Arrivée à Forbach

Oblivius

La route qui reliait Saint-Avold à Forbach était longue et sinueuse. En dehors de quelques hameaux, cette voie de terre d'une vingtaine de kilomètres traversait les bois et se faufilait entre les champs. Une petite valise pour seul bagage, Victor marchait d'un bon pas tout en contemplant les paysages qu'il découvrait. Il ne croisa guère de monde en chemin, seuls quelques marchands empruntaient le même trajet les chariots débordant d'objets de toute sorte. Victor les saluait d'un signe de tête poli et s'amusait à régler ses pas au rythme de ceux des chevaux.

Il avait quitté Saint-Avold à l'aube, laissant derrière lui ses parents et un simple mot sur la table pour leur expliquer son départ. Voilà 4 ans qu'il n'avait pas vu Ondine, sa petite soeur, depuis ce jour où une intriguante femme était venue la chercher. Il savait peu de choses sur les raisons de ce brusque départ, seulement qu'elle vivrait désormais à Forbach et qu'elle ne reviendrait jamais dans sa famille. Il venait à son tour de quitter ses parents et, malgré l'espoir de revoir Ondine, il ne put s'empêcher d'être nostalgique à mesure que les kilomètres défilaient.

Il était un peu plus de midi lorsque Forbach fut enfin en vue, malgré cette heure de la journée il faisait grand froid et Victor avait hâte de trouver un refuge. Les pavés remplacèrent la voie de terre devant les premières maisonnettes, puis la place du village apparut. Affamé et transi par le froid, Victor ne tarda pas à remarquer la devanture de l'Auberge de La Croix Rousse.

La porte s'ouvrit dans un grincement qui le fit sursauter. Lui qui cherchait à faire une entrée discrète, c'était fichu. Les clients attablés dans l'auberge, pourtant, ne semblèrent pas s'en soucier. Victor resta là un bref instant, parcourant la salle du regard tandis qu'une délicieuse odeur de cuisine s'immisçait dans ses narines. Il respira allègrement et avança vers la femme qu'il supposa être la maîtresse des lieux.

Mort(e)

Gabriel Touchedieu renifla sa bière et cracha à côté du crachoir. Il se faisait vieux, à moins qu’il ne l’ait fait exprès. Le Gourdin se reposait d’une nuit assez mouvementée. Il avait persévéré dans son idée folle de retrouver Joan Witham, et il avait passé la nuit à creuser seul avec une pelle et une lanterne au pied du château pour essayer de desceller une pierre qu’il avait trouvé suspecte. Il avait passé près de quatre heures à gratter la pierre sans réussir même à l’entamer. Un domestique inquiet avait mis le nez à la fenêtre, se demandant ce qui se passait. L’homme de main avait alors fait le bruit du renard. Une petite astuce apprise sur les Grands Chemins du temps où il était le fléau de Lorraine. En protégeant sa lanterne le Gourdin avait réussi à écarter tout danger.

Résultat : il était crevé, il n’avait dormi que deux heures. Il n’y a pas dix ans, il aurait pu parfaitement tenir, mais il était si vieux… quoi qu’il en dise. Il tentait de rester éveillé en buvant sa cinquième chope de bière. L’aubergiste l’avait regardé de travers lorsqu’il avait servi le Gourdin. Il faut dire, Gabriel Touchedieu avait bien souvent laissé une sacrée ardoise chez lui, réglées par l’inquisition après de longs débats, et quand il était bourré, il était du genre à faire du dégât et l’avait déjà fait. Au point où il devait être le seul inquisiteur de Forbach qui avait connu les cachots. Sans compter les fois où il pelotait sa fille. Le vieux Chien, comme le surnommait la moitié des habitants de Forbach était un client dont il fallait se méfier.

Gabriel Touchedieu renifla sa bière une fois de plus. Elle avait une drôle d’odeur. Il goûta pour vérifier. Elle avait peut être un goût bizarre en plus. Il regoûta pour vérifier. Finalement tout allait bien, aussi il la vida en une seule gorgée et la reposa bruyamment, faisant sursauter les gens à côté de lui. Et s’il allait aux putes après ? Discrètement comme ca, il avait une petite envie… Puis il regarda la choppe. Il irait aux putes, mais après avoir bu une dernière choppe. Et peut être une autre dernière.

« Hey, ma choppe est vide ! »

Cependant, il n’était pas disposé à attendre, car il enleva les pieds de sur la table et se releva. Gabriel Touchedieu avait beau avoir des cheveux blancs, il pouvait être impressionnant : Du haut de son mètre quatre-vingts, il pouvait dominer, et son ancienne vie avait modelé son corps : il avait relevé ses manches pour dévoiler de sacrés biceps, et de manière générale un torse sculpté qui se voyait sous sa tunique de tissu grossier. Pas le genre de musculature d’un gentilhomme avec sa rapière non. Celle d’un brigand avec son gourdin. D’un pas assez lourd, il traversa la salle en déviant parfois de sa route sous l’effet de la boisson. Il se jeta sur le comptoir, et s’imposa :

« Hey, un petit coup encore ! » avec un geste équivoque volontaire.

