D’ordinaire les vendanges décourageaient Morphée à venir troubler le sommeil de Danielle. La fatigue se chargeait de l’emporter vers l’un de ces trous noirs réparateurs. Pour que les muscles cessent de battre tambour et que la peau s’apaise des sévisses du soleil avant l’aube. Mais ce soir, cette nuit, l’esprit de la jeune fille fut projeté dans un rêve forcé. Comme toute prisonnière elle ressentie très vite les murs de sa prison végétales.

La clairière était nimbée d’une lumière dérangeante. Le contact de la terre était trop froid sous la plante de ses pieds nus. L’endroit mettait la rêveuse mal à l’aise. Quelque chose n’allait pas. C’était un ressentis qui l’empêchait d’entrer entièrement dans le monde onirique et dans la ferme familial son corps résistait par soubresaut inquiets.

- C’est un nouvel exercice ? Inès je sais que je n’ai pas assez travaillé…

Une branche craquait. Danie en sursauta presque. Elle qui passait ses journées à écouter la nature. Son instinct la trompait rarement. Ses yeux verts cherchaient un repère auquel s’accrocher. Tout était presque similaire à la réalité. Alors pourquoi les poils de sa nuque se hérissaient-ils ? Une lumière blanche filtrait à travers les arbres. Elle se rapprochait.


La cruauté…

La voix était belle. Elle arrivait jusqu’à elle comme une brise. Son corps restait statique. Une espèce de pressentiment lui murmurait de ne rien faire. On écoute les messagers. Le temps était dilaté. Si bien que la bergère écoutait l’histoire sans avoir le droit d’en voir le conteur. Ses sens étaient tendus vers l’orée.

…Et je cherche depuis des milliers d’années à me racheter. …

Danielle avait toujours crus que les anges étaient parfaits. Soudain elle se souvenait de la statue posée sur l’église de Forbach. Sa peau frissonnait un peu plus. Pourquoi venait-il lui parler ? Que pouvait-elle faire… si ce n’est pleurer pour lui ? A chaque fois qu’une question venait effleurer sa pensée une réponse lui arrivait. Comment se faire pardonner de la plus grande entité de l’univers ?

…aspirer un nombre d’âmes humaines suffisant pour égaler notre âme passée. …

Forbach a porté en son sein l’homme qui a réussi à me sacrifier le plus d’âmes pour le seul but du pouvoir. L…

- Lorenzo Maestriani.


Le cœur de la jeune fille battait un peu plus vite. Tout cela la rendait de plus en plus nerveuse. En quoi les actes de cet homme la regardait-elle ? Telle toute âme innocente la sienne avait envie de l’arrêter. Personne ne voulait être mêlé à la cruauté des hommes. La bergère reculait d’un pas en acte de résistance silencieuse.

… Et il n’y a qu’un moyen possible…

Le plus redouté arriva.

…le comté doit à présent expier les péchés de Lorenzo Maestriani…

- Les marques, c’est vous ?

La question était pressée par la panique. Danielle avait vraiment peur. Elle n’était pas faite pour voir les anges. Ils étaient d’une puissance supérieure. Elle préférait rester une fille d’Olrun. Comment pouvait-on faire un « miracle » ? Il n’y avait pas de grimoire pour donner la recette.

- Trois clans… Mais il n’y en a que deux…

…Il est temps d’en finir.


La douce retenait sa respiration.

…Hommes et femmes de Forbach, je vous déclare indignes du Créateur. Je vous condamne à prouver votre valeur et celui de votre clan, par tous les moyens, possibles ou non. Dépassez les limites de l’imaginable s’il le faut, mais j’exige qu’au solstice d’été prochain, à minuit, un miracle ait été réalisé par chaque clan. Si tel n’est pas le cas, les hommes et femmes marqués de mon sceau se verront punis au nom de l’incapacité de tous. Beaucoup de sang coulera, je le sais. Mais rappelez-vous qu’il s’agira des dernières larmes.
Car bientôt, un seul clan règnera sur Forbach.


Un rêve collectif ? Pourtant elle ne voyait personne d’autre. Un battement de cil plus tard elle se retrouvait dans la chambre à moitié assise à chercher de l’air. Jeanne dormait juste à côté d’elle. Elle ne semblait pas perturbée. Sa voix un peu aigue répétait la sentence avec le sourire.

« Un seul clan. »

Danielle quittait le lit et filait à l’air libre le plus silencieusement et rapidement possible. Pinceau levait une oreille en la sentant passer. Le chien et la bergère allaient sous le ciel frais de septembre. Onze mois pour faire trois miracles. C’était impossible.

- Non rien n’est impossible pour Olrun.