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 Aposiopèse (#18)

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Alicia Loewenstein
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Alicia Loewenstein


Aposiopèse (#18) Vide
MessageSujet: Aposiopèse (#18)   Aposiopèse (#18) Icon_minitimeSam 15 Déc 2012 - 19:09

[Ce topic s’insère chronologiquement à la fin du combat d’Europe et Alicia dans Apocalypse : « Ces deux dernières se jaugèrent yeux dans les yeux durant de longues secondes, totalement immobiles » cf Europe. Cette infime suspension dans l’action laissa en vérité lieu à une conversation télépathique entre Europe et Alicia, un échange à la base de nombre de changements à venir…]

Les esprits déchaînés instoppables dans leur lutte frénétique explosèrent littéralement en fumée à l'instar d'absolument tout ce qui se trouvait autour d'Europe et Alicia, les sorcières, balayées, les maisons, poussières au vent, l'église, aspirée par les hauteurs abyssales, les pavés du parvis, fondus comme de la neige. L'espace devint tout à fait vide et sombre. Un écran noir sur lequel se surimprimaient les deux sorcières, toujours face à face, muettes. Pourtant, dans ce néant, subsistait une forme du monde réel. Unique et rebelle, l'arbre né sur les pavés durant la bataille et aussitôt foudroyé était là. Il n'était plus noir de suie, il était blanc, telle une impossible sculpture de marbre, sans feuilles au bout de ses nombreuses ramifications et aux racines rampantes aussi denses que son branchage. N'importe qui aurait pu s'y tromper, pas Alicia, ni Europe. Cet arbre était la copie imaginaire de celui au pied duquel Europe avait tenté de consoler Alicia il y avait de cela bien des années lors de l'élection d'Abigael. C'était au pied de cet arbre que les proférations d'Europe avait mis fin à l'amitié qui liait autrefois les deux sorcières.

Sans qu'aucune des deux sorcières ne remue les lèvres un écho lointain résonna comme répercuté sur les paroies rugueuses du temps depuis ce jour d'élection :


"je suis désolée..."

"Moi aussi, j’aurais aimé que nous marchions ensemble"

"Ça avait l’air vraiment beau..."

"Dans la sombre jungle de l’Humanité, tu es perdue…"

L'aura bleu d'Europe se résorba comme un apaisement. La chair et la peau d'Alicia se retissèrent comme par enchantement. Elles semblaient à nouveau belles et jeunes comme d'antan. Alicia fit un pas vers Europe. Toute la colère du combat était là, dans son coeur, mais suspendue, n'étaient plus perceptibles que les apres goûtes d'amertume qui en perlaient.

"Que nous sommes puissantes Europe...
Que nous sommes fortes, que nous sommes belles...
Que nous sommes orgueilleuses et ridicules..."

Alicia s'approcha de l'arbre de pierre et en griffa le tronc dans un grincement sinistre qui n'était que le cri tacite de son coeur.


"Pourquoi as-tu choisi cette voie de facilité ?
Pourquoi as-tu trahi les valeurs morales les plus pures et les plus précieuses ? Qu'avais-tu à y gagner ? Qu'y gagnes-tu à présent ? Le pouvoir ?

Je le connais.
Je l'ai eu pour amant tant d'années, sans jamais m'en lasser... Je sais cette sensation le long de l'échine face aux subordonnées et face aux ennemis, ce frisson qui nous fait courber la colonne vers le haut et lever le menton jusqu'au ciel. Je sais cette absolue conscience des choses, presque une omniscience, presque une ubiquité, presque une déicité. Oui, c'est une jouissance sensuelle et égocentrique. Et à trop l'aimer pour ce qu'elle est, on en vient à pécher, par orgueil, ou par inhumanité... Car le pouvoir, s'il nous fait du bien, nous détruit tout autant au fond si nous ne lui donnons pas une ligne de fuite qui nous dépasse. Car mis à part les prophètes, nul homme, fini, n'est apte à contenir en lui le pouvoir, infini. Le pouvoir ne peut que nous traverser, nous ne devons être que médium. Le pouvoir doit servir une cause supérieure à nous ou il nous tue.