Dans ses vapes, il remarqua le petit jeune à côté de lui. Il eut aussitôt un sourire dans sa barbe. Il le détailla sans trop de vergogne, et il eut un sourire amusé.

« Et ben vous venez de loin comme ca ? Un petit maigrichon dans votre genre, ca fait bizarre sur les routes. »

Il se modéra lui-même. Il sentait qu’il allait bientôt déraper et parler de son passé. Or s’il voulait se faire lyncher dans le quart d’heure qui suivait, il n’avait qu’à avouer qu’il avait été brigand la majeure partie de sa vie. Jusqu’ici, il était tranquille car il faisait partie de l’intouchable inquisition.

« Hey ! Vous lui en mettrez un coup à lui aussi, il a besoin de couleurs. »

La maîtresse des lieux ne broncha pas. Elle savait qu’il n’y avait rien à attendre de cet homme là. Gabriel Touchedieu soupira et se retourna en appuyant sa masse sur le comptoir.

« Qu’est ce qu’un petit jeune dans votre genre vient foutre dans notre patelin brumeux hein ? Dites elle vient ma bière ?»

Il ne lui venait même pas à l’idée qu’il était grossier. Non, il était lui voilà tout.

Mort(e)

Depuis son arrivée à Forbach, tout allait plus ou moins comme sur des roulettes. A vrai dire, la seule chose qui était génante, était la présence de ce fichu Oracle. Arrivée bien avant lui, elle avait distillée de quoi faire d'elle le « Sauveur » de Forbach. Bien entendu, cela ne serait qu'un problème passager, car il savait qu'il finirait par trouver la faille. Aucun de ses ennemis n'avait tenu le coup jusqu'à maintenant, et cette gamine ne serait pas la première, non, ça jamais. Il trouverait ce qu'elle cache sous ses airs innocents, il trouverait la part d'ombre qu'elle ne souhaite pas que l'on découvre, et il la briserait. Alors elle ne serait plus rien et c'est avec un grand délectement qu'il savourerait sa victoire sur elle, son dernier obstacle, s'il en existait vraiment un, à son plan. Mais le Comte de Nicosie savait qu'il fallait jouer serré, dévoilant carte après carte, mouvement après mouvement. Forcer l'adversaire à faire une faute et s'en saisir comme d'un couteau pour le lui plaquer contre la gorge. Mais ce soir, ce n'était pas l'Oracle qui le préoccupait, non, ce qui le préoccupait c'était cet homme, celui qui ne l'avait pas vu le regarder alors qu'il s'excitait contre une malheureuse dalle qui n'avait rien demandé du tout. La pénombre avait cet avantage de vous soustraire de tout, y compris des autres et cela était un avantage flagrant, quoiqu'on puisse en dire.

Il ne lui fallu pas énormément de temps pour reconnaître le « vieux » Gabriel. L'Inquisiteur à problèmes, celui qui n'hésite pas à retourner la terre à la main pour trouver ce qu'il cherche, celui qui n'hésite pas à distribuer les paires de giffles, à trois pour le prix d'une. Oui, Lorenzo en avait entendu parler, après tout, rien ne lui échappait ici, maintenant qu'il était à la tête du Comté, il comptait bien se servir de sa position pour savoir ce qu'il y avait à savoir. Avec le temps il avait appris ce que cherchait l'Inquisiteur : venger l'outrage que lui avait fait une jeune sorcière en s'échappant. Ce dernier était sûr qu'elle en était une, mais était-ce la colère, La haine peut-être, qui lui dictaient cette pensée ? Avait-il une preuve ? Un raisonnement logique. Lorenzo savait lui, il en était certain. La jeune femme était une sorcière. Mais il se garderait bien de le lui dire. Il y avait nettement mieux à faire, beaucoup plus à en tirer, et cet homme là était tout bonnement ce qui lui fallait pour cela.

Voyant l'Inquisiteur partir, il l'avait fait suivre. Fatigué comme il était le pauvre n'avait du se douter de rien. Lorsque l'information revint, le Comte s'habilla de sa tenue de cuir marron foncée et enfourcha un cheval pour rejoindre l'auberge de la ville. Il était temps de mettre quelques coups dans les engrenages du « destin » histoire qu'ils se mettent doucement en place. La chevauchée ne fut pas longue, quelques minutes tout au plus. Sautant de son cheval, il l'attacha à l'amarre prévue à cette effet et se dirigea vers la porte de la taverne. Il en ouvrit la porte sans une quelconque formalité avant de la refermer et de jeter un oeil dans la salle. Personne ne semblait vraiment porter attention à lui, tant mieux. Il serait reconnu, et il s'en fichait, après tout, Lorenzo Maestriani, tout noble était-il, avait une réputation de chasseur de sorcières, et un chasseur de sorcières passait souvent dans les tavernes. Il repéra le Gourdin au bar, mendiant une n-ième choppe de bière. Le Comte afficha un rictus amusé avant de se diriger vers le bar tout en ôtant ses gants.

