The Witch Slay
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 Eucharistie

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Père Ethan
Oblivius
Oblivius



Eucharistie Vide
MessageSujet: Eucharistie   Eucharistie Icon_minitimeJeu 7 Oct 2010 - 21:37


Ethan s'était levé encore plus tôt que d'habitude. D'ordinaire, un fin liseré clair bordait l'horizon et annonçait l'aube froide et grise.
Ce matin, il n'y avait que la nuit la plus noire. Il devait être aux environs de cinq heure, peut être un peu plus.
Avec un briquet à amadou, il avait allumé les bougies de sa chambre, et s'était aspergé d'eau glacée, avant de passer sur sa peau rougie par le froid sa robe blanche.

La veille au soir, Sébastien Garin lui-même l'avait fait venir dans son bureau. L'ordre pour l'inquisition de se retirer, il y avait pas mal de temps que la rumeur en parlait. Mais il semblait qu'à partir de ce jour, c'était officiel. Il y avait bien longtemps que l'Inquisition n'avait pas attrapé de sorcière. Ni même arrêté quelqu'un. Alors, c'était justifié. Pour les dirigeants.
Pour Ethan, qui croisait le visage des villageois chaque jour, il était persuadé au fond de son coeur que les sorcières étaient toujours là. Ce village comptait bien plus qu'une quinzaine de filles du Diable, ça il en était sûr.
Mais voilà qu'aujourd'hui ils avaient trop tardé, et ils étaient renvoyés chez eux, Forbach officiellement purifiée.
L'ironie du Second, lorsqu'il lui avait annoncé cela était palpable. Ethan n'était donc pas le seul à penser ainsi.
Pourtant, voulant faire les choses biens, son supérieur lui avait demandé de célébrer une messe le lendemain matin, une cérémonie pour l'Inquisition. Ce qu'Ethan avait acquiescé en silence.

Il voulait les faire les choses biens. Particulièrement pour cette messe là, qui pouvait bien être la dernière qu'il prononcerait à Forbach.
Bien qu'il ait retrouvé Cassandra depuis peu de temps, il comptait retourner à Cluny. Et jamais plus n'en ressortir. Il allait quitter Forbach, et y laisser son secret, le confier aux digitales des jardins de la bourgades.
Dans la salle du Chapitre à Cluny, il s'assiérait sur les bancs de pierre parmi les autres moines; lors de la confession publique, il parlerait de tout mais ne dirait rien. Le père Armand n'en saurait rien. Sa fin proche, il ne devait savoir que son protégé avait de nouveau péché. Et Ethan attendrait lui aussi sa fin, en se consumant dans la prière, en espérant que peut être le Seigneur le pardonnerait.
Il était déjà damné.

Ethan traversa la collégiale. A cette heure-ci, bien évidemment, il n'y avait personne. Tenant une lanterne dans une main, et dans l'autre un trousseau de clé, il alla ouvrir l'église. Là, les cierges brûlaient d'une douceur rassurante, seule source de lumière dans l'édifice plongé dans la pénombre. Lorsque l'aube poindrait à travers les vitraux, ce serait magnifique.
Il traversa la nef à grandes enjambées. Arrivé à l'autel, il se retourna pour contempler l'assemblée de bancs vides. Enfin, il leva les yeux vers le crucifix, contemplant avec adoration le visage souffrant du Christ dont la tête tombait sur le côté. Cette crucifixion était un acte d'amour. Dieu s'était abaissé, s'était fait homme, et pis que tout, était mort de la peine des infâmes. Un Dieu qui s'était avili par amour pour l'humanité, qui avait versé son sang pour tous et chacun des hommes.
Ethan sourit avec émotion, tandis que son souffle laissait échapper un petit nuage de condensation dans l'air glacé de l'église.
Enfin, il déplia l'étole sur l'autel, avant d'aller chercher le calice, la patène et l'encensoir dans la pièce attenante à l'église. Il revêtit par la même occasion l'étole sur sa robe blanche.
Ceci fait, il se rendit à la chaire, afin de préparer son homélie.


