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 Un vieux brigand dans le monde raffiné

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Gabriel Touchedieu
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Un vieux brigand dans le monde raffiné Vide
MessageSujet: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeJeu 10 Déc 2009 - 22:51

Un domestique en livrée, enrubanné et le visage fardé entra et se racla posément la gorge.

« Gabriel Touchedieu, Inquisiteur sous les ordres de Louis Institoris »


Un homme pénétra dans le grand salon en faisant claquer ses bottes. Il était vêtu d’un manteau noir en feutre, et on pouvait voir son pourpoint de la même couleur en velours. Le Gourdin sortait d’habitude très rarement ce genre de vêtements. Il était très bien dedans, il arrivait même à être naturel. C’était un de ses rares talents, d’être capable de se mettre à la hauteur de tout le monde, qu’il s’agisse de la haute société où de la racaille qu’il côtoyait habituellement.

La première fois qu’il avait porté d’aussi beaux vêtements, c’était pour dévaliser la poudrière de Bar-le-Duc. Il s’était fait passer pour un noble victime d’une attaque de brigands. Il avait fait simulé une attaque sous les murs du fort, et les militaires étaient venus à son secours et avaient arrêté toute la bande, qui s’étaient rendus avec une rapidité aussi inexplicable que le risque qu’ils avaient pris. Pour permettre à la pauvre victime de se remettre de ses émotions, ils avaient invité Gabriel Touchedieu alors jeune à partager le dîner des officiers. Gabriel les avaient charmés avec plusieurs histoires drôles s’était comporté en parfait convives, et une fois le dîner fini, avait assommé plusieurs sentinelles, libéré ses compagnons et partis du fort après avoir dévalisé l’armurerie et tué quelques sentinelles.

La dernière fois qu’il avait porté d’aussi beaux vêtements, c’était pour aller voir Louis Institoris, afin d’obtenir carte blanche pour donner la chasse à Joan Witham. Face aux projets du Gourdin de l’Inquisition, le chef Inquisiteur lui avait demandé de modérer ses projets. En somme, refus net. L’ancien brigand en avait crié de rage.

Entre ces deux moments, Gabriel Touchedieu avait perdu la couleur de ses cheveux et de sa barbe, gagné quelques douleurs aux articulations, mais il restait en lui ce qui avait été le Fléau de Lorraine. Un brigand devenu inquisiteur, une brute dans une robe inquisitoriale. C’était grotesque et drôle quand on y pensait. Mais il ne fallait pas oublier ce qui avait poussé Gabriel Touchedieu à rentrer dans l’Inquisition : sa propre rencontre avec le Divin. Brutal jusqu’au fond de son corps, mais contenant en lui les germes de son changement. Changement qui attendait simplement des circonstances favorables, circonstances qui ne s’étaient jamais présentées, au milieu de la traque, des échecs et des frustrations. Au milieu de la violence que déployait Touchedieu quand il le pouvait.

Violence. Ces derniers mois, il ne s’en était pas privé. Avec ses anciens brigands, il avait mené par lui-même ses enquêtes, sans gants ni autorisations. Cinq personnes avaient été passées à tabac par le Gourdin et ses hommes, et Gabriel Touchedieu leur avait promis de réserver le même sort à leurs enfants si jamais elles devaient se plaindre à l’Inquisiteur. Personne n’avait osé, sauf un. Son corps avait été retrouvé en train d’empoisonner un puits. Suicide. Toutes les apparences convergeaient vers cette version des faits, et la veuve terrorisée avait acquiescé aux propos du Gourdin. Louis Institoris n’avait donc pu rien faire d’autre que laisser Gabriel Touchedieu, contre qui il n’avait rien. Et pareil pour l’homme qui avait deux jambes fracturées suite à un accident de charrette stupide.

Il fallait maintenant se tourner vers le château pour chercher la Sorcière. Non pas que le village ait été fouillé de fond en comble, mais le Gourdin ne pouvait rien faire de plus sans faire quelque chose de trop spectaculaire, qui ne pouvait que lui être incombé. Seul problème : au château, il ne pourrait pas tabasser les domestiques ou pire les habitants sans que Louis ne lui tombe sur le poil. Il devrait user de plus de finesses. Touchedieu était loin d’être stupide, mais il préférait, par paresse, être direct et brutal. C’était une attitude plus naturelle, mais au besoin, il savait se faire doux comme un agneau. Comme le témoignait ses beaux vêtements

Il fallait bien commencer. Europe Eléanora-Sun pouvait être la première. Courtisane, cette femme n’avait visiblement pas d’autre occupation que de rendre la vie au château plus agréable. Ecrivaine aux textes appréciés, bonne conversation, et un corps agréable pour se rincer l’œil. Ce fut d’ailleurs ce dernier point que Gabriel Touchedieu apprécia en premier. Vraiment ils devaient mener la belle vie dans ce château. Mais bon, le monde des nobles n’était pas fait pour les gens bruts.

Gabriel Touchedieu avanca en faisant sonner ses bottes, fit un rapide salut, et se rapprocha du fauteuil en s’adressant ainsi à Europe.


« Bonjour madame, je souhaitais vous rencontrer pour discuter d’une affaire à la fois personnelle et professionnelle, vous n’y voyez aucun inconvénient ? »
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Europe
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeLun 8 Fév 2010 - 2:41

[Précédent = L'heure tant attendue


L’espoir, enfin.

Après presque un an passé dans l’obscurité la plus totale, Europe n’arrivait même plus à se souvenir de la dernière fois où elle avait éprouvé une telle sensation de… d’apaisement. Un calme serein, ou plutôt une certaine confiance face à l’avenir, même si subsistaient, invariables et éternels, des regrets face au passé. Enfin, elle était seule maîtresse de ses pensées et de ses gestes, seule détentrice de son libre arbitre, seule présence dans son propre esprit. Gabrielle s’était volatilisée dans une seconde à la fois fugitive et éternelle. A présent, il ne restait plus trace de la fourbe Sorcière du Lys Noir, et Europe pouvait voir, sentir, toucher et bouger sans qu’aucune voix étrangère ne vienne sans cesse l’admonester ou lui susurrer à l’oreille de perfides conseils.

De cette expérience, elle était en quelque sorte, sortie grandie. Etre possédée avait permis à la Sorcière de prendre conscience de certaines choses vitales, de s’apercevoir qu’elle en avait oublié d’autres pourtant évidentes, et de revoir sérieusement l’ordre de ses priorités. Ces derniers mois, harcelée par Gabrielle et Elena, Europe n’avait été que l’ombre d’elle-même; décrédibilisée, grossière, perdant la face et une grande partie de sa bonne réputation aux yeux des autres nobles. N’honorant pas ses devoirs, se comportant vulgairement en société, délaissant les problèmes familiaux, elle avait sombré dans une sorte de léthargie extrêmement néfaste pour son image et qui avait pendant longtemps alimenté les critiques. A vrai dire, durant cette période là, elle se moquait de tout; elle pensait alors mourir du jour au lendemain et plus rien n’avait d’importance. Mais elle devait se rendre à l’évidence. Visiblement, son heure n’avait pas encore sonné. Et même si l’héritage des Eléanora-Sun lui aurait permis de vivre confortablement jusqu’à la fin de sa vie, il n’était pas question de dilapider les legs de ses défunts géniteurs. Ces derniers temps, les prébendes de Louis lui avaient permise de vivre confortablement mais il était grand temps, maintenant qu’elle avait retrouvé la pleine possession de son corps, qu’elle redresse la fortune familiale –les affaires avaient été déplorables ces derniers mois, et c’était en grande partie de sa faute. Pour pouvoir protéger un maximum de monde à Forbach, et en quelque sorte aussi pour se racheter envers tous ceux qu’elle avait délaissé, la Sorcière se devait de rester dans les hautes sphères, et pas seulement au sein d’Olrun. Le moment était venu de restaurer son image.
Redorer son blason.

D’où sa présence au Grand Salon par ce jour pluvieux, jour dont elle avait consacré une bonne partie à alimenter les conversations et ressouder son réseau social quelque peu épars ces temps derniers. Avec un certain étonnement, elle s’était aperçue que l’environnement mondain, jadis méprisé car convenu et hypocrite, lui avait manqué. Etant passée près de la mort, elle avait appris à se satisfaire de sa vie de courtisane artificielle… pas si mal, tout compte fait. A présent, Europe retrouvait peu à peu ses marques, évoluant avec aise. Ce monde de prodigalité était le sien.

Des pas près d’elle la sortirent de ses pensées et elle redressa légèrement la tête, son regard butant sur une paire de bottes qui venaient de s’immobiliser. Elle remonta, remonta… ça n’en finissait plus! Ses yeux s’arrêtèrent finalement sur le visage de son interlocuteur qu’elle observa avec acuité, haussant un sourcil sous le coup d’une surprise pas franchement agréable. Un physique de charretier, une tignasse grisonnante et un visage aux traits burinés culminant au sommet de cette immense carcasse, l’observait attentivement, attendant une réponse. Même dans des frusques somme toute très convenables, il gardait une espèce d’aura de puissance et d’animalité qui le faisait paraître trop à l’étroit, ses vêtements trop serrés, la pièce trop exiguë pour lui. A son faciès emprunt d’autorité, Europe comprit d’emblée qu’il ne mâchait jamais ses mots.
Elle fut tentée, l’espace d’un instant, de l’envoyer balader, n’ayant aucune envie de s’afficher avec ce genre de personnage. Mais la voix de la raison lui rappela son objectif: regagner les approbations du public en restant dans les convenances. En temps que noble respectable, laisser libre court à ses transports et ses paroles (ce qu’elle avait fait bien trop souvent ces derniers temps) n’était rien de moins qu’une prévarication; aussi la Sorcière prit-elle sur elle, prenant une courte inspiration, son visage revêtant un air ferme et posé.


