The Witch Slay
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 De Rome à Rodez...

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AuteurMessage
Cassandra de Saint-Loup
Inquisiteur Général
Inquisiteur Général
Cassandra de Saint-Loup


De Rome à Rodez... Vide
MessageSujet: De Rome à Rodez...   De Rome à Rodez... Icon_minitimeJeu 9 Sep 2010 - 17:36

Mattea était assise sur un banc en pierre, au plus profond du domaine de la maison-mère des Carmélites. Le lierre courrait le long du chemin : une sœur serait bientôt grondée pour négligence. Mattea avait pris son rosaire, mais elle ne parvenait pas à rassembler ses esprits. Ses idées vagabondaient, à la fois anxieuses et emplies d'espoir. C'était fait, elle ne pouvait plus reculer. Elle avait annoncé qu'elle se retirait de la vie publique et désigné une autre Carmélite au rang de Mère Supérieure. La décision avait été presque naturelle. En revenant de Forbach, elle avait compris qu'elle ne pouvait plus endosser le voile. Comme si le fait d'enfin connaître son passé expliquait tout, elle avait renoncé après une nuit de prières. Elle voulait goûter un peu la saveur de Cassandra et laisser Mattea derrière elle. Elle quittait les Ordres, parce qu'elle voulait vivre. Elle ne courrait plus derrière des chimères, elle savait. Et elle n'avait plus peur comme avant.

Si la nouvelle de son départ avait ébranlé le monde religieux de Rome, ce n'était rien à côté du bouleversement du carmel. Mère Mattea était jeune, et absolument pas sur le point de mourir. Il n'était pas d'usage de voir un tel événement se produire. Le Pape n'aurait pas dû accepter de la relever de ses obligations, mais la missive papale était sans appel : en récompense pour ses bons et loyaux services, Mère Mattea était autorisée à se retirer dans le carmel de son choix.

Mattea ne s'attendait pas à une telle compréhension, mais elle tremblait presque à l'idée de la prochaine demande qu'elle formulerait. Elle comptait laisser le choc de sa renonciation s'atténuer, puis quitter les Ordres. Elle avait tout fait pour éviter le scandale, et rien ne pourrait lui être reproché. Ce ne serait pas la Mère Supérieure qui abandonnerait son ordre, ce serait une simple Carmélite qui se ferait relever de ses vœux. Mais en attendant, elle avait encore plusieurs jours à vivre dans la maison-mère. Cela ne la dérangeait pas. Après vingt ans, qu'étaient quelques jours ? Aujourd'hui, elle faisait enfin le choix qu'elle n'avait pas eu après le rituel des sorcières. Elle quittait les ordres, elle quittait Rome, elle quittait sa position. Elle ne l'avait pas encore avoué à Viviane, mais elle savait que sa sœur l'accueillerait à bras ouverts si elle lui en faisait la demande. Toutefois, elle ne savait pas encore ce qu'elle allait vraiment faire. Forbach était la ville de son enfance, mais pas son foyer. Son foyer, c'était Rome.

Elle n'entendit pas la démarche furtive d'une jeune novice, pas plus qu'elle ne vit son ombre. Surprise par son interpellation, elle se tourna un peu rudement vers la nouvelle venue. Assez timidement, la jeune fille continua :

- Mère Mattea, il y a un visiteur pour vous à l'office.

Mattea fronça les sourcils. Le secrétaire papal, son vieil ennemi, ne venait tout de même pas se moquer d'elle jusque dans sa retraite ? Sèchement, elle répondit :

- Qui est-ce ?
- Un Chevalier de Malte, ma Mère.

Mattea abandonna aussitôt son air sévère et suivit la jeune novice. Amaël ! C'était forcément lui. Et d'un coup, elle tremblait. Sa sérénité l'avait abandonnée, sa force déclinait. Elle ne lui avait rien dit de ses projets. Elle l'avait volontairement laissé dans l'ignorance, parce qu'elle avait peur de le perdre. Elle avait peur qu'il la méprise, qu'il ne comprenne pas son choix et qu'il la désapprouve. Elle voulait qu'il soit son plus grand complice, comme toujours, et qu'il fasse un sourire en l'entendant pester contre l'incompétence des fonctionnaires. Alors qu'il faisait chaud en cette fin d'été, Mère Mattea frissonna. Elle ne devait pas céder à la panique, mais elle savait qu'il commencerait par lui faire des reproches, parce qu'elle l'avait volontairement tenu à l'écart. Qu'allait-il lui dire ? Qu'il était déçu ?

