Au cœur des ondes #16

Aguerri(e)

Il y avait quelques temps qu'Elena avait récupéré un sommeil plus calme. Pourtant, cette nuit du 3 septembre 1645 frappa l'esprit d'Elena pour ne plus le quitter. Une soirée chaude et animée au repas c'était déroulé. Un fou rire c'était emparé de la maisonnée quand Elena avait raconté les exploits de sa filleule. Et puis Vincent et elle avait finit par discuter dans le jardin, goutant encore aux derniers jours de l'été. Lorsque la nuit s'acheva de tombé, on rentra dans ses appartements. Le sommeil pris Elena en pleine lecture, un ouvrage prêté par Louisa dans lequel était glissé un petit papier avec une annotation de la couturière en lui disant que celui-ci lui plairait particulièrement. Elle s'était arrêtée à une histoire particulièrement intéressante racontant une coutume du Moyen Orient. Avant même d'avoir pu en apprendre assez, elle s'endormait sur son livre, bougie allumée, les rideaux entre ouverts.

Le vent commença a faire bouger les branches d'un arbre contre les carreaux, sollicitant son ouïe et la faisant quitté le sommeil profond. Elle ne s'éveilla pas, mais fit un drôle de rêve que je vais vous conter.
Elena se retrouva, par une nuit de pleine lune autour du lac de Diefenbach. Les rayons d'argents se reflétait, formant un miroir subissant quelques ondes d'une brise estivale. La sorcière était habillée simplement d'une tenue d'entraînement à l'escrime : chemise à jabot blanche et large et pantalon de cuir sombre. Les pieds nus dans l'herbe et le fleuret à la main, elle fixait son regard dans l'eau imperturbable. Elle entendit une voix l'appeler, la voix d'un homme.

Elle tourna de tous les côtés sans rien voir, les yeux écarquillés de surprises. Elle entendit à nouveau cette voix et se retourna pour faire de nouveau face à l'étendu d'eau. Au loin, elle crut apercevoir des bulles d'air se former. Sans réfléchir elle courut dans l'eau et avança aussi vite quelle pouvait avant de se mettre à nager et de plonger sous l'eau pour chercher celui qui émettait ses bulles. Sous l'eau elle ne vit rien que les raies de lumières. Quelque chose bougea derrière elle la faisant se retourner d'un geste vif, cherchant une présence. Elle avait laissé le fleuret sur la terre ferme et le regrettait déjà.

Quelque chose bougea.

Elle se retourna encore et dû remonter à la surface chercher de l'air. C'est à ce moment là qu'elle sentit quelque chose la tenir par la cheville. Elle fut attiré par le fond. Une fois sous l'eau, elle tentait de se défaire de cette emprise gênante et finit par être aveuglée par une lumière opalescente. Se débattant toujours elle sentait l'air lui manqué. Une main l'agrippa à la gorge, un visage lisse, sans rides, sans imperfection. Une visage presque blanc, tel une tête de porcelaine et opaque. Les yeux bleus marine, sans blanc la fixaient avec une cruauté sans nom. Il n'y avait pas de pitié dans l'âme de cet être sortit des tréfonds du lac. Elle allait mourir noyée sans que personne ne la recherche ici. On meurt toujours seul, mais l'idée qu'on ne retrouve pas son corps lui arriva comme un choc. Elle se débâtit de nouveau faisant face à ce visage lumineux et le frappa au visage dans un coup de boule plein de rage. Elle remonta à la surface en nageant le plus vite possible vers le bord. La bouffée d'air qui emplit ces poumons était salvatrice. Elle crut s'en évanouir.

Elle retrouva à nouveau le rivage et resta piquée devant le lac, sans plus pouvoir bougé, ayant récupéré le fleuret. Le vent se refroidit d'un coup et Elena sentit le froid lui saisirent la peau. Grelotant, les mèches en batailles et l'eau ruisselant sur son visage, elle fixait l'eau en respirant rapidement pour tenter de reprendre son souffle et son calme. Les bulles d'air éclatèrent devant elle, au bord du rivage. Elle planta son fleuret avec rage sans rien touchée. Son reflet dans l'eau redevint net. Elle attendit. Son reflet se troubla a nouveau et avant qu'elle plante à nouveau son fleuret dans l'eau pour surprendre son adversaire elle fut saisit à nouveau à la gorge et le visage de porcelaine sortit de l'eau et lui fit fasse. L'autre main de cet être étrange et opaque lui bloqua la main droite en l'air dans son élan. Elena ne pouvait plus bouger, soulevé par la force colossale de son ennemi. Il la toisa avant de s'exprimer.

Les yeux irrémédiablement plongés dans ceux de son agresseur, elle écoutait ses paroles, terrorisée. Il lui expliqua qu'il mettait les forbachois au défi. Les trois clans devaient faire un miracle, ou tous les stigmatisés mourraient. Elle pensa à Europe. Elle pensa à Noâz. Elle pensait à ces villageois, ces bourgeois, ces bonnes gens. Si cet être était réellement un ange déchu, et qu'il mettait son plan à exécution, des innocents perdraient la vie.

L'être s’éteignit dans le lac, comme il était apparu en laissant sa dernière phrase flotter dans l'air.

« Car bientôt, un seul clan règnera sur Forbach. »

Toussant pour récupérer son air, elle resta recroquevillée sur la terre humide, en restant affolée.

Les cheveux collés sur le visage par la sueur, le souffle court, elle se redressa dans son lit en haletant. Elle se passa la main sur la gorge en déglutissant. Ce message était-il réel? Etait-ce l'enquête qu'elle menait sur cette marque qui lui montait à la tête? Pourtant, ce discours, elle n'aurait pu l'inventer. Elle ne préférait pas en parler à quiconque pour le moment, ne sachant pas comment ils réagiraient face à cette lubie.