"Mais bien sûr que non, mon très cher monsieur, vous êtes évidemment le bienvenu. Et j’ose augurer que trouver ma personne en ce vaste château ne vous a point demandé trop d’efforts. Veillez agréer l’expression de mon infinie reconnaissance pour vous être déplacé."


Les paroles d’Europe étaient extrêmement polies mais son ton froid ne laissait aucune équivoque. La Sorcière s’amusait déjà. Si l’homme était bien une brute décérébrée comme elle le pensait, plus habitué à cogner que réfléchir, l’entraîner dans une joute verbale où il s’empêtrerait serait le meilleur des jeux. La Grande Prêtresse connaissait cet homme là; même si l’annonceur ne l’avait pas introduit, elle l’aurait reconnu sans l’avoir vu une seule fois. Sa réputation le précédait, tout simplement… Louis lui avait beaucoup parlé de cette brute épaisse qui faisait quasiment un travail de mercenaire, certes efficace mais ne respectant aucune limite et s’émancipant sans cesse de l’autorité du chef de l’Inquisition. Etant amoureuse de ce dernier, Europe ne pouvait garder un avis objectif vis-à-vis de ses subalternes désobéissants. Malgré tout, elle l’invita d’un geste à s’asseoir sur un fauteuil voisin du sien et se força même un sourire.

"Je vous en prie, mettez vous à l’aise et prenez un siège. J’ai beaucoup entendu parler de vous, monsieur Touchedieu. Qu’est-ce qui vous amène?"


Dernière édition par Europe le Mer 17 Fév 2010 - 21:23, édité 1 fois
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Gabriel Touchedieu
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeLun 15 Fév 2010 - 1:19

Gabriel Touchedieu secoua la tête en signe d’incompréhension. « J’ose augurer » « veuillez agréer l’expression… » Mais c’est quoi ce… bordel ? Ca existe ces mots ? Le simple fait d’utiliser cette phrase le déstabilisa plus qu’il ne pensait. Elle mettait à jour la différence très nette entre cette Europe Eléonora-Sun et lui. Pourtant il était au courant que le problème allait se poser, il savait qu’il allait être perturbé par ce langage, mais comme d’habitude il avait voulu tenter, faire un coup d’audace, espérer que ca passerait.

Sauf que ca ne pouvait pas passer. Comment quelqu’un qui avait commencé sa vie comme un petit voyou pouvait il espérer avoir la même éducation et le même niveau d’instruction qu’une fille qui avait eu des précepteurs et qui avait du talent ? Mais il avait espéré.

Gabriel Touchedieu connaissait un peu l’art de la manipulation des mots, mais il n’avait pas les mêmes buts : alors que Touchedieu remontait le moral de ses hommes en descendant celui de ceux d’en face, Europe utilisait les mots pour charmer l’auditoire. Là où Touchedieu insultait copieusement ses ennemis, Europe brocardait subtilement ses rivaux, ou rivales. Touchedieu était loin d’ignorer le pouvoir des mots, mais il ne les utilisait pas dans les mêmes situations, et pas dans les mêmes buts. Une seule langue, deux langages. Europe aurait été bien incapable de remonter le moral d’une vingtaine de chiens de guerre, ca le Gourdin en était sûr, mais il était lui bien incapable de rivaliser « en singulier » avec Europe.

C’était la différence qu’il y avait entre un général et un bretteur. Un général était un meneur d’homme mais pas forcément un bon combattant, et un bretteur était un bon combattant, mais pas forcément un bon meneur d’homme. Et dans ce cas précis, Gabriel Touchedieu avait eu trop d’audace, il pensait pouvoir surclasser une bretteuse d’exception. Pourtant, l’audace lui avait toujours porté chance jusque là.

Avec l’audace, il avait remporté n’importe quel raid, n’importe quel coup de main. Il s’était faufilé dans des places fortes, était apparu là où il ne devait pas être, et vaincu l’invincible. Mais il s’était trompé en pensant que les victoires « sociales » ou « par l’esprit » étaient aussi faciles à obtenir que les victoires « physiques » ou « par la force ». Une pensée allait infiniment plus vite qu’un ordre, une parole circulait plus vite que n’importe quel message envoyé à la ronde. L’effet de surprise n’existait pas, à moins d’y mettre le paquet. L’intimidation… ne marchait pas aussi bien, il suffisait de savoir que l’autre en face ne pouvait de toute façon pas utiliser sa force pour qu’elle soit enrayée. Gabriel Touchedieu se sentait dépossédé de ses armes habituelles, il était quasiment nu.

Mais il n’avait pas l’intention que ca dure. Il avait aussi connu des situations désespérées, des situations que cette jolie porcelaine d’Europe Eléonora-Sun ne connaîtrait jamais. Lui savait que la fatalité n’existait pas, car elle impliquait que le futur soit écrit. Or seul le passé était écrit. Les défaites n’étaient que des défaites qu’à partir du moment où il y avait un vainqueur ET un vaincu. Et Touchedieu n’avait jamais voulu être un vaincu. Il n’avait donc jamais connu la défaite, et il ne la connaîtrait pas non plus cette fois ci. On appelait ca le panache.

Gabriel Touchedieu, après avoir eu l’air d’un idiot pendant quelques secondes se reprit et pointa sa barbe blanche en avant d’un air martial. D’une voix dure comme le silex, et aussi coupante que celui-ci, il expliqua les raisons de sa venue :


« Je suis venu pour faire mon travail d’inquisiteur madame. Nous avions il y a quelques mois une jeune fille nommée Joan Witham dans nos cellules. Elle avait notamment tenté d’assassiner mon chef Louis Institoris. D’après ce que je sais, vous étiez présente donc je ne vous apprends rien.

Or, alors que je rentrais de mission quelques jours plus tard, je surpris cette Joan Witham dans le hall de la Collégiale, accompagnée d’une femme dont je n’ai pas pu voir le visage. Je fis alors ce que je devais faire lors d’une évasion : je fonçais mettre la main sur la fugitive et sa complice. Je faisais à peine trois pas que la femme que je ne pouvais identifier invoqua l’Obscurité : tout autour de sa torche se mit à s’éteindre, et en quelques secondes, on passa de la lumière au Noir total. Je les perdis dans ce noir.

Comme vous pouvez le voir, un acte de sorcellerie. »


Europe ferait tout de suite le lien avec le Lys Noir, et peut être même pourrais identifier celle qui avait fait évader Joan Witham. Mais Gabriel Touchedieu n’avait jamais fait attention à ces histoires de deux tribus. Une sorcière était une sorcière, et il fallait les buter comme n’importe quelle sorcière.

Il avisa un canapé et s’y étala sans y avoir été invité. Affalé, il continua son affaire :


« Après une humiliation aussi cuisante, je me suis mis personnellement en recherche d’informations quelconques concernant cette jeune paysanne. Après quelques péripéties dont je ne vous narrerais pas les méandres » Très jolie phrase, Touchedieu l’avait préparé à l’avance. « j’en suis venu à la conclusion suivante : Cette sorcière est dans le château. »

Il se redressa et apparut un peu moins grossier.

« Je suis venu vous demander si vous saviez quelque chose à propos de Joan Witham depuis qu’elle a été arrêtée. Je me suis dit que peut être… »
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeMar 16 Fév 2010 - 3:18

Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’elle ne s’attendait pas du tout à cette visite relativement peu dans les formes. En temps normal, les Inquisiteurs prenaient le soin tout particulier de traîner leurs suspects dans d’horribles cachots sombres et humides et de les laisser moisir quelques heures avant de leur retirer, de gré ou de force, les aveux qu’ils souhaitaient obtenir. Sans doute Europe, malgré tous les derniers événements, avait réussi à préserver sa couverture de courtisane lambda de telle manière qu’elle ne soit pas assez suspecte pour qu’on applique à sa personne une telle procédure; et sans doute également que Louis Institoris ne l’aurait pas toléré. Mais la Grande Prêtresse savait pertinemment que Gabriel Touchedieu se conformait aux ordres du chef de l’Inquisition d’une manière qui lui était très… spécifique. En d’autres termes, il posait ses propres conditions d’exercice du pouvoir et faisait fi des limites qu’on lui posait. Et cela ne plaisait pas à la jeune femme qui détestait qu’on s’oppose à l’unique aimé de sa vie, qu’on soit sorcière, inquisiteur ou exorciste.

