The Witch Slay
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-28%
Le deal à ne pas rater :
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 couverts – L60cm
279.99 € 390.99 €
Voir le deal

Partagez | 
 

 Geisler Mère et Fils

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 20:45

Sébastien Garin déposa lourdement ses affaires sur son lit en soupirant. A trente neuf ans, presque quarante, cela faisait longtemps qu’il ne se considérait plus comme jeune. Cette vie qu’il n’avait jamais aimé lui pesait d’autant plus que les chances d’en sortir devenait mince. Il avait fidèlement servi l’Inquisition durant toutes ces années, nul ne pouvait lui reprocher cela. Il l’avait d’autant plus servi qu’il s’était attelé à l’éradication des sorcières avec une hargne toute personnelle, et semblait il fondée sur rien. Sébastien Garin avait de plus en plus réussi à durcir le ton, pressé d’en finir. Il avait même enfin réussi à reprendre le dessus de la Collégiale, acquérir suffisamment d’autorité, au point où désormais, on pouvait à peu près dire qu’un désastre comme Touchedieu ne pouvait plus arriver de nos jours.

Cette motivation qui animait Sébastien Garin, qu’on ne comprenait pas car il disait lui-même qu’il n’avait jamais souffert des sorcières, il fallait la chercher chez Sarah Geisler.

Les années avaient défilées, chacune plus rapide que la précédente, chacune qui l’éloignait plus de sa véritable identité. Quinze coups de marteaux qui avaient enfoncé Sébastien Garin en elle, la faisant fusionner avec son propre personnage, l’éloignant de plus en plus de ce qui avait été la fiancée de David Noistier. Sarah Geisler n’avait jamais été schyzophrène, elle avait toujours conjugué le verbe « Geisler » au présent, et n’avait jamais fusionné complètement avec un Sébastien Garin complet. C’était d’ailleurs la plus grande faiblesse de sa couverture, car le Sébastien Garin public avait des réactions et des comportements qui n’auraient pas dû se retrouver chez un homme véritable, il n’était qu’une marionnette manipulée par Sarah Geisler. Mais de plus en plus, la marionnette avait pris vie et surtout chair, au point de parfois parler à la place de sa créatrice.

Sébastien Garin était désormais tissé en Sarah Geisler, et elle ne pourrait plus jamais être une femme. C’était ainsi, elle était désormais trop vieille à quasiment quarante ans. Les Sorcières l’avaient privé du retour à la vie civile qu’elle désirait plus que tout après sa vengeance. Elle aurait pu disparaître du jour au lendemain, mais à moins que ses cheveux ne repoussent en une nuit, elle restait trop reconnaissable, il lui aurait fallu un mois pour qu’on ne se pose plus de questions sur son sexe, et elle ne pouvait s’abriter nulle part pendant un mois, à moins de sacrifier son secret. Elle n’avait jamais trouvé l’occasion de redevenir la fiancée de David Noistier, la fille des Geisler.

Et puis, il y avait eu David, qu’elle n’aurait jamais pu cacher pendant tout un mois. Son bébé… non… même plus son bébé. Même plus son enfant. Même plus personne. Il était devenu un adulte, un véritable homme à part. Et en grandissant il s’était éloigné du modèle de David Noistier, auquel Sarah aurait tant voulu qu’il ressemble. Envahie par Sébastien Garin, Sarah Geisler n’avait pu que voir son enfant partir loin d’elle, et partir hors de sa portée, grandir sans aucun contrôle, devenir une forêt vierge.

Etait-elle déçue par son fils ? Quand elle y songeait… elle n’y arrivait pas. C’était son deuxième David, David Geisler, il ne pouvait pas la décevoir, c’était impossible. Il avait réussi à trouver sa voie sans elle, à construire une vie indépendamment, c’était la plus belle chose que pouvait espérer une mère… Et la plus triste. Mais malgré cela, Sarah était fière de son grand fils.

De manière à la fois volontaire et inconsciente, Sarah Geisler avait construit sa seconde vie autour de son fils, avait puisé en David sa raison d’être et de jouer, sa raison de travailler. Elle était tombé amoureuse de ce fils qu’elle voulait détester, et aurait voulu finalement être une mère pour lui. Elle avait échouée, et c’était une des plus grandes déceptions de toute sa vie.

Elle n’avait pas eu des conditions favorables pour être une Mère, elle en pleurait amèrement. Foutu monsieur Garin. Elle aurait voulu pouvoir le serrer dans ses bras tant et plus, jusqu’à ce qu’il geigne, qu’il lui demande de la lâcher, lui donner le sein sans crainte des regards extérieurs, lui donner des frères ou des sœurs pourquoi pas ? Être son rocher lors des tourments de l’adolescence. Mais être Mère était réservée aux femmes, Sébastien Garin avait dû faire semblant de ne s’intéresser qu’à peine à son fils « adoptif », le faire vivre dans le mensonge. Ce n’était certainement pas ce qu’elle avait rêvé pour lui.

De toute façon, le temps avait passé trop vite, maintenant, David Geisler était un homme, plus rien n’était à espérer. Tout était à regretter. Tant pis, il fallait assumer. Assumer l’âge de son fils, assumer son propre âge.

Elle jeta un coup d’œil dans ses appartements. Conformément à ses ordres, les domestiques avaient dressés la table et servi les plats. Ils avaient reçu l’ordre express de ne pas venir pendant le dîner sous aucun prétexte, grave ou pas. Ce soir, comme une fois par mois, elle était Sarah Geisler, le temps d’un dîner. David Geisler venait manger avec sa mère, comme le voulait la décence. Sarah aurait bien voulu le voir manger tous les jours, mais il était farouchement indépendant désormais. Tant pis, elle se contentait de ces trois heures par mois, difficilement, mais cela ne dépendait pas d’elle.

Elle avait envie d’être belle ce soir, d’être pleinement féminine. Pourquoi ne pas mettre une robe ? Pourquoi ne pas se maquiller ? Elle se lança dans tout l’inventaire des coiffures existantes, se demandant laquelle lui conviendrait le mieux. Elle s’enivra tellement de cette idée qu’elle se lança dans des pensées irréalistes, comment David Noistier l’aimait elle ? Avec quelle robe, quelle coiffure ? Il fallait qu’elle se voie.

Et face au miroir, tous ces rêves s’envolèrent face à ces cheveux désespérément courts, face à ces vêtements désespérément masculins. Elle se rappela qu’elle n’avait ni robe, ni maquillage et qu’avec des cheveux pareils, inutile d’espérer pouvoir se coiffer. Elle avait même des rides.

Tu te fais vieille. Et homme.

Tant pis, elle dînerait en pantalon, avec ses cheveux courts, sans maquillage, et sans féminité. Elle se comporterait en femme, cela suffira pour ce soir. Elle se contentait de peu.

La porte s’ouvrit. Sarah se retint de sauter au cou de son fils. Depuis qu’il avait treize ans, il ne supportait plus ca.

« Oh David… »

Rien que ces deux mots transpiraient d’un amour mal contenu.
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 21:35

"Monsieur Geisler. Il est l’heure de vous lever."

La voix du domestique retentissait dans son esprit, comme lointaine et embrumée. David nageait dans les franges cotonneuses du sommeil, dérangé par cette voix délétère qui tentait de l’arracher au si confortable monde des songes. Sourcils froncés, il se tourna de l’autre côté et mit un drap sur sa tête pour se protéger de la lumière qui filtrait légèrement à travers ses paupières closes.

"Réveillez vous, monsieur. Il est bientôt l’heure du dîner avec monsieur votre père."

David grogna et consentit à ouvrir une paupière engluée de sommeil. Il avait du mal à émerger et mit plusieurs secondes à situer l’espace autour de lui; il n’avait même pas compris ni entendu le sens des propos du domestique, sachant seulement que celui-ci venait le réveiller. Enfin il s’assit dans ses draps tièdes et regarda autour de lui, les yeux plissés et les cheveux en bataille. Sa chevelure ressemblait beaucoup à celle de sa génitrice en cela qu’elle était lisse, noire et soyeuse; mais contrairement à elle au saut du lit et dans le vent, des épis se dressaient parfois sur sa tête en lui donnant l’air d’un éternel adolescent débraillé. Il tenta de les discipliner d’un geste distrait puis consentit à quitter le confort de son lit en baillant à s’en décocher la mâchoire.

Le domestique quitta la pièce pour le laisser s’habiller. David s’étira de tout son long, encore fourbu malgré son long sommeil. Il avait dormi presque douze heures d’affilée, épuisé par un voyage dans la région qui l’avait éloigné pendant quelques jours de Forbach. Il ne fallait d’ailleurs pas s’étonner de le voir sortir du lit à une telle heure; depuis son adolescence, le jeune homme menait un train de vie complètement disparate et sans logique. Il dormait quand il avait sommeil, mangeait quand il avait faim, se souciait peu de faire des nuits blanches et n’avait qu’une seule contrainte horaire dans son quotidien: celle de son travail. Et comme celui d’homme de main à la solde de l’Inquisition ne comportait pas un emploi du temps forcément diurne, constant et régulier, le caractère aléatoire de son activité professionnelle lui permettait de poursuivre à loisir son train de vie légèrement dissolu.

Vingt minutes plus tard, il sortit enfin de sa chambre rasé, débarbouillé et habillé; même si dans sa confusion il avait mis ses vêtements sales de l’avant-veille. Son ventre lâcha un gargouillement sonore qu’il ignora avant de se diriger vers les quartiers de sa mère. Vu l’heure, celle-ci devait être rentrée du travail. David frappa à la porte, attendit qu’on lui ouvre, s’aperçut au bout d’une minute que son attente était vaine et actionna de lui-même la poignée. Il n’en voulait pas à sa mère pour ça; elle avait souvent du travail, sans doute de la paperasse administrative à remplir, et il arrivait qu’elle n’entende pas son fils frapper. Lorsqu’il pénétra dans la pièce, le jeune homme eut un temps d’arrêt; Sarah Geisler était devant le miroir et allait vraisemblablement être sur le point de se changer.

"Oups… désolé. ‘Soir M’man" fit-il d’un ton nonchalant, encore enivré dans les derniers vestiges du sommeil. Il avait bien changé, en 15 ans… auparavant, il aurait entendu des remontrances du type « tiens toi droit » ou « articule quand tu parles ». Mais de l’eau avait coulé sous les ponts depuis. Et sa mère aussi avait changé. David lui glissa un regard, et il eut mentalement un air désolé. Elle avait l’air tellement lasse et sèche. Plus que jamais, sa génitrice se renfermait dans une gangue, dans la prison du rôle qu’elle jouait depuis tant d’années. Elle en souffrait visiblement, cela se voyait sur son visage malgré ses traits fermes et déterminés, mais surtout dans la clarté aqueuse de ses prunelles cyanusées. Quel dommage, obliger ce corps à se travestir était un véritable gâchis. Mais ce n’était pas qu’une affaire de physique: son âme aussi souffrait, c’était évident.
Tout ça à cause de qui? Des sorcières, encore et toujours! David sentit monter en lui une flambée de colère. Plus vite seraient exterminées ces filles du diable, mieux le monde s’en porterait! Il se gratta vigoureusement l’arrière du crâne et s’apprêta à quitter la pièce.

"J’ai accepté un petit travail de dernière minute alors je rentrerais tard ce s…" David s’interrompit, conscient de sa bourde avant même d’avoir fini sa phrase. Il venait d’apercevoir la table dressée pour leur tête à tête mensuel. Le dîner! Il l’avait complètement oublié! Les préoccupations du voyage avaient occupé tout son esprit, mais sa mère tenait absolument à ce qu’ils mangent ensemble une fois par mois. Ces rendez-vous privés étaient souvent l’occasion d’avoir un peu d’intimité, de se parler sans crainte des oreilles indiscrètes, et de faire le point sur les différentes activités de l’un ou de l’autre depuis la dernière fois. Malgré leur appartenance commune à l’Inquisition, David ne voyait pas sa mère tous les jours, loin de là. Elle était quasiment à la tête de l’institution et lui n’avait pas encore dépassé le stade larbin, ce qui le conduisait à de fréquents déplacements et des travaux parfois en divergence totale avec les activités habituelles des Inquisiteurs.

"Euh…"
il détourna le regard, ne souhaitant pas affronter celui de sa mère et la déception qui envahirait ses beaux yeux bleutés. Une délicate couleur rosée se peignit sur les joues de David. Il s’en voulait de ruiner les espoirs de sa génitrice. Peut-être y avait-il moyen de concilier dîner et travail… en mangeant vite, ou en arrivant en retard au boulot, qu’importe. Si elle le demandait, il l’exaucerait sans discuter. Même si il évitait de le montrer, David n’était pas qu’un sale garnement ingrat; il était reconnaissant pour tous les sacrifices que sa mère avait fait pour lui et il lui devait bien ça.