Enfin, les premiers rayons du soleil percèrent à travers les vitraux, colorant les scènes et faisant danser milles morceaux de couleurs sur le pavage de l'église. Et les premiers entrèrent, saisissant un missel au passage, s'installant sur les bancs, dans ce murmure caractéristique.
Il y avait quelque chose d'étrange dans l'atmosphère, mais le prêtre n'arrivait pas à mettre le bon mot dessus.
La messe débuta, avec ses chants, avec ses prières, avec sa musique. La prière de collecte, Ethan la consacra à la réunion. A cette dernière réunion de l'Inquisition, semblait il. Pas d'Hymne Gloria, cela aurait été quelque peu indécent.
C'est lorsqu'il monta dans la chaire qu'Ethan fut pris d'un certain vertige, devant cette assemblée de tristes sires qu'était l'Inquisition. Il lui semblait bien qu'un ou deux fantômes s'étaient glissés parmi eux. Cela faisait tellement longtemps que l'armée du Seigneur était présente à Forbach...
Enfin, Ethan commença ses lectures. Sa voix portait haut et clair dans l'église, et chacun de ses mots était accompagné de ce petit nuage de fumée propre au froid de la bâtisse. L'ecclésiastique avait toujours sélectionné ses textes avec soin, et pour terminer, son choix s'était porté sur la deuxième partie de l'épître aux colossiens, qui convenait à son utopie de l'Inquisition. Ce qui aurait dû être et qu'elle ne fut jamais.

"Je veux, en effet, que vous sachiez combien est grand le combat que je soutiens pour vous, et pour ceux qui sont à Laodicée, et pour tous ceux qui n'ont pas vu mon visage en la chair,
afin qu'ils aient le coeur rempli de consolation, qu'ils soient unis dans la charité, et enrichis d'une pleine intelligence pour connaître le mystère de Dieu, savoir Christ,
mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science.
Je dis cela afin que personne ne vous trompe par des discours séduisants.
Car, si je suis absent de corps, je suis avec vous en esprit, voyant avec joie le bon ordre qui règne parmi vous, et la fermeté de votre foi en Christ.
Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus Christ, marchez en lui,
étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d'après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces.
Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s'appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ.
Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité.
Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité.
Et c'est en lui que vous avez été circoncis d'une circoncision que la main n'a pas faite, mais de la circoncision de Christ, qui consiste dans le dépouillement du corps de la chair:
ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance de Dieu, qui l'a ressuscité des morts.
Vous qui étiez morts par vos offenses et par l'incirconcision de votre chair, il vous a rendus à la vie avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos offenses;
il a effacé l'acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et il l'a détruit en le clouant à la croix;
il a dépouillé les dominations et les autorités, et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d'elles par la croix.
Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d'une fête, d'une nouvelle lune, ou des sabbats:
c'était l'ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ.
Qu'aucun homme, sous une apparence d'humilité et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tandis qu'il s'abandonne à ses visions et qu'il est enflé d'un vain orgueil par ses pensées charnelles,
sans s'attacher au chef, dont tout le corps, assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l'accroissement que Dieu donne.
Si vous êtes morts avec Christ aux rudiments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes:
Ne prends pas! ne goûte pas! ne touche pas!
préceptes qui tous deviennent pernicieux par l'abus, et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes ?
Ils ont, à la vérité, une apparence de sagesse, en ce qu'ils indiquent un culte volontaire, de l'humilité, et le mépris du corps, mais ils sont sans aucun mérite et contribuent à la satisfaction de la chair. "


Ethan laissa sa lecture en suspend, les yeux perdus sur les mots de la page des Saintes Ecritures devant lui. Enfin, il releva la tête, et contempla chacun des agneaux et des loups réunis sous le même symbole de l'Inquisition.

"Cela fait un certain temps que nous sommes ici, n'est-ce pas ? Je veux dire, l'Inquisition, à Forbach. C'est à se demander si cela à du sens...