Son interlocuteur parla enfin et Europe l’écouta attentivement, ne ratant pas une miette du spectacle, car chaque chose –l’intonation de la voix, les gestes, les mouvements des prunelles- pouvait la renseigner sur le véritable mental de son interlocuteur. Comme elle s’y attendait, elle n’eut strictement aucun mal à cerner le personnage, mais en vérité elle aurait pu y parvenir même sans son don d’empathie. Louis par exemple, lui avait posé beaucoup plus de problèmes à cerner, car sa personnalité avait de très multiples facettes bien dissimulées, et il lui avait fallu déployer des trésors d’ingéniosité et d’affection pour espérer n’était-ce que les apercevoir. Le Gourdin de l’Inquisition en revanche, était d’une psychologie basiquement simple. Cela ne signifiait pas bien sûr, qu’elle n’était pas profonde ou recherchée; juste « simple », c’est-à-dire aisée à comprendre. Pour lui, la fin justifiait les moyens; il avait des résultats tangibles dans chacune de ses missions mais ses méthodes laissaient sérieusement à désirer; il avait l’habitude qu’on lui obéisse et les ordres lui passaient souvent au-dessus de la tête… Tout cela, la Sorcière pouvait le deviner rien qu’en le regardant, déduire ces différents éléments de la manière dont l’homme l’observait du haut de sa grande silhouette, l’éclat de ses yeux acérés profondément enfoncés dans leurs orbites. C’était un homme d’extérieur. Un homme d’action. Un homme qui malgré toute la meilleure volonté du monde et des vêtements chics soigneusement choisis, semblait par définition même, déplacé dans un salon mondain.

Après avoir laissé quelques secondes de silence s’installer, Europe haussa un sourcil –une expression typiquement noble, un profil d’aristocrate que seuls ceux-ci pouvaient imiter- et déclara d’une voix à la neutralité absolue:


"Le salon de ce château n’est point lieu fort idoine pour nous entretenir de ce sujet, mais j’augure que je ne pourrais surseoir à votre demande sans mettre en péril la réussite de votre enquête, n’est-il point? Or il ne me siérait guère de nuire à l’accomplissement de l’œuvre inquisitoriale puisqu’elle demeure comme pour tant d’autres, ma priorité… Aussi, ayez assurance que je ferais de mon mieux pour répondre à vos questions, à propos desquelles nul ne viendra vous semondre. Je suppose en outre que peu vous chaud des qu’en dira-t-on."

La Grande Prêtresse s’exprimait volontairement d’une façon très alambiquée, ravie de voir si son interlocuteur allait être déstabilisé, s’embrouiller dans ses propos ou même, le comble de l’amusement, ne pas savoir répondre à une de ses questions parce qu’il ne la comprendrait pas. Ce fut d’ailleurs le cas pendant un moment, un court moment durant lequel Gabriel Touchedieu perdit pied et ne sut que répondre. Cependant, l’Inquisiteur se ressaisit très vite et Europe put clairement lire dans ses yeux qu’il relevait le défi, qu’il n’allait pas se laisser faire si facilement. La Sorcière aimait beaucoup ce genre d’audace. Et conséquemment, malgré sa mauvaise fois évidente envers son interlocuteur, elle dut admettre qu’elle respectait cela plus que beaucoup d’autres choses. Oui, il avait du charisme et c’était sûrement pour ça qu’il menait si bien les hommes avec qui il travaillait. Oui, il le pressentait mais n’avait aucune idée qu’à quel point ses suppositions étaient vraies, d’à quel point Europe était une affreuse et incompétente meneuse…
Bombardée maintenant Grande Prêtresse, pour le meilleur et pour le pire.

Ainsi, il était venu pour avoir des informations sur Joan. Europe ne s’était toujours pas remise des derniers événements qu’elle avait longtemps déploré après que l’Oracle lui fut venue en aide. Et dire qu’un seul fantôme avait provoqué tant de dégâts… à elle seule, Gabrielle de Mortelune avait réussi à faire arrêter Joan, posséder Europe, donner quasiment la mort à Louis deux fois, fait en sorte que Joan change de camp et enfin, cerise sur le gâteau, qu’elle emmène avec elle le Livre de Lumière, le Grimoire Sacré des Sorcières d’Olrun. Si auparavant la trahison de Joan n’avait été qu’hypothétique, elle était maintenant bien réelle. Europe se doutait de tout cela –qu’Alicia avait profité de la crédulité de la jolie rousse pour l’endoctriner-, mais Gabriel Touchedieu venait d’apporter une confirmation à ses suppositions.

"Sauf votre respect, messire Touchedieu… Qu’est-ce qui vous fait croire qu’une telle Sorcière puisse se trouver dans ce lieu, ici à Frauenberg? Ne vous souvient-il point de l’Inquisitio? Il me semble que durant cette nuit beaucoup de filles du diable ont été capturées et que la majorité d’entre elles faisaient partie du bas peuple. Pardonnez-moi mais, l’idée qu’une telle Sorcière soit ici, parmi les nobles est, outre un affront à la bienséance, une perspective assez effrayante, et je dois dire que je ne me sens point en sécurité." Elle marqua une pause, l’air contrit. "Cela étant dit, je suppose que cela ne vous émeut guère… mais tentez au moins de feindre quelque intérêt en l’honneur des préoccupations des nobles de Forbach."

Europe regarda Gabriel Touchedieu se redresser, le sourcil toujours en l’air, et lissa les plis de sa robe de sa main gantée. "J’ai bien connu Joan Witham. Elle était l’employée d’un de mes très chers amis, le Vicomte Adrien d’Hasbauer, dont je suppose vous n’ignorez pas l’identité. C’était une jeune personne agréable et intelligente, qui n’avait selon moi aucun pouvoir offensif du fait de son comportement très pieux, Dieu la bénisse. Cependant, nous vivons des temps austères, n’est-il pas vrai? Les apparences sont souvent trompeuses. Il se trouve que Joan Witham a laissé de l’agneau poindre le loup féroce, et cette convenable jeune fille a tenté d’empoisonner Louis Institoris sous mes yeux. Par conséquent, je ne pense pas pouvoir affirmer que je la connaissais si bien que cela. Après sa capture, vous comprendrez que n’aurais point souffert de me retrouver face à elle une nouvelle fois. Ainsi, je suis au regret de vous décevoir, mais je ne sais absolument rien de Joan après sa capture. Ni même avant, comme elle l’a prouvé. D’après vos dires, elle fréquentait des Sorcières et l’a remarquablement bien dissimulé… Quoi qu’il en soit, veuillez agréer l’expression de mes plus sincères regrets: je ne peux guère vous aider. Mais si j’obtiens ultérieurement des informations utiles, soyez assuré que je le ferais instantanément assavoir."

La Grande Prêtresse marqua une nouvelle pause, le temps pour elle de héler un serveur en livrée afin qu'il s'approche avec des coupes de champagnes disposées sur un plateau doré. Elle observa fixement Gabriel, comme si elle souhaitait le mettre dans une quelconque confidence.

"Cependant je dois avouer que, considérant maintenant la nature maléfique de Joan Witham, je ne suis point surprise qu’elle ait tenté de s’échapper. Jusqu’à récemment vous souliez sans doute voir vos prisonniers ne faire aucune résistance, messire Touchedieu. Mais il me paraît normal qu’aucune Sorcière ne tente une évasion plutôt que de vous regarder sagement pendant que vous ardiez ses consoeurs. Je ne suis pas en train de les défendre." Europe se gratta discrètement l’aile du nez. "Peut-être n’était-ce pas la bonne méthode cette fois-ci. Peut-être fallait-il ester à droit envers sa personne dans les règles de l’art, avant que de mettre Joan Witham aux arrêts. Je ne sais comment fonctionne en réalité l’Inquisition et je n’ai aucune prétention à vous donner des conseils, mais je crois savoir qu’une telle chose n’est jamais arrivée lorsque Louis avait encore toute son autorité. Comme tout un chacun, vous désireriez sans doute avoir l’équivalent de ses pleins pouvoirs… Mais le sort veut visiblement qu’ils n’échéent pas dans vos mains, du moins pas pour le moment."

Europe se pencha un peu vers son interlocuteur pour lui parler à voix basse, tandis que derrière elle le domestique s’approchait déjà. "Oui, peut-être tout n’est-il question que de rapports de force et d’efficacité… beaucoup de choses se disent à la cour et y séant, j’entends beaucoup de ces choses. D’aucun prétendent que votre vigilance n’est plus digne de foi et que vous jeüstes dans l’alcool, tout comme vos compagnons de la Collégiale, au moment où Joan Witham s’est évadée. Hum, désirez-vous une coupe de champagne messire Touchedieu?"
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Gabriel Touchedieu
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeDim 28 Fév 2010 - 15:08

Gabriel Touchedieu ne comprit absolument rien à la première réplique, mais il prit garde à ne pas le montrer, il opina simplement du chef, comme s’il comprenait tout à fait ce qu’elle avait dit. Du bluff pur et simple, mais la chance souriait aux audacieux. Un vocabulaire aussi recherché et archaïque était très certainement utilisé exprès pour le déstabiliser et le perdre. Il ne connaissait qu’une réaction dans ces cas là : s’accrocher, et attendre que ce soit l’autre qui fatigue. Mais les duels verbaux se passaient ils réellement comme les duels physiques. A défaut de connaître d’autres modèles, Gabriel Touchedieu choisit de conserver le sien. Quand on tente de te déstabiliser, accroche-toi.

