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 Une main tendue

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David Geisler
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David Geisler


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MessageSujet: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeDim 15 Sep 2013 - 23:43

Deux jours s’étaient écoulés depuis le bûcher. Forbach, évidemment, ne s’était pas encore remise des tristes évènements qui avaient frappé ce jour-là; en particulier, la mort de Dimitri provoquée par le cruel toucher de Symphorienne, était encore vive dans les esprits.
Une cérémonie funèbre avait eu lieu la veille. David y avait assisté comme les autres, mais il ne pouvait que s’imaginer le chagrin de ce couple qui n’avait même pas un corps pour pleurer et enterrer leur fils…

Des parents qui mourraient avant leur enfant, c’était bien triste. Mais des parents survivant à leur enfant, c’était bien pire encore.

Et pourtant, c’est ce qui va t’arriver, pensa-t-il. Narcissa et lui, frappés du stigmate, rendraient l’âme au solstice. Leur fils Octave continuerait à vivre et grandirait dans ce monde sans même se souvenir du visage de ses parents.

Contre toute attente, l’idée de son trépas imminent ne provoquait chez David qu’un étrange détachement. Le jour de l’apparition du stigmate sur son front, une peur viscérale de la mort l’avait envahi, au point d’avoir fui au loin en abandonnant derrière lui tout ce qui était cher… Mais ce n’était plus le cas. N’avait-il pas le devoir absolu de se montrer aussi brave que Narcissa l’avait été, l’année passée, à l’approche du solstice? Elle était alors persuadée de périr, mais avait choisi de mettre à profit le temps qu’il lui restait pour en tirer le meilleur parti. David comptait bien faire la même chose: user utilement de ce temps ultime avant qu’il ne soit trop tard. Pour tout mettre en ordre, profiter de ses proches, réparer ce qui pouvait l’être, et regarder grandir son fils, même durant une poignée de jours.

A son retour, tenir son fils dans ses bras avait été un des évènements les plus extraordinaires de sa vie. Le nourrisson arborait déjà les prémices de la même tignasse noire que son père. En revanche, il semblait avoir les yeux de Narcissa. Il était vivant et en bonne santé… n’était-ce pas le plus important?
Le nourrisson était endormi alors, l’air tranquille, ses petits poings refermés. David avait eu peur de le blesser au moment de le prendre contre lui. Cette chose si minuscule, si fragile; un geste de travers, une pression un peu trop forte, et il allait la briser… Comment un être si petit pouvait-il renfermer quelque chose d’aussi extraordinaire? Il pouvait littéralement le sentir; la vie palpitait dans ce corps.
Un élan de tendresse tel qu’il n’en avait jamais connu, était venu étreindre David. Il avait fait beaucoup de bêtises dans sa vie, sans cesse insolent, indiscipliné, irresponsable et insoucieux des conséquences de ses actes… Mais en se tenant là, debout, le corps minuscule et chaud d’Octave posé contre sa poitrine, il sut qu’il avait trouvé ce qui lui avait toujours manqué.

Et puis, Narcissa lui avait pardonné. Elle avait pardonné sa fuite, comme il avait pardonné en retour son mensonge depuis les origines. Sa femme était une sorcière… et Cassandra aussi.
Désormais, ce simple constat ne lui faisait plus rien.

Il n’avait plus de haine, puisqu’il avait enfin compris que les sorcières n’étaient pas responsables du malheur de Forbach. La magie n’était qu’un instrument et c’était ses utilisateurs, bons ou mauvais, qui changeaient en bien ou en mal le cours des choses…
En fin de compte, rien qui ne soit très différent de d’habitude. Ils étaient tous juste… infiniment humains.


Mais tous ne possédaient pas son détachement. Tous ne pouvaient envisager les évènements récents avec autant de pragmatisme. Cassandra avait semblé véritablement au fond du gouffre, et David était sincèrement inquiet pour elle. C’en était sans doute trop pour la Veuve. Elle était d’une force incroyable, équivalente selon lui à celle de Sarah Geisler; mais la trahison de sa fille, son éviction par une fausse Marie-Théodosine, et le fait d’avoir frôlé la mort en compagnie de sa sœur… nul ne pouvait sortir de ce cauchemar indemne. Sans parler de son défunt mari, qui lui manquait depuis bien trop longtemps.

Depuis le bucher, une certaine confusion hiérarchique s’était installée. L’imposture de Marie-Théodosine, désormais prouvée et acquise dans l’esprit collectif, rendait logiquement caducs tous les ordres qu’elle avait pu donner, y compris celui de l’emprisonnement et de l’exécution de Cassandra et Viviane. Pour autant, les deux sœurs demeuraient des sorcières, et auraient dû en vertu des lois toujours en vigueur de Forbach, être mises à mort sans distinction de rang… C’était la première fois, de mémoire d’homme, qu’on épargnait des sorcières. Le Pax Humanum s’était dressé pour rendre cette prouesse possible.

Depuis, Cassandra et Viviane s’étaient retirées à l’hôtel de Saint-Loup pour panser leurs blessures; et nul ne savait plus quel comportement adopter envers elle. Qu’elles restent en leur demeure arrangeait tout le monde. Cela rendait plus facile la tacite assignation à résidence qui avait été mise en place. Et même si tous les amis de David, ainsi que lui-même, espéraient un jour le retour de Cassandra à la tête de l’Inquisition, pour l’instant la chose semblait très lointaine et hypothétique. La destituer? La remplacer? Même ces décisions n’avaient pas encore été prises, tant les bouleversements étaient récents.