Un murmure parcouru l'assemblée. Ce n'était pas une homélie traditionnelle. Non, Ethan s'était sentit bien incapable d'en trouver une convenable pour l'occasion. Aussi, ce n'était pas une explication de texte qu'il prononcerait, mais quelque chose venant du coeur, de son coeur.

"Il s'est passé beaucoup de choses ici. A Forbach. Les pierres de l'église elles-même en sont témoins."

Ses yeux glissèrent sur certaines pierres qui portaient encore les traces de brûlure de l'incendie qui, quelques années auparavant, avait ravagé la demeure de Dieu.

"Aujourd'hui, le village est calme. Endormi dans ses brumes... tout vit et respire sereinement. Sincèrement, je ne sais si la noirceur n'existe pas encore dans quelques tréfonds, dans quelques coeurs de Lorraine. Mais il est évident que Satan craint la Lumière apportée dans ce village. On nous a demandé de nous retirer. La croisade de l'Inquisition n'est pas terminée. J'aimerai croire qu'elle cessera bientôt, car toutes les âmes aimeront le Seigneur comme il se doit. Mais ce jour n'arrivera que lorsque le voile sera levé, n'est-ce pas ?"

Ethan se redressa, et s'efforça de regarder chacun des inquisiteurs dans les yeux.

"Forbach a été notre point de rencontre, notre réunion. Nous allons partir. Quitter Forbach. Quitter la réunion. A Forbach, nous avons rencontré des démons.
Mais je sais que j'y ai également rencontré des êtres humains.
Je sais qu'au plus profond des ténèbres, il existe toujours l'humanité, et avec l'humanité, l'oeuvre du Tout-Puissant. "


Ethan pesait ses mots. Chaque parole lui coûtait.

"Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi."

Une nouvelle pause. Pas un bruit parmi les ouailles.

"Ne l'oubliez jamais. Quel que soit le chemin que vous choisissez après Forbach. Jeunes, et moins jeunes. Ne perdez jamais votre foi. N'oubliez pas ce qui s'est passé ici, les gens que vous avez croisé. Gardez les dans votre coeur. De la même manière que vous gardez en vous l'amour du Christ."

Et Ethan se tut, avant de descendre à pas lent de la chaire, et préparer la communion.
Le silence était pesant dans la nef, et le goût du vin lui parût bien âcre. Enfin, il les invita à venir communier avec lui, en donnant une hostie à chacun.
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Sébastien Garin
Conseiller de la Suprema
Conseiller de la Suprema
Sébastien Garin


Eucharistie Vide
MessageSujet: Re: Eucharistie   Eucharistie Icon_minitimeMer 20 Oct 2010 - 8:42

C’était la dernière fois qu’elle faisait son lit, c’était la dernière fois qu’elle mettait son bureau en ordre, c’était la dernière fois qu’il voyait son bureau. C’était la dernière fois qu’il allait à la messe, c’était la dernière fois qu’elle voyait Zetting, c’était la dernière fois qu’elle voyait Père Ethan. Toutes ces dernières fois avaient un parfum de liberté pour Sarah Geisler. Une liberté tellement attendue qu’elle avait une saveur beaucoup trop enivrante, comme un quartier de viande grésillant de sauce pour un affamé.

C’était la dernière fois qu’il s’asseyait sur ce bois patiné, c’était la dernière fois qu’il était Second à Forbach, et qu’il dirigeait des hommes plus puissants que lui à travers un numéro d’équilibriste risqué. Toutes ces craintes, ces peurs n’avaient plus de raison d’être désormais, le tunnel était enfin terminé. L’ordre de démobilisation avait mit du temps à venir, mais il était finalement venu, avec au moins dix ans de retard. Il aurait pu arriver plusieurs années avant si seulement il n’y avait pas eu ce coup de gloire inespéré. Quinze sorcières avaient retardés la fin de Sébastien Garin pour trop longtemps. Mais désormais, Rome s’impatientait de dépenser autant d’argent à maintenir autant d’inquisiteurs à Forbach, l’heure était à la restriction budgétaire. Un remerciement, un solde de tout compte, et un au revoir : la démobilisation était assez sèche, mais peu importait : les inquisiteurs de Forbach étaient désormais libres.