"Tu… es en beauté ce soir" fit-il pour dissimuler sa gêne tout en fixant résolument le couvre-lit, sortant la première phrase qui lui passait par la tête. Ses yeux se posèrent sur les vêtements neutres, amples, masculins de Sarah Geisler et il eut un soupir intérieur. Allons bon, la journée ne commençait pas très bien, surtout si il continuait à accumuler les gaffes. Il s’avança de quelques pas et s’assit avec un soupir résigné, saisissant sa fourchette.

"Bon. Qu’est-ce qu’on mange?"
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 21:40

David aurait pu lui faire davantage plaisir, c’était vrai. Il aurait pu faire semblant d’avoir attendu ce tête à tête, aurait pu faire attention à ce qu’il mettait. Sa mère eut l’impression que ce dîner était une formalité barbante pour son pauvre David, mais ce qui pour David était une obligation contraignante n’était pour Sarah la seule occasion de vivre sans son masque, malgré l’amour qu’elle portait à son fils, elle n’était pas capable d’y renoncer. En même temps, si David devait en souffrir… et il avait l’air d’en souffrir dès le départ. Ca assombrit immédiatement ses perspectives de dîner. C’est pas grave, la suite serait mieux.

Du moins elle l’espérait, il venait de sortir un prétexte bidon pour se défiler, du travail à faire soi disant. Cette fois ci, la désapprobation passa dans les yeux lumineux de Sarah Geisler, elle trouva le stratagème vraiment grossier. Non seulement il n’aimait pas sa mère au point de ne pas se soucier de ce tête à tête qui était la seule occasion pour sa mère d’être elle-même, mais en plus il fuyait ! Elle s’apprêta à prendre un ton sévère qu’elle avait appris à prendre au fil du temps, toute prête à lui balancer une pique bien cruelle, qui lui apprendrait à la respecter. Oui c’est ca, il fallait qu’il apprenne à la respecter un peu, elle ne pouvait pas toujours s’aplatir.

Son souffle fut coupé dès le moment où elle vit les joues de David rosir. Il avait honte, il ne s’en était pas rendu compte, il s’était trompé. Sarah poussa un grand soupir de soulagement. C’était juste une erreur, il n’avait pas pensé à mal, c’était un bon fils au fond. Elle fut soulagé, ce n’était qu’un malentendu qu’ils allaient rattraper en passant un bon moment ensemble. Il semblait encore gêné par sa méprise, il lui rappellait David Noistier lorsqu’il était fautif. Enfin, il lui rappelait vaguement.

« Ne t’en fais pas pour ton travail, je crois que je suis encore la plus haute autorité active de l’Inquisition, ils plieront devant mes ordres. »


Un père adoptif pouvait se permettre une telle intervention après tout, c’était dans le domaine du normal. Elle devait sans cesse faire attention à la moindre de ses interventions en faveur de son fils, elle voulait tellement en faire que c’aurait été suspect et David en aurait été la première victime. Mais celle là, elle le ferait volontiers, et le ferait même pour de bon s’il s’agissait de voir David de mère à fils.

De toute façon, il avait envisagé la démarche de lui-même, il venait de renoncer à ce travail inconvenant.

David fut complètement pardonné lorsqu’il la complimenta sur sa beauté. Ce n’était pas vrai, elle le savait, mais ca lui faisait tellement plaisir après tout. Elle avait gardé ses vêtements d’homme, n’avait aucun vêtement de femme, n’avait pas effacé la virilité qu’elle s’était efforcé d’incarner durant la journée de son visage, mais aux yeux d’un homme elle était belle. Que ce soit vrai ou faux, ca n’avait pas d’importance. David était si gentil.

Sarah tout à fait réconciliée se mit en devoir de décrire le menu. Il y avait plus riche, c’était clair, mais par rapport à l’ordinaire de David, Sarah savait que c’était inoui.

« Ce soir c’est spécial : nous avons des petits pois, avec de la cane. Je les ai achetés spécialement pour aujourd’hui. En dessert, sinon, c’est de la faisselle. »

Elle eut presque envie de dire : « désolé » devant ce menu qui lui semblait dérisoire comparé à ce que David lui apportait. Elle aurait volontiers pris la viande la plus coûteuse, les épices d’Orient, mais n’avait pas les moyens d’acheter un dîner pareil. Les petits pois étaient certes un luxe rare en cette époque, mais c’était bien le seul sur cette table : le canard venait du paysan d’à côté, acheté cinq sous tout juste. La faisselle venait du même circuit. Ca paraissait presque pitoyable. Même le vin…

« Ah oui, et de la piquette locale. »

Piquette… Sarah Geisler faisait preuve d’une ironie incisive, mais c’était malheureusement vrai. Elle se sentit tellement honteuse tout d’un coup, elle craignit que ce ne soit pas à la hauteur des attentes de son fils, il méritait tellement mieux.

Elle se senti obligée de dire d’une petite voix

« Je suis désolé c’est tout ce que j’ai »

Un silence de quelques secondes s’écoula, puis Sarah Geisler se racla la gorge pour briser la gêne et dit :

« Tu t’installes ? »

Elle prit elle-même une chaise et s’assit tout juste à la droite de David, à portée de main. Dès qu’elle fut assise, son univers retrouva la normale et elle redevint presque enjouée.

« Alors ? Comment ca se passe en ce moment ? »

Elle posa la question avec un grand sourire.
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 21:41

En levant les yeux, David s’aperçut que sa mère semblait fort mécontente de son comportement. C’était prévisible, hélas, il n’y pouvait pas grand-chose si il passait parfois pour un garnement irrespectueux. C’était ce qu’il était, ni plus ni moins; une âme à prendre avec ses qualités et ses défauts. Pour soulager sa conscience, il se répétait souvent qu’il compensait avec d’autres forces de caractère ; après tout on ne pouvait pas être tout à la fois…
Lorsque sa mère le rassura à propos de son travail, et lui proposa de faire jouer ses relations pour l’exempter d’une éventuelle sanction, David grogna en guise de réponse. Il appréciait l’attention toute maternelle de Sarah Geisler mais souhaitait depuis longtemps déjà éviter ce type de situations: il fallait qu’il fasse son propre chemin sans aide. Si sa mère restait toujours derrière lui à le couver, il ne deviendrait jamais autre chose que « le fils pistonné de Sébastien Garin »… et ça, il ne le voulait à aucun prix. De plus, il fallait que sa mère prenne de la distance vis-à-vis de leur relation. Il n’était plus un enfant et pouvait parfaitement se débrouiller seul. C’est pourquoi il répondit en observant résolument sa fourchette, tâchant de choisir ses mots pour refuser sans la vexer:

"Euh… ça ira merci, je me débrouillerais." David se râcla la gorge, puis fixa la table comme si il la trouvait soudain très intéressante. Sarah Geisler n’était pas faite pour ça. C’était quelqu’un de gentil, d’attentionné, de doux, une vraie mère-poule en réalité; jamais elle n’aurait dû se retrouver dans la peau d’un être qui n’était pas elle, obligée à se forcer toute la journée pour tenter de maîtriser une bande de soudards parfois des plus bestiaux qui soient. Ça le mettait hors de lui qu’une société pareille puisse faire autant de mal à une femme aimante et intègre. Si il avait l’occasion de monter suffisamment en grade un jour, promis, il leur dirait sa façon de penser. Et il commencerait par Louis Institoris, le plus minable d’entre tous.

Il sortit de ses pensées moroses lorsque sa mère entreprit de lui décrire le menu. A part les légumes, ce ne serait pas un festin, mais ce dîner serait somme toute très convenable et il n’avait jamais été difficile. Il savait que sa mère faisait de son mieux. Lors de périodes de crise, assez rares heureusement ces 15 dernières années, ils avaient parfois dû manger ce qui leur tombait sous la main sans faire d’histoires; dans de telles situations, faire la fine bouche était un comble. Même manger des restes n’aurait pas dérangé David qui, gêné, commençait à s’agiter devant l’air de plus en plus dépité de sa mère. Elle semblait en proie à un désolement qui croissait à chaque phrase supplémentaire et s’acheva par des excuses prononcées d’une toute petite voix honteuse.

"Je bouffe avec toi parce que ça me fait plaisir… alors cesse de geindre." Des propos déclamés d’un ton sec et pas très révérencieux: voilà comment on disait « je ne t’en veux pas du tout, ce n’est pas une corvée pour moi, ça me va très bien, ne t’excuse pas » à la mode de David Geisler. Il n’avait jamais été très doué pour exprimer de l’amour ou de la gratitude de manière concise et ne tenait pas à le faire; sortir les violons et les mouchoirs, c’était bon pour les femmes et les enfants. Beaucoup de gens susceptibles avaient souvent pris la mouche devant ce genre de propos et s’étaient mépris sur ses intentions. Mais même en faisait des efforts, David avait le plus grand mal à dire ce genre de choses clairement. Agacé par sa propre incompétence, il fixa la cloche qui lui renvoyait son reflet distordu. Son ventre choisit ce moment précis pour lâcher un gargouillis sonore.

Sarah Geisler s’installa à côté de lui, non en face, comme si ce n’était pas un tête à tête mais bien le dîner d’une mère et de son fils. David aurait préféré qu’elle lui fasse face, comme la vraie femme qu’elle était –ou plutôt qu’elle désirait être. Mais il n’émit aucun commentaire et se contenta de prendre les mains de sa génitrice et de fermer les yeux, impatient de commencer le repas. Il savait que sa mère lui avait donné une éducation chrétienne et souhaitait qu’il s’y conforme. Alors plus vite le benedicite serait récité, plus vite ils pourraient commencer le repas.
David fronça les sourcils, n’ayant pas l’habitude de ce genre d’exercice; par manque de pratique il s’empêtrait toujours dans les paroles rituelles.

"Nous te rendons grâce, Dieu tout-puissant, pour ce repas que tu nous offres… euh, bénie ces petits poids et procure-les aussi aux affamés… hum ça risque pas… Merci pour tous tes bienfaits! Ainsi soit-il!" Sur ces mots, le jeune David Geisler souleva sa cloche et contempla avec satisfaction le canard fumant sur son lit de petit poids. Tout en commençant à manger, il écouta la question de sa mère qui semblait avoir retrouvé sa bonne humeur. ‘’En ce moment’’… il repensa à son voyage dans la région; un travail de convoyeur, effectué pendant semaine et demi avec quelques autres Inquisiteurs et qui les avaient mené jusqu’à Toul. Heureusement, ils avaient eu de bons chevaux, et cela lui avait permis de changer d’horizon sans que l’itinéraire soit trop lointain ou éprouvant. De plus, l’organisation très centralisée de l’Inquisition ne contribuait pas forcément à une diffusion des idées à longue distance de manière exponentielle ou simplement efficace. Alors aller prêcher les mérites d’une telle institution dans les autres Comtés n’était pas forcément mauvais.

"Ça va. Le voyage était crevant mais c’était bien de voir un peu l’extérieur. On a fait un crochet par Metz, et puis on est redescendus vers le sud. A propos, il m’est arrivé un truc bizarre… Pas loin de Nancy, on a été surpris par l’orage et on a dormi dans un monastère. Au petit matin, la Mère Supérieure est venue nous saluer… Elle a eu l’air choqué en me voyant. Je lui ai demandé pourquoi et elle m’a dit que je ressemblais trait pour trait à quelqu’un qu’elle avait connu." David engloutit un morceau de viande, puis prit le temps de mâcher dans le lourd silence de la pièce. Le jeune homme détourna les yeux, regardant dans le vague. Le bruit métallique de ses couverts posés sur le bord de l’assiette résonna sur les murs nus.

"Dis… il ne te manque pas, Papa? Parce que moi…" Il s’interrompit soudain, sourcils froncés, arborant un air obtus.
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 21:50

Les mots de David étaient parfois inadaptés, ses phrases brutales. C’était ainsi, elle n’avait jamais eu l’occasion de lui apprendre à exprimer les sentiments dans les formes. Qu’aurait t’on dit si Sébastien Garin corrigeait son fils sur sa manière de dire « je t’aime » ? Déjà il aurait fallu que David ait l’occasion de le faire en public. Ce n’était pas exactement le cas. De même dans sa manière de formuler les prières, Sarah Geisler en bonne croyante aurait peut être voulu lui apprendre les formes, mais dans les messes, les fidèles ne prient pour ainsi dire jamais… Ils récitent mais ne prient pas.

