou de le placer dans un endroit où nous puissions le récupérer. Je ne te demande pas de trahir tes soi-disant « convictions », mais de trahir le Lys Noir. Puisque tu es fidèle à une déesse et non à un clan, cela ne devrait pas te poser trop de soucis. Tout comme tu as trahi Olrun…" Les yeux d’Europe se rétrécirent.

"Car oui, Antoine, il s’agit bien de trahison. Nous sommes des sorcières et des sorciers, des gens différents des autres, et par conséquent incompris et chassés par le monde entier. Notre tribu était une véritable communauté et nous avions le droit et le devoir de nous entraider, parce que nous partageons le même secret mortel… Alicia a sciemment tourné le dos à tout cela, renié tout ce qui faisait d’une sorcière, une sorcière. En rejoignant les personnes qui nous persécutent quotidiennement, tu as abandonné tes responsabilités et trahi la confiance que tout le clan d’Olrun avait dans son nouveau Prêtre." Elle poussa un soupir. De cela, au minimum, elle aurait attendu de plates excuses. Car Antoine avait tourné le dos à des personnes qui avaient besoin de lui. Qui avaient confiance en lui et espéraient de lui. Comme Viviane et elle, puisqu’ils avaient été amis fut un temps… Et à présent l’histoire d’Antoine Vaudremont était citée en exemple de ceux qui déraillent.

"Tu veux que je te dise? Ils ont eu très peur en voyant ça. Pas étonnant qu’Alice et tant d’autres jeunes ont travaillé si studieusement. Aucun n’avait envie de finir comme toi."
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Antoine Vaudremont
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Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2011 - 11:26

Il y a une constante chez les hommes de foi : plus on les attaques sur leurs croyances et leurs raisonnements, plus ils se replient sur le dogme et puisent alors une nouvelle force, si bien qu’ils sont encore plus croyants après qu’avant. Comme Antée, ce n’était pas en les jetant à terre qu’on avait raison d’eux, les renvoyer à leurs fondamentaux n’était pas une bonne idée. Il fallait trouver l’équivalent réthorique de faire comme Hercule : les soulever et les étouffer en l’air. Ce n’était pas ce que faisait Europe pour le moment bien qu’elle domine et qu’Antoine saignait.

« Que connais tu du Lys ? T’es tu seulement intéressé à la vérité ? Si nous sommes comme tu le dis des criminels nécromants à l’âme vendue au diable des chrétiens, pourquoi alors n’y a-t-il pas plus de défections du Lys vers Olrun ? Pourquoi est ce toujours des gens qui quittent Olrun pour le Lys et non l’inverse ? »

Oui des crimes avaient été commis par la Tribu, même si Antoine n’avait participé à aucun, et qu’il avait réagi comme Europe lorsqu’ils avaient été commis. Oui, ils pratiquaient ce que les étrangers appelaient la nécromancie, un des plus grands crimes connus. Mais c’était la conséquence de plus de liberté, de plus de curiosité et de plus de volonté. Trois choses essentielles qui n’existaient plus dans l’ancienne tribu.

« Ce n’est pas l’attrait du Mal, car le Mal n’a aucune gratitude et dévore ses suivants, c’est l’attrait de quitter une tribu archaïque et sclérosée, qui endoctrine et opprime. Ose donc me dire en face que tu es une femme de bien, ouverte et altruiste, ose donc me dire que tu es en train de moderniser la tribu. Tu as tellement de fausses idées, je préfère encore te laisser dans ton ignorance crasse, c’est plus drôle de te voir si ridicule. »

Antoine ne riait pas, le moment ne s’y prêtait pas non plus. Mais chez le Lys Noir, les sarcasmes autour d’Europe étaient fréquents et nombre d’entre eux n’hésitait pas à la considérer comme une vieille raccrue, méfiante et désagréable au possible. Au final chaque camp avait son Satan en la personne de la chef de l’autre, à partir d’images en parties vraies. Alicia avait fait preuve d’une grande audace en faisant son schisme et était responsable des actes du Lys, Europe se muait en tyran de manière de plus en plus nette. Que l’ancienne tribu continue donc de se croire seuls gardiens de l’Héritage si ca leur faisait plaisir, les obscurantistes ouvrent difficilement les yeux.