Il y en avait certains que cette perspective effrayait, des gens qui ne se voyaient pas se libérer des chaînes de Rome, tant pis Sébastien Garin n’était pas de ceux là. A midi, il serait sur un cheval à destination de Dijon. Au soir, elle serait dans une auberge plus proche de Nancy. A la fin de la semaine, elle se retrouverait dans le commerce d’une certaine famille Geisler, et tenterait de rattraper vingt ans de retard. Un grand vertige régnait quant à cette idée, mais une détermination sans faille faisait que quoi qu’il arrive et quels que soient les doutes, Sarah Geisler irait au bout de ce projet. Avec ou sans David.

Elle aurait infiniment préférée avec. Mais David semblait être prêt à forcer tous les obstacles qui séparaient de son indépendance complète, et la première chose qu’il ferait une fois cette liberté acquise serait certainement d’abandonner sa mère. Vingt ans, pour un abandon. Ne pas y penser, ne pas y penser.

Elle brûlait d’impatience que cette dernière messe se finisse, que cette dernière lecture prenne fin, que cette dernière homélie soit vite faite, Sarah Geisler n’écoutait qu’à moitié ce qui était dit, et ne faisait l’effort de comprendre que la moitié de la moitié. Elle était déjà après, dans sa liberté toute nouvelle. La lecture biblique lui passa complètement au dessus de la tête, le début de l’homélie eut un tout petit peu de résonnance, résonnance qui s’accentua au fur et à mesure que l’homélie se déroulait. Et enfin, elle comprit que ce n’était pas un message ordinaire, c’est dire sa distraction.

Et sur tout ce qu’avait dit le Frère Ethan, une phrase seule se détacha, mais elle se marqua en lettres de feu dans son esprit : Au fond des ténèbres l’humanité, l’humanité œuvre du Tout Puissant.

Au fond des ténèbres, l’œuvre du Tout Puissant.

Elle répétait intérieurement ces mots alors qu’elle se levait machinalement pour recevoir l’eucharistie, et comme un automate pour être la première à recevoir la communion, conformément à l’ordre hiérarchique. Mais avant de recevoir le sacrement, le Second se reprit et il s’excusa d’un geste auprès de Frère Ethan, avant de se retourner et de dire à toute l’assemblée d’une voix forte :

« Je souhaiterai dire quelques mots plus que rapides avant cette dernière communion ensemble. Pour les plus anciens d’entre nous, nous avons passé dix huit ans ensemble, pour d’autres simplement quinze ou dix ou moins. En tout cas, Forbach nous a marqués autant que nous avons marqué Forbach. Nous allons emmener dans nos foyer un peu de la brume de ce village, je pense, y laisser une part de nous même…

Mais je n’y laisserai pas votre souvenir, cela je le garde avec moi. Je garderai de vous tous un souvenir précis et ému, et je pense que je regretterai de ne plus vous voir, quelles qu’ait été nos relations.

Voilà, c’est tout, prenons la communion maintenant »


Paradoxalement, Sarah Geisler ressentait réellement un pincement au cœur à l’idée de ne plus voir ces têtes qui l’avaient souvent angoissés, elle n’avait pas menti en disant qu’ils allaient lui manquer. Les prisonniers qui ont longtemps vécu dans un cachot ont souvent peur d’une porte ouverte, et ne s’y précipitent pas, ne quittant leur oubliette qu’avec circonspection. C’était aussi ce genre de chose qui animait Sébastien Garin/Sarah Geisler.

