Comment rattraper le temps ?

Apprenti(e)

Citation :: Narcissa de Saint-Loup
Château de Rodez
À Viviane Valdemar
Forbach
Rodez, le 6 juillet 1645

Ma petite fée,

Nous avons vécu mille péripéties très amusantes et instructives pour leur majorité, mais toutes fatigantes. Mais nous sommes arrivées à Rodez, saine et sauve. Nous sommes confortablement installées dans les appartements des hôtes de marque. Mon Intendant s’est informé, ma chambre a été prise par un Chevalier je-ne-sais-qui. Toutes mes affaires sont parties. Je ne suis ni triste, ni nostalgique, il y a tant à faire ! Déjà ma troupe (domestiques) est heureuse de retrouver famille et amis, pourtant le moral est bas. Cette année à Forbach a éprouvé tout le monde et les Laugier manquent beaucoup. Pourtant, ce village nous manque, nous avions tous une vie là-bas. Nous nous sommes rendu compte que nous sommes tous forbachois dans l’âme. Ah ! Si Forbach avait le soleil de Rodez, le bonheur !

Pendant mes moments de repos, je chasse les souvenirs comme des papillons. J’hume, observe, attrape, étale précieusement et enfin, je les étiquette. Sur notre chemin, j’ai acheté un petit carnet où j’écris et dessine toutes mes observations. Il m’aide à être plus confiante, car je peux me tromper et revenir sur mes pensées pour les ajuster. Il m’est précieux pour placer chronologiquement tous mes souvenirs comme les organiser pour en parler à maman et à toi.
Dans les faits, je m’oblige à avoir plus de rigueur, car je suis si enthousiaste que j’ai toutes les peines du monde à me contenir. J’ai retrouvé une partie de ma mémoire et je n’ai en tête que de bons moments, comme si mon esprit refusait de libérer les autres (et béni soit-il !). Cela donne un peu de joie dans mes journées.

Je pense que maman t’a tout dit de notre situation. Je n’ai point peur du monde, j’ai des conseils précieux de maman, de toi et d’Aphrodite (mon amie d’enfance, j’ai encore des soucis pour la nommer Sœur Béatrice) et pour le reste Hélion et l’Agent du Diable ont été de bonnes écoles. Pourtant, je n’ai point demandé quelques jours de repos supplémentaires. Savoir que maman est seule pour lutter, m’est insupportable ! Je peux t’assurer que je fais tout pour changer cela ! Et puis

Mon Intendant m’appelle, je dois te quitter, j’ai tant de choses à t’écrire…

Je te joins quelques pages de nos anecdotes (les plus croustillantes, mais ne le dit pas à maman), des souvenirs que nous avons en commun (j’espère qu’ils n’ont pas été inventés) et quelques petits sacs de graines de notre jardin (celui tout près du petit ruisseau, il est magnifique). Serait-il possible de faire venir un peintre pour immortaliser ce petit paradis ? J’ai en souvenir une cachette dans un mur de mon ancienne chambre, je tenterais de me faire aussi discrète qu’une petite souris pour la chercher. Je me demande quels trésors je trouverais. Avec mon amnésie, je me sens l’âme d’une aventurière !

Tu es avec nous, tout le temps !
Je t’aime.
Cissy.

Vieille peau fripée à pustules

Citation :: Viviane Valdemar
Forbach

Narcissa de Saint-Loup
Château de Rodez
Le 15 juillet 1645
Ma très chère nièce,

Je suis tellement ravie d'avoir de tes nouvelles, tu n'imagines même pas ! Toutes les épreuves que nous avons traversées nous ont rendues plus forte, j'en suis convaincue. C'est avec une immense joie que je découvre que tu récupères peu à peu tes souvenirs, tout cela est tellement important pour toi, pour ta mère, pour nous tous ! J'ai pleuré de bonheur en lisant ta lettre tant ma joie était immense.

Tu t'es donc souvenue qu'autrefois, tu m'appelais ta petite fée ? C'est merveilleux ! Les graines du petit jardin, je les ai plantées dans le mien, comme cela, même si tu restes loin de moi, j'aurai toujours quelque chose à quoi me raccrocher. Comme je ne suis pas sûre que ce soit la bonne saison pour les planter, j'en ai mises quelques unes de côté afin que si les premières ne prennent pas, je ne me retrouve pas totalement désemparée. Si tu as besoin d'aide pour retrouver certains souvenirs, pour savoir s'ils sont réels ou non, n'hésite pas à me demander, je serais très heureuse de te raconter les frasques qui ont bercées ton enfance.