L’hôtel particulier se dressait devant lui dans la lumière de ce beau milieu de journée. Il s’annonça, demandant une entrevue avec Cassandra de Saint-Loup pour prendre de ses nouvelles, et espérant que son état permettrait à la Veuve de le recevoir. Et songeant, un peu ironiquement, que c’était peut-être la première fois qu’il venait lui rendre visite sans attendre quelque chose en retour.
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Cassandra de Saint-Loup
Inquisiteur Général
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeLun 23 Sep 2013 - 19:20

Les jours s’écoulaient au compte-goutte. Depuis sa rencontre avec Louisa Zimmerman, Cassandra s’était réfugiée dans sa retraite, l’Hôtel Particulier de Saint-Loup. Elle songeait de plus en plus à vendre le symbole de son ancien statut. Le rang ne représentait plus rien pour elle. Sa belle-famille, si elle avait appris la disgrâce de sa fille, devait avoir décidé de définitivement couper les ponts avec elle, même Catherine, qui avait jadis su lire entre les lignes. Une part de Cassandra regrettait de ne pas avoir le courage d’écrire à sa belle-mère, qui pourtant méritait la vérité. Peut-être Narcissa l’avait-elle fait. La Veuve n’avait de toute façon pas l’énergie nécessaire pour prendre la plume, commencer une missive, pleurer d’amères larmes dans le processus, puis renoncer.

Ses soirées avec Viviane étaient remplies de silence. Les deux sœurs demeuraient au coin du feu, en veille mélancolique et désabusée, à attendre. Attendre que le temps passe, et que l’échéance ultime survienne enfin. Après… après, tout leur serait permis. Elles parlaient peu ; elles se retrouvaient dans la simple présence l’une de l’autre. Le lien qui les avait toujours unies, plus fort que jamais, demeurait le dernier raccord tangible au monde réel. Sans Viviane, Cassandra aurait renoncé. Sans celle qui était plus proche d’elle que ne l’aurait été une jumelle, Cassandra se serait laissée mourir. Et pourtant elle ne se leurrait pas : Viviane avait ses propres blessures, tout aussi lourdes à porter. Peut-être était-ce là la raison de la force avec laquelle le Seigneur les avait liées dans leur vie terrestre : pour qu’elles se soutiennent mutuellement jusqu’au dernier grand combat de Forbach. Peut-être avaient-elles encore un rôle à jouer, comme l’avait suggéré Louisa Zimmerman. Un tout dernier, à la lumière d’un être resplendissant qui se prétendait envoyé de Dieu.

Quand une domestique – une des dernières qui leur restait, les autres ayant été remerciés ou ayant fui la maison des sorcières – vint la chercher pour lui dire que David Geisler de Fontigny demandait à être reçu, Cassandra n’avait plus bougé depuis des heures. Elle était assise à sa fenêtre et regardait le vent soulever les feuilles mortes dans la grande allée centrale de Forbach. Ses membres étaient engourdis, mais l’effort que représentait le fait de seulement les bouger était trop grand. La jeune fille attendit la réponse de Cassandra sans se décourager. La Veuve réalisa qu’elle avait peut-être espéré qu’un silence la ferait reculer.

Avec une certaine résignation, Cassandra tourna ses pensées vers son gendre – autant l’appeler comme ça, puisque c’était la réalité, et que plus rien n’avait d’importance. Ainsi, il était venu ? La Veuve se souvenait de ses paroles, après le bûcher. Elle aurait dû y donner une suite, elle le savait. Mais à quoi bon ? L’instant d’après, elle se souvint que le petit de Sarah allait mourir. Il était marqué, et alors que sa vie à lui ne faisait que commencer, il allait devoir y renoncer. La Veuve considéra un instant de plus les bourrasques automnales qui traversaient Forbach. S’il ne lui restait plus beaucoup de temps, et qu’il choisissait de venir passer ce temps chez elle, elle pouvait au moins le recevoir. Elle tourna lentement la tête vers sa domestique, mouvement qui lui arrache une grimace de douleur.

- Vous pouvez l’introduire au petit salon. Je vais le recevoir. S’il y a encore quelqu’un aux cuisines, faites le nécessaire pour l’accueillir décemment.

Sa maison n’était plus tenue selon les règles de l’étiquette, et la Veuve s’en contentait très bien. Pendant que la jeune fille repartait, sourire aux lèvres – à se demander pourquoi –, Cassandra déplia ses muscles avec précautions. Chaque mouvement provoquait une vague de douleur. Elle haussa les épaules, et avança lentement vers sa canne. Comme la main brûlée était toujours inutilisable, elle n’avait d’autre choix que de s’appuyer sur sa mauvaise main, moins habile. Elle réalisa qu’elle n’était pas tout à fait présentable, avec son vieux châle et ses vêtements froissés, mais elle ne ressentit ni le besoin ni l’envie d’en changer. Elle finit par arriver au petit salon, où se tenait David Geisler de Fontigny. Sans Narcissa, bien entendu. La Veuve n’espérait plus rien, alors cette constatation glissa sur elle sans heurts.

- Bonjour, David.

Elle s’assit, et l’invita à faire de même. Tout en posant sa canne, elle réalisa qu’elle était déjà fatiguée de l’entretien. Elle releva son regard, puis demande doucement :

- Que puis-je faire pour toi ?