Il/Elle s’agenouilla pour recevoir la dernière hostie, la dernière goutte de vin.
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David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Eucharistie Vide
MessageSujet: Re: Eucharistie   Eucharistie Icon_minitimeMer 20 Oct 2010 - 21:48

Le front dans les paumes, les coudes appuyés sur ses genoux, David était assis dans une position qui n’était ni très humble ni très révérencieuse –en tout cas, qui ne convenait pas parfaitement à une messe. Mais en était-ce vraiment une? L’instant était tellement particulier, unique même. Ce n’était pas comme si l’Inquisition avait l’habitude de quitter souvent Forbach. On n’avait jamais vu ça et on ne le reverrait sans doute plus jamais. Les paroles du Père Ethan vibraient dans la vaste pièce, entrant en résonance avec les pierres de l’Eglise de Zetting –ce lieu qui, mordante ironie du sort, avait été le théâtre de tant d’événements occultes ces quinze dernières années… Oui, en ces murs et autour de ces murs, les hommes avaient assisté à la fois à un commencement et une fin. Nul ne savait vraiment quand cela avait débuté; avant 1626 sans doute, bien avant la naissance de David. Mais la fin s’étendait à présent sous ses yeux et il ne pouvait qu’y assister impuissant, assis sur un banc de bois inconfortable à remuer de sombres pensées.

Aujourd’hui sonnait le glas de ses espoirs, de ses ambitions avortées. L’impression de l’imminence d’une mort flottait dans l’air, empreinte dans l’atmosphère et les paroles de Père Ethan. Ce n’était pas une messe, c’était une oraison funèbre. L’extrait du psaume 23, entre autres, ne pouvait que confirmer ce terrible sentiment. Le jeune Geisler poussa un bruyant soupir à fendre l’âme. Garder l’amour du christ? Il avait plutôt l’impression que le christ lui chiait dessus ces derniers temps, en s’acharnant à piétiner ses projets d’avenir grandiose. Bien sûr que oui, l’œuvre de l’Inquisition avait eu du sens; comment le Père Ethan pouvait-il se permettre d’en douter? Pourquoi semblait-il lui aussi si mou, si résigné? Une profonde ambiance de neurasthénie régnait dans toute l’Eglise et David avait l’impression d’être le seul à éprouver de la frustration et du ressentiment. Mais un autre être, dans les rangs, se soustrayait également à la mélancolie commune.

Sa mère. Son père aux yeux de tous. Assise tout devant, plusieurs rangs devant lui, vers sa gauche. D’où il était, David pouvait voir une partie de son visage et s’apercevait sans mal qu’elle jubilait, essayant sans doute de cacher sa bonne humeur sans y parvenir le moins du monde. Le jeune homme eut une moue courroucée et il passa sa main sur son visage pour le rafraîchir. La situation avait été tellement tendue avec sa génitrice ces derniers temps… dès qu’il se trouvait en sa présence, il ne savait plus quelle attitude adopter, et s’arrangeait toujours pour qu’ils ne soient pas seuls tout les deux. Et il espérait de tout cœur qu’elle n’allait pas lui demander de quitter Forbach avec elle pour aller dieu sait où; il n’avait aucune intention de quitter la ville.
Dans les rangées, David repéra quelques visages de jeunes Inquisiteurs qui, comme lui, faisaient partie de la nouvelle génération, la chair fraîche, avide de faire ses preuves et désespérée d’assister à la fin pure et simple de leur avenir…

Ses pensées furent interrompues par un mouvement devant lui; Sarah Geisler, ou plutôt Sébastien Garin, s’était retournée vers ses troupes et leur adressait un dernier discours. Son fils était à la fois stupéfié et atterré de la façon misérablement poétique dont elle leur parla. Croyait-elle donc s’adresser à des enfants de chœur? Certes il ne s’attendait pas à un chant guerrier mais quand même… un peu plus de virilité aurait été attendue du dirigeant de l’armée inquisitoriale… Dans la catégorie « déceptions et misères », cette journée se posait là.