Au fond c’était sa faute à elle si David ne mettait pas les formes, elle ne les lui avait pas appris.

Qu’il ne sache pas dire « je t’aime » elle n’avait aucun problème avec, elle savait très bien dans son cœur de mère que s’il ne savait pas le dire, il l’aimait comme même. Mais qu’il ne sache pas prier, c’était plus problématique. Elevée dans une famille catholique, fiancée à un pasteur, elle avait été très influencée par le protestantisme, et tenait beaucoup plus à la prière personnelle qu’une bonne catholique ne le devait. Tant que David serait cavalier avec Dieu, il y avait de fortes chances que sa relation avec Lui soit pauvre…

C’étaient des problèmes qui ne devaient pas être évoqués autour de cette table, qui ne la concernait qu’elle, David n’avait plus l’âge qu’on lui dise quoi penser ou croire.

Dieu reconnaîtra la foi de David comme je reconnais son amour

Elle préféra servir son fils et l’écouter raconter son voyage. Qu’avait il fait lors de cette semaine passée ? Qu’avait il vu, fait, dit ? N’avait il pas souffert de rien ? Cela ne faisait que deux ans que David était réellement indépendant, mais aux yeux de la loi, il n’avait pas encore 21 ans, il n’était pas encore majeur, et jusque là, Sarah Geisler y trouvait le prétexte pour être inquisitrice au possible, tout en tentant de se réfréner, de respecter l’intimité de David. Une intimité qui n’avait pas de secrets pour elle malgré tout.

Elle écouta avec attention ce que dit David, d’abord le sourire aux lèvres, puis lorsqu’il dit qu’il était passé près de Nancy, elle cessa de sourire. Lorsqu’il dit qu’ils s’étaient arrêtés dans un monastère pas loin pour la nuit, elle pâlit. Lorsqu’elle sut que la Mère Supérieur avait cru reconnaître quelqu’un sur les traits de David, elle fut incapable de tenir ses couverts, ils tombèrent avec bruit sur l’assiette.

Elle dissimula son trouble en se cachant derrière sa serviette pour faire semblant de s’essuyer la bouche. Elle conserva un peu de temps la serviette appliquée sur sa bouche. Assez de temps pour entendre venir la suite. Ce fut un deuxième choc douloureux.

Le Monastère de Calis… et il se repose des questions sur son père à présent…

Il était facile de détourner le sujet du Monastère de Calis, ca n’était qu’une simple coincidence, elle n’était même pas sûre que c’était ce monastère là. Le visage de la Mère Supérieur, à la fois austère et humaine, lui revint en tête. Jusqu’à quel point pouvait-elle avoir vieilli ? Cela faisait vingt ans qu’elles s’étaient rencontrées… Et la Supérieure aurait reconnu sur le visage de son fils son visage à elle. Cela n’était guère étonnant, Sarah avait toujours été frappé par la ressemblance terrible entre elle et son fils, aurait-ce été la même chose avec David Noistier ?

Avec son père…

« Oui, bien sûr que ton père me manque… bien sûr »

Elle avait raconté des mensonges à tout le monde, et elle en avait raconté encore d’autres à David sur son père. David Geisler ignorait jusqu’à l’existence même du Frère Francois. Elle ne s’était jamais résolue à le lui dire.

Elle lui avait dit que son père était David Noistier, un pasteur avec lequel il s’était fiancé. Ils n’avaient pas attendu le mariage pour s’aimer, Sarah était tombée enceinte, mais les préparatifs du mariage étaient suffisamment engagés pour que l’on puisse dissimuler cet état. Mais être protestant était un crime, David Noistier avait été victime de la haine d’un prêtre, il avait été accusé injustement d’un crime de droit commun qu’il n’avait pas accompli et son fiancé s’était retrouvé au bagne. Il y était mort. Elle avait accouché et juré de se venger du prêtre. Elle était allé jusqu’à entrer dans l’inquisition, pour accuser ce prêtre…

Les meilleurs mensonges sont ceux qui comportent une part de vérité, et celui-ci en contenait beaucoup. Il en était d’autant plus amer. A chaque fois qu’elle le répétait, elle avait l’impression de marcher sur la tombe de son fiancé. Et le raconter à son propre fils en plus, le seul à qui elle pouvait dire la Vérité théoriquement. Mais cette vérité là était trop dure à avouer, trop dure à raconter et revivre. Elle ne pouvait la raconter à David, non pas qu’il ne supporterait pas l’histoire, mais ce serait elle qui ne supporterait pas de la raconter.

« Je comprends qu’il te manque aussi… Il était si gentil… tu l'aurais beaucoup aimé j'en suis sûre… »

Elle s’arrêta net. Si elle se lançait dans l’exposé de toutes les qualités de David Noistier, elle en aurait pour des heures et instaurerait une gêne avec David Geisler. Elle l’avait tellement bassiné avec ce père qu’il n’avait pas au cours de ces années, c’en était devenu difficile. David Noistier était auréolé de sainteté, avait le statut d’une icône à cause de sa mort. Les morts n’ont jamais de défauts, on ne se souvient que de leurs qualités.

Si elle avait vécu avec lui, elle se serait rendu compte que son mari aurait été pompeux et moraliste, du genre à étaler sa culture et à faire la leçon sans avoir aucune autorité. Il aurait fait pression pour avoir autant d’enfants que de tribus en Israël, et aurait ensuite laissé Sarah gérer les douzes marmots et exigé d'être tranquille pour « communier avec Dieu ».

A côté de ca, son fils était d’une spontanéité rafraichissante. Mais comment s’en rendre compte lorsqu’elle n’avait vu que le meilleur côté de cet homme ?

Elle pensait trop aux morts, David Noistier et le Frère Francois, et pas assez aux vivants: son Fils. Elle lui dit sur un ton d'excuses:

"Il aurait été fier de toi c'est net."

Non, elle ne lui parlerait pas plus de son père, elle n’en était pas capable. Pas aujourd’hui.

« Dis moi, ce monastère dans lequel tu t’es arrêté lors de ton voyage, comment s’appelait il ? La Mère Supérieur t’a donné des détails sur cette ressemblance ? »

Pourvu que ce ne soit pas le Monastère de Calis, pourvu qu’elle ne lui ait rien dit.

C’était une autre porte sur son passé, mais Sarah préférait encore la peste au choléra.
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 6 Sep 2010 - 22:52

Un lourd silence s’était installé dans la pièce, et l’on entendait guère au-dehors que le faible mugissement du vent en cette soirée automnale. Perdu dans ses pensées qui divaguaient encore et toujours vers son si mystérieux géniteur, David fixait résolument son assiette et ne remarqua donc pas le trouble qui envahissait le visage de sa mère quand il lui raconta son voyage. En revanche, il sursauta et quitta brutalement ses songes quand résonna le bruit métallique des couverts qui tombent avec fracas; c’était comme le coup de tonnerre qui lui indiquait que son pressentiment était juste, qu’il avait eu raison de parler de cela à Sarah Geisler, que cette ressemblance qu’avait vu en lui la Mère Supérieure n’était pas qu’une coïncidence… De toute façon, il n’aurait probablement pas pu garder cela pour lui-même. Même si elles ne signifiaient sans doute rien, il devait faire part de ses inquiétudes et de ses doutes à sa mère; mais toujours de façon insidieuse, sans le lui dire explicitement, sans lui montrer qu’il nageait dans la confusion. Si elle le voyait septique et vulnérable, nul doute qu’elle se ferait encore plus de souci de qu’habitude…

Lorsque Sarah Geisler reprit la parole, David trouva que sa voix tremblait un peu. Elle semblait aussi très mélancolique à l’idée d’évoquer ces souvenirs. Il s’en voulait de lui faire vivre de tels moments pénibles, mais il devait savoir. Savoir si cette ressemblance n’était qu’un pur hasard fortuit. Savoir si les soupçons qui se cachaient derrière cette affirmation n’étaient rien de plus que des superstitions chimériques… Oui, il aurait sans doute beaucoup aimé son père si il l’avait connu, et c’était bien là le problème. En conséquence aux nombreux récits et descriptions qu’avait fait de lui Sarah Geisler, David avait fini par se l’imaginer comme un homme admirable, juste et bon, loyal et courageux, en même temps protecteur et doté d’un grand sens de la justice. Quelqu’un de parfait, et il continuait encore à le croire à l’heure actuelle… c’est pourquoi il ne voulait pas que ses doutes viennent tout gâcher. Quand il était plus jeune, ses pairs en bas âge lui avaient souvent rappelé, avec la cruauté toute innocente qui est celle des enfants, qu’un homme parfait n’existait pas, et que cette volonté de canoniser David Noistier n’était au final qu’un voile destiné à masquer une réalité viciée. Tous ceux qui avaient prétendu cela s’étaient retrouvés le lendemain avec un œil au beurre noir. Mais à présent, David devait admettre que ces attaques verbales l’avaient plus marqué qu’il ne voulait bien l’admettre.

La suite du dialogue fut encore pire. Si Sarah Geisler se sentait mal-à-l’aise et en proie au regret ainsi qu’à la mélancolie, David lui, sentait également un goût amer envahir sa bouche, malgré la saveur délicieuse du plat qu’ils dégustaient. Mais l’appétit s’était envolé, il avait la gorge serrée. Il pensait que sa mère aurait évité le sujet pour ne pas tomber dans le moindre écueil d’un terrain glissant. Mais au contraire, elle lui demandait des précisions, l’air de ne pas y toucher. Cela prouvait-il son innocence? Il l’espérait vraiment. Le jeune homme répondit, la bouche sèche:

"Je ne sais plus… il avait un nom de pucelle… Clarisse, je crois… Ou Cassile… " A vrai dire sur le moment, il se fichait du nom du Monastère comme de l’an quarante. Ce n’était pas là, le véritable intérêt de la conversation. Abandonnant momentanément toute tentative de poursuivre son repas, et constatant que sa mère avait d’ailleurs fait de même, David reposa ses couverts et se tourna vers Sarah Geisler pour répondre à sa seconde question.

"Oui, elle m’en a donné… enfin… elle n’a rien voulu me dire, mais j’ai insisté, parce que… " Il s’interrompit de nouveau, ne sachant trop comment formuler sa phrase. Si il disait « j’ai insisté parce que j’ai cru qu’elle parlait de toi », autant mettre tout de suite les pieds dans le plat… Et il n’était pas non plus judicieux d’avouer qu’il avait insisté de façon menaçante, car la religieuse avait vraiment tenu à se taire. Ne trouvant pas de solution pour terminer ses propos, il occulta simplement le reste de la phrase.

"Elle m’a dit que… que la personne qui me ressemblait était venue ce soir là car elle était dans un état désespéré… elle était enceinte et avait fugué pour accoucher car un homme l’avait v… " Incapable de prononcer le mot fatidique, David s’interrompit encore une fois, tentant de déglutir; mais il avait la bouche complètement sèche et avala de travers, les larmes aux yeux. Ce qui c’était passé ce soir là, ce soir d’orage humide et sombre, il ne pouvait plus le garder pour lui, ou plutôt il ne pouvait plus rester dans l’ignorance. La Mère Supérieure lui avait conté ce récit avec épouvante, comme si elle trahissait le secret des origines du monde. Celui d’une femme violée par un homme sans vergogne, contrainte de s’enfuir de chez elle pour accoucher dans la douleur de l’enfant d’un étranger… Il n’y avait qu’une seule, une seule personne à laquelle David ressemblait physiquement plus que quiconque: sa mère. Si cette histoire était la sienne, il devait savoir. Mais il savait aussi que si elle s’avérait vrai, il en sortirait brisé.

"M’man… " fit-il le cœur battant et, cédant à une impulsion il l’enlaça, comme un enfant apeuré s’accroche aux jupons de sa mère. Il ne pouvait se résoudre à voir son visage se décomposer au fur et à mesure qu’il parlait. D’ailleurs, lui-même n’en pouvait plus de cette tension. Le moment était venu d’y mettre un terme, d’une façon ou d’une autre, pour le meilleur ou le pire. Il n’avait besoin que d’une seule chose: la parole de Sarah Geisler. Quoi qu’elle lui dirait, il lui ferait confiance. C’était sa mère après tout…

"Dis-le moi… juste une fois… Dis-moi que tu n’es pas cette personne, et je te croirais… "
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMar 7 Sep 2010 - 19:10

Sarah Geisler regretta au fur et à mesure le fait de s’être engagé sur ce chemin là. Finalement, on revenait à cette question de la paternité, quoi qu’elle fasse. Elle pensait qu’il avait vaincu cette question à son adolescence, mais elle était trop profondément enfouie en lui pour qu’il l’oublie, cette même question faisait partie de son identité. Il était le fils de l’un, avait été élevé comme le fils de l’autre, et il se sentait déchiré à un endroit.