Lorsqu'il arriva au comptoir, il vint se placer de l'autre côté du « vieil » homme, en pleine discussion avec un jeunôt sans intérêt, et plaça ses gants avec force sur le comptoir, ainsi qu'une bourse de piecettes cliquettantes et trébuchantes.

« - Remplissez donc sa choppe, et prenez de quoi nettoyer l'ardoise qui vous empêche de le servir, c'est ma tournée. Oh, tant que j'y suis, rapportez moi un verre de vin, s'il vous plait. »

Il s'accouda au comptoir, sans jeter un oeil à ses voisins. Il était temps d'apâter un peu notre amis le brutal. Mais rien ne se jouerait ici, alors autant faire comme si on venait boire un verre en toute tranquillité.

Oblivius

Victor s'écarta de justesse pour laisser la place au saoulard qui s'affala contre le bar. Il ne s'opposa pas lorsque ce dernier demanda à qu'on lui serve une bière, d'abord parce qu'il avait soif et surtout parce que, bien que titubant, cet homme lui inspira immédiatement méfiance. Grand et costaud, il semblait tout à fait du genre à avoir des excès de violence et Victor ne voulait pas déclencher une dispute ou, pire, une bagarre. Pour avoir un peu l'habitude des auberges, il savait qu'en ces lieux un petit rien pouvait suffire à déclencher une émeute et déchainer les hommes.

Il éprouva une semblable méfiance à l'égard de l'homme qui venait d'entrer. Plus jeune et vraisemblablement plus calme, celui-là était pourtant très différent et dégageait même un certain charisme. Victor l'avait observé tandis qu'il s'était approché du bar, sans toutefois oser tourner la tête. Son aplomb l'impressionna beaucoup.

Sortant de sa réflexion, il répondit simplement au premier :

« Je viens m'installer à Forbach. »

Puis il leva les yeux vers l'aubergiste et demanda tout de go :

« Auriez-vous une chambre disponible, chère Madame ? »

Mort(e)

Les yeux de Gabriel Touchedieu luisirent à la vision de la bourse, il remercia l’autre avec une haleine un peu empuantie.

« C’est ca faites comme il dit, un élan humanitaire pareil faut pas le réprimer au contraire. Allez allez ! »

Puis il regarda plus nettement la bonté incarnée qui avait fait ce geste si chrétien. Et il eut la chique coupée pendant quelques instants. Le nouvel administrateur de Forbach n’était pas précisément le genre d’homme qu’il aurait classé dans cette catégorie. Là où il était on était dérangée par une odeur de morgue assez inimitable. Et puis, les italiens, c’est comme les allemands ou les flamands, on est assez vite envahi. Ils n’auraient pas pu mettre quelqu’un d’autre ? Non, Touchedieu n’était pas raciste mais il n’aimait pas s’adresser aux français étrangers. Enfin, en attendant, il lui avait payé une bière et réglé une ardoise qui datait d’un mois. Ca mérite bien qu’on laisse quelques ressentiments de côté non ? Pour retarder un petit peu le remerciement qu’il devrait adresser à M. Maestriani, Touchedieu se concentra plutôt sur le petit :

« S’installer à Forbach ? C’est très poétique (il prononça pouétique) Forbach, avec ces nappes de brumes permanentes, la neige et le gel qui partent en mars, ces foutues sorcières qui nous foutent un foutu merdier dans le village… Ouais non, on s’installe facilement à Forbach, mais partir… ca c’est la difficulté. A croire que le brouillard capte tout et ne restitue rien. Tenez quand je suis rentré, il me restait un cheveu noir… ben vous pouvez chercher maintenant. Alors vous lui donnez sa chambre au petit ? Et ma bière ? »

Il regarda Lorenzo Maestriani : « Et son vin ! »

La serveuse serra ses lèvres derrière le comptoir. Elle était à cran, heureusement que l’ardoise du Gourdin était réglée sinon elle lui aurait balancé la choppe à la figure.

De son côté, Touchedieu dût bien considérer la présence de Lorenzo Maestriani.

« Je dois vous remercier monsieur pour ce service que vous venez de me rendre, j’ai peut être pas beaucoup d’honneur, mais je sais rendre un service pour un autre, quand même, je ne suis pas un soudard. »

Et c'est lui qui disais ca...

Oblivius

* Des sorcières ? *

Les paroles du vieil homme résonnaient dans l'esprit de Victor. Cette description bien peu séduisante de Forbach le surprit mais il ne lui vint pas l'idée d'en douter. En cet instant, l'homme lui sembla plus lucide que jamais. Et puis, après tout, il avait déjà éprouvé la brume et le froid, le reste pouvait être tout aussi vrai.

