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[Réservé à Eleonor jusqu'à son arrivée]


Il faut de tout pour faire un monde, prétendent d’aucun. Des intelligents, des bêtes, des beaux, des moches, des riches, et surtout des pauvres. C’est une des caractéristiques les plus ancrées de tous les pays ; car après son quota de personnes fortunées, il faut bien que l’argent qui enrichit toujours plus les nantis vienne de quelque part. Et ce quelque part, on le nomme les « plus démunis ». La Sainte Eglise l’avait compris depuis longtemps et déjà, alors que le monde était à peine né, on fournissait à ces plus démunis un soutien, une raison d’exister : on parlait de Dieu, peut-être pas sous ce nom, mais en considérant une entité supérieure, munie des pleins pouvoirs, et qui nous faisait primitifs et inutiles puisqu’elle avait déjà tout planifié. Cette entité, on en vint à l’adorer et à la vénérer. Lorsqu’on adore quelqu’un, on commence par se tromper soi-même et on finit toujours par tromper aussi les autres. C’est ce que l’on appelle un roman.

Europe en lisait un, justement, assise dans un des imposants et confortables fauteuils du style Louis XI qui parsemaient le Grand Salon comme une poignée de fleurs difformes et colorées. Enfin, elle « essayait » plutôt de lire, fronçant les sourcils sous l’effet de la concentration, car c’était une tâche des plus ardues compte tenu du faible éclairage, dispensé seulement par les trois fenêtres en voûte qui s’ouvraient sur la nuit tombante, et la lueur ambrée des centaines de chandelles donnant au papier un aspect moins lisible encore que ce qu’il était habituellement. De plus, il régnait autour de la jeune femme un brouhaha ambiant des plus prononcés et il était difficile d’en faire abstraction. Tout autour d’elle, la foule des courtisants s’agitait, se pressait, frétillait, se racontait les derniers potins, arrachait une coupe de vin au plateau d’un serveur, tout ça dans un formidable chaos relatif de conformistes qui n’attendaient plus qu’une chose : entrer dans les bonnes grâce de Sa Majesté Impériale.

Pour sa part, Europe n’avait jamais vu, à part peut-être la Sainte Inquisition, une catégorie sociale plus pervertie que celle du Saint Empire Romain Germanique de son époque, à savoir SA classe sociale, celle des nobles…Elle s’y sentait complètement étrangère, non seulement en terme de valeurs et de mode de vie (le sien étant, soit dit en passant, plutôt décousu) mais aussi parce qu’elle était, tout simplement, une Sorcière. Plaire au Roy n’avait pas grand intérêt pour elle, de même que se pavaner en taffetas et fanfreluche devant les regards concupiscents des gentleman’s de la cour, si ce n’était le soucis de vivre confortablement et surtout, d’être tenue au courant de tout ou presque se qui se déroulait dans le pays. Car bien sûr, les courtisanes au courant des moindres faits et gestes ne se gênaient pas pour colporter la rumeur.

Ici, tout était masque et comédie. Chacun jouait un rôle en dissimulant son véritable caractère ; il fallait être aimable et souriant, savoir tenir une conversation, rire quand il le fallait, présenter ses condoléances au moment propice, bref, toute une étiquette on ne peut plus ridiculement compliquée qu’il fallait respecter à la lettre si on ne voulait pas choquer et être la risée de l’opinion publique. Quand Europe avait commencé sa carrière dans le monde des auteurs, on lui avait dit qu’il fallait écrire en faisant des fautes pour ne pas paraître trop pédante : ainsi était faite la société de 1626, c’était la plus totale confusion, c’était Forbach.
Et la jeune femme était forcée de s’en préoccuper de plus en plus à présent. Sa discussion de la veille, avec le chasseur Avatar, lui avait fait ouvrir les yeux. Se remettre en question et prendre une bonne douche d’humilité était la meilleure chose à faire quand on voulait recadrer avec ses responsabilités. Europe en avait fait l’expérience, et c’était la raison pour laquelle elle avait donné, un peu plus tôt dans la journée, rendez vous ici même à Eleonor de Charme, Prêtresse d’Olrun, une personne qu’elle appréciait beaucoup.

Avec un soupir exaspéré, elle se résigna à ranger le roman qu’elle lisait, impossible de se concentrer. Il y avait trop de bruit, trop d’agitation autour d’elle. Europe posa son regard grenat sur la salle vaste toute en dorures, dont le dallage couleur émail réfléchissait la lueur cuivrée des chandelles. La pièce dégorgeait de luxe, d’argent et de boiseries, d’opale et d’améthyste ; de quoi payer une vie de salaire ouvrier, et même largement plus, tandis que dans le fin fond des campagnes allemandes des mômes crasseux et squelettiques se disputaient un morceau de viande en maudissant la vague de froid…et les Sorcières. C’était un malencontreux quiproquo. De même que celui qui accusait les « filles de Satan » d’avoir ensorcelé l’eau pour qu’elle provoque une reviviscence de souvenirs. Il était temps de réagir. Europe attendit patiemment, le bout de son pied chaussé de carmin battant une mesure régulière en se posant par intermittence sur le sol dallé avec un petit bruit sec.

