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Oblivius

Pouvoir prendre congés de Viviane ne fut pas chose aisée. Bien que Garance accepte volontiers qu'elles se soient trouvées toutes deux et que la femme fut sympathique avec elle, sans tenter de retrouver d'où cet oiseau fut tombé du nid, l'Adolescente avait l'envie peu raisonnable de la quitter.
A la fois craintive qu'elle ne la dénonce finalement, ou que ses parents remontent jusqu'à leurs traces par on ne sait quel moyen, et somme toute désireuse d'assouvir le trop-plein d'envie et de découverte qui l'animait, Garance était sortie au petit matin, sans laisser le moindre message à son hôte si aimable. L'avantage lorsque l'on ne possède finalement rien, était qu'on pouvait quitter une place sans mal, et sans perdre de temps.

Garance ne connaissait rien de son Vrai Père. Christian Stue, avait-elle seulement compris de sa mère, était Inquisiteur, de la région parisienne, et avait passé plusieurs années à Forbach. Dans son souhait de suivre ses traces, et d'en apprendre plus sur lui éventuellement, dans son but de lui rendre hommage et de se montrer digne de son combat divin, Garance eut quelques secondes d'hésitation avant de choisir sa destination matinale.
En réalité, elle avait vécu protégée de tout contact avec l'extérieur, et notamment de l'Inquisition ou des Sombres Histoires qu'on entendait parfois contées au coin du feu, avec la peur dans la voix. Elle ignorait largement les pratiques et coutumes de ses êtres aimés de Dieu, et elle ne mit pas longtemps à prendre la route vers l'Eglise.

La trouver ne fut pas difficile, s'orientant grâce au haut clochet qui surplombait tout toit de la ville. Bien que presque étrangère à Forbach -elle maudissait Constance d'être si farouchement attachée à la garder protégée dans ce Manoir froid- elle se dirigea avec facilité, et fut très fière de parvenir à son but sans se tromper de route. L'air souriant de la victoire fut tâché lorsqu'elle s'approcha de la porte de l'Eglise. Placardée, une missive lui demanda plusieurs minutes de lecture.

Nul horaire pour les messes, ou demande officielle du Bourgmestre. Il s'agissait d'une lettre de menaces à l'attention d'un certain Owen Mansholther. Elle ignorait qui il était, mais avait entendu ses ... parents ... en discuter un soir, dans des conversations murmurées, presque effrayées. Constance avait toujours été peureuse, Garance pourtant eut un frisson en lisant la sombre signature. Qui pouvait prétendre être envoyé de Dieu. Et qui était assez dément pour se réclamer du Malin ?
Une profonde haine l'envahit. Elle avait été baignée de craintes, non prononcées, seulement héritée d'une mère ou d'un sang. La haine et la foi étaient dues à son Père, elle le sentait en elle. Comme un devoir de ressentir tout le dégoût nécessaire envers ceux qui salissent le Puissant.

Elle entra dans l'Eglise d'un pas vif, qui fit se retourner les quelques fidèles qui s'y recueillaient. Certains la fusillèrent du regard, mais elle plissa les yeux en les défiant. Pouvaient-ils comprendre, eux si pieux, que le coeur soit si choqué de cette lettre et de cet être qui s'annonçait comme l'Agent du Diable, que leurs âmes à tous paraissaient ignorer ?
Elle marcha dans l'allée centrale, voyant défiler les sièges et les prie-dieu. Que cherchait-elle exactement ? Elle devait admettre qu'elle ne le savait pas.

Son regard cernait les visages, cherchant des réponses. Un homme plus âgé, sage et froid, voilà ce qu'elle imaginait être un Inquisiteur. Un homme où on lirait le courage et l'amour du Très-Haut en un clin d'oeil, quelqu'un de respectable, et respectueux, mais de tellement froid... Elle s'avança finalement vers un jeune homme, par dépit, et chuchota :

"Excusez-moi ... Vous... Je cherche un Inquisiteur." Fit-elle, bien fière, malgré les froncements de sourcils d'une vielle dame à côté d'eux.

Sergent

Jouir du malheur des autres est quelque chose de terrible. David l’avait toujours entendu répéter et même au-delà, sa mère n’aurait tout simplement jamais toléré qu’il se réjouisse de la mauvaise fortune d’autrui, si ce n’est des sorcières à l’extrême rigueur. Pourtant en cet instant, il ne pouvait empêcher un fantôme de sourire flotter sur ses lèvres; car après être passé si près d’une déchéance certaine, ses espoirs de carrière refleurissaient à vue d’œil. Tout ça à cause –ou plutôt grâce à- un bout de papier placardé un jour sur la porte de l’Eglise de Zetting, et signé d’un fou furieux qui n’avait selon le jeune homme aucune crédibilité. Qu’importe, à présent la ville étant en émoi et même si David ne se réjouissait pas, au sens strict du terme, de la détresse populaire, il ne pouvait en concevoir qu’une immense satisfaction… car c’est cet événement qui avait motivé l’Inquisition a rester.