La gorge serrée, Mattea fut introduite dans une petite pièce, où l'attendait la grande silhouette du Chevalier de Malte. La porte se referma, et ils furent seuls. Pendant un instant, ils s'affrontèrent du regard, comme pour jauger une dernière fois de la valeur de leur adversaire. Puis, la voix rendue rauque par l'effort, Mattea commença :

- Amaël, je suis désolée...
- Je me fiche de tes excuses.

Atterrée, Mattea ne dit plus un mot et détourna le regard. Le ton avait claqué, sec et mordant, et elle réalisa durant une seconde l'effet que cela faisait d'être traité avec froideur. Elle se sentait incapable de l'affronter. Il était celui à qui elle tenait le plus, et voilà qu'elle risquait de perdre son estime si elle ne réagissait pas rapidement. Pourtant, elle était tétanisée, incapable de parler. Seigneur, elle allait s'enfuir en courant si ça continuait...

- Mattea, je suis le premier fils du Comte de Rodez. Je suis l'héritier de ses terres, j'ai dix mille francs de rente, je possède le droit de frapper monnaie, j'ai une position à la cour de...

C'était trop. Mattea le coupa, ébahie. Ouvrant des yeux où l'incompréhension la plus totale se mêlait à la confusion, elle répondit :

- Amaël, qu'est-ce que tu racontes ? Je n'en ai rien à faire !

Elle se mordit les lèvres trop tard. Non seulement elle avait été à la limite de la politesse, mais en plus, elle vit dans ses yeux qu'elle l'avait blessé. Mortifiée, elle prit le parti de se taire tandis qu'il continuait.

- Tu me connais, Mattea. Tu sais qui je suis.

Justement, elle le connaissait. Et justement, il ne lui avait jamais sorti un tel tissu d'absurdités. Qu'est-ce qu'il voulait lui dire ? Que par son statut, il s'estimait à présent indigne de la fréquenter ?

- Tu sais ce que je peux t'offrir.

Là, son cœur commença à cogner à grands coups dans sa poitrine. Ses paroles commençaient à être ambigües. Il n'était pas cruel, elle le savait. Mais alors, quel était le but de sa manœuvre ? Le regard franc et direct, Amaël ne la lâchait pas des yeux. Il n'y avait nulle échappatoire, mais Mattea avait peur de s'être trompée, d'avoir osé espérer quelque chose de complètement fou alors qu'il n'y avait rien. Comme si ses constatations ne nécessitaient pas de réponse, Amaël continua :

- Tout Rome ne parle que de toi. Tu vas quitter les ordres dans quelques jours, c'est évident.

Mattea rougit. Il avait deviné son prochain mouvement. Elle était entièrement percée à jour, et elle détestait ça. Pourtant, le fait que ça soit Amaël changeait tout. Elle ne se sentait pas mise à nu, seulement gênée que ça ne soit pas elle qui le lui ait dit.

- Oui, c'est vrai.

Sa réponse tremblotait. Ses genoux menaçaient de la lâcher, mais elle voulait rester forte, inébranlable. Et enfin, Amaël eut un sourire indéfinissable et prononça les deux mots qui allaient tout changer :

- Épouse-moi.

... D'abord, Mattea crut qu'elle avait mal entendu. Puis, elle cligna des yeux, comme pour se convaincre qu'elle était bien dans la réalité. Elle regarda Amaël d'un air interdit, comme pour lui dire que s'il s'était moqué d'elle, il le regretterait même en Enfer. Mais quand ses yeux rencontrèrent ceux du Chevalier, elle sut qu'il ne se jouait pas d'elle. Son visage était vrai, réel, droit. Ses traits inspiraient la confiance, une confiance qu'il ne trahirait jamais. Il souriait, parce qu'il savait qu'elle allait dire oui. Elle avisa les larges épaules d'Amaël et songea qu'elle avait bien envie de s'y blottir. Sa peur avait fondu, pour laisser la place à une vague de bonheur comme elle n'en avait jamais connue. Elle se sentit submergée d'un coup, incapable d'endiguer le flot d'émotions qui lui montaient à la gorge. Elle n'aurait jamais espéré qu'Amaël l'aime suffisamment pour lui proposer le mariage. Elle n'aurait jamais espéré pouvoir laisser s'exprimer son inclinaison pour lui. Elle n'aurait jamais espéré pouvoir rire encore.

Pourtant, en disant « oui », elle sourit, du plus profond de son être, redevenant l'espace de ce sourire la jolie jeune fille rousse aux jours heureux.

C'est ta chance, Cassandra.
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