Contrairement à ce que tous avez pu dire, le pouvoir que j'ai brigué n'avait pas pour but de me rendre démiurge de Forbach... C'eut été une bien faible ambition... Le pouvoir que j'ai recueilli avait pour seul but l'avancée du Lys Noir, la recherche des arcanes anciennes et nouvelles, et sa protection, contre les hommes, contre l'Inquisition et surtout contre vous...

Mais toi, Europe, pourquoi tant d'ardeur à vouloir ce pouvoir ?"


Dernière édition par Alicia Loewenstein le Sam 15 Déc 2012 - 23:25, édité 1 fois
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Aposiopèse (#18) Vide
MessageSujet: Re: Aposiopèse (#18)   Aposiopèse (#18) Icon_minitimeSam 15 Déc 2012 - 20:12

Baignées dans une sorte de sapience sacrée, les deux femmes se faisaient face. Comme toujours. Elles ne s’étaient jamais vraiment tenues côte à côte. Europe ne s’étonna pas de ce moment intimiste hors du temps et de l’espace, ce lien télépathique qui ne durerait en fait que le temps d’un clignement de paupière.

Elle s’attendait à ce qu’Alicia énonce comme d’habitude une suite de quiddités abstraites sans grand intérêt; mais les paroles de sa rivale de toujours provoquèrent en Europe en écho lancinant, sublimé par la présence de l’arbre.


"Tu ne peux comprendre mes raisons, Alicia, si vraiment tu as désiré le pouvoir pour les autres et non pour toi-même."

La Grande Prêtresse s’avança entre silence et néant. Ici, le temps et les lois de la physique n’avaient plus court; rien n’était visible ou audible au sens réel du terme.


"Tes fidèles t’ont suivi, toi leur chef charismatique. Ils ont été séduits par tes paroles et tes objectifs. Ils t’ont soutenu de leur plein gré en cautionnant tes agissements. Une fois morte, ils ont embrassé ton héritage et ton œuvre t’a survécu. (Le visage d’Europe s’obscurcit considérablement). Mais sais-tu ce que c’est de vivre dans la défiance?"

Elle plissa les yeux, emplie de souvenirs et d’amertume.

"Moi… nul ne me suit pour mes principes. Personne ne cautionne mes agissements, bien au contraire. Aucune des sorcières d’Olrun ne souhaite que mon règne se poursuive. La seule façon de les maintenir à mes ordres est de les gouverner par la peur. Le Pouvoir, est la seule arme qui me permette de les maintenir encore auprès de moi. D’éviter qu’ils se détournent de moi… comme tant d’autres se sont détournés en me découvrant."

Référence directe à la scène symbolisée par cet arbre, qui avait finalement marqué le moment où avait commencé, et s’était simultanément terminée, la vie d’Europe. La toute première fois, où une personne lui avait tourné le dos. Depuis ce jour, elle avait œuvré sans relâche pour que personne ne l’abandonne plus jamais. Faisant tout pourvu de ne pas subir le fardeau écrasant de la solitude… en vain.
Elle avait toujours porté sur ses épaules ce qui était le plus lourd en ce monde.


"Je refuse de n’être qu’un réceptacle éphémère au pouvoir. Je veux qu’il soit mien, inhérent à mon corps et mon âme… et c’est pareil pour le poste de Grande Prêtresse. Il n’est pas question que je sois une simple titulaire momentanée de ce grade, avant d’être jetée lorsque l’on n’aura plus besoin de moi, pour le transmettre à quelqu’un d’autre."

La tête d’Olrun n’appartenait qu’à elle seule. En étant détentrice du pouvoir des Gardiens, elle devenait une arme de valeur.

Les gens auraient enfin besoin d’elle.


"Je suis allée plus loin que quiconque aujourd’hui. J’ai ressuscité le pouvoir des Gardiens et me le suis approprié… Il est bien trop tard pour faire marche arrière. (Elle eut un rire de dépit). En fait, il a été trop tard depuis ce jour-là."