Ils ne s’en allaient plus ! C’était la meilleure nouvelle de l’année. Du moins telle était sa pensée lorsque, de bon matin ce jour-là, il se tenait avachi négligemment sur un des bancs de l’Eglise, en regardant les bas rayons de soleil de ce début d’hiver filtrer à travers les vitraux. Il s’était levé plusieurs heures avant l’aube, ce qui, considérant son train de vie complètement dissolu, n’était pas très surprenant. Ces derniers jours avaient été passés à faire la fête avec des compagnons inquisiteurs de beuverie, qui clamaient comme lui leur joie du retour de l’Inquisition à Forbach. Mais ils célébraient l’événement en cachette et en silence, dans les lieux et aux heures les moins fréquentées, pour ne pas se donner trop en spectacle –l’atmosphère grave et psychotique qui était tombée sur la ville ne s’y prêtait que trop peu.

Ce matin-là, David avait passé quelques heures à effectuer un travail de manutention, avant de se rendre à l’auberge avec une bande d’amis afin de se restaurer. L’ambiance qui régnait sur la ville était froide, saturée d’ondes négatives. Les habitants avaient toujours vécu parmi les sorcières et dans la peur de celles-ci mais étrangement, savoir qu’un assassin évoluait parmi eux était une perspective foncièrement différente. Les filles du Diable étaient un sujet de haine, l’Agent du Diable un sujet de peur. Considérant la nature maléfique des deux choses, David ne doutait pas qu’elles fussent connexes et relatives aux mêmes personnes; c’est pourquoi il avait tendance à prendre comme une affaire personnelle cet histoire de meurtrier fou, même si pour l’instant les possibilités d’action lui paraissaient limitées. En effet, même si il s’imaginait parfaitement arrêter l’Agent du Diable lui-même au terme d’un combat épique, le devant de la scène était à présent occupé par cet enquêteur mandé par la reine, Owen Masholther, lequel avait selon les rumeurs plus d’intelligence que David n’avait de muscles.

Il eut un soupir bref en regardant autour de lui. Après sa collation à l’auberge, ses pas l’avaient mené vers l’Eglise de Zetting. David n’était pas particulièrement croyant et se rendait à la messe uniquement le dimanche, pour faire plaisir à sa mère et à l’opinion publique; c’est pourquoi les motifs pour lesquels il était avachi sur son banc en cette froide matinée n’avaient rien à voir avec une quelconque dévotion religieuse. Il attendait simplement l’arrivée d’un ami dont le père venait de partir à l’étranger, et qui lui avait promis la veille de lui faire goûter un très bonne échantillon d’herbes à fumer en provenance des indes. Quoique cette mentalité ne correspondit pas à ce qui convenait dans une Eglise, il n’y avait rien de mieux que le fin de messe pour retrouver quelqu’un et discuter avec lui tranquillement, presque incognito.

Tout à ses pensées, David n’entendit pas la nouvelle venue pénétrer sous la haute voûte de pierre, ni le bruit sec de ses pas remonter de long de l’allée. Il n’émergea que lorsqu’une voix jeune et féminine résonna à côté de lui, hésitante malgré son ton plein de défi. Le jeune homme tourna la tête pour observer son interlocutrice, qu’il toisa bientôt d’un regard amusé.

"Hé bien, tu en as un devant toi" fit-il à voix basse pour ne pas s’attirer de nouveaux regards courroucés de la part de la petite vieille d’à côté, qui d’ailleurs le regardait d’un mauvais œil depuis le début de l’office. Il garda le silence quelques secondes, n’ayant pas bien compris finalement l’objet de la visite de la fille. Des Inquisiteurs, il y en avait des dizaines. Si elle souhaitait qu’il lui en indique un en particulier, elle allait devoir lui donner un nom. Mais il n’était sûrement pas commun que les gamines s’adressent aux vétérans bras armés du Seigneur, n’est-ce pas?