D'ailleurs, à ce propos, je me souviens de ce jour où j'étais venue à Rodez. Tu avais alors à peine quelques années, six ou sept environ, et tu en faisais voir de toutes les couleurs à tes parents. Cet après-midi-là, tu étais partie jouer dans le jardin, avec je ne sais trop quel fils de domestique, et tu étais revenue crottée de la tête au pied. Au début, ta mère voulait se fâcher, mais tu as alors sorti des fleurs de ta poche en lui disant que tu les avais gardées pour elle. Cassandra n'a pas réussi à te gronder tant elle était touchée par ton intention. Je sais à quel point elle compte pour toi, je voulais t'assurer qu'à nos yeux, tu comptes tout autant pour nous !

Je suis ravie d'entendre que tu peux garder des nouvelles de Forbach grâce à Sœur Béatrice, c'est une excellente chose ! Voilà qui te permettra de rester toi aussi proche de nous tous malgré la distance. J'ai été voir Louisa et ses deux enfants la semaine dernière. Nous avons fait un joyeux pic-nic dans la forêt, c'était tout à fait charmant. Bien sûr, le Baron nous accompagnait aussi. La ville n'a pas beaucoup changé depuis que vous êtes parties, il y a quelques nouveaux habitants que je ne connais guère. Et la petite Guillemette Moreau qui était entrée au couvent voilà quelques années est revenue parmi nous comme Inquisitrice. Si tu savais à quel point elle a l'air plus aimable que les autres. D'ailleurs, à ce propos, j'espère que tu n'as pas gardé contact avec cet impertinent jeune David. Tu sais ce que je pense de lui et de votre amitié. Tu sembles éprouver beaucoup d'affection pour lui, et je t'avoue que je suis bien craintive, ce n'est pas un homme pour toi, il est rude, méchant, reste loin de lui. S'il te plaît !

Bien, sur ces quelques mots, je te laisse, le commerce m'appelle. J'ai plus de travail ces derniers temps, en raison de retard dans les commandes, il faut que je trouve des arrangements.

Tendrement,

Tante Vivi

Apprenti(e)

Une heure avant la soirée d’agréments.

Citation :: Narcissa de Saint-Loup
Château de Rodez
À Viviane Valdemar
Forbach
Rodez, le 25 juillet 1645

A tes mots, j’ai poussé un soupir de soulagement. La lettre n’a pas été interceptée. J’ai hésité à laisser un petit mot sympathique à l’adresse de mon cousin, le Comte de Rodez, si l’envie lui prenait. Ce soir peu avant le grand spectacle, je suis d’humeur plus aventureuse, oublions Rodez, le temps d’une lettre !

Par tes contes, tes jeux, tes leçons, nos rires, nos peines, nos épreuves, notre complicité, évidemment que je me souviens de toi, petite fée. J’ai bien retenu ton conseil sur l’importance d’en garder pour la faim. Si tu n’as pas assez de graines, je t’en donnerais de nouvelles.
Je veux partager de nouveaux moments, je te donnerais donc en plus des nouvelles anecdotes, quelques souvenirs dont je pense que maman n’a jamais entendu parler. Je parle bien de nos jeux sur la découverte de la nature qui m’ont permit quelques années plus tard, à apprendre plus rapidement sur certains domaines. J’espère qu’ils sont vrais car je comprends toute l’importance de notre jardin. A ce propos, j’ai fait venir un peintre et il te fait que des compliments. Je pense que tu pourras, sans soucis, te diriger vers une carrière de jardinier.
Aux derniers événements, je connais ma place dans notre famille et je prie pour que nous soyons réunies de nouveau. Je rêve que nous partagions le même toit et que nous vivions chacune de nos passions. Quelle aventure !

Je suis soulagée de savoir que tu approuves mon amitié avec Sœur Béatrice. Pourtant, je n’apprécie pas que tu parles de David ainsi.
Être doté d’une once des défauts cités aurait induit des actions graves, lors de la découverte de mon corps, peu après ma récente agression, mais David a fait preuve d’une grande douceur dans mes soins et a réussi avec un immense sang-froid à me rassurer afin que je puisse redevenir fille, nièce, cousine et amie ; quand il me confia à Arramon au petit matin, il n’a pas demandé de récompenses et les médecins ont tous été du même avis, sans ses soins, je serais morte. Penses-tu qu’une personne méchante puisse donner autant d’attentions ?
Si nous entretenons une correspondance, pleurons de joie par notre complicité et souvenirs retrouvés et échangeons des souvenirs, cela signifie que nous devons lui être redevables. Il m’a sauvé la vie, ne l’oublie jamais. Je comprends tes inquiétudes au sujet de David, mais je n’ai jamais souffert d’une quelconque rudesse de sa part et je pense que la Duchesse de Deux-Ponts a supprimé cette violence avec les plus faibles, par le biais d’un chiot à soigner et à éduquer. D’après sa dernière lettre, cette bête est un peu trop gâtée, mais en bonne santé.
Ma petite fée, le voile de ma mémoire à peine levé m’a donné également des souvenirs de lui. Je le nommais mon chasseur de monstres et il l’a prouvé en tuant l’Agent du Diable. Il est mon frère et mon meilleur ami. Il ne m’a jamais fait de mal et a toujours veillé sur moi. Je lui dois beaucoup de mes qualités et tu lui dois mon courage et mon sang-froid face à l’adversité que mère, père et toi avez affermi. Tu peux lui être redevable d’une certaine curiosité qui t’a conduit à me donner mon premier livre. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter. Il ne me fera jamais de mal.