La Veuve lui aurait donné tout ce qu’elle avait. S’il requérait quelque chose, elle était prête à le lui offrir. Elle-même n’avait plus besoin de rien.
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David Geisler
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeLun 30 Sep 2013 - 19:42

Epuisée. Elle avait l’air tellement lasse, comme prévu. Sans force, sans motivation, pas apprêtée… Au-dehors, le temps continuait de s’écouler -David le mesurait en comptant les jours restants avant le solstice- mais ici, à l’hôtel particulier des Saint-Loup, il semblait que le monde avait ralenti sa marche et restait en suspension en attendant quelque chose. Voir Cassandra ainsi lui faisait infiniment de peine, et contrastait à un point incroyable avec l’image qu’il gardait de la Veuve quelques années auparavant: si forte, si droite, apte à résoudre les problèmes sur tous les fronts.

David se tritura les mains quelques secondes sans savoir quoi répondre. Il avait le sentiment de l’importuner. Mais il avait aussi l’impression que partir maintenant serait pire encore.

"Je suis venu prendre de vos nouvelles."

Il avait prévu d’ajouter « comment vous portez-vous? » mais renonça -cette question était stupide, il avait la réponse sous les yeux.

"Je m’excuse de l’absence de Narcissa. Elle n’a pas pu se déplacer, elle doit voir le médecin aujourd’hui. Rassurez-vous, rien de grave… Une simple visite de routine."

Là aussi, c’était une formulation rhétorique. Cassandra n’avait pas besoin d’être « rassurée », puisque les paroles de David ne l’avaient sans doute pas inquiétée. Cette indifférence amorphe qui flottait en halo autour de la Veuve serrait la gorge du jeune homme. Il avait l’impression de contempler une simple enveloppe charnelle, désertée du désir de vivre.

C’est pourquoi, d’ailleurs, il n’aurait pas insisté pour qu’elle le reçoive si elle n’en avait pas eu envie. Il n’aurait pas imposé sa présence. Ni celle de Narcissa. Il ne la forcerait pas à reparler de leur union secrète, de ce mariage conclu au mépris des convenances. Il ne lui décrirait pas son fils Octave, ne l’amènerait pas spontanément, ne lui demanderait pas de le prendre dans ses bras… Ne la supplierait pas de l’élever, après le Solstice, lorsqu’il se retrouverait orphelin.
Après la mort de sa mère, David avait écrit à ses grands-parents à Nancy. Puis il les avait enfin rencontrés. Depuis, il entretenait avec eux un lien affectif plus puissant qu’il ne l’aurait soupçonné… C’était à eux que Narcissa et lui confieraient leur fils, son entretien et son éducation. Ce n’était sans doute pas la meilleure solution -ils étaient âgés, avaient tout juste de quoi s’assumer financièrement… Mais David ne voyait pas d’autre choix. Cassandra n’aurait sans doute pas voulu en entendre parler. Et c’était compréhensible; il ne pouvait pas lui demander, à elle qui avait été mise à l’écart pendant si longtemps, d’assumer le poids de leurs engagements, à Narcissa et lui.

"Je suis aussi venu… pour présenter mes excuses à votre sœur, si c’est possible." Pendant des années, il avait détesté Viviane. Outre cette impertinence qu’il jugeait insupportable chez cette femme, il avait jadis vu en elle une sorcière capable de faire du mal à Narcissa. Le temps et les évènements lui avaient donné tort: d’eux deux, c’était lui qui avait fait souffrir la petite rouquine… Et maintenant que David connaissait la vérité, il comprenait que Viviane avait tout fait pour protéger sa nièce plutôt que de lui nuire. Tandis que lui, s’était comporté avec elle de façon odieuse. Evidemment, il ne pensait pas se réconcilier avec cette femme pour qu’elle devienne sa meilleure amie… Il était juste venu pour exprimer son sentiment, dans un sincère élan de repentance.

"Je ne pense pas que ça changera quoi que ce soit. Je ne crois même pas que ça cela utile. Mais… je tiens à le faire."

Une domestique se présenta à côté d’eux pour proposer à David une collation. Celui-ci déclina d’un geste de la main; il opta pour un simple verre d’eau. La jeune femme repartit chercher l’objet de sa demande en laissant un silence épais se creuser entre lui et Cassandra.

Après avoir longuement fixé le sol, David leva le regard vers la Veuve, s’attardant sur son visage très pâle, aux traits tirés, ses yeux aux nuances vertes presque éteints. A cette vue, des souvenirs lui revinrent en masse. Des images de Cassandra, à Rodez, lorsqu’il était enfant… Il était tellement… étrange… de songer être en compagnie d’une sorcière. D’en avoir côtoyé une tout ce temps, sans le savoir. Et tandis qu’il pensait à tout cela, il sut enfin pourquoi il était venu.

"J’avais aussi une question à vous poser. Est-ce que ma mère était au courant? Je veux dire… pour vous et Narcissa. (Il eut une moue amusée malgré lui, ne pouvant retenir un trait d’humour tout à fait inapproprié à la circonstance:) J’ai écrit à mes grands-parents pour leur raconter les derniers évènements, même si ils auraient fini par le savoir tout seuls. Etonnamment, ils ont très bien pris le fait que ma belle-famille fasse partie d’un clan de sorcières… (Son sourire s’éteignit). Ou peut-être qu’ils ont eu pitié de moi en sachant la sentence promise au solstice… Je me demande si il en aurait été de même pour mon père… David Noistier."
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeLun 4 Nov 2013 - 19:56