Une silhouette mince et quasi invisible, voilà comment pouvait être définie Eleonor de Charme. Elle était jolie cette noble, mais aussi discrète qu'une souris avec son minois fin, ses yeux verts et ses traits posés. Il ne se dégageait d'elle qu'une sensation de pondération absolue. Elle ne se faisait pas remarquer et c'était aussi bien. Elle évitait la Cour, préférant de loin rester avec sa petite Alix, mais il lui arrivait de temps à autres de rompre ces habitudes agréables pour se montrer un peu. Seulement, elle était veuve, elle était jolie, alors évidemment, elle avait le droit à son flot de prétendants hypocrites. Voilà pourquoi elle évitait cet endroit.

Mais ce soir, elle devait s'y rendre, parce qu'une amie l'invitait. Et si Europe avait prit cette peine, ce n'était pas pour le simple plaisir de sa compagnie, la jeune femme en était certaine. Assise au bord du lit d'Alix, elle chuchotait des mots tendres, tout en caressant ses jolies boucles soyeuses. Elle se voulait apaisante alors que la petite fille rechignait à la voir partir. Une berceuse plus tard, elle avait sombré dans les bras de Morphée.

Eleonor s'était alors dirigée vers son miroir, alors qu'une pléthore de servantes s'occupait de sa mise, de sa coiffure, de ses chaussures, de son maquillage. Le résultat était plus que satisfaisant. Parée d'une robe d'un vert tendre qui mettait en valeur sa poitrine, elle avait une silhouette de jeune fille. Le tissu était riche, brodé de motifs plus fonçés, couleur émeraude et or. Des escarpins de la même couleur venaient compléter sa mise alors qu'une capeline en velour venait couvrir sa tenue. Ses cheveux bruns étaient coiffés en un chignon compliqué, d'où quelques mèches soigneusement frisées s'échappaient, alors que des perles venaient garnir le tout. Parfait.

Et c'est ainsi parée qu'elle entra dans le salon. Le chemin en calèche avait été assez difficile et ses fesses s'en souvenaient encore. La pièce grouillait de courtisans et certains regards concupiscents se posèrent sur elle, alors qu'elle avançait, cherchant Europe du regard. Un homme l'aborda, charmant, mais assez vieux. Elle répondit poliment, s'en défit, avant de repérer la prêtresse. Avec un gracieux sourire, elle s'approcha et lui fit face.

- "Tu m'as fais demandée Europe et me voilà. Tu as l'air de follement t'amuser."

La jeune femme vint prendre place près de son amie, le regard pétillant de malice.

- "Quelle bonne idée de me sortir de ma retraite pour le faste de cette soirée!"

A mots couverts, elle lui demandait la raison de sa venue, elle avait apprit à être prudente, comme toute sorcière qui se respecte et surtout aussi puissante qu'Europe ou elle.

Le soir tombait, l’obscurité posait son doux manteau opaque sur le château de Frauenberg et la vie nocturne qui animait la Cour comme une fourmilière commençait tout juste à s’éveiller, avec ses banquets mondains, ses loteries, ses concerts, ses danses, ses spectacles mercantiles et autres milliers de manifestations nobliotes où aimaient à se complaire les odalisques courtisanes en attendant l’entrée en scène de leurs Majestés Imperiales. Au milieu de toute cette kyrielle d’activités frénétiques, Europe battait la mesure de son pied chaussé d’un escarpin verni, lentement, avec prosaïsme, observant la délicate lueur cérulescente du soir lamer les cieux tranquilles. Arriver en avance n’était finalement pas une si bonne idée, car elle commençait à trouver le temps long. Mais enfin, à l’heure exacte du rendez-vous une silhouette fine et discrète fendit la foule dans sa direction ; la Sorcière se retourna, considérant son amie qui marchait vers elle, resplendissante comme toujours.

Eleonor de Charme était une des plus belles femmes qu’Europe aie eu le loisir de voir dans sa vie. Belle, car en comparaison de toutes les autres demoiselles de Cour, qui se fardaient copieusement jusqu’à pousser leurs maquillages à l’outrage, rien ne valait la magnificence du naturel ; pour Eleonor, nul besoin d’artifices pour se draper dans l’élégance ; et bien que coiffures et toilettes la mettaient sans cesse en valeur, la plus splendide de toutes les Prêtresses avait eu le privilège d’être née beauté. Europe, sensible à tout ce que la nature avait pu créer de beau, la voyait avancer vers elle, et ne se lassait pas d’observer une fois encore ses cristallines pupilles à la douce couleur malachite, ce tissu péridot qui moulait ses hanches légères peintes de motifs étincelants, l’épiderme satiné de son visage ovoïde encadré de mèches fuligineuses, la pulpe rosacée de ses lèvres souriantes…La Sorcière prit un air satisfait, celui que l’on a en contemplant un travail bien fait.

