Baron(ne)
 |  Sujet: Le cauchemar de la baronne #16  Lun 5 Sep 2011 - 19:19 | |
| Nuit du 3 septembre 1645 Je sais que Louisa me cherche souvent en rêve. Je la vois me créer, me recréer, sans fin, avec ce que ses souvenirs et ses désirs ont fait de moi. Parfois je souffre de ne pouvoir prendre la place de sa chimère. Elle ne comprendrait pas. Ce serait ruiner ses efforts pour se détacher de moi. Saper la bienveillance de l’homme qu’elle a choisi. Jamais je ne lui ferais une telle chose.
Je la regarde faire. Je suis sa vie à travers ses rêveries. Ma Lou a toujours sut rêver. Elle qui se dit depuis toujours si rationnelle et adulte. Il n’en ait rien. Je pourrais vous montrer combien elle est fragile. Mais vous seriez enclin à oublier sa force. Elle m’en voudrait. Tous ses visages lui ont permis de grandir. Je ne peux l’empêcher de grandir. Il le faut bien grandir…
Le battement d’aile au loin me pousse à franchir la limite. Le risque est grand ce soir. La menace est plus grande encore. Anaël est l’un des déchus. Son désir de rédemption lui a fait oublier sa mission première. Mon entrée perturbe la structure du songe. Je vois vaciller les pans du décor. La maison de Forbach disparaît progressivement. Louisa se tourne dans ma direction. Je vois dans ses yeux qu’elle est heureuse de me voir.
Ici les contraintes mortelles ne comptent pas. Elle n’a pas quarante, mais vingt-deux ans, comme à chaque fois qu’elle pense à nous. Je lui prends la main et l’entraine avec moi. La voix de l’ange arrête notre fuite. Je lui souris. Cette voix ne fait pas partie de son rêve. Je la sens perplexe et curieuse. Ses yeux se fixent sur moi.
-« Je dois l’écouter ? »
« Oui Louisa. »
Elle le fait. Je lis sur son visage les humeurs qui la traversent. Elle ne compatie pas. C’est oublier combien le bienêtre des cieux l’indiffère. Je suis fière d’elle. Je suis fière de sa pugnacité. C’est cela qui la fera survivre à l’épreuve. Je voudrais lui expliquer les détails. L’aider. Il ne me laissera pas faire. Je sens à quel point mon essence résiste au monde de Louisa. Peu à peu elle comprend l’enjeu. Ses doigts enserrent ma main blanche.
Son inquiétude entraine le froid et l’ombre. Son imagination tend vers le cauchemar. Je la prends contre moi.
« Non Louisa. Ça n’arrivera pas. Je te jure que ça n’arrivera pas. »
Les cadavres de Laura et des autres filles sortent du néant. L’ombre du coupable se dessine au milieu d’elle. Un Lorenzo rajeuni de quelques années. Une ombre aussi effrayante que séductrice. Je la cache dans mon dos et je la fait reculer. Elle enfoui son visage contre mon épaule. Je sais que ses fantasmes peuvent la perdre.
« Arrêtes. Il ne fera rien cette nuit. Ina reprend tes esprits. »
Il en vient à ce que je redoute le plus. Elle se raidie trop paranoïaque pour échapper au raisonnement.
-« Anna… »
Oui. Anna. Je l’empêche de partir vers le néant de ses affabulations. Elle ne peut voir Anaël. Il ne se montrera pas. L’angoisse fait remonter les lambeaux de ses démons. Le souffle des esprits. Le crépitement de l’incendie. Le rire de l’Agent du diable. La projection de l’adolescente apparait face à nous pleurant des larmes de sang. Dimitri vient lui prend la main avec un air désincarné. Je me place entre eux et elle. Je sais ce qu’elle pense. Mes yeux dans les siens. Pourquoi entretenir toutes ces tortures ?
« Lou. Réveils toi. »
Elle refuse. Son regard va des spectres à moi. Elle me dit tout dans son regard. Cet ange nourrie sa plus grande phobie.
« OUVRE LES YEUX ! »
-« NON. »
Mais la voilà dans la chambre. Il fait chaud et noir. Je ne peux plus rien pour elle.
Bonne chance Louisa. |
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