Car il ne faut jamais plier... [Rosbruck]

Enquêteur Royal

Manoir de Rosbruck. Un jour après la sommation de l’Agent du Diable à Owen Mansholther pour quitter la ville. Oui, Owen a quitté Forbach, mais il lui en faut bien plus pour abandonner son enquête, après tout, c’est bien ce qu’on lui a demandé non ? De quitter Forbach, rien de plus. L’enquêteur, annoncé par un domestique, attendait patiemment que le Comte arrive.

« - Monsieur Mansholther, je suis ravi de vous accueillir à Rosbruck. Avez-vous fait un bon voyage ? »
« - Votre cocher est des plus aimables Monsieur Zimmerman. Je vous remercie encore de bien vouloir m’héberger pour quelques jours. »
« - Il n’y a pas de quoi. C’est tout naturel. Mais vous ne comptez rester que quelques jours ? Pensez-vous retourner à Forbach malgré la menace ? »
« - Comprenez moi bien Monsieur Zimmerman… »
« - Appelez-moi Romain, je vous en prie. »
« - Si vous y tenez, je ne vais pas m’opposer à mon généreux hôte. Je disais donc, comprenez moi bien Romain. Je ne fuis pas Forbach car j’ai peur de cet Agent du Diable. »
« - Pourquoi céder à ses menaces alors ? »
« - Parce qu’il serait idiot de laisser quelqu’un être assassiné par ma faute. Ce genre d’homme est prévisible. Même si je pars, il voudra tuer. Je n’attends juste qu’il tue lors de mon absence. Personne à part vous ne sait que je n’ai pas réellement quitté le Comté. Ainsi, lorsqu’il aura commis son meurtre, que je n’aurai su empêcher de toute façon, il m’aura donné le droit de rester à Forbach, peu importe ces menaces. Je ne me mettrai ainsi pas le peuple de la ville à dos. »
« - Je vois. Effectivement c’est un bon plan. Au moins vous ne vous discréditerez pas aux yeux des gens. Ce qui sera à votre avantage. »
« - Et mieux que cela encore. Notre « ami » me donne là un avantage certain, une opportunité que je vais m’empresser de saisir. »
« - Je ne suis pas en mesure de vous suivre là. »
« - Cela n’a pas d’importance, je ne pourrais pas vous l’expliquer de toute façon. J’aimerais garder mon petit effet de surprise. »
« - Je comprends parfaitement. D’ailleurs en parlant de surprise, je dois admettre que lorsque ma femme m’a raconté votre rencontre, j’ai été étonné par votre dernière question. Pensiez-vous vraiment qu’elle soit la meurtrière ? »
« - Oh non. Mais c’est une question d’usage, une manie chez moi. Une manière de voir comment les gens réagissent à l’imprévu. Souvent les actes et les réactions des gens en disent plus que leurs paroles. »
« - Mais que cherchiez vous exactement en posant cette question à ma femme alors ? »
« - Rien… Je ne voulais juste pas que quelqu’un puisse tirer de conclusion hâtive au fait que je n’ai pas posé cette question à votre femme. »
« - Je dois admettre que vos méthodes laissent tout le monde dans un flou total, j’imagine que c’est voulu. »
« - Je serai un bien piètre enquêteur si les criminels me voyaient venir trois ou quatre coups à l’avance. Non, il faut devancer son adversaire, et c’est pourquoi je ne donne rien à mon adversaire sans que cela ne soit prémédité bien à l’avance. »
« - Vous faites cavalier seul. Personne ne trouve donc grâce à vos yeux pour vous aider ? »
« - Tout le monde m’aide en disant la vérité. Car arrive à moment où plusieurs vérités confondent l’unique mensonge. Mais cette ville est tellement sombre qu’obtenir la vérité est parfois difficile. On me cache des choses, j’en suis conscient, la question qui se pose est de savoir quoi. »
« - Que pourrait-on vous cacher ? Tout le monde ici désire trouver le meurtrier de Laura. »
