Morceaux choisis - Correspondance entre soeurs.

Oblivius

Sur le secrétaire de sa chambre, Kirea écrit quelques lettres à sa soeur. Cette correspondance, très importante aux yeux de la jeune fille contient en réalité à chaque fois, deux lettres. La première est tout ce qu'elle ressent, et les feuilles noircies finissent brûlées dans la cheminée. La seconde est réellement envoyée à Diane Friemar.

Citation :: Ma soeur,

Forbach ne fait que dormir, a tel point que c'en est étouffant. J'ai l'impression qu'aucun endroit ne me permet le repos, et je ne sais plus si je dois espérer que les Inquisiteurs se remettent en marche ou non. J'ai l'impression d'être chassée, comme le lapin qui regarde d'un oeil le chasseur qui ne l'a pas vu. Diane, tu me manques, car en ces temps troublés, tu es le seul repère qui peut me rester, mon amie, ma confidente, ma soeur. Et plus tard, dans quelques mois ou dans un an, tu m'apprendras que tu es mariée à un homme au demeurant tout à fait charmant, et que tu attends sa marmaille que tu pondras en masse, car il ne cessera de te demander des fils. Alors, à ce moment là, il ne restera plus que moi, et mon devoir de dernière fille, mais il faut que je me rende à l'évidence : quelle vie y a-t-il pour moi ici ? Qui voudrait de la fille d'un apothicaire dont la santé dégringole ? Qui voudrait de cette boutique où les gens ne viennent plus sous prétexte qu'elle est tenue par une femme, et qu'aucun homme ne se présente derrière le comptoir ? Père reste cloîtré à la maison sans que je ne puisse le faire sortir.

Comment puis-je lui en vouloir ? Forbach semble être endormie que d'un oeil. Les gens commencent à peine à croire que le pire est passé, mais je le sens dans l'air, je le sens dans l'oeil de l'Inquisition : quelque chose va arriver. Je ne sais quel camp commencera en premier, mais la bataille sera terrible. Je ne veux plus perdre de sœur. Diane, reste vivre à Gaubiving. Je vais trouver le moyen d'arranger cela. Je ne suis qu'une vulgaire aguerrie que l'on remarque à peine, je n'ai pas le talent de certains, mais je sais que je peux le faire. J'ai d'autres atouts, et je compte bien les utiliser. Nous ne pouvons pas rester plus longtemps dans cette situation... Il n'existe plus, cet endroit sécurisant que je voyais étant gamine. Soyons honnête : Forbach n'est plus qu'un vulgaire champ de bataille.

Je voudrais que tu reviennes, Diane, égoïstement. Mais tu ferais mieux de rester à tenir compagnie à une sotte. Je devrais partir, aussi, mais Père n'en aurait plus la force, et quelque chose en moi veut se battre, parce que c'est chez moi ici. Parce que je ne peux abandonner mes terres à personne. Je n'aime pas l'humiliation, je suis orgueilleuse. Je veux tout, et de ce fait, je suis capable de tout. Qui voudrait voir le danger dans sa propre tribu ? Qui voudrait voir le danger de la part d'une pauvre fille qui vient à peine de passer un échelon de la longue échelle vers le pouvoir ?

Je ne suis pas plus sotte qu'une autre, non. Moins talentueuse, je ne peux le nier. Mais je veux plus. Je veux plus, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas l'obtenir. Et lorsque j'y arriverai, je pourrai rendre à Forbach des allures de ville en paix.

Je tiens à toi, Diane. Prends soin de toi.

Ta soeur,
Kirea.

Ma chère soeur,

Diane, comment se passent tes journées ? Tu manques à Forbach, tu sais ? Aucune fille ici ne peut rivaliser avec ta compagnie, et je suppose que de ce fait, tu me manques aussi. Je suis désolée, que Père t'ai fait partir, mais peut-être est-ce mieux ainsi. Toi qui te voyais mariée et avec des enfants, coincée à Forbach pour le restant de tes jours, te voilà dans une ville plus calme, et à tenir compagnie à Margaux, je suppose que tu dois rencontrer quelques hommes, dans les soirées mondaines. Il serait temps que tu trouves à te marier, c'est qu'à présent, le temps va commencer à suivre son cours, et ta beauté, dans quelques années, n'attisera plus les jalousies.
Pourtant, tu resteras belle. L'âge ne fera que passer sur toi, j'en suis certaine.

Ah Diane ! La trêve qui semble s'être installée entre Inquisiteurs et Sorcières commence à durer depuis trop longtemps ! Il se trame sans doute quelque chose, mais quoi ? Car lorsque tout reprendra, il ne fera aucun doute que ce sera aussi terrible que la dernière fois...

Je voudrais que tout soit terminé... que Forbach retrouve la couleur que je lui trouvais étant gamine. Nos terrains de jeux, t'en souviens-tu ? Ceux où Père détestait nous voir traîner. J'y suis retournée il y a quelques jours. Ils ne ressemblent plus à mon souvenir. Je ne sais pas ce que j'espérais y trouver. Un goût de mon enfance, certainement, mais avec les années qui passent, la magie se dissipe.

Quand viendras-tu nous rendre visite ? Je sais que Margaux est une femme plutôt capricieuse, tu me le répètes bien souvent dans tes lettres, mais elle devrait bien pouvoir te laisser quelques jours, pour faire le trajet de Gaubiving, et nous rejoindre, au moins pour partager un repas. Père m'inquiète un peu, je crois qu'il a lui aussi besoin de te revoir.

J'attends ta prochaine lettre avec impatience.

Kirea.