Au terme du court discours de sa mère David se leva comme les autres et joignit la file dont les membres attendaient pour la communion. Etant encore un sous-fifre de relativement bas étage il dut patienter longtemps et passa presque tout en dernier. Il en profita pour échanger une conversation animée mais à voix basse avec ses jeunes compagnons d’infortune, tout aussi lésés que lui. Puis le jeune homme reçut le pain et le vin, attendit sur les nerfs la fin de la messe et, une fois celle-ci sonnée, fut un des premiers à se précipiter dehors.
Ouf! Enfin de l’air! Il avait l’impression de devenir fou. Peu à peu, le Parvis se remplissait d’Inquisiteurs, déversés tels un flot par la gueule béante de l’Eglise. David aurait souhaité rester un peu pour discuter avec certaines personnes mais il savait que, même si Sébastien Garin était pris pour le moment, il finirait forcément par sortir lui aussi et se retrouver face à son fils. En laissant son regard voguer sur les têtes présentes pour tenter d’anticiper cela, les yeux de David tombèrent soudain sur l’éclat d’une longue chevelure rousse et il déglutit.

Oh Non!! Mieux valait prendre la fuite. Il tenta de se glisser parmi les gens et disparaître dans la foule tel un fidèle anonyme, espérant que la propriétaire de cette chevelure ne l’avait pas vu.
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Cassandra de Saint-Loup
Inquisiteur Général
Inquisiteur Général
Cassandra de Saint-Loup


Eucharistie Vide
MessageSujet: Re: Eucharistie   Eucharistie Icon_minitimeSam 6 Nov 2010 - 14:31

La Veuve avait laissé sa fille au château. Elle voulait éviter de la mêler au monde de l'Inquisition, et Narcissa elle-même n'aurait vu aucun intérêt à accompagner sa mère à l'Église pour une cérémonie spéciale. Et, malgré le matin sombre et amer, le cœur de Cassandra de Saint-Loup était léger. Quand Sarah Geisler lui avait annoncé que l'Inquisition partait pour de bon, elle s'était sentie soulagée, parce qu'elle n'allait pas empêcher sa fille de s'épanouir. Aux excuses de son amie pour le déplacement à Forbach devenu inutile, Cassandra avait protesté, masquant subtilement le soulagement qui l'étreignait. Narcissa allait rejoindre les rangs des sorcières, c'était une triste évidence qui déchirait le cœur de la Veuve. Mais elle savait qu'on ne luttait pas contre sa nature, et que Narcissa était appelée, aussi sûrement que le Père Ethan l'était par Dieu, par les obscurs rituels d'Olrun. C'était un blasphème pur et simple, l'ancienne Mère Mattea s'insurgeait d'ailleurs contre cette idée ridicule, mais la mère de sang savait, elle, que son enfant était inéluctablement destinée à sombrer dans les affres de la sorcellerie. Elle ne voulait pas l'empêcher, parce qu'elle connaissait sa fille, aussi sûrement qu'elle se connaissait elle-même, mais son devoir de mère était de tout faire pour sauvegarder son existence. Amaël n'était plus là pour les protéger, il fallait qu'elle soit forte pour deux, et qu'elle mène sa fille au bonheur, ce bonheur qu'elle-même avait cherché pendant tellement d'années, et qu'elle ne se voyait pas refuser à la prunelle de ses yeux. De toute façon, c'était seulement une question de temps... Un jour, Cassandra et Narcissa retourneraient à Rodez, certainement pour un mariage, loin de l'Inquisition et des sorcières de Forbach.

Avec toute la dignité de son statut, la Veuve pénétra dans l'Église et se mit à sa place habituelle. Sa longue robe noire ne contrastait guère dans l'assemblée d'ecclésiastiques et de clercs. Cassandra écouta la messe avec la même rigueur qui l'avait caractérisée durant son année de service à Forbach. Mais elle pria tout du long, de toute son âme, pour feu son époux et pour Narcissa.

Si elle était restée une quinzaine d'années à Forbach, elle aurait certainement eu envie de dresser des bilans, de mesurer le chemin parcouru et de se glorifier pour les sorcières arrêtées, mais l'Eucharistie ne représentait rien de tout ça pour elle. Pour la Veuve, l'Eucharistie était un point de départ. C'était la fin de la menace qui pesait sur Viviane, sa sœur bien-aimée. Sa sœur ne serait pas inquiétée, et cela rassurait Cassandra. Depuis Rodez, elle n'avait jamais cessé de prier pour la vie de sa sœur, en espérant de tout cœur que rien ne lui arrive jamais, et surtout d'avoir le bras assez long si un jour elle venait à être arrêtée... Mais voilà que ces craintes devenaient un passé négligeable, des craintes qui n'avaient pas de fondement. Viviane et sa nouvelle apprentie, la petite Narcissa, pouvaient exercer sans trop de dangers les arcanes secrets de leur science occulte...