A une certaine époque, Europe aurait éprouvé une honte sans bornes à mettre ainsi son âme à nu et dévoiler ses plus intimes faiblesses. Mais pas en ce lieu. Ici, tout était différent.
Son explication terminée, elle laissa quelques instants de silence s’épaissir. Le sujet était clos. Elle n’avait même pas envie de revenir dessus ou d’obtenir des justifications. Jadis, elle avait désiré plus que tout des excuses de la part d’Alicia, avant de réaliser qu’aussi sincères soient-elles, ce ne serait jamais suffisant à réparer tout le mal causé par la Meneuse. Alors Europe avait voulu la faire souffrir. Endurer mille tourments à chaque secondes, pour expier enfin ses crimes… mais Alicia était morte entre temps.
Tout cela était loin maintenant. La Grande Prêtresse transcendée par le pouvoir des Gardiens, avait occulté les vieilles rancœurs.
Désormais, elle ne voulait plus qu’achever cet affrontement.



"C’est ton fils qui t’a faite revenir?" demanda-t-elle finalement au bout d’un moment, avec un léger sourire. "Je comprends qu’il ait eu peur. Je l’ai menacé il y a quelques temps. Mais entre nous, je ne pensais pas qu’Amaël, auparavant si peureux et capricieux et immature, fut capable de maintenir à flots le Lys Noir. Personne ne le pensais. Lorsque tu es morte, tout le monde s’attendait à ce que ce fut la fin. Cet adolescent est finalement plein de ressources…"
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MessageSujet: Re: Aposiopèse (#18)   Aposiopèse (#18) Icon_minitimeSam 15 Déc 2012 - 23:27

Alicia écoutait le discours d’Europe et ressentait une compassion qu’elle s’efforçait de retenir. La solitude, elles l’avaient toutes deux ressenties et leurs ascendants et descendants au trône la ressentirent et la ressentiraient, éternellement. Alicia ne savait pas s’il c’était le pouvoir qui isolait ou bien s’il fallait un naturel solitaire pour être dirigeant. Pour sa part, les deux tropismes s’étaient exercés sur elle, l’isolant infiniment. Mais Alicia n’en avait pas souffert, car c’était une solitude nécessaire et productive. Se cloîtrer dans une alcôve à peine éclairée pendant des mois pour étudier des grimoires, prendre la décision d’une guerre, c’était ça le quotidien d’une chef de tribu. Il s’agissait de protéger les autres, de ne pas les mêler aux réflexions trépanantes, aux décisions salissantes. C’était toute la différence entre Europe et Alicia…

Europe n’était pas une vraie solitaire. Elle avait toujours souhaité être accompagnée dans sa démarche. Elle n’avait en fait jamais été faite pour mener sa tribu. A se demander en fait si elle désirait véritablement le pouvoir ou l’attrait qu’il lui conférerait. Europe voulait séduire. C’était un cœur peut-être plus ouvert et chaud que celui d’Alicia. Mais un cœur endotherme, égocentrique et égoïste. Elle voulait de l’amour sans en donner. Alicia exerçait le pouvoir avec un amour maternel, un instinct de protection. Europe n’avait pas cet instinct maternel, elle n’avait d’ailleurs pas d’enfant. Europe exerçait le pouvoir avec un amour paternel, presque divin : elle mettait ses ‘enfants’ à l’épreuve pour les rendre plus forts. Europe usurpait cette place. Et elle en souffrait elle-même. Elle avait l’âme d’une dirigeante, d’une dirigeante ferme et forte, l’âme d’un dictateur. Mais l’âme d’un dictateur au sens le plus originel de son acception. Un dictateur romain nommé pour une régence intermédiaire et temporaire, muni de tous les pouvoirs. Abigaël était morte, une autre devrait lui succéder, Europe n’était pas cette autre, elle n’était qu’une articulation politique. Mais elle y avait pris goût, au pouvoir. Et comme les animaux domestiques goûtant au sang, elle ne pourrait plus s’en passer.

Europe était condamnée à devenir une tueuse ou à être tuée.