A vrai dire il n’espérait pas grand-chose de cet entretien. Déjà que du côté de la lie du peuple les bouches se fermaient facilement, inutile de dire que poser des questions à un aristocrate était exposé à un échec quasi probable. Mais alors que faisait-il là ? Gabriel Touchedieu se sentait de moins en moins à sa place. Non, on ne pouvait pas transformer un chien des rues en caniche savant. Il avait voulu puérilement se prouver qu’il était capable de paraître dans tous les milieux. Europe était en train de lui prouver le contraire, et d’une assez jolie façon. Gabriel ne pouvait en vouloir qu’à lui-même s’il ne suffisait pas d’avoir de beaux vêtements pour entrer dans un salon et y rester. Il y fallait une qualité, un trait de caractère naturel que Gabriel ne possédait absolument pas : la distinction. Pas la noblesse, juste la distinction et le raffinement. Le Gourdin était si farouchement anti-raffinement que sa démarche était réduite à un échec probable.

Mais il fallait aller au-delà de son propre intérêt personnel. Il était là pour faire son métier, et sa mission. Gabriel Touchedieu pouvait difficilement passer pour un homme de devoir, mais quand on lui demandait une chose il la faisait, pour peu qu’elle soit en accord avec ce qu’il voulait. Donc c’était aussi par conscience professionnelle qu’il venait. N’est ce pas une belle chose ? Certainement, mais elle était tempérée par son désir de vengeance.

Europe commenca par nier qu’il y ait une quelconque sorcière dans le château. Touchedieu avait participé à l’Inquisitio, et il était très certainement celui qui avait ramené le plus de « sorcières » même si la moitié s’était avéré dépourvue de toutes relations avec Satan. Le fait que la plupart venaient du peuple ne signifiait rien aux yeux du Gourdin. Si on lui avait confié à lui la tâche de perquisitionner le Château, nul doute qu’il en aurait trouvé autant, mais Louis avait hésité à mettre Touchedieu sur le coup. Maintenant Gabriel Touchedieu savait pourquoi. Soit il aurait déclenché des scandales, soit il serait reparti bredouille parce qu’on l’aurait manipulé avec une aisance déconcertante.

Ensuite, elle affirma ne rien connaître. Bon, la démarche était avortée, il fallait se retirer. Se retirer ? L’idée faisait hérisser la barbe de Touchedieu. Europe Eléonora-Sun en tout cas se dégageait de toute responsabilité et enfonçait Joan Witham avec une facilité qui présageait de sa bonne foi. Mais soupçonneux comme il était, elle était trop prompte à dénoncer cette sorcière avérée. Deux années de brume et de doute avait rendu le Gourdin sensible à ce genre de chose. Il nota ceci dans un coin.

Un pingouin emperruqué survint avec des flûtes de champagnes. Ils ne pouvaient pas servir de la vraie bonne bière ? Gabriel Touchedieu la prit car visiblement c’était ca la politesse. Il résista à l’envie de le descendre cul sec cette flûte. Il se souvenait qu’on ne faisait ca que dans les tavernes, et avec des bières immondes. Un verre de cristal aussi fin avec une boisson aussi raffinée ne devait pas se boire de la même façon. La fine flûte disparaissait presque entièrement dans la grosse main du Gourdin, comme une image de cette situation absurde dans laquelle il était plongée.

Gabriel eut l’impression de mal entendre et réanalysa la phrase. Europe était elle en train de remettre en cause ses méthodes ? Il eut un long moment d’hésitation. Oui, elle était bel et bien en train de lui dire qu’il utilisait des méthodes inadaptées. Mais de quel droit… ? Et la suite fut pire encore. Elle l’attaquait personnellement en lui faisant remarquer qu’il était un sacré adepte de l’ivresse. Sa mâchoire se serra et on sentit ses dents grincer très nettement.

Sans un mot il but la moitié de sa flûte et sa bouche se tordit un peu, preuve qu’il n’appréciait pas les bulles.


« Effectivement Madame vous n’êtes pas la mieux placée pour juger des méthodes de l’Inquisition ou bien de mes propres méthodes. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la difficulté de notre tâche. L’Inquisition n’est pas une bande de brutes, madame, c’est le seul rempart qui existe entre ce monde et les ténèbres. De là, peut on réellement faire dans la dentelle ? Si nous sommes pusillanimes, le chaos s’installera et je crois sincèrement que l’Inquisition à manqué de vigueur ces deux dernières années. Sinon expliquez-moi comment le Royaume des Morts a pu s’installer sur Forbach durant une longue année. Vous pourrez me reprocher si vous voulez mes quelques descentes dans l’auberge de Forbach, mais en attendant, j’ai largement mérité ces moments de pause croyez moi. Je joue avec le danger tous les jours sachez le comme je l’ai toujours fait.

Je ne sais pas si on peut dire autant d’une dame qui vit dans son salon chauffé au milieu de ses coussins et de ses petits fours. »


Le ton de la dernière phrase était ouvertement méprisant, et l’horrible goût du champagne ne voulait pas partir dans sa bouche.

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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeLun 1 Mar 2010 - 2:00

Europe dégusta son champagne d’une façon aristocratique et raffinée, visiblement marquée par l’habitude; sur son palais, les bulles aériennes s’envolaient et pétillaient en lui donnant un goût d’ailleurs. Ce ne fut manifestement pas le cas pour Gabriel Touchedieu qui ingurgita la boisson avec une grimace, comme on avale une bière éventée. La Grande Prêtresse ne pouvait pas lui en vouloir. Les gens faisaient des lubies et s’acharnaient à trouver bonnes des choses qui ne l’étaient pas forcément. Le champagne. Le caviar… des aliments dont tout le charme consistait justement, à faire semblant de les aimer. Une démarche illogique qu’il était absolument impossible de comprendre pour quelqu’un d’entier et de spontané comme le Gourdin de l’Inquisition.
Pour Europe, c’était différent; elle avait connu cet univers d’afféteries pendant des années, s’en était lassée durant le temps de sa dépression, puis y était revenue. Finalement, la vie n’y était pas si mal. Même si les salons mondains étaient hypocrites, on s’y sentait en sécurité. Même si ce n’était que pour faire semblant, les gens y étaient aimables. Même si ce n’était qu’une illusion, c’était un îlot épargné des tourments et du chaos extérieur…

Et voilà justement qu’un émissaire de l’extérieur venait la trouver ici, comme si son passé cherchait à la rattraper. Au fur et à mesure qu’elle parlait, Europe put suivre la dégradation progressive qui s’opéra sur le visage de Touchedieu, tandis qu’elle l’enfonçait de plus en plus et mettait un doigt pointu sur ses échecs. Pauvre Inquisiteur… il faisait de son mieux, lui aussi. Mais tout comme Louis, il était si candide. Si ignorant des forces qui l’environnaient. Si seulement il avait pu en saisir n’était-ce que la moitié des enjeux dans leur totalité, il serait reparti aussi sec dans le cloître duquel il était venu…
Mais bon, il fallait qu’elle se montre sous son meilleur jour, elle se l’était promis.

La suite alla quelque peu de mal en pis. Elle sourit: l’attitude de Touchedieu était devenue aussitôt hostile quand il avait mesuré la portée de ses paroles. Tout se déroulait exactement comme Europe l’avait prévu: ne comprenait-il pas qu’elle le testait depuis le début? D’abord avec ces phrases alambiquées, ensuite avec ces piques malséantes; tout ça pour voir sa réaction. Et la Sorcière avait maintenant la confirmation en image que Touchedieu était de ceux qui, même si ils savent qu’ils sont en face d’un fin bretteur intellectuel, sautent les pieds dans le plat à la première provocation. Des individus sans finesse. Trop intelligents pour ne pas laisser passer un défi, mais trop bêtes pour éviter les pièges grossiers qu’on leur tendait…
A la dernière phrase du Goudrin, Europe manqua d’éclater de rire. Non parce qu’elle trouvait la situation particulièrement comique; mais parce qu’elle avait sans doute poussé le bouchon un peu trop loin et en réaction, Touchedieu ne s’était pas gêné pour dire le fond de sa pensée. C’était tellement plaisant! Tellement plus que de se retrouver devant ces coincés d’Exorcistes –la Sorcière s’en rappelait comme si c’était hier.
Pour faire bonne figure, elle inclina légèrement la tête comme si elle s’excusait.


"Bien sûr, messire Touchedieu… Loin de moi l’idée de remettre en cause votre bonne foi et vos méthodes au service de celle-ci. Il ne s’agissait point là de mes propres opinions, mais de celles, innombrables, que j’ai pu entendre par ouïes-dire en demeurant à la cour. Cependant, il appert que vous les rapporter de cette manière était d’un manque de tact très malvenu… Oui, agréez mes regrets les plus sincères. Colporter ainsi de vulgaires ragots, n’est-ce pas très immoral? Je pense que c’est immoral."

Oui, après tout, sa réaction n’était pas si étonnante. Un meneur d’hommes de son envergure n’allait certainement pas se laisser dicter sa conduite par une espèce de poupée de porcelaine. Mais peut-être était-ce juste pour lui montrer qu’il n’abandonnait pas la partie, même dans un terrain qui n’était pas le sien?

"Pour revenir au sujet initial et mettre un point final à votre question, je dirais donc que je ne vous serais malheureusement d’aucune utilité dans l’affaire qui concerne Joan Witham. En réalité, je vous conseille de vous adresser aux personnes de son entourage le plus direct."

Un léger silence s’installa, qui leur permit d’entendre plus nettement tous les bruits du salon. La rumeur des conservations suffisait à peine à couvrir la mélodie d’ambiance –à l’autre bout de la pièce, une petite grappe de musiciens jouaient du Dowland, rendant l’atmosphère un peu mélancolique. Europe reprit finalement la parole.