"Que veux-tu? Tu as perdu ta poupée?" demanda-t-il sans pouvoir retenir un ton narquois. Ce n’était pas méchant, juste une manière pour lui de dire qu’il trouvait la situation amusante. Et lorsque David ferait preuve de tact envers quelqu’un juste parce que la politesse l’exigeait, les poules auraient des dents…

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Garance eut une double réaction. D'abord, une moue presque dégoûtée en entendant les premiers mots du jeune homme face à elle... Lui ? Un Inquisiteur ? Elle dut faire un effort pour se souvenir que les Décisions de Dieu étaient sans doute impénétrable et ne devaient pas être expliquées, car elle se demandait sincèrement pourquoi le Puissant irait chercher parmi les hommes de sa stature pour le servir … Il était tout maigre, un visage tout blanc, des cheveux tout noir et des yeux encore plus sombres … ?! C'était tout de même étonnant qu'on puisse songer à recruter de telles personne, enfin.

Pourtant, la satisfaction de trouver l'un de ceux qu'elle cherchait l'emporta bientôt, et elle fut ravie.

Certes, déçue, car elle s'attendait à un stéréotype athlétique, fort, le symbole de la Puissance Divine, marquée, le visage masculin et dur, mal rasé, les yeux plissés du chasseur, la mâchoire saillante, le … Elle eut un léger sourire forcé, durant une seconde, et revint à un visage plus fier à nouveau. Se forçant à ne pas faire attention à cette remarque désobligeante sur sa poupée -Alors qu'elle n'y jouait plus depuis au moins 6 mois !- l'Adolescente colla ses mains sur ses hanches, en fixant son interlocuteur.

« Hé bien je cherche un Inquisiteur car... » Elle se coupa, fronça les sourcils en une expression de doute.

« Vous êtes réellement un Inquisiteur ? » Mais à quoi pensait le Seigneur lorsqu'il prenait sous son aile ses Soldats ?! Anéantissait-on les Armées du Malin avec une brindille ? Elle oublia également de penser que dans ce cas, on ne l'assassinait pas avec une fillette...
Garance se rendit compte que, assit, le jeune homme avait pratiquement sa taille, elle, debout. Le Tout Puissant devait apprécier les gens se rapprochant du Ciel, c'était là, la seule explication.

Car assurément, ce n'était pas pour sa politesse ! Elle ne jouait plus à la poupée ! Garance se gratta la nuque avant de réfléchir à nouveau. La vieille femme mit bientôt son doigt devant sa bouche et souffla dans un peu discret « chuuuut », la mine grognon.
Mais elle verrait, elle, si elle dira encore « chut », lorsque les Généraux de Dieu vaincront le Mal ! Ingrate. Garance soupira et se retint de tirer la langue à cette vieille peau. Bien, en réalité, la Maison du Seigneur ne devait pas être souillée par leur discussion... Mais elle n'allait pas laisser sa chance d'entrer dans l'Inquisition !

« Soit, soit, alors si vous êtes un Homme de Dieu, je veux moi aussi en être ! » Fit-elle à la hâte, pour éviter que la grand mère ne revienne à la charge, et leur demande de partir. Immédiatement, elle se reprit. « Enfin, une Femme de Dieu. » Son ton avait été cette fois beaucoup plus théâtrale, solennel, et clairement orgueilleux.

Sergent

En cet instant ou l’une et l’autre partie se jaugeaient du regard, David était aussi intrigué que la jeune fille était stupéfiée, observant ce petit être venu le déranger dans ses considérations peu vertueuses. Tandis qu’elle semblait osciller entre plusieurs réactions, à savoir doute, satisfaction et incrédulité, le jeune homme prit le temps de la détailler, se rendant compte à quel point la nature de sa requête était en contraste flagrant avec son apparence physique.

Car la petite poupée de porcelaine semblait tout droit sortie d’un château de contes, un de ceux qu’on trouvait dans les livres pour enfants. Tout en elle, depuis son maintien jusqu’à la peau lisse de ses mains qui n’avaient manifestement jamais travaillé, indiquait qu’elle était noble et qu’elle devait mener un train de vie luxueux et prospère. Ses yeux havanes qui l’observaient d’un air bravache, le pli boudeur de ses lèvres, la façon dont elle s’exprimait révélaient autre chose –un certain comportement rebelle, sans doute. David remarqua la crinière de ses cheveux blonds aux ondulations légèrement emmêlées, et l’air qu’elle avait d’avoir fait quelque chose d’interdit tout en étant fière de son action; le jeune homme n’avait aucune idée de l’identité de son interlocutrice mais il devinait sans mal un caractère de noble capricieuse et immature, même si déterminée.
Elle était beaucoup plus jeune que lui, de cinq ans au moins, ainsi que l’indiquaient ses traits juvéniles et contrariés. Malgré tout l’on sentait que l’enfance était définitivement derrière elle et qu’elle n’allait pas tarder à s’ouvrir à de singulières transformations charnelles. David pensa un instant à Narcissa, son regard se fit songeur. Puis il revient sur le moment présent en remarquant que la jeune fille semblait ne pas croire à son identité d’Inquisiteur.