Alicia s’approcha de l’arbre et le caressa. La surface blanche et marbrée se mit à se mouvoir jusqu’à prendre la forme d’un grand siège, le grand siège de la Clairière sacrée d’Olrun. Elle s’y installa comme elle avait pu le faire des années auparavant dans ses rêves les plus fous. Elle pensait alors qu’Europe avait en un sens réussi là où elle, avait échoué. Mais à quel prix ? La trahison des principes les plus beaux de l’humanité ? La contagion du pouvoir sans rémission imaginable ? La folie meurtrière couvant dans ses veines sans plus nul sang que de la lumière bleue. Alicia caressa les accoudoirs sculptés et regarda Europe droit dans les yeux.


« Si tu n’es pas désirée, mille gardiens ne suffiraient pas à t’épargner le courroux de ta tribu, rien ne sert de rester sur ce trône si tu l’usurpes »

Lui dit-elle d’une voix belle et triste. Et le grand siège d’Olrun de se métamorphoser en grand siège du Lys Noir. Car telle était aussi la destinée d’Alicia : elle avait désiré le pouvoir d’Olrun. Elle avait été refusée. Elle n’était pas restée. Quitte à créer une nouvelle tribu, antagoniste, provocante, mais autonome.

« Tu peux encore faire marche arrière Europe… Abandonne cette guerre, laisse ce trône, quitte ta tribu… »
Ces mots, Alicia n’eut pas l’audace de les prononcer. Car elle savait qu’en sa situation, elle aurait assassiné en moins d’un éclat argenté le couard qui oserait lui cracher pareil vénéfice. Elle préféra suivre la digression que proposait Europe.

C’était étrange ces deux ennemies de toujours qui parlaient des enfant et de combien ils avaient grandis. Une intimité ambiguë s’était mise en place entre ces deux prédatrices. Un respect peut-être.


« Oui mon fils est bien différent, je ne le reconnais plus et les gens ne le regardent plus comme avant… En vérité, je sens comme un secret autour d’Amaël. Le peu de sorcières et sorciers du Lys qui ont eu le courage de me parler depuis que je suis revenue sous cette forme immortelle et éphémère évitent tous de me parler de lui. Personne n’ose aborder ma mort non plus, feignant la politesse… »

Alicia se leva du fauteuil de marbre pour se tourner face à sa nouvelle forme : une reproduction parfaite de l’image de l’un de ses fils enfant, sans qu’on puisse déceler lequel, comme si, pour la première fois, elle mettait ses trois enfants sur un pied d’égalité, les associant à une image unique. Ses yeux d’émeraude s’humidifièrent et rougirent un brin suffisant à faire luire l’émeraude de ses yeux.

« Adal n’est plus là. Et je l’ai vu affronter son frère durant cette bataille. Aussi… Je présume qu’il a rejoint ta tribu… Peut-être même est-ce lui qui m’a assassiné… »

Alicia se reprit vigoureusement, elle ne voulait surtout pas approfondir le sujet.

« Probablement suis-je finalement morte sur tes ordres. Tu auras donc réussi à m’avoir…
Je ne t’en veux même pas tu sais. Ce sont les règles. J’en veux davantage à Adal. Et plus encore à moi-même.

Bref, oui, Amaël est tout à fait changé, dans tout, ses manières et son caractère.

Un autre homme… »


Dernière édition par Alicia Loewenstein le Dim 16 Déc 2012 - 1:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Aposiopèse (#18)   Aposiopèse (#18) Icon_minitimeDim 16 Déc 2012 - 1:49


Un autre homme. Les paroles d'Alicia et ses projections astrales avaient semé la graine du doute dans l'esprit d'Europe qui ne cessait jusqu'alors, de se persuader qu'Amaël avait simplement changé d'état d'esprit. Mais il avait agi comme quelqu'un ayant la volonté de dissimuler un secret, et ses sbires faisaient de même, y compris envers Alicia… Jamais rien de ce que faisait le Lys Noir n'était de toute façon normal ou honnête; il existait une vérité enfouie là-dessous et Europe se promis de s'y intéresser en détail plus tard, lorsque ce genre de choses recommencerait à avoir de l'importance.

Sur le sujet de sa mort et de ses enfants, Alicia semblait éprouver beaucoup de regrets et de sensibilité. Voir la Meneuse dans cet état d'âme n'était pas courant… Et visiblement, son séjour dans les limbes ne lui avait pas permis de lever le voile.


