La jeune femme est dans la maison familiale. Elle dort depuis toujours dans cette chambre à l’étage. Il est vrai elle n’a jamais beaucoup dormi. Son sommeil est devenu fragile. Depuis, que les toux de son frère l’angoissaient, au point de retenir le baiser de Morphée. Maintenant les nuits sont si calmes. Elles sont beaucoup trop calmes. Laissant tout l’espace à des rêves angoissants.



Juin Nuit chaude, agitée, solitaire, la faune estivale la berce vers...

L’odeur de l’orge me capture les narines. Morbach… c’est l’odeur de Morbach. Je vois le moulin de grand-père, ce grand moulin, qui m’impressionnait toujours. Il n’y a plus les corbeaux, ni les corneilles sur son toit. Il n’y a pas même les maisons pour les mésanges de l’automne. Août n’est pas loin…

Pourtant je ne vois personne. Abandonné. Mais… il est en feu. Un feu de sorcier. Un feu, bleu, comme les saphirs. Il lèche chaque ailes, sans vouloir descendre jusqu’à la porte. Il ne crépite pas. C’est le plus étrange. Il n’y a aucune branche qui craque. Ce n’est pas normal. J’ai envie de reculer.

A quelques pas une silhouette. Maman est agenouillée sur le sol. Sa robe a été salie par les vignes voisines. Elle a les mains jointes comme la Mère Marie. Elle a couvert ses beaux cheveux du voile noir des morts. Je voudrais la rejoindre mais… mes pieds restent fixés.




Elles viennent de partout de l’air, des pierres, les voix du ciel. Je n’ai jamais pus entendre un cœur russe. Il n’y a eu que la douce voix de maman pour me chanter là bas. Sans savoir pourquoi je rejoins le sol moi aussi. Mon corps retrouve posture de pénitence. J’ai de nouveau 15 ans. Je les écoute. Le soleil brille trop pour cet instant de recueillement. Je pense à la maison de grand père Jacques. Je le trouvais beau avec ses yeux si bleus. Les mêmes que ceux de Vera et Violaine…

Une première larme coule le long de ma joue chaude. Elle éclate sur ma robe. Rouge.

-« Тетя!» [tante]

Elles sortent du moulin. Les flammes ne les touchent pas. Toute les deux là. Petites Lune et Soleil, l’une du Nord l’autre du Sud. Vera fille de blé et Violaine fille de neige. Elles étaient si jeunes. A jamais tendres fantômes de leurs cinq ans. Je pleurs plus encore. Un flot que je n’arrête plus.

Michael est juste derrière maintenant. Une main sur chaque épaule… Il me sourit. Moi sa sœur vivante. Mélanie reste son ombre bienfaisante. Mélanie ma sœur de cœur. Toi qui ne faisais qu’obéir à toutes ces lois idiotes de bienséances. Toi qui ne blâmas jamais personne. Tu semble apaisée, ici, de nouveau prés de lui.

Suis-je dans leur monde à eux ? Je n’arrive pas à les regarder en face. Tous. Là. Ils sont trop. Le soleil me brûle et je n’entend plus le chœur.

Papa.

-« Louisa.
Ne leur fait jamais confiance. Jamais.
Les sorcières ne partiront pas.
C’est leur terre Louisa. »

Le moulin cède soudain. Ils ne bougent pas. Tous les cinq, chaire de ma chaire, sang de mon sang. C’est Violaine qui tente de me rassurer. La douce voix de Violaine qui chante presque notre langue.

-« Жизнь будет возвращаться. [la vie reviendra]
Делайте не свободную храбрость. » [ne te décourage pas]