J’espère que ton commerce se porte mieux. Je te donne quelques anecdotes de nos aventures, des souvenirs et quelques objets provenant de mon ancienne chambre car je sais, que certains t’appartiennent.

Je dois te laisser, ce soir, je dois à tout prix séduire un homme et éviter mes épousailles.

Ma petite fée, il te suffit de croire et d’attendre.
Tu es dans mes prières.
Je t’aime.
Cissy.

Le reste fut écrit à l’encre sympathique :

Citation :: La prudence désire que j’approfondisse mes connaissances dans ton domaine de prédilection, ne serait-ce pour ce petit souci d’endormissement. Sans compter que je ressens que mon être est lié à des forces dépassant mes connaissances. Je ne suis point inquiète, mais intriguée. Mon esprit en tout temps est sensible à son environnement, mais mon corps l’accompagne douloureusement. Je l’apprivoise autant que je peux, ma garde-robe a totalement changé. Les hommes apprécient le fait que mes tenues laissent deviner mes formes (tout a poussé), et comme je suis différente de toutes les autres femmes de ma Cour, je gagne plus rapidement les cœurs.
L’avantage d’avoir des sens aussi sensibles au moindre événement me permet d’avoir une attention plus grande et ainsi, j’ai pu avoir quelques coups d’avance sur mes adversaires, pour une grande part. La contrepartie est que je me fatigue plus rapidement, mais Rodez m’a appris à tout utiliser à mon avantage. Cette soirée d’agrément sera une épreuve mais je dois t’avouer que le temps passant, j’aime avoir peur. Est-ce de famille ?

Pourtant si on me donne la possibilité de continuer mon apprentissage, j’ignore si je l’accepterai. D’après toi, quels avantages en tirerais-je ?

Je t'aime.
Cissy

Vieille peau fripée à pustules

Citation :: Viviane Valdemar
Forbach

Narcissa de Saint-Loup
Château de Rodez
Le 31 juillet 1645
Narcissa chérie,

Chacune de tes lettres m’emplit d’une joie indescriptible, je suis ravie de constater que tu vas un peu mieux à chaque fois. J’étais si inquiète pour toi quand vous êtes reparties pour Rodez. J’ai régulièrement des nouvelles de ta mère, il semble que les choses vont finir par s’arranger pour vous. J’en suis heureuse.

Il est tant de choses dont j’aimerais avoir l’occasion de discuter avec toi, mais par lettres, ce n’est pas évident. Avant d’en venir aux choses plus agréables, j’aimerais te dire quelques mots au sujet de David. Je ne l’apprécie pas pour les raisons que tu sembles croire. Il a dit des choses, Narcissa, que je ne pourrais tolérer qu’il te dise. Il ne te connaît pas vraiment, et ce qu’il ne sait pas pourrait lui déplaire. Je n’ose imaginer quelle sera alors sa réaction. Ce n’est pas un homme tolérant, ce n’est même pas encore un homme d’ailleurs. Je n’aime pas la façon dont il m’a parlée la dernière fois, ce qu’il a dit de toi aussi. Je n’ai pas confiance en lui. Je sais parfaitement bien que si tu veux quelque chose, ce n’est pas parce que je le désapprouve que tu vas m’écouter. Alors je te dis seulement ceci Narcissa : prends garde. Fais attention, ne te livre pas trop à lui tant que tu ne le connais pas mieux. Et ne crois pas que je ne lui suis pas reconnaissante de t’avoir sauvé la vie, bien au contraire !