Et puis Eleonor n’avait pas pour elle que le charme corporel. Un talent inouï résidait dans le jeu chorégraphique de ses doigts apparemment sans défenses. La musique ! Europe adorait l’entendre, sous toutes ses multiples manifestations, c’était selon elle une des formes d’expression de l’art, au même titre que l’écriture qu’elle exerçait elle-même, ou encore que la peinture, ou toute autre représentation du dernier refuge des êtres distingués. Elle sourit. Cela se produisait rarement ; mais à Eleonor, elle pouvait parler comme son égale, tout simplement parce que leurs situations étaient très proches ; nobles, 25 années, exerçant un talent, avec en double la fonction de Prêtresse, les hommes ayant déserté leur vie…Non pas qu’Europe considéraient les autres individus comme inférieurs, loin de là ; mais selon elle, la notion d’égalité se définissait selon le rapprochement des modes de vies.

"Ne m’en parle pas." Europe eut un petit rire aux paroles de son amie, tandis que celle-ci prenait place dans un fautueil à côté d’elle. "On ne soupçonne jamais l’ennui que procure la Cour. Eleonor, je suis absolument ravie de te revoir…et absolument navrée d’avoir du te soustraire à la charmante compagnie de ta petite Alix."

Et oui, car après la beauté et le talent, il y avait chez Eleonor autre chose qui suscitait l’admiration d’Europe: l’organisation. Son amie était contrainte de mener plusieurs existences de front, en conciliant vie de famille, vie de noble, vie de musicienne et vie de prêtresse, et le faisait avec brio. Cela était valable pour toute expérience de la vie, comme le mariage : on y gagnait un certain nombre de « moi » supplémentaire, et on devenait supérieurement organisé. L’organisation était, pour Europe, un des véritables buts de la vie, un de ceux qui représentent le triomphe de l’esprit sur la morale.
Eleonor cependant, ne semblait pas être très chagrinée d’avoir été arrachée à sa petite vie « retraite » comme elle le disait ; tout allait donc pour le mieux et elle pouvait passer aux choses sérieuses. Le Grand Salon était à son avis l’endroit le mieux côté pour bavarder en toute discrétion. La foule des courtisants les environnaient avec bruit, leur discussion pouvait donc passer inaperçue. Et puis, qui aurait l’idée d’aller voir dans le château même de Frauenberg si il ne s’y tenait pas une réunion de Sorcière ? Personne, bien sûr. Et puis comme chacun sait, la meilleure façon de passer inaperçue est de se faire remarquer.

"Je crois que ce temps d’hiver pluvieux me donne mauvaise mine" fit Europe d’un ton navré en une parfaite parodie d’une fille de Cour. "Et toi, comment te portes-tu ? La période que nous traversons n’est pas faste et prospère. J’irais même jusqu’à dire qu’elle n’a jamais été aussi noire. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe avec l’eau…n'est-ce pas...ma soeur" sa phrase se termina dans un murmure et la Sorcière observa posément et avec sérieux son amie, entamant indirectement la véritable raison de sa venue.

Il n'était pas difficile de retrouver Europe parmi l'assemblée. Les beaux cheveux violines de la prêtresse étaient une tâche de couleur bienvenue et familière dans tout ce luxe ostentatoire et surfait. Eleonor n'avait pas conscience de sa beauté, simplement parce qu'elle se trouvait trop discrète pour réellement rivaliser avec toutes les dames de la Cour si apprétées. Elle ne savait pas non plus à quel point Europe l'admirait et la trouvait jolie. Quand bien même elle l'aurait su qu'elle aurait ri et changer de sujet. Eleonor n'accordait aucune réelle importance à la beauté physique, s ce n'est pour sa petite fille, mais là, elle perdait toute objectivité.

Un doux sourire acceuillit la réponse d'Europe. Eleonor aimait bien la prêtresse, elles étaient si semblables toutes les deux, jeunes, douées, artistes. Elles se comprenaient toutes les deux et il était heureux que les deux sorcières soient amies et non rivales. De toutes façons, avec le départ d'Alicia, un sacré ménage avait été fait et la Tribu devait être plus que jamais unie. Malheureusement, il restait quelques arrivistes, on n'y pouvait rien. Eleonor l'était finalement, elle n'était pas arrivée au rang de prêtresse par hasard, mais elle n'avait jamais réellement enfoncé les autres pour y parvenir.

- "Ne t'en fais pas, Alix dort comme un ange et je serais là quand elle se réveillera. Et puis, sortir de ma retraite pour te voir me comble de joie Europe."