Elle eut un moment envie d’en vouloir à la Supérieure. Elle avait trahi des secrets qui auraient dû rester inconnus. En même temps, n’avait elle pas elle-même trahi la Supérieure en quittant le monastère comme un voleur ? Et vu l’intérêt que portait David à cette question, il avait dû insister auprès d’elle… S’il fallait chercher un coupable à l’affaire, ils l’étaient tous : David pour avoir insister, la Supérieur pour y avoir cédé, et Sarah pour avoir caché la vérité.

Et maintenant, Sarah devait départager qui du Frère Francois ou de David Noistier était le plus digne d’être le géniteur de son fils. David Noistier avait la faveur de Sarah et des souvenirs de fiançailles abrégées, mais le Frère Francois avait la vérité de son côté.

Sarah Geisler songea néanmoins que c’était le moment ou jamais de pouvoir tout avouer à au moins une personne dans sa vie, de pouvoir enfin partager complètement tous les moments qu’elle avait passé dans la vie d’un Sébastien Garin dont elle était fatiguée, du pourquoi du comment, et pouvoir avouer à David toute la profondeur de son amour pour lui. Elle l’avait aimé comme une mère, mais même une mère n’est pas forcée d’aimer le fruit d’un crime. Elle avait fait ce choix là, et était fière à présent de l’avoir fait.

Tout cela, elle pourrait le dire à son fils. Se libérer enfin le cœur. Il était un homme à présent, il comprendrait, ou au moins aurait suffisamment de compassion pour se taire. Il comprendrait toute l’étendue du sacrifice de sa mère, mais il s’apercevrait également que David Noistier n’avait rien à voir avec lui. Il s’apercevrait que la vengeance de Sarah Geisler avait été purement égoiste. Il s’apercevrait qu’elle lui avait menti sans raison pendant vingt ans. C’est long vingt ans.

Cette solution était quand même la plus séduisante, et Sarah était en train de chercher ses mots pour lui dire que la Supérieure avait raison, mais David eut une réaction qu’elle n’attendait plus d’un jeune homme de son âge. Cela faisait combien de temps qu’il n’avait plus cherché ses bras ? Combien de temps qu’il exigeait d’elle une certaine tenue ? Il était là, à chercher du réconfort et du secours auprès d’elle, et tremblait à l’idée qu’il puisse être issu d’une histoire aussi sordide.

Sarah se rendit compte de toute l’étendue des dégâts qu’engendrerait une réponse négative de sa part. Lorsqu’on vous a dit que vous êtes l’enfant d’un homme doux et bon, et que vous vous apercevez que vous êtes le fils d’une bête, comment peut-on bien le prendre? Comment se regarder dans la glace en sachant que vous êtes le fils d’un criminel ? Que peut-on ressentir lorsqu’on sait qu’on a été le châtiment de sa mère, que c’est de sa faute à soi si sa mère avait suivi cette voie là qui l’avait mené ici… En plus, David avait inscrit dans son caractère une certaine brusquerie, une violence involontaire dans ses propos, s’il savait que ca venait peut être de son véritable père alors il deviendrait muet.

La vérité détruirait David. Il se verrait comme le châtiment de sa mère alors que c’était faux.

David était la plus belle chose dans la vie de Sarah Geisler, mais comment l’en convaincre si on lui apprenait la vérité ?

Sarah serra avec force la tête contre sa poitrine. Déchirée entre son désir de se décharger le cœur, et son désir de protéger son fils, elle avait énormément de mal à choisir. Il s’agissait de la condamner elle ou son fils, le choix n’était pas simple à la base. Un mouvement de colère partit de ses entrailles contre cette situation profondément injuste.

David n’appartient rien qu’à moi, à personne d’autre. C’est MON fils avant d’être celui d’un autre

Qui avait nourri David Geisler durant toutes ces années ? Lorsque David son fils était encore un nourisson, qu’il fallait lui donner le sein, et que sa mère ne pouvait pas abandonner son déguisement le temps de le nourrir, l’enfant n’avait pas de père pour aider Sarah. Lorsque David avait fait ses premiers pas, celle qui l’avait rattrapé au bout de quatre pas douloureux et ivres, c’était elle, pas Noistier ou le moine. Lorsque David avait fait ses premiers cauchemars, ce n’était pas un père viril qui l’avait rassuré. Lorsque son fils avait commencé à s’intéresser aux filles, Sarah avait dû endosser le rôle du père pour lui expliquer la vie à la place d’un autre. Toutes les fois où il avait eu besoin d’un parent, c’était une mère qu’il avait eu.

En plus il portait le nom de Geisler, ce n’était pas un hasard.

Sarah Geisler trouva enfin les mots. Elle embrassa les cheveux de son fils et lui dit :

« Tu es mon fils, avant tout autre. Tu t’appelles Geisler, et un jour tu pourras aller dire à Metz qui tu es sans rougir. »

Elle écarta sa tête de son sein pour qu’ils puissent se relever tous les deux. Il était plus grand qu’elle depuis cinq ans maintenant, mais c’était toujours aussi bizarre. Un jour, il avait tenu dans ses avant-bras. Aujourd’hui, elle pouvait juste l’encercler de ses bras.

« Cependant s’il te faut le nom de ton géniteur… s’il te le faut absolument… tu peux te dire… »

Les larmes lui vinrent aux yeux et une boule lui empêchait de finir sa phrase. Elle tenait en quelques mots, mais son cœur faisait un boycott.

« Que je ne suis pas cette femme. »

Elle s’était souvent reniée, mais jamais elle ne l’avait dit aussi clairement. Elle essayait en vain de se rendre compte de toute l’étendue du sacrifice en se répétant cette phrase :

« Je ne suis pas cette femme. »

Le jour elle n’était déjà pas femme, la nuit elle n’était plus cette femme.

« Serre moi dans tes bras. Fort. »

Les larmes flouaient sa vision. Il lui fallait se raccrocher à quelque chose.
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMar 7 Sep 2010 - 23:26

Sentant contre sa joue les cheveux lisses et soyeux de sa mère, David observait fixement le mur d’en face, attendant les tripes nouées aussi bien par l’angoisse de connaître la vérité que par celle de la situation dans laquelle il s’était mise. Depuis son adolescence, sa prise d’indépendance l’avait peu à peu éloigné des bras de sa mère, des embrassades et du réconfort prodigué par celle-ci, des démonstrations d’affection qu’elle aimait faire lorsqu’ils étaient en privé. Etant un gamin plutôt trouillard, il avait passé des années accrochés aux jupons de sa mère avant d’enfin mûrir et trouver une totale autonomie affective. Par conséquent, il réalisait avec horreur le spectacle qu’il était en train d’offrir à Sarah Geisler: depuis environ une dizaine d’années il pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où celle-ci l’avait vu dans un tel état de bouleversement. Apparaître ainsi fragile et démuni, les yeux brouillés par des esquisses de larmes naissantes, le mettait dans un tel état de honte qu’il était heureux de ne pas avoir à soutenir le regard de sa génitrice. Le jeune homme avait les effusions en horreur. Un beau rouge tomate avait d’ailleurs envahi ses joues tandis qu’il attendait que le verdict tombe comme un couperet.
Il ne savait même pas comment il réagirait si elle lui apprenait qu’il était le fruit d’un viol. Sans doute ne supporterait-il plus son image dans le miroir… et encore moins celle de ses prunelles fuligineuses, tellement antithétiques du bleu glacé du regard maternel, seule caractéristique physique qu’il n’avait pas hérité d’elle. Ses yeux ne seraient donc plus l’héritage de David Noistier mais celui d’un violeur, un homme d’une bassesse et d’une bestialité sans nom, lui inspirant un tel dégoût qu’il finirait invariablement par lui renvoyer l’horreur de son propre reflet… jusqu’à ce que David se persuade qu’il ne valait vraiment pas mieux que lui. Oui, il se haïrait sans doute; et Sarah Geisler? Lui en voudrait-il également? Cela voudrait dire qu’elle lui aurait menti pendant toutes ces années. Menti sur eux, leur histoire et leur origine.

Son monde s’écroulerait, comme il s’était écroulé lorsqu’il avait appris que Manon était une sorcière.
Il ne supporterait pas deux fois une telle désillusion.

"Ha…" laissa-t-il échapper dans un souffle quand finalement, sa mère finit par lui dire qu’elle n’était pas l’héroïne du scénario sordide raconté par la religieuse. Un poids énorme s’envola de sa poitrine tandis que paradoxalement, son cœur se serrait comme jamais tandis qu’il soutenait le regard de sa mère. Elle n’était pas cette femme! Le soulagement de David était si grand qu’il fut sur le point de verser une larme. Mais comme il n’était pas du genre à jouer les violons, il ravala sa sensiblerie naïve et se concentra sur l’instant présent. Des doutes. Des doutes pouvaient subsister. Si il avait été un sceptique de nature, il n’aurait pas manqué de mettre le doigt sur les failles du raisonnement: pourquoi Sarah Geisler avait-elle mis tant de temps pour lui donner une réponse pourtant si facile? Quelle était alors l’identité de la femme avec laquelle la Supérieure du monastère avait trouvé une ressemblance? Mais David n’était pas comme ça. Il l’avait dit: elle était sa mère et il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle ne voulait que son bien. Alors quelle que soit sa réponse, surtout si elle était dite ainsi les yeux dans les yeux, il la croyait, puisqu’elle semblait nécessairement vraie.

"Ha bon… alors… tant mieux…"
souffla-t-il en accédant à la demande de sa génitrice, la serrant dans ses bras une nouvelle fois. Son père était donc bien son père… il avait gardé secrète cette conviction au fond de son cœur pendant tout ce temps, tandis qu’elle vacillait telle une flamme sous les assauts répétés des doutes, du temps et de la réalité. Cela faisait du bien de se la voir confirmer une fois encore. Petit, David avait souvent imaginé que David Noistier, auréolé de son charisme héroïque, réapparaîtrait du néant pour revenir vivre avec eux, avec son fils adoré et sa femme épanouie, souriante, féminine. Une scène d’une telle mièvrerie qu’elle avait fini par le dégoûter de ses propres fantasmes. Une famille unie et conventionnelle? Mais oui, c’était beau de rêver… il avait dû vraiment être désespéré pour s’imaginer de pareilles choses. Cela n’avait rien, mais strictement rien à voir avec son véritable quotidien. Depuis sa plus tendre enfance, c’était Sarah Geisler et uniquement elle qui jouait le rôle des deux parents de façon ambivalente et ce, malgré ses activités professionnelles. Etant gosse puis adolescent il assumait plutôt mal cette réalité, jusqu’à ce qu’il trouve un exutoire en reportant sa frustration et sa colère sur les Sorcières. Car oui, tout était de leur faute, pas de celle de sa mère. Elle avait raison depuis le début: il était son fils avant d’être celui d’un autre. Elle l’avait nourri, élevé, vêtu, payé une éducation. Elle s’était occupée à le consoler lorsqu’il rentrait triste et sale de ses vadrouilles dans les rues de Forbach. Toutes les fois où, gamin, il s’était senti menacé, il était allé trouvé sa mère pour se rassurer. C’était elle encore qui avait retenu ses cheveux en arrière lorsque, rentrant affamé de ses premiers boulots, il bâfrait sans élégance… elle qui l’avait fait rentrer dans l’Inquisition avant même qu’il n’ait l’âge requis… Il lui devait tout, tout simplement.
Une haine telle qu’il n’en avait plus connue depuis des lustres lui étreignit violemment l’estomac. Sarah Geisler avait sacrifié sa vie de femme pour faire justice et venger son père. C’était admirable en soi et à présent, elle était bloquée dans cette situation d’imposture à cause des Sorcières de Forbach! Il se leva brusquement, heurtant la table au passage tandis que les couverts tintaient avec un bruit métallique; ses mâchoires et ses poings étaient contractés sous le coup de la fureur. Quelle injustice! Il n’avait plus qu’une envie: leur faire sortir la rate par les trous de nez. Leur faire exploser la cervelle.