* Des sorcières... *

Bien sûr il avait déjà déjà entendu parler de magie noire, de maléfices, de mystères, mais cela avait toujours été pour lui que légendes et chimères. Il n'avait jamais vu les choses sous un autre angle, il n'en avait jamais eu besoin. Mais là, dans cette auberge de "Forbach-le-village-de-brume", la nouvelle ne prêtait pas à sourire. Il essaya toutefois de conserver un air impassible et détendu.

L'aubergiste servit les chopes et lui confirma qu'une chambre était à sa disposition à l'étage. Victor la remercia et prit la clé qu'elle lui tendit, puis il leva la chope pour trinquer.

Comme il ne savait pas, finalement, lequel des deux hommes lui offrait à boire, il dit à haute voix :

« Messieurs, je vous remercie pour cette bière. A vous entendre Forbach est une bourgade intriguante, mais assurément on sait y accueillir les étrangers. Je m'appelle Victor Kessler. »

Mort(e)

L'or... Une matière très utile pour celui qui savait la manier comme une arme à son service. Sous forme de monnaie, il n'avait rien de tranchant, ni de dangereux, directement parlant, mais il pouvait très bien tuer et corrompre aussi facilement, voir plus, que des mots. Combien pourraient tuer leur propre mère pour quelques piècettes ? Combien n'hésiteraient pas à vendre femmes, enfants et terrain pour l'assurance de quelques jours de beuveries et de ripailles ? L'or était loin d'être un dieu en ce monde, mais il n'en restait pas moins incroyablement puissant. Avec lui, on achetait tout, ou presque tout, mais actuellement ce « presque » suffisait amplement pour Lorenzo. Alors qu'il s'appuyait au comptoir et que le Gourdin de l'Inquisition le remerciait de manière rapide et avinée avant d'exhorter la serveuse à répondre avec zêle à la demande du Comte. Bien entendu, cette dernière l'avait reconnue et ne s'était pas privée d'exhaucer le souhait du nouveau Seigneur de ces lieux. Elle avait récupéré un certain nombre de piècettes, consciencieusement, en se demandant un instant si elle aurait pu en prendre une ou deux de plus sans qu'il s'en aperçoive. Pourtant, lorsqu'elle croisa son regard, l'idée lui sortit immédiatement de la tête, comme si elle était convaincue qu'il connaissait le montant de l'ardoise de monseigneur Touchedieu. Elle ne se priva néanmoins pas de regarder l'aviné avec dédain avant de partir s'occuper de la commande.

Lorenzo, lui, écoutait paisiblement ce qu'il se disait. Apparemment le jeune homme venait d'arriver en ville et cherchait un coin où dormir. L'auberge ferait évidemment un bon premier point d'appui, mais comptait-il vraiment s'installer ? Si c'était le cas, il s'agissait peut-être d'un bon pion à manipuler également, après tout, il n'avait pas encore été confronté à l'Oracle... Non... Elle finirait surement par mettre la main sur lui, et il n'était pas fiable. Enfin, aucune certitude sur ce sujet là, peut-être qu'avec le temps, il se servirait... Nul ne pouvait savoir... Ou presque. Il écouta avec un sourire la description de Gabriel sur la ville et ne put s'empêche de rajouter quelques détails concernant cela. Sa voix était grave et puissante, mais l'accent italien qu'il restait donnait presque à cela une note légère et chantante, enfin...presque.

« - Mais n'est-ce pas ce mystère qui rend Forbach si attirante, si exceptionnelle, si spéciale. Ne croyez vous pas que malgré les sorcières, qui la rende dangereuse, mais si, excitante, la ville n'en est que plus unique ? Non, Forbach mérite de garder ses habitants en son sein, car lorsqu'on y rentre, il n'y aucun désir à vouloir en repartir. »

La serveuse s'affaira et ramena les consommations de tout le monde, puis le Gourdin le remercia pour son « geste ». Lorenzo sourit davantage, persuadé qu'effectivement il saurait lui rendre service. Le jeune homme se présenta, Victor Kessler... Non le nom ne lui disait rien...Bah encore un anonyme qui servirait peut-être dans les rouages du pouvoir, ou non. La puanteur de l'auberge commençait à l'insupporter, mais il avait quelque chose à faire, et il ne partirait pas avant qu'elle soit faite. Il y avait des pièces à bouger, et mettre en place l'échiquier nécessitait parfois de malmener son odorat. Des menus sacrifices pour des causes essentielles...

« - Pensez vous, Seigneur Touchedieu, entre Inquisiteurs, il faut bien s'entraider, sinon le monde serait déjà aux mains toutes entières des sorcières et ce serions nous qui brulerions sur les bûchers... Dieu nous garde... Mais je suis certain que vous pourrez me rendre service à l'occasion, peut-être, pourrais-je vous aider davantage également, qui sait... »

Il se tourna ensuite vers le jeune homme.