Elle était sincère, elles pouvaient discuter ensemble. Elles étaient amies, autant que collègues et cela était un grand réconfort. Europe s'amusa alors à singer une élégante en faiant une remarque sur son teint et la discrète Eleonor éclata alors d'un petit rire de gorge, qui se mêlait parfaitement au brouaha alentour. Les femmes riaient en faisant les ciquettes ou en cherchant à se faire remarquer, les hommes riaient bruyamment, voire grassement quand ils étaient saouls. Eleonor porta une main à ses cheveux attachés et reprit sur le même ton que son amie :

- "Et regarde mes cheveux. Cette humidité les rend ternes et comble de l'horreur : ils frisent!"

25 ans... Elle n'avait que 25 ans. Elle n'avait jamais été insouciante, la vie la forçant trop tôt à endosser de lourdes responsabilités. Mais elle était si jeune encore que la fantaisie la prenait parfois. Comme ce soir. Mais elle cessa de vite de s'amuser quand Europe aborda le coeur du problème : l'eau. Il y avait un phénomène étange qui se déroulait et Eleonor n'en connaissait pas la cause.

- "Effectivement, le mystère plane et en plus d'être sombre, cette période est obscure. Tu crois que nos anciennes "amies" sont aussi touchées que nous?"

Europe pensait-elle que le Lys Noir était derière cela? Ou qu'elles étaient victimes elles aussi? Eleonor savait que ce n'était pas la tribu qui avait ensorcelé l'eau. A moins qu'Abigaël commence à leur faire des cachotteries...

Eleonor conservait un sourire poli, parfaite imitation de celui des femmes du monde qui se devaient d'être belles et souriantes en toutes circonstances. Effectivement, la tribu permettait de nouer des liens uniques entre ses membres, mais Eleonor avait vite compris qu'il fallait néanmoins se méfier de certaines personnes. C'était dommage de ne pas faire confiance à chaque sorcière et sorcier de la tribu, de laisser planer un climat de méfiance, mais les récents évènements lui avaient donné malheureusement raison. Il y avait trop de sorciers rongés par l'ambition, comme Alicia, ou Willémina. Au coeur gangrené par la soif de pouvoir. Elles n'avaient jamais été amies, Eleonor se méfiant toujours de ces filles-là.

Elle ne se méfiait pas de la même façon d'Europe. Tout à fait subjectivement, elle appréciait énormément la prêtresse, ayant beaucoup de points communs avec elle. Objectivement, elle devait admettre qu'Europe s'était toujours conduite comme il le fallait. Mais Eleonor avait peur de faire confiance. C'était ainsi. Mais en l'occurrence, au sujet de l'eau ensorcelée, elle avait choisit de ne pas taire ses doutes, choisit de se confier à Europe.

Elle se saisit de la coupe de champagne, but une gorgée pour se donner de la contenance alors qu'Eurpe exprimait tout haut ses propres incertitudes. Plus franche qu'Eleonor, elle mettait clairement en doute l'innocence de la Tribu dans cette affaire. Eleonor écouta soigneusement Europe, conservant son masque de jolie fille souriante, un peu dans la lune d'ailleurs. Finalement, elle répondit d'une voix lente, pesant soigneusement ses mots :

- "Je suis honorée de ta confiance Europe, elle m'est précieuse. Je ne doute pas de toi non plus. mais je ne serais pas si confiante que toi quand aux autres. Je ne suis pas certaine que toutes aient suivi Alicia. Non, je ne peux me résoudre à croire en toutes les âmes de nos frères et soeurs. Il n'est pas impossible qu'une expérience ait mal tournée, ou bien une vengeance... On ne peut pas incriminer le Lys Noir sytématiquement."

Elle se mordilla la lèvre inférieure et reprit :

- "Acte concient ou non, notre vie est plus en danger que jamais. Il faut retrouver les coupables, trouver un moyen d'arrêter ça et les punir. Je ne veux pas qu'Alix grandisse dans le même climat de terreur que moi."

Son regard émeraude avait prit des reflets durs et tranchants, déterminés. Eleonor avait déjà ôté la vie, sans états d'âme, elle savait être impitoyable quand il le fallait et pour Alix, elle pouvait tout faire.

- "Il serait peut-être intéressant de se rencontrer pourtant Europe. Il suffit de trouver quelqu'un d'assez diplomate et capable de laisser ses préjugés par devers lui pour se faire. De l'absence de dialogue nait l'incompréhension et la haine. Alicia veut-elle vraiment mettre les sorcières en lumière ainsi? Je ne crois pas, je ne vois pas quel serait son avantage... Elle ne peut pas incriminer la Tribu et laisser les Inquisiteurs se charger du sale boulot sans mettre en danger le Lys. Et même chose de notre côté."