Les yeux de Cassandra s’adoucirent, de cette expression que seuls les aînés qui ont beaucoup vécu peuvent avoir. Il était venu prendre de ses nouvelles ? C’était encore un enfant. Il était devenu un homme, mais à ses yeux, il serait sans doute toujours le petit Geisler. Il était caractérisé, en cet instant, par l’entêtement des très jeunes garçons, qui refusent de lâcher prise, alors même qu’il est trop tard. Elle eut envie d’étendre la main, de le toucher simplement, pour lui faire comprendre qu’elle appréciait son geste, mais qu’elle n’avait plus rien à lui offrir. Pas plus qu’il ne pouvait la soulager en lui parlant de Narcissa. Ni en lui parlant de… d’Octave. Cassandra s’était vaguement demandé ce qui avait mené au choix du prénom, avant de disperser la pensée sans autre forme de procès. Elle ne verrait sans doute jamais son petit-fils. Et la pensée n’éveillait en elle aucune émotion particulière. Il s’agissait d’un fait. L’ancienne Mattea aurait refusé de colère, l’ancienne Cassandra aurait plié par amour, l’actuelle Veuve ne parvenait même plus à comprendre pourquoi un simple fait aurait soulevé tant de passion autrefois.

La suite parvint toutefois à surprendre Cassandra. David lui demanda de s’excuser pour lui auprès de Viviane. Sans trahir aucune émotion, Cassandra songea qu’elle lui aurait dû lui répliquer sèchement que c’était à Viviane qu’il devait s’adresser, pas à elle. Mais elle était trop lucide pour se leurrer : Viviane n’aurait jamais accepté de rencontrer le petit Geisler, pas plus qu’elle ne l’aurait écouté. Peu de personnes pouvaient se targuer de parvenir à atteindre Viviane, ces derniers temps – et si elle voulait être tout à fait honnête, elle devait reconnaître que peu de personnes se résumait probablement uniquement à elle. Cassandra posa un regard pensif sur l’homme qui lui faisait face, qu’elle connaissait depuis son plus jeune âge. Elle lui éviterait la blessure d’une confrontation stérile, puisque c’était en son pouvoir. Elle en oublia de le féliciter pour le chemin parcouru. Elle ne pensait plus qu’en termes factuels.

- Je le lui dirai.

Et la Veuve tiendrait parole, comme toujours. Elle observa curieusement son interlocuteur, en se demandant s’il avait fait tout le chemin pour lui parler de Viviane. La suite se fit un peu attendre, mais il finit par lui ouvrir son cœur. Et soudainement, Cassandra réalisa que les nœuds de la vie de son gendre ne s’étaient pas tous démêlés. Elle ferma les yeux, pesant le pour et le contre. David ignorait une vérité fondamentale, qu’elle connaissait et qu’elle avait le pouvoir de lui partager. À l’heure de vérité, que devait-elle choisir ? Laisser David vivre dans la quiétude pour ce qui lui restait, ou l’encombrer d’un fardeau lourd à porter ?

Une étincelle d’affection surgit du plus profond de la Veuve. Une émotion, fugace, qui détonna comme un coup de tonnerre dans son cœur. Elle ignorait que cette partie d’elle-même n’était pas morte. Quiétude ? Quelle quiétude dans la vie d’un homme sur le point de mourir ? Elle ne mentirait pas, pas maintenant, pas au bout de tant de chemin. David méritait mieux, même s’il la maudirait peut-être de détruire ses certitudes. Il lui restait peu de temps pour faire la paix avec lui-même, et surtout pour mettre fin à un cycle infernal avant qu’il ne commence. Cassandra se souvenait de Mattea et des non-dits.

Elle le savait pertinemment, il y avait des non-dits qui se répétaient dans l’histoire d’une génération. C’était inscrit dans l’inconscient et ça pouvait dévaster des vies, simplement parce que les choses n’avaient jamais été partagées ou révélées. La Veuve les avait un peu étudiées au Vatican, à l’époque de Mattea. Ces non-dits prenaient le nom de malédictions, et même si elles n’étaient pas prononcées par des suppôts de Satan, leurs dégâts pouvaient être terribles. Et ce n’était pas ce qu’elle souhaitait à la famille de David, à sa famille. Elle pouvait briser le non-dit, c’était à elle de le faire.

Cassandra commença par répondre à sa première question. Elle aurait presque voulu le prévenir, lui rappeler que l’écrit restait, et pouvait être retourné contre lui, mais rien de tout cela n’avait plus d’importance. Et puis, il fallait bien commencer quelque part avant de lui révéler le secret le plus douloureux de Sarah Geisler.

- Ta mère ne savait rien, David. Quand je suis arrivée à Forbach, je traquais les sorcières, et crois-moi, j’y mettais du zèle. Je voulais leur perte, puisque j’ignorais que j’étais l’une d’entre elles. Quand Sarah m’a demandé si j’étais une sorcière, j’ai pu la regarder dans les yeux et lui dire que je n’en étais pas une. Je ne mentais pas.

Cassandra avait conscience de simplifier la situation, mais elle ne voulait pas raconter tous les détails, parce qu’ils impliquaient le récit de sa vie. Et la Veuve était trop lasse pour parler pendant des heures. Ce n’était nullement par volonté de cacher les choses à son gendre – elle n’avait plus rien à lui cacher – mais plutôt par extrême fatigue. Elle était épuisée par la vie, et en raconter les misères à David ne changerait plus rien. Restait cependant à lui dire le plus dur.

- Ta mère et moi étions proches, malgré notre affrontement initial. Les épreuves ont forgé une affection que les années n’ont pas démentie. Je crois savoir qu’elle n’est pas parvenue à rassembler le courage nécessaire pour te confier son plus grand secret.