En écoutant Ethan, Cassandra ressentit vivement le paradoxe de sa situation. Elle n'était pas tout à fait cohérente avec elle-même, mais elle faisait ce qui lui paraissait le plus juste, et elle ne trahissait personne. Son esprit médita un instant les paroles d'Ethan, puis les mots de Sarah Geisler la firent trembler, momentanément, pour le Second. Sans doute était-ce parce qu'elle connaissait son terrible secret, mais elle avait l'impression que la femme transparaissait trop clairement dans les propos de Sébastien Garin. Fermement décidée à ne laisser personne se moquer de son amie, la Veuve conserva le dos bien droit jusqu'à la fin, allant communier avec recueillement.

Enfin, la messe se termina. Cassandra sortit lentement de l'Église, en se demandant si l'air serait différent à Forbach, pour les sorcières. En se demandant si Alicia Maestriani savourait sa victoire. En se demandant si les Inquisiteurs partaient avec le sentiment d'avoir réellement éradiqué les sorcières, alors même que des gens comme Sarah ou Ethan savaient parfaitement qu'il en restait à Forbach. Toutefois, la messe marquait un nouveau départ pour Sarah Geisler, et Cassandra se réjouissait sincèrement pour elle. Le jour qu'elle avait tellement attendu arrivait enfin ! C'était tout à fait compréhensible qu'elle ait laissé sa féminité reprendre le dessus, vu l'émotion du moment. Qu'allait d'ailleurs devenir son grand dadais de fils, qui n'avait cessé de grandir ? Il allait certainement tenter de monter dans une grande ville, il avait l'âge de quitter le foyer... La Veuve hésitait entre proposer de placer le petit David dans une étude à Rodez et tout simplement le recommander sans rien en dire à personne. L'apercevant dans la foule, elle dirigea ses pas vers sa silhouette et se planta bien en face de lui, parce qu'elle savait qu'il tenterait de l'éviter – allez comprendre les jeunes sots de son âge ! Elle en riait sous cape : il n'y avait pas d'échappatoire possible. Elle le salua en lui tendant la main pour un baisemain :

- Bonjour David. Je suis contente de voir que tu vas bien.

Elle était l'aînée, c'était à elle de mener la conversation. Presque sans transition, parce qu'elle n'allait pas débiter des mondanités au petit Geisler, elle continua :

- Que vas-tu faire, maintenant que l'Inquisition se retire de Forbach ? Tu as déjà trouvé une autre cause au service de laquelle mettre ta fougue ?

La Veuve voulait sincèrement l'aider, mais ses propos, comme toujours, relevaient plus de l'interrogatoire en règle que de la bienveillante proposition.
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David Geisler
Sergent
Sergent
David Geisler


Eucharistie Vide
MessageSujet: Re: Eucharistie   Eucharistie Icon_minitimeLun 8 Nov 2010 - 18:58

Tenter de prendre la fuite au milieu d’une foule aussi compacte relevait de l’exploit, ou du numéro de contorsionniste, au choix. David s’aperçut vite qu’il n’y avait pas vraiment d’échappatoire et c’est en se sentant parfaitement idiot qu’il vit finalement la silhouette haute de Cassandra lui barrer la route. Bien qu’il l’aie repérée depuis longtemps déjà, il essaya de feindre la surprise en observant son visage aux traits matures, déterminés, sévères mais justes, encadré par la cascade de sa chevelure. Bien qu’il fut un jeune homme de vingt ans dans la force de l’âge, elle était presque aussi grande que lui et l’observait avec un léger sourire en coin, comme si elle trouvait la situation très drôle. David comprit pourquoi et la soupçonna de bien s’amuser tandis qu’il saisissait sans conviction sa main pour y déposer un baiser.