"T’avais pas à supporter tout ça" grommela-t-il, "t’avais pas à assumer tout ça… tout est de la faute de ces foutues putes maléfiques! Mais ça va changer, je te le promets. Dieu m’en soit témoin, je vais tout faire pour que ça change. Tu entends? Je te le jure, d’accord? Je mettrais la main dessus et je leur arracherais les yeux à mains nues! Pourquoi il a fallu que ça se passe comme ça!" Son cri se répercuta dans la pièce tandis qu’il abattait avec force son poing sur la table. Puis il empoigna Sarah Geisler, une main sur chaque épaule. Tout à son ire, il n’avait pas vu l’air extrêmement peiné qu’elle arborait lorsqu’elle avait prononcé son verdict. Mais à présent, il voyait bien que ses yeux étaient baignés de larmes qui ne demandaient qu’à couler et que ses lèvres pincées étaient le signe d’une grande tristesse. Pfff… quelle injustice. Cela le mettait hors de lui que quelque chose, quoi que ce soit, puisse rendre aussi triste une femme aimante et honnête. Elle n’avait pas dû avoir beaucoup de moments de joie, dans son existence si dure et bizarre et si lourde. Mais dorénavant, tout irait mieux. Il y veillerait.

"Pardon. De t’avoir fait remuer des souvenirs pénibles. Mais ça va changer, laisse-moi prendre les choses en main! Et si l’heure était venue de dévoiler la vérité? Tu n’as plus besoin de te cacher, ou de continuer à être au service de Louis Institoris. Je m’en chargerais, d’accord? Laisse-moi faire et prends enfin le temps de vivre."
Sous ses mèches de jais, le regard sombre de David s’était fait furieux et déterminé, impérieux et colérique. Maintenant qu’il était suffisamment âgé, c’était lui, l’homme de la maison. Plus besoin de le traiter comme un gamin. En outre, il voulait effacer de sa mémoire cette scène si gênante où il s’était accroché à sa mère comme un gosse. Si il ne lui montrait pas qu’il pouvait être indépendant, jamais elle ne lui ferait confiance pour une chose aussi importante que le laisser mener sa route au sein de l’Inquisition…
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMer 8 Sep 2010 - 19:41

Son fils la croyait, c’était tout ce qui devait compter. Un jour il devinerait la vérité, peut être même l’avait-t-il déjà deviné mais ne l’avait pas accepté, peu importe : elle espérait que le jour où il fonderait sa propre famille, jour qui devenait de plus en plus concret, il colporterait le pieux mensonge à ses descendants tout en gardant pour sa mère un souvenir ému. En une génération, deux maximum, on ne songerait même plus à une histoire quelconque de viol, et le souvenir du Frère François disparaîtrait comme brume au matin, ce qui était la plus belle vengeance dont on pouvait rêver. En même temps, Sarah Geisler eut une boule à l’estomac : à présent qu’elle avait instauré ce mensonge chez son fils et lui avoir dit que c’était la véritable version, ce n’était pas que David qui ignorerait tous ses sacrifices : ce serait tous les petits enfants, descendants à venir.

Dans deux générations, le souvenir de la Grand-mère Sarah serait déformé à l’extrême et personne n’aurait conscience de son courage et de sa force. Tant pis, ce n’était pas le pire qu’elle avait sacrifié jusqu’ici.

Avant de se préoccuper de générations à venir, il fallait qu’elle soigne celle-ci, pour que David ne rate pas son départ dans la vie. Et le problème, c’est que son fils était affublé d’une fâcheuse tendance à foncer dans le mur, depuis son adolescence. David pouvait être borné, intempérant, il réfléchissait au rythme de ses artères, tant de choses dont Sarah était sûre qu’elles ne venaient pas d’elle. Mais il y avait une chose dont David n’avait jamais fait preuve : c’était la méchanceté. David était encore un ange à ses yeux.

Mais l’explosion de colère qu’elle eut à peine le temps de sentir et qui sortait d’elle ne savait où la choqua : non, ce genre d’explosion ne portait pas la marque des Geisler, les grands-parents de David avaient toujours été plus terre-à-terre qu’emportés, David ne pouvait hériter que d’une personne en ce domaine : le Moine Haïssable. C’est pourquoi Sarah n’apprécia pas la forme que prenait l’amour de son fils, qui s’il exprimait des sentiments nobles, les exprimaient d’une façon barbare et qui n’était pas digne de lui. Il parlait de violences et de tortures, il voulait faire couler le sang d’une horrible façon. David en cet instant lui rappelait beaucoup trop l’image démoniaque qu’elle avait gardé de son tortionnaire.

Et le pire, c’est qu’il le faisait dans des intentions qui elles étaient pures et nobles : il faisait corps et âme à sa cause, et il souhaitait autant qu’elle que sa mère redevienne une femme, comment lui en vouloir ? Pourquoi ne pas se laisser faire ? Parce que la violence et la rancœur qui dormait en lui était une arme dont il serait la première victime, et surtout parce que ce n’était pas ainsi qu’il allait soumettre Forbach. Le marché passé avec Europe il y a quinze ans était toujours valide, bien que peu respecté : Sébastien Garin devait museler ses troupes autant que possible. Devoir museler son David était cependant de plus en plus difficile, mais restait nécessaire.

Il fallait le recadrer, qu’il se rende compte de sa folie, ou du moins qu’il ne tente pas d’appliquer sa manière. La violence, encore et toujours comme ce jour particulier, il y avait quinze ans, où cette fois, il s’agissait d’un vieux chêne et non d’un jeune loup… La parole, le regard de Sarah Geisler devint dur alors qu’elle dit :

« Du calme David, je ne veux pas te voir hausser le ton ! Je ne veux pas te voir parler de faire couler le sang ! Des massacres, Forbach en a déjà eu, et les Sorcières s’en sont toujours sorties aussi fortes qu’avant. Et pourtant, le sang et les tripes, je t’assure qu’on a déjà essayé. Il y a quinze ans, lorsque toi tu avais cinq ans, il y avait un inquisiteur qui était un champion de la méthode forte : te souviens tu de Gabriel Touchedieu, le Gourdin ? Le vieux barbu aux cheveux blancs qui m’insultait dans mon propre bureau, qui t’avait une fois envoyé valsé à coup de pieds ?

Lorsque j’ai enquêté sur son passé pour comprendre sa personnalité, j’ai découvert que c’était un ancien bandit, un brigand de grand chemin, un de ces rats qui pourrissaient le monde. Comme toi, il parlait d’arracher les yeux à mains nues, de s’imposer par le fer et le feu. Il a certes eu plus de succès que la moyenne, mais te souviens tu comment il a fini ?

Il a fini pendu comme le criminel qu’il était, et je ne veux pas que tu subisses le même sort.

David, ne rêve pas trop à l’action et aux plans audacieux : l’Inquisition à Forbach y a déjà eu recours en d’autres temps, et nous nous sommes englués dans le sang. »


Après avoir dit ca, elle se radoucit et se fit tendre, pour compenser le fait de l’avoir bousculé :

« Je sais que tu ne songes qu’à faire le bien, mais prends garde : lorsqu’on fait le mal pour accomplir quelque chose de bien, on fait le mal. Et tant qu’il en sera ainsi, j’hésiterai à te laisser la bride sur le cou. Comment crois tu que je vivrai le fait d’avoir à organiser ton exécution ? Que crois tu que je vais ressentir lorsque ton corps se balancera entre ciel et terre ? Mon David, je sais que tu es grand, et je sais aussi que je suis parfois une mère trop étouffante…. »

Et encore, elle aurait voulu l’étouffer encore plus, sa voix trembla légèrement sous le coup de l’émotion :

« … mais ne joue pas aux héros. Nous ne sommes pas dans une époque héroïque. »
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMer 8 Sep 2010 - 20:46

Tout à sa colère, David ne remarqua pas que ses propos furieux et crus avaient choqué Sarah Geisler, ni les doutes auxquels celle-ci était en proie; il laissait au contraire ses sentiments bouillonner en un magma confus, se détachant de la réalité, vitupérant toujours intérieurement contre les Sorcières. Il lui arrivait souvent de se perdre ainsi lui-même dans ses humeurs absconses, oubliant momentanément tout ce qui l’entourait. Si bien qu’il eut peine à redescendre sur terre lorsque sa mère reprit la parole, pour lui servir un discours étonnement sévère; cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas entendue s’exprimer de cette façon. De manière générale, Sarah Geisler préférait la thérapie des mots aux fessées; même sans ça, elle se comportait tellement en mère poule avec lui qu’il n’avait pas eu souvent l’occasion de subir de grandes colères tempétueuses, à l’instar de ses pairs. Quand il était encore enfant, il entendait souvent les autres dires qu’ils se prendraient une raclée par leurs parents; David lui, se sentait totalement étranger à ce phénomène. Bien sûr, il lui était rarement arrivé de se comporter de manière aussi répréhensible; généralement ses actions stagnaient à l’étape de l’ubuesque sans accéder à celle du danger. Aussi fut-il surpris par le ton sec de sa génitrice, qui lui intima de la retenue et du pacifisme.

Il aurait pu répondre « oui, chef », se conformer bien sagement aux désirs maternels et rester dans l’ambiance « on s’aime et on est gentils ». Il aurait pu, mais il n’était pas comme ça. David était un gamin impertinent en plus d’être un gamin aimant. Un jeune homme pas encore tout à fait sorti de la crise d’adolescence. C’est pourquoi il croisa les bras et toisa sa mère en répondant d’un ton caustique:

"Et qu’est-ce que tu vas faire, maman? M’envoyer au lit sans dessert?" C’était la première effronterie de la soirée, mais de manière générale ce genre de commentaires insolents n’était pas si rare. Entendre sa mère prêcher la méthode douce était un discours qu’il connaissait assez bien, et tout le paradoxe était là: elle était sous-chef de l’Inquisition mais faisait tout pour museler ses troupes. Ce détail, il ne l’avait jamais compris et ne le comprenait toujours pas; il y avait anguille sous roche, c’était sûr. Quelque chose qu’elle ne lui disait pas. C’était moins ses facultés intellectuelles que son instinct qui, dans ces moments-là, le mettait sur la piste.
David laissa échapper un soupir frustré, qui fit voleter les mèches de cheveux ténébreux lui tombant dans les yeux.

"Si tu savais…" murmura-t-il en regardant dans le vague. Bien sûr, il se rappelait Gabriel Touchedieu, le Gourdin. Ses souvenirs visuels ne lui laissaient que l’empreinte un peu floue d’un vieillard brutal et sombrant peu à peu dans la sénescence; mais dieu, qu’il s’était rendu célèbre! C’était un homme dangereux, immoral et incontrôlable, mais il avait sans doute été le plus grand chasseur de Sorcières depuis Henry Institoris. Ou du moins le plus charismatique: jamais, à cette époque, il n’y avait eu à Forbach tant de craintes et à la fois tant d’espoirs. A présent, il était inutile de se voiler la face: malgré toute la meilleure volonté du monde pour mettre un terme à leurs agissements occultes, les Inquisiteurs ne pouvaient plus rien faire, car les Sorcières semblaient être parties. On n’avait plus entendu parler d’elles depuis quatre ans, ce fameux coup de filet sur le parvis de l’Eglise; l’heure de gloire de l’Inquisition paraissait définitivement révolue. Mais si sa mère savait… qu’en secret, en réaction à cette Collégiale devenue molle et inactive sous le commandement de barbons ennuyeux, tous les jeunes se rassemblaient le soir dans les salles souterraines pour boire à la santé de leurs gloires futures et chanter les louages d’une icône comme Gabriel Touchedieu…

"Oui, je me souviens de ce type, qu’il a eu un comportement odieux, que tu ne l’aimais pas et tout le tralala. Mais dois-je te rappeler ce qui s’est passé? On ne faisait pas confiance à Touchedieu, qui a toujours chassé les Sorcières, parce qu’il avait un comportement un peu barbare. Par contre, on a fait confiance à cette soi-disant Oracle douce et pacifiste et résultat: un bon quart des habitants de cette ville ont crevé, une lame dans le bide. Qui était le méchant dans l’histoire, hein?" David croisa les bras derechef, un air de défi dans ses prunelles noires. Quand il parlait de « prendre le relais » de sa mère, ce n’était pas juste pour la soulager de son fardeau. C’était aussi une intime conviction: les Inquisiteurs de la précédente génération étaient trop vieux, trop distants, trop… trop plongés dans leurs récits passé avec effroi et donc déconnectés du présent. Il fallait renouveler l’armée, apporter de la chair fraîche et des idées neuves. Certes, il n’irait pas jusqu’à renverser le pouvoir en place, puisque sa mère en était à la tête: mais en tant que fils du Second, c’était à lui qu’il appartenait de faire pression pour faire valoir ses idées. En plus, ses amis comptaient sur lui.