Le visage de Cassandra trahissait toute la tristesse que lui inspirait ledit secret. Sarah était son amie, et la Veuve avait toujours admiré sa force d’âme. Elle avait survécu, malgré les coups, malgré le malheur, malgré l’adversité. La Veuve inspira.

- Je pense qu’il m’appartient maintenant de révéler ce secret, pour que tu puisses prévenir l’avenir, pour éviter que les non-dits rejaillissent sur ta descendance. Pour qu’il n’y ait pas de malédiction dans ta maison.

Cassandra rencontra le regard de David, les yeux emplis d’affection – elle n’en avait même pas conscience. Elle aurait voulu lui dire que ça ne changerait rien à la personne qu’il était, mais les mots lui manquèrent. Alors, elle fit un geste. Elle fit un énorme effort, se releva péniblement, attrapa sa canne et claudiqua jusqu’à se laisser tomber dans le fauteuil juste à côté de celui de David. Le souci de l’autre semblait avoir réveillé la Veuve, de la manière la plus inattendue qui soit. Elle-même n’avait pas conscience de la lueur qui s’était ravivée dans ses yeux, promesses d’une franchise dure mais véridique.

- David Noistier n’était pas ton père. C’était bien le fiancé de ta mère, mais il est mort en prison, probablement parce qu’il était protestant. Ton père… Non, ton géniteur, c’est un moine bénédictin qui a abusé de ta mère.

Les mots étaient sortis, et la Veuve se surprit à espérer qu’ils ne détruiraient pas David. Cassandra pensa à Sarah, à cette tâche ingrate qu’elle lui avait laissée. Mais les amis étaient précisément là pour ça, n’est-ce pas ? Cassandra termina, de la voix la plus douce qu’elle put trouver, alors que sa gorge était douloureuse d'avoir parlé davantage qu'au cours des dernières semaines réunies :

- Ta mère n’a peut-être pas toujours eu l’autorité nécessaire, mais nous savons que la force, elle l’avait, puisqu’elle a vécu des années comme le Second sans flancher. Sa première action en tant qu’Inquisiteur a été de brûler le coupable.

Mais Cassandra savait parfaitement, à simplement observer le petit Geisler, que ses mots lui parvenaient à peine. Alors, comme la mère qu’elle était, elle posa délicatement sa main valide sur son bras. Parce que malgré tout ce qui était arrivé, elle n'était pas insensible à la détresse. Parce qu'en dépit de sa lassitude et de son désir d'enfin quitter sa vie terrestre, Cassandra l'aimait comme un fils.

Et ce fut au travers de ce simple contact, au plus dur de l’épreuve, que Cassandra recommença à vivre.
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeDim 10 Nov 2013 - 3:47

La question de David était rhétorique. Autant celle concernant son père que celle concernant sa mère. Maintenant qu’il connaissait la vérité sur la vraie nature de Cassandra, il était persuadé que la Veuve avait partagé son secret avec Sarah Geisler, de son vivant. Et celle-ci, malgré son poste à la tête de l’Inquisition, malgré tous les préjugés, ne l’avait pas dénoncée; car elle avait toujours fait le nécessaire y compris mentir au monde entier, pour protéger ses proches.

Pourtant… il avait tort. La réponse n’était pas celle qu’il attendait et il eut l’impression qu’un troupeau de chevaux enragés le piétinait dans sa cavalcade. Sa respiration, quelque part, s’était tarie. Il sentit le contact de la main de Cassandra sur son bras et saisit cette main pour s’y accrocher comme à une bouée.
Un instant -long ou court, impossible de le dire- s’écoula dans le silence et l’immobilité. Les yeux de David s’étaient noyés dans le vague et ses pensées semblaient engluées dans une substance épaisse. Un goût salé atterrit sur ses lèvres; il prit conscience qu’une larme avait coulé sur sa joue. Il serrait tellement la main de Cassandra qu’il devait faire souffrir les articulations fragilisées de la Veuve, mais ne s’en rendit pas compte. Ce ne fut que lorsqu’il croisa son regard, enfin, que sa respiration se débloqua.

Il prit une grande inspiration, comme si le poids immense qui pesait sur ses poumons venait enfin de disparaître.

"J'étais... déjà au courant" murmura-t-il, comme étonné de ses propres paroles.

Le jeune homme desserra son étreinte de fer sur la main de la Veuve pour la soulager. Puis il regarda de nouveau dans le vague. Le monde lui semblait différent maintenant.

"Je le savais déjà, au fond de moi. Ma mère me l’avait presque avoué à demi-mots, une fois."


La scène remontait à… il ne savait plus. Des éons auparavant. Sarah Geisler et lui dînaient en tête à tête. Elle lui avait dit qu’elle était dégoûtée d’être sa mère, comme si sa naissance n’avait pas procédé de sa volonté. Puis, devant le récit de son voyage au monastère de Calis, où la mère supérieure de l’endroit lui avait raconté qu’une femme ressemblant étrangement à David avait séjourné ici vingt ans plus tôt, avant de mettre au monde le fruit d’un viol, Sarah Geisler avait longuement hésité avant de dire qu’elle n’était pas cette femme.
David avait toujours conservé un doute à ce sujet. Mais parce qu’il éprouvait pour sa mère une confiance et une affection sans limite, il avait décidé de la croire qu’elle que soit sa version… et c’est ainsi que le sujet avait été enterré.