Cassandra… l’ancienne Mère Mattea. Une personnalité incroyable qui malgré son désir de discrétion avait fait parler d’elle. David se souvenait avec nostalgie des longs et agréables séjours qu’il avait passé chez elle, en Rodez, des années auparavant. Des jours secs et alanguis dans la merveilleuse chaleur de l’été, des heures passées sous l’ombre fraîche de leur demeure, sous le regard de l’intimidant mais bienveillant Chevalier de Malte. David avait toujours été impressionné par un tel couple, le Comte de Rodez étant un homme qui forçait le respect il ne pouvait lui convenir qu’une femme avec tant de caractère et de mystères que Cassandra de Saint-Loup. Plus tard, lors de ces vacances bienvenues, il avait passé de longues heures à jouer avec leur progéniture, savourant une jeunesse puis une adolescence momentanément éloignée des tourments de Forbach.

Il l’appréciait et la respectait pour tout cela, bien sûr. Mais Cassandra était une femme d’autorité, et il savait que si elle lui donnait un ordre franc et direct, il n’aurait pas la possibilité de s’y soustraire. Bref, il redoutait les représailles. Certes aujourd'hui, l’ancienne carmélite semblait dans de bonnes dispositions et lui souriait amicalement. Cependant elle aurait pu tout aussi bien, et sans surprises, le prendre entre quatre yeux en lançant une réplique du genre « tu mets encore une fois ta mère dans cet état et je te casse les genoux ». Car il ne faisait aucun doute que Sarah Geisler avait parlé à sa fidèle amie de la… petite dispute… qu’elle avait eu avec son fils. Et quelque chose disait à David qu’il n’avait pas fini d’en entendre parler…

"Heu…" fut tout ce qu’il trouva à répondre à son salut et son air enjoué. Heureusement, elle ne semblait pas attendre de réponse et enchaîna de suite sur un autre sujet. David sentit sa gorge se contracter tandis qu’on lui rappelait, une fois de plus, qu’il se trouvait devant un choix qu’il n’avait aucune envie de prendre. Il tenta de sourire à Cassandra mais ne réussit qu’à donner l’impression d’avoir une rage de dents.

"Je… pense rester à Forbach" marmonna-t-il d’un ton vague. Impossible d’être plus précis, même si sa vie en dépendait: tout simplement parce qu’il ne savait pas lui-même ce qu’il allait faire après. Sa vie était ici, certes, mais que faire de son avenir? Il n’avait pas de talent pour grand-chose et n’avait aucune envie, d’ailleurs, de se ré-orienter en dehors de l’armée inquisitoriale. David réprima un soupir; depuis quelques mois il avait repoussé l’échéance le plus possible mais il semblait que la messe d’aujourd’hui avait sonné le point de non-retour. Il repensa fugitivement à sa jeunesse, ses vacances en Rodez. Que restait-il de cette situation désormais? Amaël de Saint-Loup était mort, Cassandra était revenue sur le lieu des origines, David n’avait plus mis les pieds en Rouerge depuis des années… tout avait changé et, à son grand damn, il était temps qu’il change lui aussi.

Et Cassandra, qu’allait-elle faire? Repartir à Rodez? Emmènerait-elle sa fille avec elle? Sa fille… une sublime créature, trop jeune pour qu’il s’intéresse à elle sans subir les foudres de la morale et de tout le monde, trop âgée pour qu’il puisse y rester indifférent. Malgré les longs temps qu’il avait passé en sa compagnie, David avait toujours du mal à se rappeler de son prénom, même si il savait que c’était celui d’une fleur. Mais puisqu’il y avait une infinité de variétés de fleurs et qu’il n’était pas franchement un professionnel en la matière…

"Et Violette?" demanda-t-il à voix basse, essayant d’être aimable et de prendre des nouvelles au passage. "Je veux dire, Azalée... non, Anémone... bref... comment va-t-elle?"
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Eucharistie

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