Tout en sirotant son champagne par petites gorgées successives, Europe attendait avec une certaine impatience la réponse d’Eleonor. Non pas parce que sa compagne d’Olrun tardait à la fournir, mais parce qu’Europe avait tellement souvent abouti à une impasse lors de ses réflexions sur le sujet qu’elle était curieuse de voir comment une de ses paires s’en sortait face au problème. En fait, elle avait besoin de conseils, tout simplement, et elle avait un peu honte de l’avouer : prendre des bonnes décisions en cas de situation dangereuse, même totalement nouvelle, faisait partie de ses attributions de Prêtresse et elle était en train de prouver de manière flagrante qu’elle n’en était pas vraiment digne. Même son comportement de ses derniers jours lui criait de revenir sur terre et de s’occuper sérieusement de la situation actuelle. Prendre ses responsabilités…et elle qui parlait de discernement, alors qu’Eleonor venait de poser le doigt de façon parfaitement juste sur le fait que le problème pouvait très bien venir d’Olrun.

"Eleonor…ne me remercie pas, quoi qu’il se passe en ton âme par la suite, tu auras toujours ma plus grand estime, car je connais tes actions passées. Concernant… « l’eau »…je n’avais pas envisagé cette hypothèse mais tu as tout à fait raison. Elle est possible, comme les autres. Mais si c’est le cas, c’est terrible, car cela voudrait dire que des membres de notre Tribu ont violé nos lois en tout conscience. Un tel ensorcellement ne peut pas venir de pouvoirs minimes, tels que ceux que possèdent les apprenties. Il vient forcément d’une Sorcière confirmée…"

Un silence songeur suivi cette déclaration. Europe écoutait Eleonor d’une oreille attentive ; celle-ci trouvait, à raison, que le phénomène allait beaucoup trop loin et elle ne voulait en aucune façon offrir un avenir de chaos et d’angoisse à sa fille. La Prêtresse n’avait, elle, aucun enfant et sa nature tendait plutôt à traiter tous les êtres de la même façon, mais elle comprenait parfaitement et même plus que quiconque qu’on veuille pouvoir protéger un être cher. C’était pour certains, leur raison de vive. En l’occurrence, Alix occupait une place on ne peut plus centrale dans la vie d’Eleonor, et Europe le comprenait tout à fait. Elle surprit les éclairs déterminés dans les yeux à l’intense couleur malachite de son amie et eut encore une fois la conviction que la volonté de protéger quelqu’un pouvait faire des miracles. Se battre pour les siens était aussi une des valeurs de la Tribu d’Olrun, et Europe avait ses propres âmes à défendre, à savoir le clan tout entier puisqu’elle était Prêtresse ; et elle pensa à toutes les Sorcières encore inexpérimentées, toutes les Apprenties ingénues qui s’impliquaient sans le savoir dans un combat où l’on ne pouvait pas faire marche arrière ; la vision brève de tous ces innocents suffit à renforcer la résolution d’Europe. Elle sourit à son tour et prit un air volontaire et sérieux.

"Ne t’en fais pas Eleonor, nous y parviendrons. Je suis entièrement d’accord avec toi et tu as tout mon soutien. Nous ne pouvons laisser la descendance subir ce que nous avons subi…en pire. Je ferais tout mon possible pour arrêter ça, j’en fais la promesse."

Le liquide safran et pétillant du champagne s’écoula à nouveau dans sa gorge enthousiasmée par son discours aussi bien que par ses pensées. A présent, Europe avait presque hâte de trouver une solution. Et c’est avec une certaine satisfaction qu’elle écouta son amie lui dire que, malgré les divergences, une rencontre serait possible à condition d’être organisée avec quelqu’un de sociable qui accepterait de laisser les préjugés de côté.

"Il est vrai que cette situation ne lui profiterait guère…mais elle ne profite à personne en réalité, ce qui nous ramène à la théorie de l’expérience ratée. Enfin…tu as raison cependant, il faut dialoguer. Avec l’approbation d’Abigael, bien sûr…mais le problème est…QUI rencontrer ? Peut-être a t-elle changé depuis le temps, mais lorsque j’ai connu Alicia il y a deux ans, elle n’était rien d’autre qu’une tête brûlée et la diplomatie n’était pas son fort. Je ne critique pas ses idées, loin de là, car après tout, c’est une question de point de vue ; mais il faut avouer qu’elle n’était pas un modèle de diplomatie. Qu’en penses-tu Eleonor ?" Europe marqua une courte pause puis sourit avec sincérité. "En tout cas, je te remercie pour tes conseils, je dois avouer qu’à force de réfléchir sans cesse sur le problème, je me suis fourvoyée dans des impasses et j’avais grand besoin qu’on m’en sorte. Je pense que notre tribu d’Olrun a de la chance de t’avoir comme Prêtresse Eleonor."