"Oh, grand dieu…"

Oui, le monde lui semblait vraiment différent maintenant. Pourtant, ce n’était pas comme si il apprenait une nouvelle, puisqu’il était déjà au courant inconsciemment… Mais il réalisa, une fois encore, que Cassandra avait raison: c’était bien le poids des non-dits, des silences et des secrets qui avait causé plus de ravages que le contenu du mystère lui-même. Au fil des années, il avait surmonté son immaturité, sa rupture avec Narcissa, son penchant pour la boisson et les coucheries, le rejet que lui inspirait d’avoir une épouse et une belle-mère sorcière, le désespoir face au châtiment promis par son stigmate, et même la mort de sa mère… Tandis qu’en parallèle de tous ces progrès, un secret était demeuré, enfoui là, si proche qu’il s’était habitué à vivre avec. Et sans qu’il s’en rende compte, ce poids avait pesé sur David depuis son plus jeune âge… Comment était-il possible qu’il ait dû attendre d’en être débarrassé pour réaliser tout ça ? Il se sentait tellement… libéré. Soulagé. Si seulement il avait eu plus de temps pour vivre, il aurait enfin pu vraiment avancer.
Car la véritable identité de son géniteur, au fond, n’avait pas d’importance.

"Ça ne change rien"
dit-il en secouant la tête.

Il l’avait dit lors du bûcher: ce n’était pas le hasard de la naissance, mais le choix des actes dans la vie d’un homme, qui déterminait qui il était. Au moment de déclamer ses propos, David parlait des sorcières. A présent, il était flagrant que ça lui était aussi applicable.
La révélation de Cassandra ne faisait que lui prouver à quel point il avait eu raison. Son géniteur était un violeur et un criminel, mais David n'était pas devenu comme lui pour autant. Certes, il avait eu des travers, comme tout être humain. Mais il travaillait au repentir de ses fautes, il possédait un domaine, une femme merveilleuse et un enfant magnifique. À part la couleur de ses yeux, ce moine bénédictin ne lui avait rien légué, contrairement à sa mère qui lui avait tout donné. Et a u fur et à mesure qu’il parlait, David se sentait plus fort, plus confiant.

"C’est comme pour les sorcières. A mes yeux, ça ne change rien que vous en soyez une ou non. Et votre fille non plus."


Finalement, cette histoire était tellement futile… Sorcière ou pas sorcière… quelle était la différence? Ils avaient tous le même corps, le même cœur. Partageaient tous la même biologie, au point tel que des enfants naissaient de leurs unions. Narcissa était toujours Narcissa. Cassandra était toujours Cassandra. Le simple fait de distinguer les êtres humains en deux catégories avait fait des milliers de morts… Et à présent que beaucoup l’avaient réalisé, grâce à l’intervention du Pax Humanum, cette époque était révolue. David le croyait sincèrement.

"C’est pour ça qu’on doit se battre" dit-il en serrant de nouveau la main de la Veuve dans la sienne. "Je n’ai pas peur de mourir -ce n’est pas dur de mourir quand on a bien vécu. Mais je ne veux pas avoir de regrets le jour du solstice. Le monde est en train de changer, Cassandra, et nous le vivons, nous en sommes les acteurs principaux, surtout vous et votre sœur! Vous êtes les premières sorcières épargnées, vous êtes appréciées de tous, c’est une situation totalement inédite… et ça prouve qu’il y a de l’espoir! C’est dans l’œuvre de Louisa Zimmerman, c’est dans la paix que réside notre salut. Je l’ai enfin compris… et je lutterai jusqu’à la fin pour la réussite de cet objectif. Celui qui combat peut perdre… mais celui qui refuse de combattre a déjà perdu".

Il la regarda dans les yeux, puis lâcha sa main, avant de la tendre vers elle paume ouverte comme dans l’attente qu’elle la serre.

"Aurez-vous la force pour une dernière lutte?"
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeMar 10 Déc 2013 - 1:55

La Veuve ne flancha pas. Alors que David détruisait sa main valide, elle resta là, stoïque, prête à essuyer ses larmes et à l’aider. Elle ne dut toutefois pas l’apaiser autant qu’elle l’avait imaginé. David semblait avoir toujours su, au fin fond de lui-même. Cassandra se sentit confortée dans son choix : elle avait pris la bonne décision en lui dévoilant le secret de ses origines. Après une brève pensée pour sa défunte amie, Cassandra posa sa main sur le front de David, en une caresse toute maternelle.

Elle l’écouta sans rien dire, quand il lui dit que ça ne changeait rien pour lui qu’elle soit une sorcière. Les mots glissaient silencieusement sur elle, en une étreinte qui aurait pu être chaleureuse si la Veuve avait accepté de se laisser toucher. Mais les mots de David l’atteignaient à peine ; c’était par ailleurs préférable, parce que Cassandra ne serait jamais tout à fait à l’aise avec le fait d’être désignée par le nom de sorcière.

Là où en revanche il eut toute son attention, ce fut quand il lui dit qu’il n’avait pas peur de mourir. Cassandra réalisa que si elle avait eu des larmes, elle aurait sans doute pleuré. Il lui semblait soudainement que les paroles de David comptaient parmi les affirmations les plus violentes qu’elle ait jamais entendues. Seigneur ! Il n’avait pas bien vécu, lui qui était seulement à l’aube de sa vie ! Elle ne dénierait jamais ses certitudes, puisqu’il était sur le point de perdre la vie, mais… son cœur tout juste retrouvé saignait pour lui. Et pour sa fille. Et pour son petit-fils.

