*Le 02 avril 1646*
Miranda et David, avec l’aide de Dimitri, étaient venus du Manoir pour aménager le grand salon de la maison familiale de Forbach. Certains meubles avaient été retirés de la pièce pour libérer de l’espace. On voyait la trace des pieds sur le sol en bois. La grande table avait été à-collée au mur du fond. Elle servirait de déserte pour le thé, le café et les accompagnements. Enfin le maximum de chaises avait été ramené pour permettre à chacun de s’asseoir.
En deux heures le salon des Maulne avait retrouvé un air d’antan. Quand une jeune russe transformait cette pièce à vivre en atelier de couture temporaire. Toute la maisonnée était gagnée de ce frémissement excité et joyeux. Une machinerie se mettait en route avec une l’exigence féminine couplée au pragmatisme masculin. Les directives volaient d’un étage à l’autre, du dehors au dedans, jusqu’à ce que l’on se sache plus exactement, qui parle pour se concentrer sur l’information délivrée.
Le soleil de début d’après-midi chauffait la laine des tapis persans. Le chant des oiseaux entrait par la fenêtre grande ouverte. C’était l’une de ces belles journées du début du printemps. Les bouquets de fleurs colorés diffusaient un léger parfum fleuris dans l’air. L’ensemble était agréable. Les espaces les plus privés, comme le bureau, ou les chambres à coucher, avaient été fermés à clés. L’intimité était un droit dont ne se départait pas ce foyer.
Louisa, faisait une dernière inspection d’ensemble, en tenant contre sa hanche la petite dernière. Anna la suivait pour écouter ses remarques et agir selon les ordres murmurés. Elle était ses mains. L’isolement dont été forcée l’adolescente –du fait de ces maux de têtes- avait permit à la mère et sa fille de partager d’autres choses. Et même si les petites brouilles étaient plus nombreuses elles n’en étaient pas moins signe d’une vivacité.
Dans la cuisine, Nastasia terminait une salade de fruit de saison, tout en surveillant son plus jeune petit fils. La vie à Forbach avait finalement rehaussé son teint slave. Son accent était moins marqué. Sans ses cheveux blancs, ont aurait put croire, que rien n’avait changé. C’était elle qui était à l’origine de toute cette agitation. Après que sa fille lui ait parlé d’Olrun, de Viviane et de touts ces mensonges. Elle avait déclaré, non sans bon sens, qu’il était grand temps que les villageois débattent ! Sa fille l’avait appuyée dans immédiatement.
Aussi, depuis presque un mois, les Zimmerman avait commencé à parler autour d’eux de cette réunion. Une après-midi où touts les habitants pourraient venir s’exprimer sur ce qui se passait. Le bouche-à-oreille avait (comme bien souvent) fait le reste. Les gens avaient besoin de parler. Trop de questions restaient en suspend depuis la noël. Une tension étrange montait à mesure que se rapprochait le jour du Jugement d’Anael.
Lou passait donc plus de temps dans son village d’enfance et laissait la gérance de la baronnie à Miranda et David. Renouer ainsi avec Forbach lui faisait du bien.
Les jumeaux, si longtemps, mit à l’écart de celui-ci le découvrait enfin. A bientôt neuf mois ils étaient terriblement curieux et sources de bons nombres de petites frayeurs. Leurs parents profitaient des derniers jours de –relative- tranquillité, avant les premiers pas de ces deux adorables démons. Ils étaient bien trop jeunes pour avoir conscience de ce qui se passait. Ce qui n’était pas le cas de leurs aînés. Anna comme Dimitri avaient leur opinion sur ce nouveau projet. S’ils n’étaient pas d’accord ils ne le dirent jamais. Ils se contentaient d’être les enfants attentifs et réactifs qu’on leur avait apprit à être. Ce dont leur mère leur était particulièrement reconnaissante.
Dans cette histoire c’était le patriarche qu’on sollicitait (discrètement) lorsque les deux femmes se laissaient emporter par leur propre engouement. Il était le représentant de la sûreté, et celui qui avait le dernier mot, ce qui n’était pas plus un mal.
L’église sonnait quinze heures, emmenant la baronne, sur le perron de la vielle maison. Avec sa fille dans ses bras et sa jolie robe blanche, elle ressemblait à une Marie. Elle se tenait droite et fière. Ses yeux noirs, brillaient d’un soupçon de malice, dont seuls ses proches pouvaient entrevoir la nature. Ce rassemblement était également une –sa- façon d’annoncer, haut et fort, que les différences des uns et des autres, pouvaient s’effacer devant le bien collectif.
Un magnifique pied de nez à toutes les personnes qui avaient un jour fait preuve de racisme, d’exclusion ou de bêtise. Il ne s’agissait pas en ce jour de réunir des villageois, des sorciers, et des inquisiteurs, mais des hommes et des femmes. Une volonté, qui soutenue par Louisa, Maulne, Zimmerman, la couturière, la mère, prenait un sens particulier. Si le pardon était possible, venant de la fille d’un martyr, alors il pouvait venir de chacune des personnes vivant sur cette terre maudite.
Forbach pouvait faire la paix tout en préparant sa prochaine guerre.