« - Et vous ? Monsieur Kessler. Avez-vous une idée de ce que vous recherchez ici à Forbach ? Vous cherchez peut-être un métier pour gagner de quoi vous nourrir surement, peut-être puis-je vous aider à trouver quelque chose à la mesure de vos compétences, qu'en pensez-vous ? »

Mort(e)

Gabriel Touchedieu se jeta sur sa choppe, et l’engloutit en quelques secondes, un filet brun ruissela dans sa barbe blanche, laissant une traînée marron qui dégoûtait ensuite sur ses vêtements. Il finit sa bière en poussant un joli rôt de contentement. Elle était absolument… répugnante ! La serveuse avait pissé dedans ou quoi ? Il chercha à se décrasser la bouche et se prépara à cracher comme il en avait l’habitude. Un regard en coin vers le Comte de Nicosie, et il y renonça, préférant avaler sa salive. Il renonça également à engueuler la serveuse, à cause de la présence du même comte. S’il y avait bien un moment où il devait fermer sa gueule, c’était maintenant. Il écouta avec attention autant que les vapeurs de l’alcool les lui permettait. Et ce maudit goût de bière pisseuse qui voulait pas partir !

Quand Monsieur Maestriani eut fini de parler, il se passa peut être une ou deux secondes avant que Gabriel Touchedieu pût articuler :

« Seigneur Touchedieu… oh, oh vous y allez fort, même ma tête de bois sait que je suis à l’opposé d’un Sire Touchedieu, et quelque part tant mieux, sinon je ne pourrais pas traîner dans les auberges à boire comme un trou et courir après… » la gueuse. Non ne pas dire ca. « … euh, après mon devoir. » Dommage, mauvais choix pour remplacer ce mot.

« Enfin, peu importe, vous avez raison, entre inquisiteurs, il faut se serrer les coudes. Nous sommes le rempart du monde face à la sorcellerie, l’ultime Garde, l’épée de Dieu, et je ne sais quels autres images poétiques et agréables. »

Il réprima un autre rôt.

« Je ne suis pas contre vous rendre la pareille, mais il va falloir que vous m’expliquiez ce que vous attendez de moi, je ne suis pas sans ressources ni compétences, mais… comment vous dire… »

Comment lui dire que s’il savait très péniblement lire et qu’il avait une écriture de chien, son principal point fort c’était la force brute ? Déjà qu’il jouait avec le feu depuis qu’il se mettait à tabasser quelques personnes par ci par là. A chaque fois, il risquait la corde s’il tombait sur une personne suffisamment résistante mentalement. Considérant la position de Lorenzo Maestriani, peut être effectivement il y avait un moyen… Un moyen pour chacun d’entre eux deux de passer un marché… Dans le cerveau embrumé du Gourdin cependant, les idées faisaient leur chemin avec lenteur.

« Il y a des choses dont je ne discuterais pas dans une salle comme celle-ci. »

Il balaya la salle du regard tout d’un coup comme s’il venait de se rendre compte qu’il n’était pas seul. Il laissa sur Victor Kessler un regard plus soupçonneux que les autres…

Oblivius

Victor écoutait les deux hommes converser. Ils semblaient se connaître - d'ailleurs, tout le monde devait connaitre tout le monde ici - et pourtant il crut percevoir une once d'ironie dans leurs propos. Les deux hommes ne devaient guère avoir l'habitude de se côtoyer. Derrière cette apparence cordiale, peut-être même se contenaient-ils pour ne pas exploser.

Ne sachant trop que faire dans cette situation ambiguë, Victor portait régulièrement la chope à ses lèvres. La première gorgée de bière lui avait arraché un rictus qu'il avait tenté de dissimuler pour ne pas paraître ridicule, désormais habitué à son goût amer il la dégustait plus volontiers. Il essaya toutefois de ne pas la vider trop vite de peur d'être resservi. L'estomac vide, l'alcool aurait vite fait de le saouler. Il faudrait bientôt qu'il mange.

La conversation se poursuivait, ils parlaient de sorcières... d'inquisiteurs... Victor n'était pas sûr de savoir tout ce que cela signifiait mais cela ne manqua pas de l'intriguer. Il pensa qu'il devrait très vite en apprendre davantage sur Forbach et, sans trop savoir pourquoi ni comment, il avait l'intuition que ces notions seraient essentielles pour espérer retrouver sa soeur.