"Je sais que vous n’avez nul autre but que celui de protéger la population… Mais tout de même! « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens », c’est ça?" fit-elle en faisant référence aux paroles d’Alphonse Amalric. "Messire Touchedieu, le peuple a soif de quiétude, de paix, de justice; une restauration de l’ordre sans coups férir. Vous intentions sont louables, mais vivre dans une paranoïa constante ne va point les aider. Ces temps derniers, la délivrance nous a enfin été apportée. La paix que nous espérions est venue à nous par le biais de…"

Europe laissa sa phrase en suspension. L’Oracle. Il n’était pas nécessaire de le préciser, car le Gourdin de l’Inquisition l’avait compris. Cependant, elle doutait que l’arrivée de la Parole de Dieu soit du goût d’un tel homme: mais les faits étaient là, elle avait réussi à faire sortir Forbach de ses ténèbres en quelques mois alors que lui, s’y échinait depuis des années sans succès. Invoquer ainsi sa rivale devait l’avoir rendu passablement jaloux ou méprisant mais une fois encore, tout était fait exprès. Ainsi, la Sorcière pourrait voir jusqu’à quelle point l’opinion commune était désuète et inutile pour Touchedieu. Et elle souhaitait en outre amener le sujet sur un autre personnage qui selon elle, n’avait pas les mains toutes propres non plus dans ces histoires.

"Les choses changent beaucoup dernièrement. Que ce soit dans le fond ou dans la forme. Les autorités n’émanent plus des mêmes personnes. Par exemple, l’arrivée de Lorenzo Maestriani à Forbach a tout chamboulé. Europe finit sa coupe de champagne et la posa sur une table basse dans un petit bruit mat. L’avez-vous déjà rencontré? Que penses-vous de lui? Louis Institoris doit être absolument ravi de voir que le Comté va être dorénavant administré par une main… de fer. Cependant malgré toutes les bonnes intentions de ce brave homme on ne peut empêcher le peuple de médire."

En observant d’un air distrait la coupe de champagne de Touchedieu, il vint une idée à Europe qui changea d’angle d’attaque à la vitesse de la lumière.

"Mais je constate que le champagne ne vous sied guère, messire! Cette boisson ne fait décidément pas que des émules… Certains ne l’aiment pas car trop pétillante. D’autres clament que cette légèreté n’est point convenable en les circonstances. Si vous le désirez, nous pouvons commander quelque chose de plus exotique. On vend désormais à la cour des tasses de café, dont le prix pourtant exorbitant ne dépasse pas les vingt sols l’unité. C’est une boisson venue de l’empire colonial qui fait fureur à Versailles… tous les nobles se l’arrachent. Ce qui vient des nouveaux mondes est très à la mode en ce moment."
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeVen 5 Mar 2010 - 20:17

Gabriel Touchedieu n’aimait plus du tout cette position inconfortable. Il sentait bien qu’il était à terre, et qu’Europe dominait de bout en bout tout l’entretien et cela le faisait rager encore plus. Gabriel était un homme facile à tourmenter, trop fier pour se laisser faire, pas assez habile pour pouvoir répliquer, il devait ressembler à un taureau de corrida. Lorsque les hommes s’amusaient à lutter, on appréciait énormément les concurrents malchanceux qui tombaient à terre, mais se relevaient toujours. Il était facile de vouloir se relever, mais le faire réellement était une autre paire de manches. Il décida de rester emmuré dans son silence, et d’afficher une mine revêche et boudeuse.

Son regard devint absolument absent, le temps qu’Europe le fasse de nouveau sortir des ses gonds. C’était tellement prévisible.

Qu’elle l’ait attaqué sur ses péchés mignons, passe encore, c’était bénin, mais la conversation prenait un tour encore plus déplaisant. Certes elle venait de s’excuser d’avoir osé insinuer qu’il avait des penchants trop marqués pour l’immoralité, mais Gabriel avait déjà vu des gens comme Silex être plus sincère qu’elle. Il était évident que ce n’étaient que des excuses de façade. Et lorsque les critiques continuèrent sur ses méthodes, il se rembrunit et serra sa mâchoire. Il ne se laisserait pas faire, mais s’il faisait quelque chose, il se prendrait une réponse cinglante. Enfin Europe évoqua l’Oracle.

L’Oracle. Une gamine surnaturelle qui faisait mumuse avec les fantômes. Certes elle avait délivré Forbach de ses fantômes, mais cela pouvait aussi vouloir dire qu’elle pouvait les rappeler. Lorenzo Maestriani l’avait bien averti des dangers de l’Oracle. Gabriel Touchedieu n’adhérait pas forcément à tout ce qui était dit, et avait l’habitude de ne rien croire en dehors de ce qu’il avait pu voir personnellement. L’Oracle devant avoir trop peur de lui pour le rencontrer, il n’avait pour l’instant qu’une opinion pleine de préjugés, mais les préjugés suffisaient à son bonheur. Rien que pour embêter puérilement Europe, il choisit le positionnement inverse. Elle aimait l’Oracle ? Lui ne l’aimerait pas point.


« Délivrance, mon cul ! »


Aaaaah comme cela faisait du bien d’être grossier. Les gros mots étaient les seules armes qu’Europe n’oserait pas utiliser, alors autant en profiter.

« Absolument personne ne sait où nous emmène l’Oracle, et vous êtes bien naïve de croire au désintéressement d’une personne suffisamment puissante pour exorciser. De ma longue vie, qui doit bien être deux fois plus longue que la vôtre, je n’ai jamais vu aucune personne faire quoi que ce soit gratuitement. Même les amants qui se marient ne se marient pas par amour, ils se marient pour avoir des héritiers, obtenir des terres, ou bien avoir le droit de se grimper mutuellement. Alors pour la délivrance gratuite et humanitaire qu’elle nous propose… »

S’il était possible de hérisser davantage le Gourdin ce fut en mentionnant l’Administrateur, non pas qu’il lui soit antipathique au contraire, mais cela touchait à des choses très personnelles, un entretien qui devait rester secret à tout prix. Il voulut garder le silence sur le sujet. Il n’en fut pas capable. Mais il ne parlerait pas de leurs relations.


« Pourquoi irais je rencontrer un homme aussi bien placé que le Comte de Nicosie ? Du temps d’Adrien d’Hasbauer déjà j’évitais ce bureau. En fait, c’est bien la première fois que je rentre dans le château lui-même. Quelle que soit la tête de Forbach, la base agira de la même facon. Il y a une différence entre ordonner et être obéi. Ce Lorenzo Maestriani a des méthodes de fer ? Tant mieux, peut être aura-t-il compris que la douceur et la patience donne des résultats trop lents pour être satisfaisant. Je suis sûr que Louis Institoris est ravi d’avoir un homme aussi expéditif. Cependant, ais je oublié de préciser que la dernière fois que je l’ai vu, c’était pour essuyer un refus net et un rappel à l’ordre, et que personne ne l’a aperçu depuis longtemps à la Collégiale ? Même cette chiffe molle de Second a du mal à le contacter. Alors, si vous trouvez que M. Maestriani a des méthodes expéditives, dites vous qu’il doit faire le travail de deux personnes : celui de l’Administrateur, et celui du Chef Inquisiteur. A se demander ce que fait ce cher Louis.

Le peuple n’aime pas ? Ce sont des moutons qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Quand un enfant a une blessure ouverte, il faut la cautériser. Une mère prendra peut être son enfant dans ses bras et lui dira de gentilles choses, il continuera de pisser le sang. Un père responsable lui prendra un couteau chauffé au rouge et cautérisera la blessure. Je suppose que vous préférez la première solution, celle où la blessure s’infecte ? »


Gabriel Touchedieu s’était laissé emporté par son élan, et avait dit au final plus de chose qu’il ne voulait le dire au départ, mais il n’en regrettait aucune. La plupart des gens le craignaient ou le détestait, personne ne lui demandait pourquoi il avait recours à la force. Sur le chapitre de ce machin bizarre venu d’outre mer nommé « kafé », il fut très sceptique et ne voulut pas retenter l’expérience du champagne.

« C’est gentil de proposer, mais je n’attends pas d’une boisson qu’elle soit exotique, ni qu’elle soit à la mode. Si je pissais dans un tonneau et que je le vendais en Chine, je suis sûr que l’Empereur en voudrait à sa table alors… »

Les gros mots étaient la seule arme qui lui restait avant la violence.
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeMar 9 Mar 2010 - 0:49

La conversation prenait à un tour assez prévisible mais plutôt délétère de mauvais débat politique. Après avoir mutuellement compris que la confrontation de leurs points de vue, par essence divergents, n’allait pas pouvoir se faire sans le rajout d’une certaine animosité latente, les deux protagonistes étaient maintenant entrés dans un dialogue assez virulent. Ou du moins, est-ce Touchedieu qui introduisit cette virulence grâce à un juron bien senti pour exprimer son opinion sur l’Oracle. Europe fut assez amusée et plutôt surprise de le voir si grossier ou plutôt, déjà si grossier. Visiblement, il avait depuis longtemps abandonné l’espoir de suivre le niveau de langage de son interlocutrice; mais elle ne pensait pourtant pas qu’il choisirait si tôt la voie de la facilité. Sans doute le Gourdin était-il encore plus simplet qu’elle l’avait de prime abord estimé, et que la qualification de caractère basique était un euphémisme.
La Sorcière ouvrit la bouche, feignant un air choqué, et mit une main ganté devant ses lèvres en un geste tout à fait puritain. C’était effectué avec toute l’élégance et le raffinement possible et par conséquent, cela perdait toute crédibilité. D’ailleurs Touchedieu, si il avait un tant soit peu de jugeote, pourrait voir que cet air outré n’était que semblant. En réalité, Europe avait plutôt envie de rire et n’était pas plus intimidée que si il lui avait sorti tous les termes les plus crûs inventés par les hommes ces cent dernières années. Mais elle jouait une façade de noble hautement morale depuis le début de la conversation et savait pertinemment que cette fausseté énervait Touchedieu au plus haut point, alors autant continuer.