« - Peut-être bien, mais les gens sont réticents. S’ils ne cachent rien vis-à-vis de l’enquête, c’est vis-à-vis d’autre chose, et mon intuition me dit que ce quelque chose, même s’ils ne l’admettent pas, est lié au meurtre de Laura. Quoiqu’il en soit, je ne quitterais pas la ville tant que ce mystère ne sera pas résolu et que le meurtrier ne soit pendu au gibet. »
« - J’admire votre abnégation. »
« - Ce n’est ni plus ni moins la notion de devoir. »
« - Vous devez avoir raison. »
« - Dites moi Romain, vous connaissiez bien Laura ? »
« - Jamais de repos hein ? C’était une connaissance de ma femme. Elle est venue plusieurs fois à la maison pour qu’elles discutent affaires. Rien de plus. »
« - Je vois, vous ne vous êtes jamais vu en dehors de ces rencontres avec votre femme ? »
« - Que sous-entendez vous par là ? »
« - Rien, je me contente de vous poser des questions simples. »
« - Ecoutez moi bien Monsieur Mansholther. J’ai une femme et deux enfants merveilleux. J’ai, pour ainsi dire, tout ce qu’un père et un mari désireraient avoir. Quelles raisons aurais-je d’aller m’acoquiner avec une autre femme que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam ? »
« - Le goût de l’aventure, la nouveauté, que sais-je, à vous de me le dire.
« - Monsieur Mansholther. J’apprécie votre zèle, mais j’aimerais que vous sachiez une chose. L’aventure, je la vis jours après jours avec ma femme et mes enfants. Je n’ai nul besoin de la chercher ailleurs. Quant à la nouveauté, chaque matin supplémentaire est nouveau pour moi. Alors, si vous désirez ne pas dormir avec les chevaux pour la durée de votre séjour, je vous conseille de ne plus sous entendre que je trompe ma femme, car tout le monde ici, et même ailleurs, pourra vous dire, que je n’aime personne d’autres qu’elle et mes enfants. »
« - Je vous demande pardon Monsieur Zimmerman, mais je me dois de poser ces questions. Après tout vous pourriez bien mentir. »
« - Avais-je l’air assez convainquant ? »
« - Suffisamment, j’ai même cru que vous finiriez par en venir aux mains. Heureusement pour moi, vous savez faire preuve de retenue. »
« - Je suis ici pour vous aider, non pour aider le meurtrier. »
« - Bien vu Romain. Bien, peut-être connaîtriez-vous des connaissances de Laura ? Des personnes qui étaient proches d’elles, des ennemis à elles. On m’a dit qu’elle était très courtisée, connaitriez-vous un amant récent ? Ou peut-être un amoureux rejeté et jaloux ? »
« - Si ma femme ne vous a rien dit à ce sujet, je ne peux pas vraiment vous en dire plus… C’était surtout elle qui la connaissait. Je me contentais d’assister à quelques discussions. Mais c’était plus mondain ou commercial que personnel. »
« - Je vois tout à fait le genre. Une question aussi, pourrais-je recevoir quelques personnes en vue de les interroger ici tant que je devrais rester ? »
« - Oui, bien entendu. Je vous ai fait réserver une aile de la demeure. Vous y serez tranquille et pourrez y faire entrer discrètement des personnes. Je préviendrais notre domestique à ce sujet. D’ailleurs je ne connais pas vos habitudes, mais si vous le désirez vous pourrez diner avec nous. Je vous promets que nous ne parlerons pas de votre travail. »
« - Ma foi pourquoi pas, cela peut être divertissant. »
« - Bien. Si nous en avons fini alors, je vais retourner à mon travail et vous laisser prendre vos quartiers. Si vous avez besoin de moi, faites moi mander. »
« - Oh… Romain, puis-je vous poser une dernière question ? »
« - Je vous écoute. »
« - Avez-vous tué Laura ? »
« - Désirez-vous vraiment que j’en vienne aux mains ? »
« - Non, ça ira. »
« - Nous sommes donc d’accord. A tout à l’heure Monsieur Mansholther. »

Owen salua le baron et se retira dans ses appartements avec un sourire non feint. L’heure était venue de préparer la suite.