"Donc j’arrêterais de hausser le ton quand ça me chantera" grommela-t-il presque pour lui même, un peu honteux de se voir ainsi rabrouer par sa mère à 20 ans révolus. "Ne t’inquiète pas pour moi, M’man. Je suis grand, j’assume mes actes." Il n’avait plus l’habitude. Plus l’habitude de se voir donner des ordres, puisque d’ordinaire il évitait soigneusement de faire ce qui mettrait sa mère en colère. Il avait toujours été rétif aux diverses formes d’autorité mais surtout, cette brusque bouderie traduisait son désir d’indépendance. Sa mère pourrait le commander, oui. Mais il faudrait qu'elle y mette les formes.

"Je me calmerais… seulement si l’ordre provient de Sébastien Garin, et de lui seul."
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMer 15 Sep 2010 - 22:52

Tant d’insolence… comment pouvait elle aimer autant d’insolence ? Tant de violence… comment pouvait elle fermer les yeux sur autant de violence ?

Parce qu’elle avait un regard plus complet et plus large que les simples derniers mots. Elle l’avait vu grandir, sa personnalité se former. Le caractère de son fils était un mystère à ses yeux, mais elle savait au moins comment il était devenu ainsi, et savait que le mal que faisait David était l’expression de sa bonté. Un paradoxe que seule une mère peut comprendre, et qui la pousse à pardonner, malgré les blessures que lui inflige son enfant. Car il lui faisait mal, cette petite ordure. Elle s’essayait à éteindre le feu que David abritait, mais elle s’y brûlait en essayant.

Elle n’avait pas envie ce soir d’aller contre son sens, la journée avait été longue, elle avait attendu ce moment depuis plusieurs dizaines de jours, la prochaine fois elle agirait fermement et condamnerait ces excès, la prochaine fois… Toujours la prochaine fois. Les moments à cœur ouvert qu’elle passait avec la chair de sa chair étaient trop rares pour qu’on les gâche ainsi dans des disputes si mesquines. Il fallait profiter de chaque moment comme le dernier et elle n’utiliserait jamais son dernier souffle pour disputer ou maîtriser David.

Surtout maintenant qu’il était quasiment adulte, et qu’il partait de plus en plus loin. Un jour, le lien serait rompu, ils seraient comme deux vieux amis, avec peu d’intimité, et ce jour là faisait peur à Sarah Geisler. Il ne fallait pas envenimer leurs relations ou fragiliser le lien qui les liaient. Un jour, elle en manquerait.

C’est pourquoi elle céda sans chercher à rétorquer, sans chercher à le recadrer.

Elle n’avait déjà pas d’autorité avec les hommes de mains qui lui sont étrangers, comment en aurait elle face à l’homme qui lui était le plus proche ? Les moralistes diraient que si elle avait été plus sévère, jamais son David n’aurait tourné ainsi et elle n’aurait pas à gérer un adulescent dans son genre. Les moralistes n’ont pas d’enfant, cela se voit, et quand ils en ont, ils n’ont pas eu les contraintes de Sarah Geisler.

Cela ne l’empêcha pas de hausser le ton, mais pas pour avoir plus raison que lui, mais au contraire pour arrêter ce massacre.

« Ca suffit David ! Tais TOI ! »

Le poing fermé à hauteur de l’épaule, elle ferma les yeux et sa mâchoire se durcit un moment avant de se relâcher et elle dit, toujours les yeux fermés :

« Je ne veux pas… être Sébastien Garin ce soir. Surtout pas ce soir. Ne me gâche pas cette soirée ainsi. »

Une grande respiration et elle rouvrit les yeux.

« Ne parlons plus d’Inquisition alors. Trouvons un autre sujet. »

Facile à dire. Que ce soit l’un ou l’autre des Geisler, ils y passaient toutes leurs heures de veille, que ce soit à travailler pour la Collégiale ou simplement à y vivre. Les seuls murs ont parfois les mêmes effets que le travail. Quel autre sujet de conversation pouvait donc émerger ? Les nouveaux équipements,

« Parlons de la démobilisation. Après deux jours de réflexion, tu sais où tu vas aller après ? »

Ce sujet là était la plus grande joie de Sarah Geisler depuis vingt ans. Elle était véritablement sur un petit nuage en ce moment, et savoir que l’Inquisition à Forbach n’était plus utile et était démobilisée signifiait que elle pouvait enfin plaquer cette horrible identité. Elle ne pourrait jamais redevenir Sarah Geisler, mais elle pouvait redevenir une femme. C’était déjà ca, même si elle ne savait pas quel métier elle pourrait faire, et si un mariage était impossible.

Sa plus grande peur en l’occurrence était que cette démobilisation signifiait la séparation, peut être définitive d’avec son fils. Comme il l’avait fait si finement remarqué, elle ne pouvait plus l’obliger à rester près d’elle, et peut être serait il trop heureux de prendre son indépendance totale et aller sous d’autres cieux, loin de sa mère. David Geisler avait été évasif sur le moment, mais elle lui avait fait clairement comprendre qu’elle aimerait le garder.

Elle voulait le garder, et l’emmener à Nancy, et le montrer à ses grands parents, à son oncle, malgré les vingt ans de mort administrative et morale.

Ce projet, elle en rêvait mais toutes les fibres de sa raison étaient unanimes : David pouvait ne pas trouver ca agréable. Mais Sarah était une femme de cœur.

Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeSam 18 Sep 2010 - 2:51

Si David se tassa un peu sous l’aura lasse et découragée que dégageait sa mère, il reprit un air de défi et croisa résolument les bras lorsqu’elle lui intima de se taire d’une façon très sèche. Comme tout adolescent ou presque, il avait tendance à se braquer dès qu’on tentait d’employer contre lui la manière forte; la faute à son éminent esprit de contradiction, qui entrait en scène parfois sans même lui demander son avis. N’ayant jamais vraiment eu de parents atrabilaires habitués à se faire obéir au doigt et à l’œil, l’exercice n’en était que plus inédit et stimulant.

Il ouvrit la bouche immédiatement après pour répliquer, lancer une de ces remarques insolentes dont il avait le secret, mais se ravisa car sa mère avait reprit la parole, avec l’air de fournir tous les efforts du monde pour se contrôler. Les mâchoires de David se serrèrent, lui faisant prendre un air boudeur. Oui, elle avait fourni beaucoup d’efforts pour lui, il devait être reconnaissant. Oui, elle avait énormément de travail, il fallait la ménager. Blablabla… et ses revendications à lui alors? Quand donc prendrait-elle conscience que ce corps et cet esprit appelés David Geisler n’étaient plus à elle, mais que ça lui appartenait? Elle se conduisait avec lui comme avec un gamin d’une dizaine d’années et ce comportement à son sens abstrus était un problème. Inquisition ou pas, identité fictive ou pas. Fidèle à son caractère, il ne faisait pas de giries pour le pointer du doigt.

"Très bien, fais comme tu le sens! Mais dès demain tu devras recommencer à être Garin, et tu le sais. Ne plus l’être un soir par mois ne rime à rien. Un de ces jours, tu devras choisir définitivement entre les deux." Encore une remarque impertinente, mais telle était la façon de David de dire « je veux que tu redevienne ma mère. De façon permanente ». En un sens, c’était une manière très tordue de s’exprimer. Mais tout le monde n’avait pas une méthode irréprochable pour traduire son affection, encore moins David pour qui ce genre de relations s’avérait, d’années en années, presque aussi amphigourique que les sciences occultes des Sorcières de Forbach. Il préférait de loin aller droit au but, aux antipodes des dialogues par paralipses de sa mère.

Du bout du pied, David traça des cercles sur le sol afin de ne pas rester immobile. Ce n’était pas qu’une manie, c’était presque un besoin compulsif; il ne pouvait rester sans rien faire. « Pas ce soir », « trouvons un autre sujet »… Sarah Geisler fuyait sans cesse, ne faisant que retarder une échéance pourtant inévitable. Il avait envie de la prendre par les épaules et de la secouer pour lui faire enfin ouvrir les yeux, lui dire qu’il fallait réagir… Mais ç’aurait sans doute été perçu par elle comme le signal pour le brider encore plus. Alors au lieu de ça, il l’attrapa sans violence mais fermement par le bras au moment où elle s'apprêtait à se détourner:

"Et ne me prends pas pour un petit imbécile ignorant. Tu crois que je ne suis pas au courant? C’est pour ça que cette femme, Cassandra, est revenue. N’est-ce pas? C’est toi qui l’a faite venir. Elle était peinarde dans son pays et comme par hasard, elle se ramène comme ça, du jour au lendemain, quand tu en as le plus besoin." « Cette femme »… drôle de façon de parler de celle qui avait été pour lui à la fois une tante, une rivale, une amie, une matrone… tant de choses à la fois. David éprouvait à l’égard de l’ancienne Mère Mattea des sentiments mitigés, oscillant entre la colère, l’admiration et surtout le désir de se soustraire à son autorité. A ses yeux, cette femme était un modèle qui avait été plus déterminé et efficace que bien des Inquisiteurs pourtant masculins. C’est pour cette raison qu’il la redoutait tout autant, fermement décidé à ne pas plier face à ses directives, tout en sachant pourtant que si il se retrouvait en face d’elle il n’aurait probablement pas la possibilité de se rebeller. En bref, il l’évitait carrément, certain de perdre la moindre confrontation.
De savoir que Sarah Geisler l’avait mandée pour calmer les ardeurs de la jeune génération inquisitoriale était agaçant mais pas surprenant. Sébastien Garin avait toujours eu du mal à imposer son autorité, David ne l’ignorait pas. Alors ce devait être encore plus difficile ces temps-ci: le meilleur choix stratégique était d’appeler en renfort une amie qui avait de la poigne, et en qui elle pouvait avoir confiance.
Cassandra avait donc débarqué peu de temps auparavant, le teint halé de son séjour prolongé en Rouergue, avec sous le bras ses valises et une plantureuse créature portant un prénom de fleur dont il avait toujours du mal à se souvenir.

"Hum… mais sa fille est bien gaulée…" marmonna-t-il pour lui même, ne se rendant pas compte du caractère indécent de son propos. David aurait pu passer pour un pervers et cela aurait pu très bien se comprendre: après tout cette gamine n’avait que quatorze ans, c’était à peine une adolescente. Mais malgré son jeune âge elle avait déjà un charme fou et une extraordinaire maturité. En réalité, chaque fois qu’il était allé passé ses vacances dans le comté de Rodez, il avait considéré cette fille comme une môme, l’appréciant d’ailleurs de cette manière. Mais ne l’ayant pas vue depuis plusieurs années, il avait été étonné de voir débarquer un tel brin de femme à Forbach, en compagnie d’une matriarche toute aussi rousse au regard sévère.

David sortit de ses fantasmes, considérant les paroles de sa mère. La démobilisation… il l’avait oubliée. Son visage se fit sombre. Si Sarah Geisler semblait se faire une joie de cet événement proche, lui le considérait comme un fin en soi et le moyen le plus sûr de saper tous ses espoirs avant même que ceux-ci ne soient sortis de l’œuf. Ce n’était pas difficile à comprendre: tous ses projets, ses rêves de gloire seraient anéantis par un bout de papier venu de papes vaticans grassouillets pataugeant dans le luxe et n’ayant pas la moindre idée de ce qu’était un exercice sur le terrain. Mais il n’était pas décidé à laisser faire ça et le mieux, c’est qu’il n’était pas tout seul. La jeune génération inquisitoriale était derrière lui et, tel un leader arrogant et autoproclamé, David se hissait lentement mais sûrement à leur tête, bien décidé à les mener à un renouveau de Chasse aux Sorcières grandiose et flamboyante.

"Je crois… je crois que je vais rester à Forbach. Ma vie est ici et… j’ai encore des choses à y faire." Pensif, il se gratta l’arrière du crâne. Si cette bourgade ne l’avait pas vu naître, c’était tout comme: il y avait ses amis, ses ennemis, son quotidien et, plus important encore, une possibilité de carrière sous les feux de la rampe. Traquer l’hérétique et la magicienne n’était pas pour lui un passe-temps; c’était une perspective d’avenir, un métier à plein temps. David sourit en pensant que selon toute vraisemblance, sa mère au désir si fort de partir loin d’ici ne le verrait pas accéder à la gloire; c’était un comble et c’était très regrettable, mais ne plus avoir de limites imposées lui faciliterait peut-être l’ascension hiérarchique.