Eleonor ne jugeait pas Europe. Elle ne cherchait pas à savoir si elle était une bonne prêtresse ou une incompétente. Chacune agissait à sa manière, à son rythme. Selon son caractère aussi. Eleonor était douce, mais volontaire et quand il fallait prendre des décisions, elle le faisait, au risque de se tromper. mais elle détestait nager entre deux eaux, être prise entre deux feux. Cela l'exaspérait. Comme la passivité. C'était pour cela qu'elle avait rélféchit avec attention à ce problème, qu'elle avait laissé son esprit tirer les conclusions les plus folles, les plus inadmissibles. Mais se voiler la face, écarter des hypothèses parce qu'elles ne nous plaisent pas réduisait les chance de trouver la vérité, aussi déplaisante soit-elle.

La jeune femme buvait une gorgée de champagne quand Europe évoqua ses exactions passées. Elle s'interrompit brutalement, jetant un regard aigu à Europe. Oui, la prêtresse savait qu'elle avait tué, avec détermination, sans remords, vengeresse. Pas de quoi être fière, mais pas de quoi avoir des remords non plus quand on voyait ce qu'elle avait éliminé. Un fanatique stupide et dangereux. Non, Eleonor n'avait éprouver rien d'autre qu'une vague satisfaction.

- "Et tu penses qu'une sorcière confirmée n'est pas capable de briser les tabous? La quête de connaissance, de pouvoir, peut faire tellement de dégats. Moi, cela ne m'étonnerait pas."

Eleonor hocha la tête alors qu'Europe lui promettait que l'histoire ne se répéterait pas, qu'elle ne s'aggraverait pas. Non, jamais cela pour sa fille, jamais la honte, jamais l'humiliation, jamais la douleur... Jamais! Le regard vert d'Eleonor brilla, d'émotion face au passé, de détermination aussi, sans oublier une petit lueur farouche de celle qui est prête à en découdre.

- "Non, on ne peut pas rencontrer Alicia, tu as raison. Cela n'aboutirait à rien. Mais elle a bien des prêtresses plus posées et sages. Il faudrait pouvoir en discuter avec Abigaëlle... Nous ne pouvons agir derrière son dos, il faut être soudés plus que jamais. Tu ferais une bonne émissaire tu sais?"

Eleonor sourit, touchée par le compliment d'Europe.

- "Non Europe. La tribu a de la chance de NOUS avoir."

Elle leva son verre, dans l'intention de trinquer avec la prêtresse, à nouveau tout sourire, comme si le sujet de leur conversation n'était que banalités ans conséquences...

En entendant les premières paroles d’Eleonor, Europe baissa la tête, pensive. Bien que cela avait été dur à admettre, son amie avait entièrement raison: la soif de connaissance et de pouvoir pouvait être à l’origine de cet incident et, pire, transformer une Sorcière reconnue et renommée en un être qui pouvait faire fi des frontières en passant outre les interdits collectifs…Ensorceler l’eau…

"Il est vrai…Que cette volonté pourrait permettre de briser les tabous, mais…Mais en ce cas, peut-on blâmer un individu pour cela ? L’amour, par exemple, cet amour que nous éprouvons pour nos proches ne peut-il pas être un des prétextes justifiant nos comportements, le fait que nous soyons capables du meilleur comme du pire ? Quand les gens savent qu’un acte, si cruel soit-il, a été commis par amour, alors bien souvent leurs jugements sont revisités et ils ne condamnent pas forcément le coupable, malgré la loi. Eux aussi, vont contre l’autorité, et parfois ils ont raison: il faut savoir faire preuve de discernement, comme je l’ai dit tout à l’heure…Mais je m’égare, la question n’est pas de savoir si la nature de cet acte est condamnable ou non, mais qui l’a commis et le moyen d’y remédier."

Quand Eleonor la complimenta à son tour, Europe eut un sourire de remerciement sincère, touchée qu’elle était par l’attention de son amie Prêtresse. L’imitant, elle leva sa coupe de champagne à moitié vide à la hauteur de son visage souriant et les deux surfaces de verre s’entrechoquèrent avec un tintement qui sonnait comme un gong minuscule mais décisif, marquant un accord et une loyauté inavoués…mais bien présents à l’esprit.
Sa ruse avait fonctionné, Eleonor et elle jouaient le jeu parfaitement et aucun des courtisans qui conversaient sans cesse autour d’elles n’avait levé le nez de son occupation respective pour tenter d’écouter leur conversation…dont le tournant fit sourire une nouvelle fois Europe.

"Moi, une émissaire ? Et bien, je ne sais que te répondre…Disons que je m’efforce de faire passer les intérêts et la sécurité de notre Tribu avant tout le reste, tout en gardant à l’esprit sagacité et clairvoyance. J’ai bien dit « j’essaye ». Tu vas sûrement rire, mais j’ai souvent l’impression –véridique d’ailleurs- d’être un monstre d’égoïsme, qui, tout en voulant unifier les autres dans un but tout à fait admirable, ne pense finalement qu’à la manière dont, à terme, elle pourra les contrôler et en faire usage à sa guise. Personne ne me croit quand je raconte cela mais mon rôle de Prêtresse n’en est-il pas la preuve formelle ? Une place gradée…dans les sphères du pouvoir…Eleonor, tu as devant toi la véritable Europe."