Elle ne réagit pas quand il lui dit qu’elle était appréciée de tous – s’il y avait une chose dont l’ancienne Cassandra était parfaitement consciente, c’était bien qu’elle était loin de faire l’unanimité. Elle ne réagit pas quand il lui dit que le salut résidait dans la paix – l’humanité était faible. Elle ne réagit pas quand il lui dit qu’il fallait combattre parce qu’un refus signifiait l’échec – mais Viviane et elle avaient déjà combattu, et déjà perdu. Entendre qu’il se lançait à son tour dans la bataille mettait un peu de baume sur ses échecs : il était peut-être bien capable, lui, de renverser la vapeur et de parvenir au miracle tant attendu. Elle le lui souhaitait sincèrement.

Elle pensait le contrer simplement par son silence, jusqu’à ce qu’il lui tende la main.
Cassandra regarda sa main avec une certaine tendresse, réalisant qu’il lui restait encore des choses à expliquer à son gendre. Il n’avait visiblement pas encore réalisé l’étendue de sa chute. Ni le fait qu’elle était brisée au-delà du réparable.

Elle eut un sourire très doux, et ses yeux exprimèrent toute la tristesse qu’elle éprouvait pour le monde et pour Forbach, puis elle dit doucement :

- Mais, David… Tu n’as pas compris ? Je n’ai plus rien à offrir. Je n’ai plus de force. Je n’ai plus rien.

Cassandra n’était ni énervée, ni haineuse, juste… mortellement lucide. Loin de vouloir se poser en victime, elle traduisait simplement sa situation, pour que David ne se méprenne pas. La preuve en avait été donnée plus tôt, chez Louisa Zimmerman, quand le voile sur ses souvenirs avait été levé et qu’elle n’avait pas juré d’entrer en guerre. Elle essayait seulement de signifier à David à quel point Viviane et elle étaient allées trop loin. Elles avaient atteint un point de non-retour. Et même si son gendre était capable d’éveiller en elle des sentiments qu’elle pensait avoir perdus à jamais, ça ne changeait rien à son désir d’enfin se reposer éternellement.

C’était trop tard.
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeMar 14 Jan 2014 - 0:56

Après le soulagement de découvrir enfin ses origines, le cœur de David saignait à nouveau. Il réalisait plus à chaque seconde à quel point il lui était douloureux de contempler Cassandra dans cet état... et corrélativement, il mesurait une fois encore les profonds élans d'affection qu'il ressentait pour la Veuve. Comment avait-il pu la mettre à l'écart de sa vie à ce point, l'année passée? Il avait eu peur de sa réaction alors qu'elle aurait été la personne la plus à même de comprendre, de raisonner, de défendre son couple à Narcissa et lui. Ç’aurait été dur, mais elle l'aurait accepté.
Il n'avait pas de mots pour décrire la honte qu'il ressentait.

Cette époque était finie, pas même parce qu'il était décidé à ne plus recommencer les mêmes erreurs, mais parce que sa vie arrivait à son terme. Pourtant, il n'abandonnerait pas si facilement. Cassandra n'aspirait plus qu'à la solitude et au repos éternel, mais il ne la laisserait pas glisser de ce côté irrémédiable de la pente. Même si elle ne voulait pas qu'on la retienne.

"Vous ne m’avez jamais laissé tomber, Cassandra… alors je ne vais pas vous laisser maintenant. N’y comptez pas."

Il se tourna un peu plus vers elle. Son regard se posa sur la main noircie, brûlée, qui avait tenu l'épée du Gardien pour tous les défendre contre le démon.

"Cassandra, voyons… Vous êtes la personne la mieux placée de tout le comté pour savoir qu’il n’est jamais trop tard. Il y a toujours quelque chose à sauver. C’est vous qui me l’avez dit, non? «Sauve ce qui peut encore l’être»."

Cette phrase lui avait taraudé l'esprit après sa fuite honteuse vers Orléans, jusqu'à le faire changer d'avis. Aujourd'hui, il espérait qu'il en irait de même pour celle qui l'avait énoncée.

"Quand l’Agent du Diable vous a menacée de tuer votre sœur et votre fille deux semaines après ses paroles, vous n’avez jamais renoncé. N’importe qui aurait pleuré ses morts par avance en se lamentant devant l’inéluctable… mais vous, vous avez considéré ce délai comme une chance de les sauver.
Quand l'usurpatrice de Marie-Théodosine vous a condamnée au bûcher avec Viviane, et alors même que les flammes déjà montaient vers vos pieds, vous n'avez jamais renoncé. Vous n'avez pas pleuré ni hurlé ni fait vos adieux: vous vous êtes battue jusqu'au bout -et vous êtes en vie.
Vous pouvez tout me dire... mais pas que vous n'avez plus rien."


Elle avait la sensation d'avoir tout perdu et tout raté, mais lui ne voyait pas les choses de cette manière. Cassandra était, au contraire, l'emblème d'une personne qui avait de bout en bout réussi sa vie. Et dans l'esprit du jeune homme la Veuve représentait tout l'exact opposé de ce qu'elle était en ce moment... Elle avait eu le courage, adolescente, de se battre contre une tribu qui la rejetait. Elle avait fait carrière et fondé une merveilleuse famille même en étant privée de nombreuses années de souvenirs. Elle avait dirigé l'Inquisition avec une foi et une efficacité que tous admiraient... David coula vers elle un regard débordant d'une affection et d'une estime qu'il avait du mal à contenir. La Veuve ressemblait tellement à Sarah Geisler... Tour à tour figure d'autorité et de bienveillance. Qui n'avait reculé devant aucun sacrifice pour protéger son enfant.
Aux yeux du jeune homme, ses échecs récents ne signifiaient et ne changeaient rien, rien par rapport à la proportion énorme de ce qu'elle avait réalisé par ailleurs. On ne tirait pas un trait sur toute une vie parce qu'elle était légèrement cabossée.