Lorsque celui à l'accent italien lui demanda ce qu'il espérait trouver ici, il préféra ne pas répondre complètement à la question. Il déclara poliment :

« A vrai dire monsieur, vous parler de "nourrir" à juste titre car je suis cuisinier de formation. En voyant cette auberge j'avais bien l'intention de demander à la fois une chambre et un emploi, mais si j'en juge par cette odeur alléchante la maison doit déjà avoir tout ce qu'il lui faut. »

Mort(e)

Décidément, ce Gabriel avait l’air aussi brut de décoffrage qu’on le lui avait rapporté, et Lorenzo devait admettre que cela avait l’air, disons surprenant, d’un premier regard, surtout lorsqu’on n’avait pas été habitué à côtoyer un personnage de cet acabit. Pour le Comte ce n’était d’ailleurs pas plus mal, il n’avait pas besoin d’un intellectuel mais bel et bien d’une force de frappe, un chien de garde, ou plutôt de chasse, prêt à aboyer dans tous les sens et attraper sa proie, et dans ce rôle, il semblait parfaitement bien convenir. Bien entendu, il ne s’agissait en rien de chasse à la gueuse, car même si Touchedieu s’était rattrapé à temps, les informations que possédait le Lorenzo suffisaient pour lui faire deviner ce qu’il aurait voulu dire. C’est d’ailleurs un rictus amusé qui s’était affiché sur son visage alors qu’il buvait une gorgée de son verre de vin, ce dernier n’avait d’ailleurs rien d’exceptionnel, mais il n’avait jamais été là pour déguster un grand cru du dernier siècle affiné des années durant par des moines à la qualité vinicole renommée. Il reposa son verre tout en écoutant l’Inquisiteur essayer de surpasser les effets de l’alcool, qu’il s’était fait un plaisir – du moins le Comte osait l’espérer pour lui – d’ingérer dans cette taverne, et tenir un dialogue constructif et intéressant.

Victor, lui, semblait plus ou moins dans une politique d’écoute, ce qui était un peu compréhensible, du moins s’il était vraiment l’étranger qu’il prétendait être. Après, il pouvait bien être quelque espion que ce soit, profitant de l’occasion de la venue du Comte, mais cela ne paraissait absolument pas crédible. Toutefois, Lorenzo ne se priverait pas de le garder à l’œil quelques temps pour vérifier qu’il ne constituerait pas une menace. Car le Gourdin avait bel et bien raison, les murs, surtout ici, avaient d’innombrables oreilles et il y avait des choses qu’ils valaient mieux qu’ils gardent pour eux. Le château serait parfait pour cela, et en particulier son bureau personnel. Puis, rien ne pressait vraiment. Non vraiment rien, il avait d’autres choses sur le feu pour le moment. Il reprit une gorgée du vin banal dans son verre crasseux – et ce sans faire preuve d’une quelconque marque de dégout – et reprit la parole :

« - Vous avez bien raison Gabriel, si je puis me permettre, puisque vous ne me permettez pas de vous donner du Seigneur Touchedieu. Nous aurons tout le loisir de discuter de ces choses plus personnelles. Si vous passez un jour au Château, n’hésitez pas à vous faire annoncer, je veillerai à trouver un peu de temps pour que nous puissions discuter au calme. »

Il en était alors venu à sa petite question pour Victor, une manière d’en savoir déjà un peu plus, et peut-être trouver un moyen de l’utiliser un petit peu, dans la mesure du possible. Lorsqu’il avoua être un apprenti cuisinier, Lorenzo eut un large sourire intérieur. Il rajouta :

« - Je doute que cette auberge puisse vous offrir le potentiel de parvenir à maîtriser l’art culinaire de la cuisine. Toutefois, je pense qu’il devrait être relativement facile de vous arranger une place dans les cuisines du Château, je sais que notre cuisinier en chef désespère de trouver, je cite, un apprenti à sa hauteur. Qu’en pensez-vous ? C’est relativement bien payé, et vous êtes nourri, logé, blanchi. »

Mort(e)

Gabriel Touchedieu écarta définitivement la choppe qui lui avait offert tant de bons et loyaux services. Il était temps de redevenir sérieux et d’arrêter de boire. Non que sa matinée ait été gâchée, mais bon, il avait autre chose à faire… et puis la démarche de Lorenzo Maestriani le laissait songeur, et le peu qu’il pouvait apercevoir d’une quelconque entente avec cet homme l’intéressait fortement. Gabriel Touchedieu et Lorenzo Maestriani n’avaient ni le même style ni la même méthode, mais ils avaient le même but, c’était suffisant.

« Je trouverais facilement votre bureau je pense, je ne suis pas dépourvu de sens de l’orientation tout de même, et la plupart du temps, je suis sobre. Je saurais vous écouter posément même. »

Un petit grondement qui ressemblait à un rire, et en laissant derrière lui une odeur légèrement avinée, il se redressa complètement, et rabaissa ses manches. Il suivit l’offre d’emploi que faisait Maestriani à ce petit jeune de Victor Kessler. Là par contre, il se permit de rire franchement.

« Ah ah ! Et ben de quoi peut on se plaindre hein mon petit ? A peine arrivé l’occasion se présente. »

Il lui administra une vigoureuse claque sur l’épaule, qu’il ne prit pas la peine d’adoucir. Aaah que la vie était belle tout d’un coup ! Un petit rayon de soleil serait parfait. Un possible arrangement avec un des hommes les plus puissants de Forbach, une possibilité de poursuivre son but sans prendre de gants désormais, et une matinée qui s’annonçait…. jouissive.