Un sourire étira les lèvres charnues de la Prêtresse, dévoilant le feston de ses dents nacrées ; elle avait l’air de totalement plaisanter mais il n’en était rien. Elle cachait bien son jeu, tout simplement. En ce sens peut-être, elle pensa qu’Alicia et elle se ressemblaient. Elles étaient semblables…par ce qu’elles cherchaient.
Europe considéra derechef les paroles de son amie qui, une fois encore, avait on ne peut plus raison: si Alicia n’était pas la personne toute indiquée à aller consulter en cas de problème universel, elle n’était cependant pas la seule à gérer le Clan du Lys Noir et peut-être ses secondes seraient-elles plus enclines à la diplomatie. Alors, Carlyn Swann ? Natacha Romanovna ? Willémina Illénavitch ? Tous ces noms lui rappelaient, entre autres, des années de rivalités endoctrinées qui n’étaient pas vraiment pour lui plaire, mais elle n’avait guère le choix. Heureusement la Tribu d’Olrun, elle, disposait de merveilleuses Prêtresses.

"Certes, mais j’ai bien peur que même les Prêtresses d’Alicia ne soient autant obtuses qu’elle. Et si nous en parlions à Elena ? Elle saurait probablement nous conseiller."

Malgré elle, Eleonor sourit alors qu'Europe parlait de motivations. Oui, bien souvent et de façon tout à fait subjective, l'on trouvait une action plus ou moins justifiée selon les intentions avec lesquelles elle avait été commise. Tuer un homme parce qu'on le détestait n'était pas la même chose que tuer un homme parce qu'il mençait ceux qu'on aime. Pourtant, le résultat était le même, l'homme était mort, assassiné. Mais le mobile pouvait tellement influencer l'opinion des autres. Tuer par amour était presque pardonnable. Tuer par haine ou vengeance condamnable, sans jugement.

- "C'est vrai, tu as raison, le mobile peut faire toute la différence, mais en l'occurence, je ne vois pas le but recherché, car cela frappe tout le monde, sans discernement... Cela doit être l'oeuvre d'un individu isolé qui ne s'approche pas de l'eau. Tous les groupes sont touchés, femmes, hommes, vieillards, enfants, sorcières, inquisiteurs... A moins que nous ayons à faire à un fou... je ne sais pas quoi en penser. Mais il faut trouver l'origine du mal et l'éradiquer."

Eleonor trinqua avec Europe, et ne dit mot alors que celle-ci lui confiait qui elle était vraiment : égoïsme, recherche de pouvoir... La jeune noble but une nouvelle gorgée, sans qu'aucune expression ne vienne trahir ses pensées. Non, Europe n'était pas un monstre. Europe était une femme forte, de caractère, née dans un monde d'homme et qui devait s'y faire une place. Eleonor était dans le même cas. Toutes les sorcières étaient dans ce cas et toutes étaient enivrées par leur pouvoir de plus en plus puissants qui pouvaient faire plier ces mâles arrogants en un claquement de doigt. Non, elle ne jugeait ni ne condamnait Europe pour sa confession.

- "Non, je n'ai pas envie de rire. Tu n'es pas un monstre d'égoïsme Europe. Si nous sommes prêtresses, ce n'est pas par hasard et surement pas en étant de gentilles filles altruistes et niaises. Faibles femmes que nous sommes, le pouvoir politique et décisionnel nous est interdit dans cette société régie par les hommes. Il nous faut faire ce qu'ils nous disent et acquiescer de bonne grâce. Mais toi et moi, sommes des femmes de caractère qui voulons plus que cela. Et nous détenons un pouvoir à les faire pâlir de peur. Nous serions bêtes de ne pas en profiter. Egoïstes? Oui, sans doute, il le faut pour en arriver là. Avide de pouvoirs? Nécessairement."

Oui, les sorcières n'étaient pas des enfants de choeur. Simplement, certaines étaient plus subtiles que d'autres. Dans le cas d'Eleonor et d'Europe, les apparences étaient trompeuses. Eleonor avait un minois trop doux pour que l'on suppose une femme de caractère, impitoyable et arriviste. Cela la servait bien. Dans le cas de femmes comme Alicia la quête de pouvoir s'était toujours lue en elle et elle n'en avait jamais fait mystère.

La jeune femme se demanda quelle prêtresse du Lys Noir serait la plus encline à leur parler. Willémina était la préférée d'Alicia, mais la plus redoutable aussi, une vraie âme damnée et Eleonor s'en méfiait comme la peste. Non, elle n'était pas le meilleur choix. Carlyn peut-être? Natasha n'était pas mal non plus... Europe suggéra alors d'en parler à la troisième et dernière prêtresse : Elena. Eleonor acquiesça aussitôt, un sourire aux lèvres.