« Je suis ma propre voie, et je n’ai jamais trahi Olrun. En revanche je m’éloignais de la déesse alors que je restais chez toi, dans cette tribu où on se passait volontiers de la Walkyrie pour se concentrer sur ces foutus grimoires. Se concentrer sur le pouvoir et non le savoir. Le Lys Noir n’a pas abandonné Olrun, loin de là… Mais continues donc de m’utiliser comme un père fouettard auprès de tes apprentis, fais ce que tu veux : cela ne me concerne plus. Ce n’est pas ma Tribu, et j’aurais aimé qu’elle ne le soit jamais. »

Il souhaitait une chose en plus, qui lui ferait un plaisir immense : qu’Europe continue dans cette voie de gouvernement de plus en plus autoritaire, qu’elle opprime davantage sa tribu. Tant qu’elle serait vivante, Olrun pourrait peut être subsister ainsi, mais le jour où il faudrait lui trouver une remplaçante, aucune n’aurait le génie, la capacité de manipulation et l’orgueil suffisant : la Tribu exploserait à cause de la pression mise à Europe. Du côté du Lys, la succession serait difficile mais possible, et même en danger le Lys pouvait muter pour s’adapter. L’ancienne tribu était un dinosaure encore protégé par sa masse, quand l’hiver viendrait…

« Tout ceci ne mène nulle part : tu es Europe et je suis Antoine. Nous sommes chacun à notre manière inflexible, et je ne vais pas te convaincre que le Lys Noir est honorable pas plus que tu ne me convaincras de changer de camp. Peut être vais-je te laisser consoler les familles de ta tribu ? »
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Alice Vide
MessageSujet: Re: Alice   Alice Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2011 - 15:24

Europe sentait peu à peu que le débat s’enlisait, car malgré tous les efforts déployés, Antoine ne cédait pas. Elle trouvait étrange qu’il s’obstine à ce point dans cette voie mais après tout, elle n’avait jamais totalement compris ce qu’il y avait dans la tête de Vaudremont. Surtout lorsqu’il affirmait ne pas avoir trahi. Pourtant c’était cruel mais véridique: en quittant Olrun pour le Lys Noir, Antoine n’avait pensé qu’à ce qu’il aurait désormais, non à ce qu’il laissait derrière lui. Ou plutôt ceux qu’il laissait derrière lui…
Juger les histoires des autres était toujours instructif ou amusant, car l’on pouvait dire ce qu’on voulait dessus en toute gratuité. Tandis qu'il était tellement épuisant de se pencher sur sa propre histoire…


"Non, ce n’est pas l’attrait du Mal" dit Europe d’un ton qui avait perdu toute colère mais aussi toute superbe –car c’était un des aspects de son psychisme qu’elle parvenait le moins à assumer pour l’instant. "C’est l’attrait du Pouvoir." Et sur la question d’être obnubilé par le pouvoir, la Grande Prêtresse en connaissait un rayon à présent, elle qui jour après jour était de plus en plus consumée par la fonction qu’elle occupait… Il ne fallait pas se faire d’illusions: en explorant des territoires interdits comme celui des mânes défuntes, le Lys Noir avait abandonné toute éthique mais gagné une puissance sans pareille –et Alicia ne s’en était d’ailleurs jamais cachée. Europe était sûre de pouvoir se mesurer à Antoine et emporter la victoire; en revanche, elle était également certaine que se retrouver face à Alicia serait synonyme d’une sévère déculottée, voire d’un danger de mort. Que cette femme ait choisi une telle voie -abandonnant toute morale pour gagner le pouvoir- n’avait rien de surprenant; en revanche l’on pouvait fort logiquement se demander ce qu’Antoine, qui prêchait une humanité meilleure, venait faire au milieu de tout cela. En revanche, il avait raison en disant qu’elle n’était plus franchement une femme de bien…

L’échange touchait à sa fin, la vérité venait d’être énoncée: il était inutile de continuer ainsi car ils n’arriveraient pas à se convaincre l’un l’autre.