"Je vous en prie, messire Touchedieu… Un peu de retenue tout de même! Nous ne sommes pas à la taverne du coin et un tel langage pourrait incommoder les personnes présentes en ce lieu, moi la première."

Ah. Le tournant du duel. Europe avait clairement posé la question fatidique en disant que le Gourdin l’incommodait: à partir de là, deux perspectives s’ouvraient. Soit il décrétait qu’il s’en fichait totalement, et à ce moment là elle saurait définitivement qu’elle avait affaire à un individu fait de trop de bassesses pour tenir une conversation, l’entretien serait donc terminé; soit il esquiverait la perche et leur joute verbale pourrait recommencer de plus belle. La Sorcière attendait le verdict, forçant ses zygomatiques pour dissimuler un rire. Elle était presque pressée de voir à quelle point elle aurait eu raison.
Aller, vas-y. Tombe dans le piège. Encore une fois.

"Je vous trouve terriblement immoral et même, hérétique. Il n’y a qu’une seule entité sur cette planète qui est capable d’un tel désintéressement et cette entité est Dieu lui-même. Or si je ne m’abuse on surnomme l’Oracle la Parole de Dieu et elle est l’envoyée du Très-Haut en personne… Oui, j’imagine que vous n’avez pas du en voir, dans votre vie « deux fois plus longue que la mienne ». Et c’est sans doute parce que durant cette vie, vous n’avez jamais vu la lumière. Les années ne sont pour rien là-dedans messire Touchedieu."

Europe laissa un sourire s’étendre sur son visage. Pour un inquisiteur, le Gourdin tenait des paroles bien peu chrétiennes, ce qui d’ailleurs fut encore plus évident dans la suite de son discours. La Sorcière s’était sentie détendue depuis le début de l’entretien, mais cela changea radicalement quand Touchedieu s’attaqua au cas de Louis. Imperceptiblement, son dos déjà droit se fit plus raide et elle contracta les muscles de sa mâchoire, heureusement cachés derrière sa main. Sans prendre en compte le fait qu'elle avait été, quelques années auparavant, l'une de ces personnes, elle détestait depuis quelques mois les individus qui osaient critiquer le chef de l’Inquisition –et surtout si ces mêmes critiques venaient d’une brute vulgaire, égocentrique et sans finesse arrivée pour lui tirer les vers du nez.
Alentour, des nobles et des pages intrigués par leurs propos et le ton de leur conversation commençaient à se retourner et à les observer avec intrigue; le désir de colporter des ragôts se lisaient dans leurs yeux. Europe serra insidieusement les dents. Elle venait pour redorer son image et voilà qu’on la prenait en train de discuter avec un Inquisiteur grossier et excentrique. Elle détestait s’afficher avec ce genre de personnages.


"Je ne vous permet pas de médire ainsi de Louis Institoris. Certes il a eu des torts, mais qui n’en as pas eu? Comme bien peu de personnes, ce qui est fort regrettable, il a fait de son mieux dans toute cette histoire, tout en étant bien mal secondé. Une énorme pression, en grande partie de part son héritage, pèse sur ses épaules et il ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi ou de commettre une exaction comme n’importe quel sous-fifre inconscient et immature." Elle appuya bien ces derniers termes, avant de poursuivre. "C’est un homme qui a beaucoup de responsabilités et qui pense aussi, dans sa volonté de redressement de Forbach, au bien commun, ce qui j’ai pu voir n’est pas vraiment votre cas. Des moutons? Ce sont des enfants de Dieu dont vous parlez là en termes si peu élogieux, et pour tenir de tels propos permettez moi de douter derechef de votre foi en la Création... Vous choisissez systématiquement la méthode du moindre mal, mais sous prétexte que la majorité est sauve, vous minimisez les souffrances de ceux, justement, qui doivent supporter ce moindre mal. Plein de gens sont laissés pour compte, tout le temps!… et la grande qualité de l’admirable Louis fut de tenter de trouver un compromis universel pour régler la situation. On ne peut vraiment pas en dire autant des instances en place à l’heure actuelle."

Le ton et surtout le fond de ses propos était méprisant, acerbe, colérique, insurgé. Paradoxalement, Europe se contentait d’énumérer ses phrases d’une façon mathématique en gardant un calme absolument olympien, et en prenant également gare à ne pas basculer dans la forte tentation facile du langage grossier. Hé oui, car si bien parler était chez elle un sujet maîtrisé, c’était loin d’être une seconde nature. Et elle n’allait pas se mettre en colère alors que la fureur était justement l’objet de ses propres pièges, tendus depuis tout à l’heure –non, Touchedieu n’aurait pas le plaisir de voir son visage de porcelaine rougir sous l’irritation et le mépris. Il se heurterait, comme depuis le début de l’entretien, à un mur savamment composé de fierté hautaine, d’expressions inaccessibles et de réflexion véhémentes latentes. C’était elle, la maîtresse de ce duel, pas lui. Elle qui déciderait quand et comment il prendrait fin.

Les dernières paroles de Touchedieu la firent ciller et elle eut presque un rictus.


"Charmant, vraiment. Vous faites preuve d’une grande élévation d’esprit." Elle se pencha légèrement en avant. "Je peux comprendre nombre de choses, mais en revanche je suis catégorique: prendre les gens pour des imbéciles finira par se retourner contre vous un jour, messire. Et pour votre information, la Chine possède un patrimoine très riche et ses autochtones sont loin d’être stupides… Et il y a beaucoup plus à dire sur eux que ce qu’on en dit déjà."
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeDim 21 Mar 2010 - 12:16

    Elles étaient loin désormais, ces petites piques qui servaient à jauger l’autre. Europe avait sorti la cavalerie lourde, et faisait du dégât. Elle chargeait, décimait, écrasait tout les pauvres arguments que le Gourdin avait pu aligner. C’était à en pleurer de rage. Touchedieu se rendit compte que le combat en fait n’avait jamais été équitable, ni même possible, il en était temps quelque part. Et en plus, elle se foutait de sa gueule avec une joie à peine dissimulée. C’en était trop.

    Il voulut la frapper, mais s’il y avait une chose qui pouvait l’envoyer à la potence de façon quasi directe, c’était de frapper la pute du chef. Il voulut partir, mais s’il partait, ce serait dans la honte, et sans avoir tenté de se défendre une dernière fois. Il ne voulait pas rester et l’affronter plus avant en tout cas, il finirait complètement démoli au prochain tour. Il fallait donc se préparer à partir, mais lui répondre. Et ensuite seulement lui tourner le dos pour lui clouer le bec, à cette ravissante perruche.

    Il n’avait pas à répondre sur son vocabulaire, il était délibérément grossier, et Touchedieu l’assumait totalement. Cette Europe Eléonora-Sun affectait ses grands airs de bourgeoise mais prenait un malin plaisir à le corriger comme un môme, ce n’était pas fait pour lui plaire. Cela lui fait trop plaisir de répondre sur ce point, et ce serait trop immature que de se défendre là-dessus.

    En revanche sur le chapitre de l’Oracle, il fallait le clore une bonne fois pour toutes. Il ne se faisait plus d’illusions, il aurait tort, mais il devait défendre au moins une fois encore sa position, quitte à se retirer après. Et quitte à se répéter, quitte à continuer à clamer le contraire de ce que les gens préféraient croire. En plus Europe avait tort en disant qu’il n’avait jamais vu la lumière, la tentation était trop belle pour le Gourdin, il embraya dès qu’Europe eut fini de causer.


    « Vous avez tort en disant que je n’ai jamais vu la lumière. Je ne suis pas inquisiteur depuis un demi-siècle, madame et j’ai eu une autre vie avant. Dieu m’a guidé vers l’inquisition dans un moment particulièrement critique. La seule chose, Madame, c’est que je suis resté maître de ma propre vie et je n’ai pas eu la faiblesse de l’abandonner entre les mains d’une entité mal définie. Je suis resté le capitaine de mon destin. J’ai vu la lumière oui, mais je suis resté moi-même. »

    Il avait été un peu trop sincère, mais il ne se maîtrisait pas sur ce chapitre là. Il était tout de même moins fier quand il s’agissait de la suite, concernant Louis. Après avoir passé deux à se faire savonner par ce chef, Gabriel Touchedieu était peu enclin à s’aplatir, mais il était conscient qu’il était face à celle qui accueillait son chef entre ses cuisses, et que tout ce qu’il dirait serait fidèlement colporté. Mais elle le provoquait en le traitant de sous-fifre incapable, et rien que l’idée le faisait ruer dans les brancards. Une fois de plus il releva le défi.