"Peut-être est-ce aussi le moment propice où je devrais me débrouiller tout seul, sans ton aide… Un mec ne peut pas passer sa vie aux crochets de sa mère, non? ça ferait bizarre n’est-ce pas? Hahaha" fit-il en partant d’un léger rire, songeant uniquement au qu’en dira-t-on et n’imaginant pas un instant qu’il avait du planter à Sarah Geisler une nouvelle dague en plein cœur.
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeLun 27 Sep 2010 - 8:44

Choisir entre les deux… vingt ans qu’elle fuyait ce choix. Par paresse ou par peur ? Le doute s’installait chez elle. Et si malgré toutes ses protestations elle avait réellement pu redevenir elle-même ? Elle aurait pu maquiller son départ, mentir encore… Elle ne vivrait pas ainsi comme une proscrite, et hors de toute loi, de toute morale. Mais ce dont David ne se rendait pas compte, c’est que le jour où elle redeviendrait femme, il lui faudrait affronter tout ses choix et les expliquer. C’était aussi de ca dont elle avait peur.

Elle sursauta lorsque David lui agrippa le bras. Ses mots étaient durs, et plus ca allait plus ils étaient blessants, qui plus est, il parlait de quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui méritait cent fois plus de respect que cet adolescent arrogant n’en montrait, quelqu’un qui avait fait dix fois la preuve qu’il était fiable et indispensable, quelqu’un qui s’était occupé de David. Elle le regarda avec des yeux ronds, et fut complètement convaincue de son échec en tant que mère lorsqu’il se permit un commentaire sur la fille de Cassandra.

Arrogant, irrespectueux, pervers… elle avait accouché et élevé un monstre. C’était une punition de plus que… Non. Ce n’était pas la faute du Ciel ou de quiconque. C’était sa faute à elle. En gardant David, elle l’avait condamné à être ce genre d’homme, si elle l’avait abandonné aux soins des sœurs, il serait peut être devenu plus honnête que maintenant. Une douleur profonde et cruelle la prit lorsqu’elle se dit que finalement, elle avait aussi sacrifié son fils à l’autel de la vengeance. Un bébé qui n’avait demandé qu’à exister, elle l’avait sacrifié pour en faire une caricature d’homme, par ses choix.

En tant que mère, il n’y a rien de pire que de voir son fils comme un monstre et de se dire que c’est sa faute. C’est le manquement de toute une vie.

Et David vida son carquois… elle sentit physiquement quelque chose se briser dans sa poitrine. C’était fini, il avait définitivement cassé quelque chose entre elle et lui, mais pourquoi était il aussi blessant, mais

« Pourquoi es tu aussi méchant ? »

Les paroles sortaient directement du cœur, sans aucun filtrage ou traduction. La continuité et la finalité de l’orage qui grondait. Elle fut un moment impressionnée d’avoir osé dire ca, mais finalement, cela faisait longtemps qu’elle aurait du dire cela. Elle releva la tête et osa clouer son fils du regard, avec aucune nuance de fierté ou d’amour dans son regard, juste la brume de la colère et du chagrin.

« Pourquoi es tu aussi… »

Elle ne réussit pas à le dire une deuxième fois. Les mots se bloquèrent dans sa gorge, provoquant un sanglot, qu’elle réprima. Pour réduire son chagrin et ne pas s’effondrer devant ce monstre appelé fils, elle déchaîna sa colère comme jamais auparavant :

« Cassandra mérite bien plus que ton irrespect. Sa fille mérite bien plus que ton regard sale. Tu veux vivre en adulte ? Sois un adulte ! Quitte les derniers vestiges de ton adolescence, voir autant de morgue chez quelqu’un de si jeune n’est pas acceptable, et voir autant de méchanceté chez quelqu’un que j’appelle fils me fait saigner.

Et tu sais quel est le pire ? Le pire, c’est de voir quelqu’un que j’aime profondément s’est transformé en… ca. Par ma faute. Parce que j’ai voulu l’élever malgré le fait que je ne pourrais jamais le faire normalement. Peut être aurais je dû laisser d’autres personnes t’élever, je t’aurais perdu, mais au moins serais tu devenu quelqu’un de bien, et je pourrai être fière de toi. »

Elle venait de dire qu’elle aurait dû l’abandonner. La douleur l’aveuglait sans doute, mais elle n’aurait pas non plus dit cela si à aucun moment cette pensée n’était pas venue comme l’aboutissement de tout un raisonnement.

« Rassure toi, je vais bientôt te lâcher David. Vu tous les efforts que tu fais, tu vas réussir à me dégoûter… »

Les mots étaient trop forts, ils allaient certainement blesser son fils, voire le détruire… comme lui la détruisait elle.

« Me dégoûter d’être ta mère. »

Elle parlait de l’abandonner, David allait perdre sa mère. Se rendait il compte de ce qu’il perdait à chaque fois qu’il jouait avec les sentiments ?
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeMer 29 Sep 2010 - 2:06

Même si il avait senti la vulgarité de ses propos, David ne s’était pas attendu à ce qu’ils aient une telle incidence sur l’opinion de sa mère à son sujet. En réalité, il était même à mille lieux de se douter qu’elle ne le considérait comme rien de moins que le plus gros échec de sa vie. Au contraire, remuant de sombres pensées à propos de la démobilisation prochaine et occupé à réfléchir à sa situation future, il fut presque arraché à ses préoccupations par les paroles de Sarah Geisler. Ce ne fut même pas la question en elle même, mais le ton déchiré sur lequel elle la posa qui alarma le jeune homme. Il la regarda, perplexe; sortie de son contexte, le sens de la question lui demeurait obscur.

Méchant? Avait-il été méchant? David passa très rapidement en revue les dernières répliques de leur conversation sans parvenir à trouver son erreur. Peut-être n’avait-elle pas apprécié que son fils lui rappelle le douloureux arbitrage nécessaire entre Sarah Geisler et Sébastien Garin, mais… Il s’était juste exprimé avec sincérité, comme il l’avait toujours fait; les mensonges, ce n’était pas son fort, il préférait de loin dire la vérité. Peut-être était-ce cette façon d’être que sa mère avait pris pour de la méchanceté… mais enfin, vivait-elle dans un monde de guimauve à ce point là? Si lui était méchant, alors que penser des horribles crimes perpétrés chaque jour au-delà des murs de la Collégiale, que penser des Sorcières de Forbach? Et on venait lui dire que son attitude était condamnable à cause d’une parole un peu déplacée? En fait, Sa génitrice avait peut-être simplement… trop de sens moral, pour survivre dans cette jungle. Etre pétrie de bons sentiments et prôner le pacifisme ne suffisait pas à rendre le monde meilleur.

David croisa les bras, l’air renfrogné. Il se sentait blessé, vexé comme un pou. D’ordinaire, tout le monde pouvait le traiter d’ordure ou de pourriture, lui cracher des insultes avec mépris, il s’en fichait comme d’une guigne. Certes sa susceptibilité se cabrerait sous l’affront et il vengerait ce dernier, mais aucun remords ne viendrait le torturer quant à la pertinence et la véracité des critiques. En revanche, lorsqu’il s’agissait de sa mère, rien n’était plus pareil. Il prenait au mot ce qu’elle lui disait, froissé dans son orgueil par des paroles cruelles; mais la suite fut pire encore. Le regard terrible qu’elle lui lança annonçait la couleur d’une violente tempête qui couvait déjà depuis un bon bout de temps et David ne put que la subir sans possibilité d’action.

"Mais je…" tenta-t-il de l’interrompre devant une logorhée impétueuse et injurieuse, totalement pris de cours par les événements. Sa mère ne lui avait jamais parlé de la sorte. Il lui était souvent arrivé de s’adresser à son fils avec peine, lassitude, frustration ou plus rarement, colère; mais elle était une maman poule au point de n’avoir jamais eu de mépris d’aucune sorte. Mais en ce moment même il sentait le dégoût de la femme qui l’avait mise au monde, et être considéré comme un échec, une lamentable erreur, le priva de toutes ses forces.

"Mais…" tenta-t-il encore de placer, en vain. Point par point, Sarah Geisler était en train de le démolir. Ainsi était donc l’image qu’elle avait de lui : « ça ». Un truc indésignable, indéterminé. Ses paroles étaient claires: si elle ne l’avait pas élevé normalement, elle considérait donc qu’il présentait une anomalie, une tare. Et il était quelqu’un de mauvais.
Et elle aurait mieux fait de ne pas le mettre au monde.

Et elle était dégoûtée d’être sa mère.



Un silence de mort tomba sur la petite pièce.
Tout était immobile, leur deux êtres, la table, le repas qui pendant le réquisitoire de Sarah Geisler, continuait de perdre tranquillement sa chaleur. David avait oublié la nourriture, oublié même jusqu’à la raison de sa présence ici. Il était assommé. Abandon, dégoût; les mots s’étaient fracassés contre son crâne en d’amples pensées incohérentes avant de retomber lentement vers le bas, comme une pluie de cendres.

"C… C’est ce que tu penses?" fit-il, presque en murmurant. A son grand regret, il sentit sa voix vibrante d’émotion, alors qu’il aurait souhaité un ton ferme et neutre. Bon, très bien. Il était un monstre, une chose insolente et perverse que sa mère regrettait d’avoir élevé. Un objet de honte, un de ces enfants dont on ne sait pas quoi faire, dans la catégorie des gens nuisibles de ce monde. Et ensuite? Etait-ce sa faute à lui si, justement, il avait mal été éduqué? Y avait-il quelque chose de plus injustifié que de lui reprocher sa façon d’être? Un accès de tristesse et de colère le fit trembler tandis qu’il sentait clairement une page se tourner –de façon définitive. Si Sarah Geisler était si déçue et dégoûtée que ça, pourquoi l’avait-elle gardé alors! C’était donc une sorte de punition, un moyen cruel de lui accorder l’émancipation qu’il avait toujours souhaitée! Elle lui reprochait d’être une pourriture comme si toute la culpabilité du monde lui revenait à lui et à lui seul!

Mais avait-il jamais souhaité être dans cette situation?


"Alors tu aurais dû m’abandonner au bord de la route comme un bâtard adultérin! Je ne t’ai pas demandé de me donner la vie, que je sache!" cria-t-il avec acharnement. David ne savait pas du tout ce que sa mère put ressentir lorsqu’il prononça ces mots absolument terribles; mais lui, avait l’impression de n’être qu’un monceau de verre pilonné, piétiné, implacablement réduit en miette. Il se serait senti prêt à se briser en mille morceaux si il ne l’était pas déjà. Tout son corps frémissait de colère et de peine, tandis que dans un élan il se rendait compte que sa mère avait sans doute cessé de l’aimer.
Impensable…
Il avait envie de s’arracher les cheveux.

S’il s’était écouté, fidèle à son comportement sanguin il serait devenu violent. C’est pourquoi il estima dans un ultime sursaut de contrôle de soi qu’il valait mieux qu’il parte avant de perdre totalement sa lucidité. David fit volte-face, saisit la poignée de la porte et tenta de lancer à sa mère un regard qui se voulait impérieux; il ne réussit qu’à afficher les véritables sentiments du gamin renié, trahi, profondément blessé.

"Puisque c’est trop douloureux pour toi d’avoir devant tes yeux le résultat de tes efforts, la tare ambulante se casse! On étouffe, ici." Sa gorge était tellement serrée qu’il avait du mal à s’exprimer de façon intelligible; son souffle le brûlait, il avait l’impression d’être lapidé à coups de pierrailles. Le battant s’ouvrit en lui projetant à la figure une bouffée d’air salutaire; David prit une dernière inspiration pour ne pas perdre la face et, avant de partir pour de bon, se retourna vers Sarah Geisler. Son regard fuligineux était exempt de toutes traces de larmes, mais il était évident que son état d’âme du moment allait au-delà des pleurs.

"Pense ce que tu veux, je m'en fout comme de mes premières chiasses. Je te prouverais que tu as tort, maman."





[HRP: voilà, j'éspère que ça va! Dis-moi si tu veux changer un truc. J'ai fait en sorte que tu puisses soit continuer le topic, soit le conclure^^]
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeJeu 7 Oct 2010 - 8:46

« DAVID ! »
Elle s’était levée, comme montée sur des ressorts surpuissants. La table avait été déplacée dans le mouvement, et les verres avaient vacillés dangereusement. Elles étaient habituées à faire des erreurs, habituée à en payer les conséquences, mais celle-ci était insupportable à payer. Elle fit peut être une grande enjambée vers la porte, mais fut incapable d’en aligner une deuxième.