"C'est bien lui qui t'a ôté la vie" déclara-t-elle d'une voix lasse. "Mais ce n'était pas sous mes ordres, bien que je j'eusse ardemment désiré lui ordonner une telle chose… Mais peu importe. Tout ça est derrière nous, maintenant, et ça me semble déjà tellement loin… Ce qui compte, c'est ce qui va se passer à partir de maintenant."

Oui, qu'allait-il se passer, dorénavant? Comme toujours, Europe était en proie à un doute dévorant. Elle en avait toujours voulu à Alicia, car de par ses agissements, celle-ci avait fait souffrir énormément de personnes sur son passage, y compris et surtout Europe. Mais finalement, la Meneuse avait fait ce qui lui semblait juste au regard de ses convictions, ce qui lui semblait le plus approprié pour protéger son clan et le rendre indépendant… Tout simplement… C'était la première fois en plusieurs années de lutte, que cette pensée pourtant basique effleurait l'esprit d'Europe, trop torturé pour saisir l'évidence. Existait-il qui que ce soit en ce monde, qui n'ait jamais blessé les autres pour avancer sur son propre chemin? N'était-elle pas exactement pareille, en ce moment? Grande Prêtresse décriée, n'avait-elle pas tout fait pour protéger son clan, quitte à blesser, mentir, manipuler sans scrupules? Et qu'avaient ressenti les personnes qui avaient été des victimes accidentelles de ses actions? Avaient-elles éprouvé la même haine, la même rancœur personnelle qu'Europe pour Alicia?

A présent la haine s'en était allée. Il ne restait plus que cet ailleurs métaphysique et sépulcral dans lequel se forma par un tourbillonnement de volutes nacrées, l'image d'un grimoire, symbole du pouvoir, mais aussi de la voie académique et traditionnaliste qu'il fallait obligatoirement suivre pour l'acquérir. Alicia avait eu le courage de s'en émanciper. Comment lui reprocher d'avoir lutté pour sa liberté d'âme et d'esprit? Elle avait causé des dommages collatéraux dans cette quête. Cela ne suffisait pas à tout absoudre… Mais pas non plus à la condamner. Les personnes qui l'avaient suivie aussi n'étaient pas non plus toutes innocentes, mais elles n'étaient pas toutes coupables.

Europe détourna son regard du grimoire fantasmatique qui se dissipa dans un souffle, puis fixa Alicia dans les yeux. A l'époque, elle avait eu peur de saisir la main tendue de la Meneuse. Peur de s'engager dans cette aventure, bien trop lourde de conséquences, bien trop effrayante… la liberté même lui avait fait peur. Elle faisait partie de cette catégorie d'êtres qui ne savaient pas diriger et fédérer, de celles qui préfèrent laisser les autres prendre des décisions à sa place, pour éviter d'en assumer les conséquences. Toujours le même dilemme… être autonome mais tout assumer seul, ou être protégé par quelqu'un mais se conformer à ses règles… Il était si difficile d'être indépendant et libre sur cette terre. Mais peut-être, oui, peut-être aurait-elle dû essayer de toutes ses forces! Jamais et en aucun cas, ç'aurait été une existence idyllique; mais cela ne valait-il pas mieux que son quotidien actuel? Cela ne valait-il pas cent fois mieux que d'être perpétuelle décriée, vivre dans le besoin et la crainte, contempler la mort autour de soi, corrompre son âme? A présent Europe le réalisait avec certitude: à l'époque, elle n'avait vu que les mauvais côtés de l'offre d'Alicia, sans s'apercevoir que souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire…
Lorsque l'on désire une chose, on doit renoncer à une autre. L'être humain est ainsi fait, lui avait dit sa mère, une éternité auparavant.


"J'aurais dû avoir la force de suivre mon propre chemin."

Mais cette force, elle ne l'avait pas eue… aussi et surtout par peur d'être seule sur ce chemin. Encore et toujours cette phobie de solitude… Ce n'était pas Alicia qui avait gâché sa vie, qui était responsable de ses malheurs. C'était elle-même. Elle et ses peurs irrationnelles.