    « Un bon compromis laisse toujours les deux partis insatisfaits. Et non madame, il n’est pas possible de plaire à tout le monde. Je suis sûr que vous vous y efforcez autant que Louis, mais sachez que ce n’est pas envisageable. » Sans le savoir, il avait tapé à un point faible. « La meilleure façon de contenter le maximum de gens c’est de taper sur les mêmes. Dans l’auberge, on conspue les riches, mais jamais sa propre avarice, ou les prix de l’épicier, on préfère taper sur ceux qu’on n’a pas sous la main. Au château, on conspue le bas-peuple, si rustre et si grossier, responsable du chaos ambiant. Il ne leur vient pas à l’idée qu’il existe aussi des sorcières parmi eux.

    Pour que le maximum de gens soient content, il faut taper sur les mêmes. Voilà ma définition du compromis. Aurais je donc choqué vos oreilles d’ivoire ? »


    La question était de pure forme, évidemment. Plus il lui ferait mal, plus il serait satisfait. Quitte à être à couteaux tirés, autant s’en servir. Pour le coup, il n’avait plus du tout envie de partir. Ou plutôt si il partirait, mais après avoir le maximum de dégâts.

    « Je ne doute pas que Louis soit un homme bon, il doit même être un bon amant, mais il est un peu… impuissant ces derniers temps. »

    Il rit de sa propre phrase. Pour lui, le fait que Louis succombe aux charmes d’une femme telle qu’Europe était un signe de faiblesse, vu à travers toute la mysoginie dont il était capable. S’il avait Europe à lui seule, il en profiterait, puis se taillerait sans s’embarrasser de sentiments. Les femmes ne méritaient pas qu’on s’y attache.

    Europe n’avait pas le monopole de la provocation et des paroles blessantes.



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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeVen 2 Avr 2010 - 18:30

Europe sentit sans aucun mal le frémissement des muscles de Touchedieu tendus vers la violence, prêts à bondir et à frapper. Elle était consciente qu’elle était à deux doigts de se faire aplatir son joli visage de porcelaine et exultait presque à cette perspective. Non, elle n’avait rien d’une masochiste, elle voyait simplement les avantages qui pouvait découler d’une telle dégénérescence de la situation. Après tout, que risquait-elle? Un œil au beurre noir, une lèvre fendue? Pas grand-chose, au final. Le Gourdin par contre, s’en mordrait les doigts jusqu’à la fin proche de son existence, fin qui viendrait sans doute bientôt vu son âge et l’énervement fréquent qui avait sensiblement dû réduire son espérance de vie… Serait-il assez malin pour éviter de mettre les pieds dans le plat et commettre cette stupide erreur? La Sorcière n’en aurait pas mis sa main à couper, vu l’enthousiasme avec lequel il sautait à pieds joints dans ses pièges et tests divers depuis le début de l’entretien.

Touchedieu avait enchaîné directement après qu’elle eut fini de parler, et elle fut assez surprise de le voir mentionner, même de façon assez vague, son passé. Elle ne pensait pas qu’il était le genre d’homme à se dévoiler, ne fut-ce qu’un minimum, le genre à laisser filtrer la moindre information qui, entre des mains expertes, pourrait être interprétée comme une faiblesse. A l’en croire, l’illumination l’avait touchée durant ses longues années d’existence et il n’avançait désormais plus en aveugle sur les chemins sinueux de la vie… Europe réprima un sévère raclement de gorge. Ah bon, et où l’avait menée son expérience divine aujourd’hui? Devant elle, mal-à-l’aise et emprunté dans cet univers luxueux, pour mener son infructueuse enquête de larbin de l’Inquisition. Splendide perspective c’est vrai… Croire au privilège de l’âge était décidément le solde des vieux et tant qu’ils s’obstineraient dans cette voix, ils ne pourraient saisir le caractère irrationnel et révolté de la jeunesse, qui l’était d’ailleurs en pur esprit de contradiction. C’est pourquoi la Grande Prêtresse ferma brièvement les yeux et afficha un sourire ironique, presque mordant.


"Ah, oui, je vois… vous avez « vu la lumière ». Comme tant de roturiers avant vous. J’ai souvent entendu ce genre d’affirmations de la part de ceux qui ne savent même pas exactement de quoi ils parlent. Voyons, j’ignore les détails, mais au vu de votre caractère, j’imagine que ça a du se passer à peu près ainsi: vous pilliez et voliez sans vergogne, vous ne saviez pas où vous mènerait votre vie, vous laissiez derrière vous des hommes démunis, des femmes engrossées, et autres bassesses du même acabit. Puis un jour vous avez basculé dans un délire étrange et vous avez cru sentir la présence divine à vos côtés. Après ça, vous avez pu reprendre toutes vos exactions exactement comme auparavant, à la seule différence qu’elles vous paraissaient maintenant justifiées, puisque vous aviez soit disant l’approbation de Dieu. « Voir la lumière » ne vous a visiblement pas mené au chemin de la grandeur. Alors qu’est-ce qui a changé? A quoi cela vous a-t-il servi en conclusion? Finalement, ce que vous avez vu, ce n’est qu’un simple flash lumineux. Qui vous a grillé la rétine et vous a rendu plus aveugle encore que vous ne l’étiez."


Si là elle ne se faisait pas frapper, c’était que Touchedieu savait faire preuve d’une extraordinaire maîtrise de soi! Il avait semblé un instant sur le point d’abandonner la discussion, mais c’aurait été un triomphe trop facile, et visiblement il n’était pas du genre à se laisser abattre, surtout sous les assauts d’un individu tel qu’Europe. La suite de l’entretien fut une cause assez délicate à défendre, car la Sorcière devait admettre que le Gourdin n’avait pas tort, du moins sur l’essentiel des points soulevés. La majorité était une forme à peine moins démocratique que l’unanimité et finalement, la pertinence de ses propos surprit quelque peu la Sorcière. Mais lui concéder cette partie du dialogue aurait été perdre la face et, par pu esprit de contradiction, elle se devait de prétendre l’exact contraire de ce qu’il dirait. Surtout quand le Gourdin semblait considérer qu’une vie pouvait avoir plus de valeur qu’une autre, alors que toutes existences de ce monde étaient égales et indistinctes; les comparer selon leur degré d’utilité ou de moralité étaient d’ordinaire le privilège des nobles stupides et hautains qui n’avaient rien à faire de leurs journées.

"Elles sont en effet plus choquées que je ne pourrait le dire, messire Touchedieu! Aucun des nobles n’a jamais prétendu que les Sorcières ne se cachaient pas parmi eux; simplement, je m’interroge sur votre discernement à trouver les bonnes personnes. En outre, permettez-moi de vous dire que votre définition du compromis est désolemment restrictive. Mais finalement, cela ne me surprend guère de votre part… J’ai pitié de vous, qui ne comprenez rien. Il n’y a nul être sur cette terre qui n’est pas important."

Tout l’entretien aurait pu se finir ainsi, sur une note de désaccord finalement assez obtuse, si ce n’était la dernière phrase prononcée par le Gourdin. Il eut même le culot de rire de sa mauvaise blague, tandis qu’Europe sentait ses mâchoires se contracter brusquement et le sang bourdonner à ses tempes. Elle serra de toutes ses forces les accoudoirs de son fauteuil pour se retenir d’exploser et d’envoyer valser sa tasse de café à la figure de Touchedieu –perspective réjouissante mais finalement pas assez apte à calmer sa fureur. Elle répondit aussitôt après, articulant à voix basse pour éviter que toute la salle ne se retourne sous ses éclats de voix:

"Votre insolence me pue au nez et si c’est là tous les moyens que vous avez trouvés pour exprimer votre frustration face à l’échec, permettez-moi de vous dire que ce sont là de bien piètres manières! Où sommes-nous ici? Vous n’obéissez à aucun ordre, n’en faites qu’à votre tête, êtes incapable d’empêcher une Sorcière de s’échapper, et vous osez prétendre que Louis n’a aucun résultat? Je vous l’accorde il est parfois passif, dur à suivre et pas toujours prévisible mais il est droit, il a le sens de l’équité, et tout ce qu’il désire c’est le bien commun de Forbach. Jamais il ne pourra abandonner sa mission sous prétexte que l’on critique son autorité, et je sais qu’il n’a nul besoin d’aide d’aucune sorte pour trouver le chemin de la juste réussite, et moi j’ai confiance en lui."