"Je crois en vous, Cassandra, en votre force, et en ce que vous représentez. Vous pensez que c'est faux, mais nous sommes nombreux à attendre votre retour. (Il regarda une dernière fois la main blessée et haussa les épaules d'un geste presque provoquant, fidèle à son comportement d'adolescent qu'il avait conservé pendant des années). Vous croyez avoir déjà perdu? Peut-être, et alors? Je ne suis pas d’une intelligence suprême, mais j’ai au moins appris une chose, en 21 ans… Ce n’est jamais terminé. Il y aura toujours un autre combat. La vie est une lutte perpétuelle."
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MessageSujet: Re: Une main tendue   Une main tendue Icon_minitimeSam 31 Mai 2014 - 17:41

Ce fut presque avec curiosité que Cassandra dévisagea son gendre. Il semblait réellement convaincu par ce qu’il disait. Cependant, c’était comme si sa voix émanait d’un autre monde. Elle réalisa qu’il voulait désespérément l’atteindre, et qu’elle se refusait à ressentir quoi que ce soit, parce qu’elle avait renoncé. Elle contempla un instant cette pensée. Était-elle à ce point perdue, qu’il appartienne au petit David de venir la relever ? Elle ne demandait rien. Elle voulait simplement attendre, avec Viviane, la fin de toute chose. Quel monde ingrat venait encore demander à celle qui avait déjà tout donné ?

Lentement, son esprit se rassembla autour de la phrase de David. Il y avait toujours quelque chose à sauver ? Autrefois, elle aurait haussé les sourcils à l’idée qu’il retourne ses propres leçons contre elle. Elle voulut écarter cette pensée, puis réalisa l’écart qui existait entre la vision qu’il avait d’elle et celle qu’elle avait d’elle-même. Elle prit conscience du symbole qu’elle représentait, au moins pour lui, presque avec surprise. Elle pensait que sa chute, que leur chute aurait rimé avec l’effondrement de tout ce qu’elles avaient construit. Tant les erreurs que les victoires. Et pourtant, elle le lisait dans les yeux suppliants de son gendre, elle était encore considérée comme une véritable force. C’était presque risible. C’était à en pleurer. C’était… la Veuve réalisa avec étonnement qu’une telle idée lui inspirait des sentiments. Si elle voulait continuer à être honnête avec elle-même, elle devait bien le reconnaître.

Elle voulut lui dire que ce n’était pas ce qu’il croyait, mais David n’avait pas fini. Avec la précision implacable de celui qui ne partira pas avant d’avoir emporté la manche – d’où lui venait cette rigueur ? – il lui asséna une dernière vérité, sa vérité. La phrase mit de longues secondes à prendre un sens compréhensible pour la Veuve. Elle eut de la peine à calmer le tourbillon d’émotions qui s’empara alors d’elle, avec une violence décuplée par l’absence totale de ressenti qu’elle avait vécu ces derniers jours.

Ce fut l’instant précis où Cassandra réalisa que David était devenu un homme, un vrai. Ce fut la première fois qu’elle dut lever le regard vers lui. Non pas un regard neuf, mais bien un regard renouvelé, prêt à faire face au monde une nouvelle fois. Cassandra était trop vieille pour renaître une nouvelle fois. Mais elle pouvait se redresser et honorer la confiance que David plaçait en elle. Elle était face à un choix : laisser sa lassitude emporter le meilleur d’elle-même, alors que tout n’était pas encore fini ; ou alors souffrir encore, se redresser, et frayer un chemin moins sombre à ses… à ses descendants.

- Tu as bien grandi, David.

Et par « bien », elle entendait donner un compliment – aussi sec qu’elle. Elle venait de reconnaître à quel point l’adolescent sans avenir avait surpassé toutes ses attentes. La nouvelle génération devançait maintenant l’ancienne. Ils vivaient dans un monde fou. Mais la Veuve était fière de réaliser que David ferait partie des ancres solides, auxquelles son entourage pourrait se rattacher et se fier.

- Je me relèverai. Je n’ai pas d’autre promesse à faire, mais pour tout ce qu’elle vaut, je la tiendrai. Je ferai face à cette Apocalypse.

Il n’avait pas tout compris, mais ça ne changeait rien. Il ne réalisait pas qu’elle marchait vers sa mort. Ce n’était pas à lui de porter le poids du passé et Cassandra ne le lui ferait jamais porter à sa place. C’était son propre combat, de parvenir à dépasser son épuisement. De renoncer à une fin loin de tous pour ouvrir un futur aux siens.

L’heure était aux sentiments : la Veuve se laissa porter par ce flot inattendu de tendresse et réalisa que s’ils marchaient vers leur fin, David méritait de savoir ce qu’elle pensait de lui, tout au fond.

- Je suis fière de ce que tu es devenu.

Ses yeux étaient peut-être humides, mais à ce stade, qu’importait ?
Il lui restait une discussion à avoir avec Viviane – elle serait dure et longue. Mais les deux sœurs seraient alors en mesure de reprendre le combat.
Une dernière fois.
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