- "Oui, un autre avis ne peut-être que bénéfique..."

Elle porta à nouveau la coupe à ses lèvres quand une idée s'imposa dans son esprit. Excitée, ses joues se colorèrent de rouge alors que son regard semblait pétiller. Elle reprit très vite :

- "Europe... l'eau est ensorcelée et nul ne sait pourquoi mais... peut-être qu'elle, elle saurait nous le dire! Et si nous invoquions une ondine? Ne crois-tu pas qu'elle serait la plus à même de nous éclairer?"

Pour une fois, Eleonor avait parlé sans réflechir aux conséquences, tant cette idée était séduisante et brusque.

Eleonor souriait finement alors qu'Europe lui retournait le compliment en lui disant qu'elle ferait elle aussi une bonne émissaire. Oui peut-être... Eleonor n'était pas quelqu'un de radical et d'emporté et cela devait sûrement s'apparenter à de la diplomatie. Pourtant, elle avait l'impression d'être plus prompte à la colère que son amie. De toutes façons, pas la peine d'épiloguer là dessus, elles devaient déjà en informer Elena et Abigaël avant de faire quoique ce soit. La Tribu se devait d'être unie et soudée.

- "Oui, nous pouvons en être fières, c'est vrai... Les dissidentes du Lys Noir n'ont qu'à bien se tenir."

Elle esquissa une petit moue espiègle, sirota à nouveau ce divin champagne qui lui montait lentement à la tête en une grisante sensation de légèreté. Elle avait l'impression que tout était possible. A commencer par son idée! L'excitation brillait dans ses yeux verts. Mais elle disparut quand Europe fit fort justement remarquer qu'il y avait de grands risques. Le visage de la Prêtresse de modifia, la déception soufflant l'espoir.

- "Oh, j'ai oublié de réflechir avant de parler... Tu as raison, invoquer une Ondine aussi ensorcelée que l'eau risque d'être catastrophique..."

Mais tout aussi vite et en même temps qu'Europe en parlait, elle songea que les autres esprits de la nature pourraient les renseigner. Une Dryade à proximité d'un point d'eau, ou une Sylphe... Peut-être avaient-elles vu ce qui s'était passé... Peut-être... Beaucoup d'hypothèses et aucune certitude, mais elles devaient avancer à tâtons.

- "Oui, Abigaëlle doit être mise au courant... Evidemment. Ainsi qu'Elena."

Elle sourit à nouveau et reprit :

- "Finalement, cette soirée a été plus enrichissante qu'elle ne le laissait escompter."

Lorsqu’Europe vit la déception se peindre sur le beau visage d’Eleonor, elle lui adressa un sourire réconfortant, ne souhaitant pas que son amie sois déçue, et répondit dans la foulée:

"Ne t’inquiètes pas, c’est peut-être une idée catastrophique mais elle est exploitable. A défaut d’autre chose, nous nous en servirons en dernier recours. Après tout la situation ne peut pas durer et à grands bouleversements, les grands moyens."

Le regard de la jeune femme se posa sur son verre et elle le finit en deux longues gorgées, sentant le liquide pétillant couler dans sa gorge avec délice.

"Il se fait tard, et je vais devoir partir. Je tenterais de voir Elena et Abigael dès demain" répondit-elle sans s’apercevoir que le lendemain était un dimanche, jour de messe.

Posant sa coupe de champagne maintenant vide sur la table à leur côté, la jeune femme se leva pour partir, réajustant ses gants de satin. Lorsqu’ Eleonor dit avec un sourire qu’elle n’avait pas imaginé la soirée si enrichissante, Europe sourit à son tour et hocha la tête.

"C’est vrai. Je pensais me perdre des heures dans des réflexions vaines, comme c’était déjà le cas avant de venir ici, mais j’avais oublié que je pouvais compter entièrement sur toi. Accepte mes sincères remerciements. Je suis désolée de te laisser, Eleonor, mais le devoir m’appelle et ta fille te manque peut-être déjà, je ne voudrais pas te soustraire plus longtemps à sa charmante compagnie. A bientôt ! Nous serons amenées à nous revoir sous peu."

Et sur ces mots, Europe adressa à son amie un clin d’œil qui fit pétiller sa prunelle aux reflets purpurins, avant de faire volte-face et de s’éloigner d’une démarche gracieuse en traçant son sillage parmi la foule environnante. Elle passa parmi les tourbillons de danseurs et sembla, un instant, être le centre de leur chorégraphie aérienne; mais sa longue chevelure carminée disparut bientôt dans la marrée de têtes anonyme et elle s’effaça comme une présence éthérée.

Ce qui allait arriver maintenant, nul ne pouvait le dire.
Cependant, elle était bien loin de se douter de la tournure que prendraient les événements.


[Désolée pour le retard! T_T J'ai essayé de faire une fin qui collait avec le topic de la Messe de Cendre. Suivant donc => La Messe de Cendres]