Alicia,

Je pense que tu auras reconnu mon écriture dès lors que tu auras ouvert cette lettre, mais si tu éprouves le besoin de la brûler, je t'en prie, lis au moins une fois les mots qui sont couchés dessus. Si tu reçois cette lettre, c'est alors que je ne suis plus de ce monde. Je ne sais pas si tu en auras tiré une quelconque joie, mais si tel est le cas, je suis heureux d'avoir pu t'en apporter ne serait-ce qu'un peu au crépuscule de mon existence.

Je ne te l'ai jamais dit, mais je l'ai souvent pensé, tu es une femme d'exception Alicia, j'ai beaucoup de fois admiré ton courage et ta détermination face à l'adversité, et je pense avoir été un des premiers, sinon le premier, à déplorer à chaque fois l'insistance avec laquelle le sort s'acharnait contre toi. Ne pense pas que ce sont des mots en l'air Alicia, car ce n'est pas le cas, ce que j'écris ici n'a aucune autre vocation que celle de pouvoir te parler une dernière fois avant de ne définitivement plus faire partie de ce monde. S'il n'y avait pas eu toutes ces tensions politiques et culturelles entre nous, j'aurai aimé que nous devenions de proches amis. Je sais que j'aurai apprécié passer quelques soirées à discuter avec toi, nul doute qu'elles auraient été plus que passionnantes. Mais hélas, le sort en a décidé autrement.

Tu as du croire que je te tournais le dos lorsque j'ai refusé de rejoindre le Lys Noir, mais comprends moi, je ne pouvais pas me détourner de ma femme sans explications valables. Je n'ai jamais supporté cette notion de clan. Olrun, Lys Noir, quelle importance au final ? Je ne prône pas un clan plus que l'autre, mais j'espérais changer les choses en acceptant cette proposition. Je pensais pouvoir leur montrer que ce n'était pas important non plus mais j'ai échoué. Je crois que c'est mon plus grand désarroi. L'Humanité ne vaut pas d'être gâchée par une rivalité inutile entre deux clans qui ne diffèrent que d'un « nom ». Je n'ai pas su faire ce qu'il fallait pour que cette rivalité idiote cesse, et j'espère seulement que je ne serai pas le seul à défendre, ou avoir défendu, cette idée.

Pour le reste, je te demande de m'excuser pour tout ce que j'aurais pu faire, ou dire, qui ait pu te blesser, car je n'en avais aucunement l'intention. Je ne cherche pas la rédemption, mais ce que j'ai fait, je l'ai fait dans l'intérêt de tous. Pour moi, sorcière du Lys Noir ou d'Olrun, elles étaient toutes mes sœurs et il n'y avait pas de distinctions à faire. S'il avait fallu que je donne ma vie pour sauver la tienne et ainsi permettre à l'Humanité d'en ressortir vainqueur, alors je l'aurais fait sans hésiter, et en souriant. Je ne sais pas comment je serais parti à l'heure où tu liras ses lignes, mais je sens que ce sera d'une manière qu'il me plaira.

Sur ces mots, j'ose espérer pouvoir quitter ce monde en ayant apaisé les tensions qui existaient entre nous deux. Sinon, et bien ce sera ma plus grande défaite et tu m'en vois navré.


Puisse l'avenir t'être plus radieux que le passé à toi et à tes deux fils,

Ton ami à jamais,