Aujourd'hui, il était trop tard pour se rétracter et suivre sa propre voie. Ou peut-être pas. Elle ne savait plus. Peu importe. Tout ce qui comptait à présent, c'était de terminer ce duel.
Et d'avoir enfin un fin et une finalité à toute cette grande tragédie stupide qu'était son existence.
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MessageSujet: Re: Aposiopèse (#18)   Aposiopèse (#18) Icon_minitimeDim 16 Déc 2012 - 1:58

Alicia fut étrangement rassurée d’entendre qu’Europe n’avais pas commandité sa mort. Au moins Adal avait-il agi de son propre chef et ne s’était pas fait embringuer et manipuler. Son âme était sauve. Elle n’était simplement pas née du bon côté du schisme. Puisse Europe avoir pitié de lui et ne pas l’envoyer rejoindre sa mère trop tôt… En même temps, cet espoir à propos d’Europe était vain. Elle le savait. Elle avouait sans l’ombre d’un remords et presque avec indifférence, du moins avec lassitude, qu’elle souhaitait sa mort. Alicia trouva tout de même formidable, cette énergie fauve qui lacérait le cœur d’Europe au point d’en faire un catalyseur d’explosions. Restait-il un seul sentiment pur et humain chez cette femme blasée ? Sa haine envers Alicia, nourrie du désaccord de mœurs qui opposait les deux tribus depuis des années, était la preuve suprême que l’homme portait en lui le germe noir de la destruction. Comment la lumière d’une entente entre tribu d’Olrun et Lys Noir était concevable à travers cet écheveau de colère ?

« Je ne sais comment les choses vont évoluer. Je ne sais qu’une chose Europe. La tribu d’Olrun et la tribu du Lys Noir ont de bonnes raisons d’exister. Leurs voies sont différentes, mais toutes deux enrichissantes. Ce sont des sentiers qui parfois se croisent, et provoquent des rixes sans merci, mais ce sont des sentiers qui vont chacun leur chemin, vers la même lumière. Au fond, comme des sœurs opposées façonnées du même sang, nos tribus seraient capables de coexister pacifiquement. Il s’agirait de tolérer l’existence de l’autre sans lui nuire. Mais jamais nous ne pourrons cohabiter. Jamais ces deux sœurs ne pourront élever leurs enfants en commun. Car elles sont trop différentes et le métissage de leurs mœurs et de leurs valeurs fondamentales amèneraient immanquablement à une aliénation mutuelle. Elles s’influeraient, pourraient vivre ensemble, mais de leur alliance incestueuse ne naîtrait que des aberrations philosophiques. Coexister sans cohabiter… Voilà une subtilité, un équilibre, parfait, parfait et parfaitement impossible… »

Car telles étaient les limites de l’Homme. Les subtilités étaient toujours les premières oubliées.

Le grimoire qui apparut, sans distinction possible entre les quatre, fit réaliser à Alicia l’incroyable pouvoir de ces pages griffonnées. Sa propre mort avait été orchestrée autour du vol de son grimoire. Le pouvoir c’était la connaissance. Et les sorcières étaient savantes. Savantes avant d’être sages. Les vanités modernes le représentaient avec un art consommé : vanitas vanitatum et omnia vanitas. Rien de tout cela n’était éternel. Tout allait finir en cendres. L’homme n’emporterait pas au ciel ni les arts ni les sciences. Tous ses combats étaient vains. Tout était question d’orgueil. Les sorcières étaient vaniteuses. Et elles le payaient.


« Il est trop tard pour nous à présent… Le combat va reprendre, moi je vais disparaître, toi tu vas t’effondrer. Car c’est là le destin des sorcières qui s’acharnent à combattre à cœur hurlant. Nous ne sommes pas des déesses. Nous agissons pour des idéaux. Nous sommes humaines, mortelles, fragiles, absurdes, jamais vaincues et l’espoir est toujours le dernier à mourir… »

Progressivement le décor nihiliste réincorpora les éléments de la réalité. Déjà cette conversation n’était plus que l’écho lointain d’un rêve.
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