Sauf que Clothaire Crève-dalle se présenta à ce moment à la porte. Moins imposant que son ancien chef, il faisait partie de ces vieux vétérans qui étaient venus avec Touchedieu, le pauvre avait écopé d’une superbe entaille qui lui partageait le visage en deux. Heureusement, il était maintenant suffisamment vieux pour que cette balafre passe presque pour une ride.

« Chef… on vous demande. »
« Qui on ? »
« Les patrons. »

Gabriel Touchedieu soupira un grand coup. Ainsi de nouveau, Louis Institoris allait le chapitrer accompagné de ce maudit Garin. A tous les coups, une plainte, une rumeur avait filtré. Un passage à tabac n’avait pas eu l’air assez naturel. Le Gourdin s’arma définitivement pour sortir, puis avant de partir dit :

« Monsieur Maestriani, au plaisir de vous revoir. De même pour vous monsieur Kessler. Quant à moi, je vais accomplir… mon devoir »

D’un pas lourd, il sortit en hésitant de la taverne.

Oblivius

Victor répondit à l'au-revoir et regarda le vieil homme s'éloigner. Etrangement il lui parut moins saoûl que quelques minutes plus tôt, comme si la dernière bière avait eu un effet contraire ou - plus vraisemblablement - que la discussion et son départ précipité avaient éveillé ses sens.

Ainsi donc Gabriel Touchedieu était une personnalité importante du village, c'est en tout cas ce que Victor crut comprendre puisque celui qui était venu le chercher l'avait appelé "chef"... quelqu'un d'important certes, mais lui-même subordonné à des "patrons". A son air bourru et sa carrure, Victor supposa qu'il était un homme de main, un dûr à cuire qui n'hésitait pas à employer la manière forte, considéré par les autres pour ces mêmes principes. Etait-ce cela l'inquisition ? cette sombre pensée ne lui inspira rien de bon.

L'autre homme, "Monsieur Maestriani" comme l'avait appelé Touchedieu, était toujours au comptoir. Bien qu'il lui sembla différent, plus abordable et sympathique, Victor s'en méfiait pourtant. Puisque Touchedieu et lui avaient des choses à se dire au sujet d'un intérêt commun, il était logique de craindre aussi bien l'un que l'autre.

Toutefois, l'offre qu'il lui avait faite était très alléchante. Victor n'espérait pas trouver si vite un emploi, encore moins avec de telles conditions à la clé. En acceptant cette proposition il s'assurait de pouvoir rester durablement à Forbach tout en conservant ses économies intactes. En outre, il côtoierait plus de monde au château qu'en restant dans cette auberge. Oui, il fallait qu'il accepte. Ce serait loin d'être désagréable et tant pis si Maestriani ne lui inspirait pas totalement confiance. Après tout il n'avait pas eu une grande affinité envers son ancien patron, riche propriétaire à Saint-Avold pour qui lui et son père travaillaient. Victor avait l'habitude des gens comme lui, il saurait faire illusion et lui donner du "Monsieur" autant qu'il en voudrait sans toutefois se laisser influencer. L'une des premières choses qu'il avait apprise dans son métier était d'être serviable sans être servile, et il excellait dans cet art.

« Vous me voyez honoré par votre proposition, cher monsieur. J'accepte volontiers de rencontrer votre chef cuisinier et de me mettre à son service, et au vôtre par conséquent. Cependant, je suis parti très tôt de Saint-Avold ce matin et j'ai fait le voyage à pied. J'ai faim, encore un peu froid, du repos me ferait le plus grand bien. Me permettez-vous de rester ici jusqu'à demain ? »

Mort(e)

Bien...Bien... Vraiment très bien. Tout commençait à prendre doucement forme et la suite promettait d'être très intéressante. Un homme comme Gabriel était tout à fait ce dont avait besoin Lorenzo, autant par sa manière de faire que par la personne toute entière. Il avait fort à gagner avec lui, et il comptait bien rendre très profitable une éventuelle entente. La réponse de l'inquisiteur fit sourire le Comte qui finit son verre d'une traite avant de s'intéresser davantage à la taverne en elle-même. Le vin ne valait pas tripette – on était bien loin de la cuvée du château – et la salle ne payait pas de mine, mais bon, rares étaient les bonnes auberges alors, on s'accomodait apparemment de ce qu'il y avait. En tout cas, le Comte se nota mentalement de ne plus revenir ici, sauf si la situation l'exigerait vraiment. Il y avait des sacrifices possibles mais là, ça dépassait allègrement l'entendement. Enfin, malgré tout la soirée avait été plus que bonne et l'avenir promettait d'être radieux. La seule tâche à l'horizon restait cette histoire d'Oracle, mais il aurait tôt fait de nettoyer cette petite ombre au tableau, il avait d'ailleurs déjà une petite idée derrière la tête, mais là n'était pas la question.