Pour en revenir à des sujets plus agréables, j’ai la joie de pouvoir t’annoncer que certaines des graines que j’avais plantées ont germé. Bien évidemment, ce n’est pas grand-chose pour le moment, mais c’est mieux que rien. Peut-être que je vais réussir à les garder en vie jusqu’à ton retour, ce serait un sacré défi que d’y arriver. Je n’ai pas la main verte, mais ma domestique m’aide du mieux qu’elle peut et à deux, je pense que nous pourrions y arriver. Le beau temps est de retour à Forbach, et la ville se pare de mille couleurs avec l’été. Des fleurs aux balcons, cette chaleur réconfortante qui nous avait tant manquée, qu’il est bon de respirer en cette saison ! Je fais régulièrement des promenades dans les bois ces derniers temps, c’est un bon moyen pour moi de me changer les idées, de prendre du temps pour moi, j’en ai bien besoin.

J’espère que tout va bien pour toi là-bas, que tu retrouves tes marques et la place qui t’es due.

Affectueusement,

Tant Vivi

Ce qui suit est écrit à l'encre sympathique.

Citation :: Je comprends bien que tu sois intriguée par des sensations que tu ne dois pas totalement comprendre, mais je vais t’aider du mieux que je peux. Tu te souviens probablement de cette discussion que nous avons eue peu après ma dispute avec Europe. Tout ceci en découle. Le meilleur moyen de parvenir à gérer tout cela, c’est de te laisser aller, d’écouter ton cœur et de le laisser guider ton être. Cette proximité avec la nature n’est pas une fatalité, c’est un choix que tu as posé il y a bien longtemps, même si tu ne t’en souviens probablement pas. Je te conseille de prendre des moments pour te promener seule, de prendre ce temps pour t’imprégner de tout ce que tu ressens. Je n’ai guère la possibilité de m’étaler plus avant ici, je suis méfiante sur la qualité des postiers, et j’aurais trop peur d’être lue. Je te donnerai rapidement de mes nouvelles.

À bientôt ma chérie

Apprenti(e)

Suite à son amnésie, Cassandra et Viviane ont cherché désespérément des traces de ce mélange de leurs caractères, entre feu et larmes, bercé par les amours de Dieu et d’Olrun. Un baiser, une vieille auberge et une poignée de graines suffirent pour trouver des fragments du passé ; des bons souvenirs, pour plaire, afin de ne pas être abandonné.

Une vocation est un don offert par un dieu, autant pour son église, que celui qui y répond. Son disciple suit un chemin de renoncements, pour qu’un amour infini puisse changer sa vision du monde, le libérant de toutes ses peurs, en toute confiance. Les récompenses ne lui sont pas importantes, car il sait que bientôt, il accomplira son destin : devenir son ami, et par un comportement saint, devenir un exemple pour tous. Narcissa vit à force de méditations, son lien avec la Déesse sorcière par ses appels désespérés, réapprenant à vivre dans l’amour de cette mère nourricière et civilisatrice. Mais ayant vécu l’aprèsvie, Olrun ne peut qu’être qu’un mentor et ne remplace pas cette lumière puissante d’amour pur que beaucoup nomme Dieu. Pour confirmer, elle développa une foi inédite en la vie et en les Hommes. Ainsi par ce travail, Narcissa ressenti comme un appel, l’amour d’un homme et ne put savoir si cette présence lui était connue. Parfois cette sensation était si forte qu’elle était forcée de se reposer, avec, venait de nouveaux souvenirs de David. Si seulement elle savait que les liens se font et se défont, certains guidés par ce vide d’aimer. Si seulement Narcissa savait la nature de cet appel : David n’est qu’une étape.

Pendant ce temps, à Forbach, pour le Maître des illusions : le monde matériel est l’unique réalité, lieu de souffrance et de gloire. Dans sa prison de glace, son charisme attirait, modifiait les pensées et capturait, car la mort de son premier amour a emprisonné l’homme qu’il aurait dû devenir. Il est une arme puissante pour celui qui réussira à le contrôler, car ses soldats sont nombreux et loyaux, mais attention à sa colère, ses victimes sont témoins : David a sa vérité, son chemin, ses idéaux et une nouvelle favorite.

Dans le manoir Mirova, une bonne action envers une herboriste remua la vase. Profitant de l’aubaine, le venin maternel se mêla au sang d’Aphrodite, transformant une fleur en serpent. Guidée par ses pulsions, elle détruisait ou magnifiait par ses mirages, goutant les pouvoirs d’une énergie nouvelle. A son contact, pas de stagnation, on s’élevait ou on s’abaissait, car tous déboires lui fournissaient des armes nouvelles. David semblait lui convenir, car il était un symbole d’ennuis, capable de servir de bouclier, si aisément manipulable…

Que se passerait-il si ce petit monde se retrouvait quelques semaines plus tard ?