"Oui, s’il te plaît. Beaucoup de gens ont besoin d’être consolés, ce qui n’est visiblement pas ton cas. Je me demande pourquoi tu es venu." Une pointe de dépit était apparue dans la voix d’Europe, puis elle se détourna afin de consacrer son attention à ses feuillets carrés, communiquant ainsi à Vaudremont qu’il était temps pour lui de prendre congé.



Europe attendit quelques minutes, le temps qu’il sorte du Manoir. Puis elle monta à l’étage et observa à travers une fenêtre la silhouette d’Antoine s’éloigner sur le sentier de gravillons. La conversation semblait s’être terminée sur une note décevante, pourtant, un sourire franc étira les lèvres de la Grande Prêtresse. Elle trouvait assez amusante et paradoxale la réaction de Vaudremont, qui contre toute attente, ne lui avait reproché ni son côté manipulateur, ni la mort d’Alice qui pourtant en aurait logiquement découlé. Car après tout, Europe était présente sur le Parvis ce soir-là et elle s’en était tirée de justesse, échappant aux Inquisiteurs… et regardant les autres se faire capturer sans même bouger le petit doigt, comme avec Joan Witham, préférant sauver sa peau d’abord et ne pas secourir les autres. Et Antoine, étrangement, ne l’avait aucunement admonestée pour cela. Tout le contraire de ses consœurs d’Olrun (et Viviane à leur tête), qui ne cessaient de critiquer son côté despotique et manipulateur. Elle, de son côté, trouvait toujours une bonne excuse pour se dédouaner et justifier ses écarts… Or la seule personne dont elle s’attendait
vraiment à recevoir des reproches sur cette affaire (Vaudremont en l’occurrence) ne lui en avait pas fait un seul.
Et pourtant! Il aurait pu et il aurait dû. Car cette fois-ci, Europe n’aurait eu aucune justification à lui opposer. Puisqu’il aurait eu entièrement raison.
Oui, elle était fourbe et manipulatrice. Oui, il avait été facile de baratiner Antoine comme un pigeon sans qu’il se doute de la vérité. Elle avait dit qu’elle regrettait la mort d’Alice, ce qui était sincère. Mais cela n’empêchait pas Europe d’y voir d’excellents avantages. Comme cet entretien qu’elle venait d’avoir avec Vaudremont ; son objectif avait été de tirer profit de la mort d’Alice pour tenter de manipuler Antoine et lui faire ramener le Livre de Lumière. Alors si elle s’était abstenue de secourir l’adolescente, ce soir de 1640… c’est qu’il y avait une très bonne raison, entièrement calculée. Oh bien sûr, elle regrettait la perte d’un excellent élément comme Alice… Mais c’était un sacrifice auquel elle consentait de bonne grâce. Aucune vie, si attachante soit-elle, ne valait le prix du Livre de Lumière.
Si Antoine avait sû qu’elle avait sciemment laissé mourir sa fille dans le but de le manipuler, il lui aurait arraché la tête. De toute façon, son plan était tombé à l’eau: Vaudremont n’avait pas cédé. Mais tout n’était pas perdu! Le sourire franc d’Europe se mua en un sourire sournois et cruel. Après tout… il restait un enfant à Antoine.
Un enfant qui lui, faisait partie du Lys; cette fois-ci la Grande Prêtresse aurait donc moins de scrupules. Une fois Vaudremont sans plus aucune attache familiale au clan adverse, il serait plus enclin à reconsidérer ses positions… Elle ne savait pas encore quelle forme allait prendre son plan, ni combien de temps il durerait –peut-être des années si il le fallait. Mais Antoine avait sérieusement intérêt à surveiller de près son rejeton.
Car le moindre instant d’inattention pourrait lui être fatal…
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