Il récupéra la bourse qui trônait encore sur le comptoir, soulagée de quelques pièces, et regarda Touchedieu envoyer une tape monumentale dans le dos de Victor. Ce dernier risquait de pouvoir être utile dans les prochains temps. Néanmoins, cela ne servait à rien de brusquer les gens et les choses se feraient en temps voulu. Non, ce qui fut plus intéressant encore, fut l'arrivée de ce qui semblait être l'un des hommes de main de Gabriel. Les hommes du Comte l'avaient averti que ce dernier semblait fricoter avec toute une bande, mais de là, à se douter qu'il en était le « chef »... Voilà qui était tout particulièrement jouissif et... pratique. Lorenzo regarda l'Inquisiteur se résigner et tirer sa révérence.

« - A très bientôt Gabriel. »

Un léger sourire se dessina sur les lèvres du Comte.

* Bientôt peut-être, cher Touchedieu, tu n'auras plus de compte à rendre à tes actuels patrons, mais cela dépendra de toi, uniquement de toi. *

La porte se referma sur le « devoir » de Gabriel et le Comte détourna son attention sur le petit Kessler, qui visiblement semblait apprécier la proposition qui venait de lui être faite. Il émit néanmoins la requête de pouvoir prendre son service que le lendemain, chose qui était bien entendu acquise, mais Lorenzo ne gâcha pas une opportunité de passer pour un gentilhomme.

« - C'est entendu. Je laisserai un mot, le cuisinier vous attendra demain matin à la première heure. »

Il dénoua le lacet de sa bourse avant de se saisir d'une poignée d'or, et de la déposer devant Victor.

« - Prenez cela comme une avance, ça vous permettra de payer votre chambre et un bon repas pour la nuit, il vous faut au moins ça vu votre état. »
Il y avait bien sûr trois fois trop pour seulement un bon repas et une chambre, mais bien entendu, ce n'était pas laissé au hasard. Le Comte referma sa bourse et reprit :

« - Sur ces entrefaits, je vous souhaite la bonne nuit, Monsieur Kessler, peut-être nous recroiserons nous dans les murs du Château. »

Il prit ensuite lui aussi la direction de la sortie, avant de prendre celle du château. La soirée était déjà très prometteuse, mais elle ne faisait que commencer pour lui.

Oblivius

Victor accepta sans ciller les pièces d'or que Maestriani lui tendit, bien que les économies qu'il possédait le mettaient à l'abri du besoin pour quelques semaines et la promesse d'un travail au château préserverait ce pécule. Il n'avait pas besoin de cet argent mais il savait que Maestriani aurait ainsi l'impression de le posséder, aussi fut-il ravi d'en jouer. Il se confondit en remerciements, poussant l'exagération aux limites du ridicule.

Lorsque Maestriani fut sorti, Victor prit place à une table près de la fenêtre. La place du marché était déserte, la lumière du jour déclinait déjà. Il songea d'ailleurs qu'il n'avait pas vu le soleil depuis son arrivée alors qu'il était haut dans le ciel sur sa route depuis Saint-Avold. Forbach était une ville de brume, il faudrait qu'il s'habitue à cette atmosphère sombre tout comme il faudrait qu'il s'habitue à beaucoup d'autres choses...

L'aubergiste lui servit un ragoût, quelques tranches de pain et une carafe de vin que Victor trouva sirupeux. Le plat était un délice, il l'avala en quelques bouchées tant il avait faim. Le dessert - une part de tarte - était encore meilleur. Il termina par un café puis quitta la salle en saluant poliment les convives installés aux autres tables.

Sa chambre était au premier étage de l'établissement, on y accédait par un étroit couloir faiblement éclairé. La pièce était coquette, sobrement agencée et très propre. Un grand lit encadré de deux tables de chevet faisait face à la fenêtre, celle-ci donnait sur la place. Son épais rideau filtrait la faible luminosité de cette fin de journée, Victor le tira et ouvrit les battants pour laisser pénétrer l'air frais dans la chambre. Il resta immobile dans l'encadrement à observer les ombres de rares passants, puis referma. Un petit bureau occupait un angle de la pièce, près de la porte d'accès à la salle d'eau. Il s'y installa et sortit son carnet pour y annoter le compte-rendu de ce premier jour à Forbach (lire ici). Changer de vie et découvrir une nouvelle ville, de nouveaux visages, n'étaient pas chose facile. Tenir ce carnet lui permettrait de prendre du recul face à ce qu'il apprendrait ici.

Il comptait adresser ces écrits à sa soeur, peut-être aussi à ses parents. Se faisant, il se sentirait moins seul. Si la chance leur souriait un jour ils pourraient tous lire ce carnet, réunis sous le même toit comme au doux temps de leur enfance.

A suivre...