Les jours avaient passés, puis les semaines, les mois. Viviane avait appris à vivre avec ce qu’elle avait fait. Personne n’était au courant, sauf Antoine, qui l’aidait du mieux qu’il pouvait. Dormir était généralement devenu un vrai calvaire, dans son sommeil, rien n’arrêtait ses pensées qui tourbillonnaient dans tous les sens, alors de temps à autre, pour ne pas s’épuiser totalement, elle prenait des décoctions pour dormir.

C’était ce qu’elle avait fait ce soir-là, une heure avant d’aller se coucher, elle avait pris une bonne dose de préparation, depuis plusieurs nuits, elle n’avait pas fermé l’œil. En général, quand elle prenait cette sorte de tisane, elle dormait d’un sommeil paisible et sans rêve, pour peu qu’elle ait correctement dosé les ingrédients. Pour éviter tout accident, elle avait fait très attention en préparant l’infusion, mais apparemment, pas assez. Si elle avait conservé le goût, la texture et l’odeur habituels, la couleur, elle, était légèrement plus foncée. De vert pâle, elle était passée à une couleur légèrement plus soutenue et moins translucide virant vers l’émeraude. Préparée à partir de verveine, de camomille et autres plantes herbacées, la boisson avait une odeur agréable que la Prêtresse aimait à sentir avant de boire son bol. Ne s’en étonnant pas outre mesure de l’étrange couleur du liquide, Viviane le but sans se poser de questions, mais au fond, peut-être aurait-elle dû.

« Mmmh ! Cette partie de jambes en l’air est définitivement la meilleure que j’ai jamais vécue. Amaël, tu es... Je ne trouve pas les mots pour le dire. C’était si fort ! Si fort ! On recommence quand tu veux ! »

Langoureusement, la Prêtresse se blottit contre le torse de jeune Meneur du Lys. Sa peau si tendre, ce léger strabisme si mignon, ses muscles tout juste développé, pouvait-elle rêver de mieux ? Non, certainement pas. Et il était à elle. Han ! Cette plénitude qui vous étreint juste après avoir faire l’amour, c’était délicieux !

« Et toi Viviane, tu es tout simplement divine. Ces petits jeux que tu fais avec ... ! Haaaaaaa, rien que d’y penser, je me redresse ! »

Et il ne mentait pas le petit jeune, voilà qu’il était à nouveau au garde à vous, prêt pour un nouveau round. Viviane, elle souhaitait plus. C’est pourquoi à leur côté apparu Sébastien Garin. Rien de mieux que varier les âges après tout, non ? Ensemble, ils entreprirent une quête du plaisir qui n’allait laisser aucun d’entre eux indifférent. Ce Sébastien avait des connaissances et de ressources inattendues pour un homme de son âge et de l’Inquisition, vigoureux, charnel, il savait trouver les endroits les plus sensibles d’Amaël pour le faire monter au septième ciel.

Mais ils n’avaient pas terminé leurs ébats qu’un ange apparut. Tout rose, avec des petites ailes blanches, comme les chérubins des peintures de Raphaël. Grassouillet, il portait dans ses mains une petite harpe dorée avec laquelle il déclama un poème haut en couleur :

L’insolite apparition s’envola aussitôt et nos trois compères partirent dans un éclat de rire des plus vifs. Que pouvait signifier tout ceci ? Boarf, rien de bien primordial, c’était certain. Mieux valait revenir aux choses sérieuses : les deux hommes qui encadraient Viviane semblaient tout aussi avides qu’elle de reprendre là où ils avaient laissé les choses quelques minutes plus tôt.

« On y retourne mes agneaux ? Je m’apprêtais justement à vous montrer combien je suis encore en forme pour mon âge. Et à quel point je peux être sexy. »

Sur le rythme d’une musique imaginaire, Viviane se leva et se trémoussa devant les deux hommes qui étaient ébahis par tant de talent. C’est à ce moment qu’Europe cru opportun de perturber le rêve en criant :

« Viviane, qu’est-ce que tu fous ? Amaël est à moi ! Je pensais que tu le savais pourtant ! Mais tu respectes jamais rien hein. C’est quand même pas croyable ça ! »

Viviane, un rien penaude, tenta de cacher sa nudité tant bien que mal devant la Grande Prêtresse, sans beaucoup de succès, il fallait l’avouer. Cette dernière reprit Amaël par la main et le gronda comme le vilain enfant qu’il était. Non sans un sursaut d’horreur, Viviane vit Narcissa arriver, en sous-vêtements. D’une voix plaintive, elle prit la parole.

« Bon sang, Europe, tu peux pas la mettre en veilleuse ? Tu rends David complètement impuissant ! J’aimerais bien prendre mon plaisir moi aussi ! »

Sans doute l’imagination fertile de Viviane avait-elle des limites, parce que le rêve s’arrêta là. Dans un sursaut violent, elle s’éveilla, ne se souvenant pas de grand-chose de ce rêve, mise à part de cette intervention de l’ange. Il faudrait qu’elle en parle aux autres, il y avait quelque chose de surnaturel là-dedans, et elle n’était pas sûre d’avoir tout compris.

Une chose était certaine, à l’avenir, la verveine, elle doserait mieux avant d’en absorber pour dormir.