Certes les phrases mal ajustées de David avaient eu raison de sa patience et de sa douceur, mais elle n’était absolument pas prête à couper les ponts avec son fils aussi brutalement, et surtout avec autant de rancœur qui restait entre eux. Il y a peu de choses qui soient durables et l’amour d’une mère pour son fils faisait partie de l’Inoxydable, même terni par les déceptions. David avait libéré quelque chose qui avait fragilisé le lien entre eux, la faute était partagée. La souffrance aussi était partagée. Le châtiment, idem.

« Ce n’était pas ce que je pensais, enfin s.. non… je ne sais pas. »

Elle continuait d’avoir mal à cause de l’insouciance de David, mais elle avait tout aussi mal à cause de ce qu’elle avait déclenché. Les deux douleurs, contradictoires l’empêchaient de pouvoir dire : « j’ai eu tort » ou bien « va-t-en ». Quel que soit le côté où elle se tournait, c’était l’impasse. Elle se prit la tête entre les deux mains pour remettre de l’ordre dans ses idées. Pas de solution, pas de solution, pas de solution.

« David, je t’aime, c’est tout ce qui est sûr. »

Tout ce qui était certain, qui dominait et restait inchangeable. David était un mauvais fils, Sarah une mauvaise mère, mais peu importait : d’un côté comme de l’autre, ils s’étaient accrochés l’un à l’autre ces vingt dernières années, cela ne se reniait pas comme ca. Cela dit, ce que s’étaient dit David comme Sarah étaient trop énormes, trop lourd à pardonner pour l’heure, bien qu’elle désirât de toutes ses forces aimer David comme avant, elle avait besoin pour l’heure de se retirer et de soigner sa blessure, si elle restait près de lui elle finirait par la rugir. Inutile et sanglant.

« Je crois que je vais aller dormir. Avec du recul, ca ira mieux demain, ca ne sera qu’un nuage dans notre relation. Oui, juste du recul »

En gros, elle remettait à plus tard le conflit, cet accrochage lui avait suffi. Qui pouvait lui reprocher ? D’autant plus que dès le lendemain, elle devrait reprendre son masque et ses habits de scènes, autant dire qu’elle devait tenir la forme. Et puis il y avait si peu de temps consacré à David qu’il ne fallait pas le gâcher en discorde dégoûtante.

Cela dit, pour ce soir, c’était foutu : quand bien même elle le forcerait à rester, l’ambiance resterait sinistre et électrique. Tout était déjà gâché ce soir, il fallait au contraire lâcher prise, respirer un peu loin de l’autre et revenir assaini. Cependant, son cœur ne désirait pas encore tout à fait dire « au revoir » il bouillait de dire tant d’autres choses.

Elle voulait lui expliquer pourquoi elle avait réagi ainsi, la raison de sa frayeur, le secret de ses inquiétudes, la source de ses défiances. Ce n’était qu’à cette condition unique qu’elle et son fils pourraient pleinement se réconcilier. Si elle laissait à David une chance de comprendre pourquoi elle l’avait blessé, il lui laisserait en retour une chance de comprendre pourquoi il la blessait elle.

« Mais ne doute surtout pas que je t’aime David, je t’aime plus que je n’ai jamais aimé quiconque, seulement, ton comportement me rappelle tellement… »

Ton père

Vas y ose le dire, ose le dire. OSE !!


« tellement… »

DIS LUI LA VERITE !!

Sarah Geisler fit un sifflement de rage et d’agacement.

VERITE !!

«Rien ! Rien, oublie ce que j’ai dit, oublie, oublie, oublie.»

Elle ne devait absolument pas dire la vérité, surtout pas après lui avoir juré droit dans les yeux le mensonge. Ce serait encore pire que ce qu’elle lui venait de lui dire, et pas seulement à cause de la vraie nature de son père, mais surtout parce qu’il ne pourrait plus jamais avoir confiance en elle.

A force, près d’une dizaines de contradictions différentes devaient avoir pris place dans son esprit, les larmes furent au rendez vous de ce trop plein d’émotion. Aucun sanglot ne fut admis, mais les yeux brouillés furent un symptôme suffisant. Alors que la première larme coulait, elle retrouva soudain le courage de franchir la distance qui restait et elle se jeta littéralement dans les bras de David et l’encercla d’une poigne insoupçonnable.

« Oublie et pardonne moi, oublie et pardonne moi. »

Elle lui déposa un baiser sur la joue et s’y frotta ensuite, laissant une trace humide.

« Ne me quitte pas. »
Revenir en haut Aller en bas
David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitimeSam 9 Oct 2010 - 21:44

L’esprit dévasté de sentiments confus et chaotiques, David avait déjà franchi la porte, se préparait à s’engouffrer dans le couloir en laissant derrière lui des sillons de déception, d’incompréhension et de tristesse; mais la voix glacée de sa mère qui criait son nom, sans l’arrêter instantanément, lui fit nettement ralentir le pas jusqu’à le stopper. Il resta un instant dos à elle, n’ayant aucune envie de se retourner et de la regarder dans les yeux. La détresse présente dans son cri avait donné l’impression au jeune homme d’être frappé par la foudre; elle aurait sans doute hurlé de la même façon si quelqu’un l’avait agressée, et alors il se serait précipité pour le venir en aide. Mais là… là, tout était différent. Le simple fait de se tenir debout et immobile, entre ces murs sombres et dans cette atmosphère affreuse, l’oppressaient au plus haut point. Et il n’avait plus qu’une envie: quitter la Collégiale au plus vite, bondir et disparaître dans la nuit pour oublier ce qui venait de se passer, peut-être même pour s’oublier lui-même…

Entendre Sarah Geisler hésiter sur le fait qu’elle pensait vraiment ou non ses paroles, lui porta un coup au cœur supplémentaire. Il aurait bien sûr voulu qu’elle lui réponde « je ne le pensais pas », et point final. Il arrivait à tout le monde que les mots dépassent la pensée. Mais puisque le dégoût qu’il lui inspirait était si présent… David ne voyait même pas pourquoi il restait planté là en attendant la suite. Pourvu qu’il parte vite, qu’il quitte cette tension insupportable… Une nouvelle fois, sa mère lui répéta qu’elle l’aimait, mais dans son état le jeune homme était incapable de percevoir autre chose qu’une contradiction dans les sentiments maternels oscillant entre amour et dégoût. Il secoua la tête, atterré. Le pire dans tout cela, c’était qu’il était conscient de leurs torts partagés, mais sans parvenir à trouver son erreur… Certes il n’avait pas été conforme aux souhaits de Sarah Geisler, mais était-ce une raison suffisante pour qu’elle soit dégoûtée d’être sa mère?

A ses yeux, non.
Il y avait forcément autre chose. Un facteur tiers, qui expliquait la raison de tous ces reproches injustifiés, de cette relation ambiguë qu’ils avaient eu depuis toujours, de ces sentiments abstrus...
Une vérité que sa génitrice, pour une raison inconnue, ne pouvait lui révéler. Il avait déjà pressenti depuis longtemps qu’il y avait anguille sous roche. Et le comportement de Sarah Geisler en cet instant en était une preuve flagrante: elle bafouillait, hésitait, semblait marcher sur un fil au dessus d’un gouffre abyssal avec toute la volonté du monde de s’exprimer sans pouvoir le faire. S’apprêtait à se mettre à table, puis se ravisait, lui disant d’oublier. Prenait des airs frustrés, rageurs, lui disant qu’il lui rappelait quelqu’un… mais sans révéler qui.

Le doute n’était plus permis, un détail sous-jacent emprisonnait sa mère dans un carcan d’impuissance. David était dévoré de curiosité, avide de connaître ce secret salutaire; à qui ressemblait-il donc? Si il s’était retrouvé en face de quiconque d’autre, il aurait arraché la vérité par tous les moyens possibles, quitte à employer des méthodes peu recommandables. Mais… Sarah Geisler était sa mère. Et rien ne pourrait changer ça, ni les aléas de la vie, ni même une tornade, et encore moins une dispute substantielle comme cela venait de se produire. Il n’aurait d’ailleurs probablement jamais confiance en quelqu’un à part elle; si elle lui cachait quoi que ce soit, il y avait forcément une très bonne raison. Jamais elle ne l’avait poignardé dans le dos, ne lui avait fait de sales coups dans la vie; et c’était sans doute, à ce jour, le seul être qui lui avait témoigné autant de fiabilité. Oui, David irradiait peut-être d’insolence et de morgue… mais aussi de gratitude et d’une confiance aveugle -comme il l’avait prouvé plus tôt dans la soirée, en croyant sur parole les dires de Sarah Geisler à propos de son père. Malheureusement, ça elle oubliait souvent de le voir.

Il aurait tellement voulu l’aider, partager son fardeau. Elle lui mentait certes avec de bonnes raisons, mais conséquemment elle était obligée de porter toute seule un poids sur le cœur, poids qui l’affaiblissait de plus en plus. David fut sidéré et senti sa gorge se serrer quand il vit une larme couler sur la joue de Sarah Geisler. Et il sut quelle était l’ampleur de ce fardeau, car Sarah Geisler ne pleurait presque jamais. Même maintenant, alors qu’elle semblait sur le point de fondre en larmes et que la situation était si grave, elle retenait bravement –et avec une efficacité qui forçait le respect- ses sanglots. Une bouffée de peine le prit et il eut une inspiration hachée, comprenant la vraie nature de leur lien -–omme il l’avait dit, elle était sa mère, et rien ne pourrait changer ça. Alors elle pouvait le considérer comme un héros grandiose ou un lamentable rejeton indigne d’intérêt, peu importait; il lui devait tout, tout simplement.
Sur une impulsion aussi spontanée que celle de Sarah Geisler, David lui rendit son étreinte.

"Hmm" grogna-t-il en guise d’assentiment, les cheveux de sa mère –qu’il dépassait d’une bonne tête et demi- lui chatouillant le nez. Il éprouvait un tel soulagement qu’il aurait eu bien peine à le nommer… mais il avait aussi envie de se planquer dans un trou et de ne plus jamais en sortir. La gêne envahissait ses joues en feu, les colorant d’une teinte rouge. Il détestait tellement les effusions –quand tout le monde chiale, s’embrasse, et surtout se parle à cœur ouvert en mettant à nu des sentiments qu’il avait pourtant l’habitude de garder bien en sécurité à l’intérieur de lui. David ne pouvait répondre que par monosyllabes; si il commençait à parler, il avait peur de ne plus pouvoir s’arrêter et de péter les plombs une nouvelle fois. Et alors, sa mère cesserait de nouveau de le considérer comme un adulte –de manière permanente.

"D’accord" mentit-il d’une voix très basse et grave. Ils avaient besoin de temps, tous les deux. David avait déjà bien avancé sur le chemin du pardon ce soir; à force de réfléchir, et avec du recul, il finirait par comprendre pourquoi sa mère avait tenu de tels propos, même si il en ignorerait toujours la raison profonde. Oui, il pourrait sans aucun doute pardonner… mais pas oublier. Jamais. Ce genre de souvenirs reste gravé au fer rouge dans votre mémoire.

Un long silence plana sur le couloir désert. La soirée avait tourné d’une si étrange et intense façon… que nul n’aurait pu prévoir. Affreusement embarrassé, David était ravi une fois encore de ne pas avoir à soutenir le regard de Sarah Geisler. En apprenant qu’elle était dégoûté de lui, il avait été dévasté de la perdre de cette façon; mais à présent, grâce à la façon dont elle se cramponnait à ses vêtements, David comprenait qu’elle avait été encore plus dévastée que lui. Il prolongea le silence, retrouvant peu à peu une respiration normale. Puis se décida à parler, d’une voix toujours sombre et neutre:

"Je dois aller travailler."

Il rompit leur étreinte, en douceur, fixant résolument le sol. Oui, bonne idée. Aller travailler. Ça l’empêcherait de finir échoué dans la première taverne venue, ivre de bière dégueulasse entre les cuisses d’une ribaude de bas étage… David se râcla la gorge d’un air gêné, n’osant adresser un sourire à sa mère pour lui signifier qu’ils ne se quittaient pas en mauvais termes, du moins pas entièrement. Mais il ne put rien dire de tel et se contenta d’observer son air peiné, ses yeux baignés de larmes, avant d’inspirer longuement et de tourner les talons.
Revenir en haut Aller en bas
https://witchslay.forumsrpg.com/inquisiteurs-f50/david-geisler-t
Contenu sponsorisé




Geisler Mère et Fils Vide
MessageSujet: Re: Geisler Mère et Fils   Geisler Mère et Fils Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 

Geisler Mère et Fils

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
The Witch Slay :: Sur les Pavés - Ville :: La Collégiale-