Son venin craché, Europe se radoucit, reprenant une position légèrement plus détendue dans son fauteuil. Dans le silence qui suivit, elle eut la confirmation de ce qu’elle avait pensé depuis le tout début. Oui, Gabriel Touchedieu était facile à cerner, mais ce n’était pas pour autant qu’il était une affaire classée. C’était le genre d’individus qui avait, malgré ses dires, quelque chose à compenser dans la vie, et qui n’aurait une existence complète que lorsqu’il aurait accompli une dernière chose avant de quitter cette terre. Elle ne savait pas encore quoi. Mais oui, c’était évident: il manquait quelque chose. Finalement, la Grande Prêtresse reprit sur une voix un peu plus calme, espérant que ses paroles feraient leur effet mais n’y croyant pas trop:

"Il n’est pas encore trop tard, messire Touchedieu. Abandonnez votre mépris, faites confiance, ouvrez-vous aux autres et ouvrez-vous au monde. Je ne peux que vous encourager dans cette voix."
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Gabriel Touchedieu
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeSam 10 Avr 2010 - 17:25

Europe était trop bien lancée, elle avait cru qu’elle lui ferait mal en évoquant son passé et notamment cet épisode lumineux. Si elle évoquait cette partie de son passé, si elle avait fait preuve d’une clairvoyance exceptionnelle en décrivant avec exactitude ce qui s’était passé, si elle en déduisait le pourquoi il était entré dans l’Inquisition, c’était très bien pour elle. Mais elle pensait l’insulter sur ces points alors que Gabriel Touchedieu en était fier. Europe ne pouvait lui avoir fait de meilleurs compliments que ces insultes. Quand on a passé les deux tiers de sa vie dehors, s’entendre traiter d’homme des grands chemins n’a pas la même consonance aux oreilles des concernés qu’aux oreilles des Sédentaires. D’autant plus aux sédentaires riches. Jamais à aucun moment les exactions de Touchedieu n’avaient paru justifiées, le Gourdin n’avait jamais cherché d’excuses à ses actes. Il frappait, il tuait point. Pourquoi s’embarrasser de principes moraux qui étaient caractéristiques de ses proies ? Dieu ne l’avait jamais foudroyé en soixante ans de vie.

Enfin si il l’avait fait une fois, mais était ce bien un foudroiement ? La reprise des ses anciennes activités avait été tellement naturelle, Dieu n’était donc pas intervenu, Dieu avait du renoncer devant l’ampleur de la tâche. Changer le Gourdin était impossible, pas lorsqu’il avait quarante ans. Peut être était il aveugle, peut être n’avait il rien vu, en attendant, Dieu l’avait mené dans l’Inquisition et c’est ca qui lui avait permis de survivre jusqu’à l’âge avancé de soixante ans. Il ne faut pas oublier que si lors de cette nuit fatidique Dieu ne l’avait pas aspiré, il serait mort le lendemain. Dieu, en un sens lui avait sauvé la vie en lui imposant une vie nouvelle… Une vie nouvelle que le Gourdin avait gâchée comme l’ancienne.

A quoi cela lui avait il servi ? Mais… à rien. Il était toujours lui-même, ce vieux Gabriel… Ce vieux Gabriel qui avait traversé ce siècle, inchangé et fier de l’être. Europe s’attendait à ce qu’il réagisse comme pour une insulte mais cette pique l’honorait.

Il était tellement fier de ne pas répondre aux attentes d’Europe qu’il fut serein pour tout le reste de l’entretien. Quand elle lui dit que sa définition du compromis n’était pas politiquement correcte, il arbora un sourire qui était tout sauf désolé. En revanche le « J’ai pitié pour vous, vous ne comprenez rien » passa très mal, et il retrouva son rictus préféré. Pitié pour vous… ca c’était réellement insultant par contre. Qu’il ne comprenne rien passe encore. Il n’avait jamais compris l’importance du Travail, de l’Amour, des relations saines, de l’Obéissance aux Lois. Il n’avait jamais voulu comprendre, préférant encore fronder et transgresser délibérément les limites ce qui était infiniment plus simple. Il n’avait jamais recherché la pitié, l’amour, ou la reconnaissance. La pitié, c’était la morgue bienveillante.

Les Hommes étaient des animaux grégaires qui rejetaient leur membre hors norme. C’aurait pu se contenter de tares physiques ou mentales, mais l’Homme avait inventé les tares sociales. Gabriel Touchedieu était né d’un viol, il avait été mis au ban dès sa naissance. Il avait tourné au vol et au brigandage, il était devenu un paria comme ses pères (chez lui, père ne se disait pas au singulier), mais à aucun moment on ne lui avait vraiment tendu la main. La pitié, c’était une main tendue à contre cœur. Il crachait sur ces mains là, elles n’apportaient que des déceptions, elles se retiraient au dernier moment, ou alors elles vous caressaient comme un gentil chien… « C’est bien, tu es rentré dans la meute… »

Va chier !

Cette Europe faisait partie de la meute, de ce troupeau grégaire des hommes. Mieux, elle était une femelle dominante, elle ne pouvait pas comprendre ce qui se passait dans la tête d’un vieux loup solitaire dans son genre. Elle n’avait pas assez de recul sur cette humanité rampante. Bien sûr le Gourdin voyait tout à travers ses filtres, mais son point de vue était assez unique au final… Louis Institoris était bien l’agneau qu’on disait. Un vieux loup n’obéissait pas aux agneaux.

Europe avait fait la seule erreur d’un entretien parfait : elle avait fait appel à des ficelles qui marchaient sur tout être socialement éduqué. Que dire de l’éducation sociale d’un Gabriel Touchedieu ? Elle voulait le prendre par là, elle était tombée sur le Vide. C’était la seule et unique victoire qu’il pouvait espérer décrocher. Il fallait se retirer avant d’essuyer la honte de nouveau.

Le final d’Europe était joliment tourné, mais il lui fournissait aussi un superbe tremplin pour lui renvoyer son erreur dans la figure et se retourner.

« Abandonner mon mépris, faire confiance… Pauvre Europe, vous voilà bien à côté de la plaque ! Je prierai pour que vous compreniez mon point de vue. »

Et le Gourdin se mit à rire plus fort qu’à aucun autre moment de l’entretien. Pas un ricanement, un rire, à la fois clair et grave, qui résonnait d’une paroi à l’autre de la pièce, véritable claque sonore répercutée à l’infini.

Il riait encore lorsqu’il tourna les talons et franchit la porte.

[Pour moi, ce rp est fini, mais si tu trouves matière à répondre et que tu en as envie, pas de problèmes^^]
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MessageSujet: Re: Un vieux brigand dans le monde raffiné   Un vieux brigand dans le monde raffiné Icon_minitimeVen 23 Avr 2010 - 20:17

Le visage d’Europe avait revêtu une expression de plus en plus consternée à mesure qu’elle voyait le manque flagrant d’effet de ses propos sur Touchedieu. Contrairement aux apparences, elle n’avait pas spécialement mentionné son passé pour l’insulter –si le dialogue se résumait à une échange d’insultes, il n’aurait finalement eu pas grand intérêt. Non, tout ce qu’elle souhaitait, c’était lui faire prendre conscience de la vanité de son existence, de son comportement, de la gravité de la situation, de la possibilité encore minisculement mince mais néanmoins présente qu’il lui restait de changer… mais peine perdue, visiblement, le Gourdin de l’Inquisition se rengorgeait de ses exactions passées et ne semblait pas disposé à céder un pouce de terrain. Dieu ne l’avait pas encore foudroyé? Mais que croyait-il, enfin? Si il avait été réellement croyant, il aurait pris en compte le fait que la vie ne dure au maximum qu’un court siècle et que l’éternité de la mort allait par contre lui en faire voir de toutes les couleurs… La Sorcière n’était pas catholique mais en savait suffisamment long sur l’existence pour savoir qu’on paie toujours ses dettes et que l’on doit toujours, un jour où l’autre, assumer ses responsabilités. La justice n’existait pas sur terre. Mais au-delà, tout le monde se retrouvait confronté à ses choix un jour où l’autre.

En fait, le Gourdin ne se doutait pas à quel point il avait raison. Oui, Europe faisait partie de la meute, elle rentrait dans les convenances, même si elle avait eu du mal à s’y faire au début. Jadis, elle avait méprisé le conformisme. A présent, ayant aperçu des choses que nul ne devrait jamais avoir eu à apercevoir, elle se disait que sa vie, tout simplement, n’était pas si mal après tout. Alors si Touchedieu pouvait vivre sans s’intégrer à la société, grand bien lui en fasse. Mais elle, elle n’était pas comme ça. Elle avait besoin des autres.

Manifestement décidé à persister dans l’erreur, le Gourdin se leva dans un grand éclat de rire en lui renvoyant en pleine face les écueils de sa naïveté. Le visage d’Europe se renfrogna. Concernant le chapitre de sa candeur, elle en avait effectivement pris pour son grade durant toute sa vie; sans doute sa tendance à voir le bien là où il n’y en a pas était peut-être déraisonnablement forte. Le fait que l’Inquisiteur s’adresse à elle aussi familièrement lui fit hérisser le poil sur l’échine. Finalement, Touchedieu s’était déplacé pour rien. Il s’était donné la peine de la chercher dans le château pour se voir administrer une paire de claques verbales –à laquelle, elle devait l’admettre, il avait été singulièrement résistant, ce qui n’était pas le cas de tout le monde et donc pas forcément acquis au départ. Pourquoi était-il venu au départ? Ah oui, pour connaître des informations sur Joan. Seigneur, avait-il vraiment espéré qu’elle allait lui les donner?


"Ravie d’avoir pu vous être utile"
siffla-t-elle du bout des lèvres tandis qu’il s’éloignait en riant. Le fauteuil d’en face vide, Europe s’avisa qu’elle arborait une tête d’enterrement. Elle tenta de se recomposer un masque d’impassibilité, serrant les dents en souvenir de la remarque déplacée de Touchedieu sur Louis. Allons, le dialogue n’avait pas si mal tourné que ça… Au moins, elle avait remporté la première manche haut la main en filant au Gourdin une belle honte dans laquelle il s’était embourbé, regrettant son initiative de toute façon stupide. Oui, ce qui était consolant, c’est qu’elle avait au moins su défendre son terrain.


Mais alors pourquoi éprouvait-elle un cuisant sentiment d’échec?



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