"Evidemment!" grogna-t-il d’un ton mécontent en regardant son image se réfléchir, déformée et colorée, dans le bois du banc sur lequel il était assis. Certes il n’était pas encore une montagne de muscles prête à assommer cinq sorcières d’un coup avec une seule main, mais quand même. La petite n’était-elle donc jamais sortie de chez elle, pour ne pas s’apercevoir que l’armée inquisitoriale comptait, en plus des vieux barbus de l’ancien temps, une génération plus jeune de sous-fifres avides d’exploit? Tout le monde ne commençait pas en tant que vétéran.

Cependant David n’était pas au bout de ses surprises, loin de là. Après plusieurs secondes d’hésitation, durant lesquelles la mine boudeuse de la jeune fille se mua en une expression incertaine, elle finit par avouer l’objet de sa visite tandis que la vieille d’à côté les gratifiait d’un « chut » sonore et mécontent. Mais le jeune homme ne l’entendit même pas, stupéfiée par la requête de la petite blonde. Elle, une Inquisitrice? Une fille, de son âge qui plus est, qui n’avait sans doute jamais fait autre chose dans sa vie que de prendre le thé et dessiner des fleurs? Son intention d’aider à la quête d’épuration de Dieu était louable mais trop comique pour rester de marbre. David éclata de rire sans pouvoir se retenir, tâchant néanmoins de ne pas faire trop de bruit; une tentative vaine puisque la majorité des fidèles se retournèrent pour foudroyer du regard ces jeunes impertinents.

"Ecoute, gamine" fit-il très rapidement avant que quelqu’un ne vienne les voir pour leur demander de débarrasser le plancher -ce qui ne devrait sans doute pas tarder.

"Ton intention est louable mais tu te trompes de vocation. Reviens dans quelques années et on en discutera. Maintenant laisse-moi, j’attends quelqu’un". Et il se détourna, guettant toujours autour de lui l’arrivée de son ami. Peut-être n’aurait-il pas du la congédier si brusquement car si elle était noble, il entendrait sans doute rapidement parler du pays, rabroué sévèrement par des parents mécontents, influents et pleins aux as. Mais bon, ce n’était pas comme si il pouvait prendre au sérieux une telle demande; la détermination candide de la petite le faisait plus rire qu’autre chose…

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La main fine de Garance attrapa le bras du petit prétentieux avec la poigne toute relative de sa condition. Elle avait sur le visage la même moue que lorsqu'on refuse à un enfant une troisième part de tarte, mais il résidait une détermination moins malléable qu'un doigt tendu qui interdit la gourmandise. Elle ne s'était pas échappée de chez elle, avec la menace d'une sanction trop pénible -comme aller au Couvent à Laon, chez ses Grands Parents !- si Constante arrivait à la retrouver, pour se faire dégager par un maigrichon mal peigné !

« Je me fiche que vous attendiez quelqu'un ! » Pesta-t-elle, en pressant le pas d'une vive allure pour le contourner et s'imposer devant lui. Un homme se leva, dans l'allée suivante et leva le doigt, menaçant. Cette fois, l'Adolescente tira la langue de tout son long, puis montra les dents au quinquagénaire, dont la femme crut tourner de l'oeil.

Elle n'était pas décidée à se voir dicter quoi faire, alors qu'elle suivait les pas de son Père. « Et je ne suis pas une gamine ! Je vais avoir seize ans. » Rectifia-t-elle. A cet âge-là, elle pourrait déjà être affreusement mariée et affreusement maman, elle savait que sa cousine germaine était, elle, bien grosse depuis trois mois, et n'avait même pas encore son âge.

L'homme indigné fronçait les sourcils et était à deux doigts de parcourir la distance entre lui et les deux impertinents pour leur réchauffer le postérieur et qu'ils déguerpissent sans attendre. Garance n'était pas attirée par la perspective qu'elle devinait et eut une grimage.

« Et puis ce n'est pas à vous de juger de qui peut ou ne peut pas servir le Seigneur. » Elle cala ses mains sur ses hanches, en levant le menton pour espérer se faire plus grande. « Je veux voir euh … le Chef de l'Inquisition, le euh … Dirigeant ? Oui, voilà, je veux voir votre Chef. » Et, en levant un sourcil. « Parce que de toute évidence, vous n'êtes pas cette personne. » Elle doutait déjà qu'il soit réellement un Envoyé du Divin... Surtout aussi irrespectueux !

Qu'il garde ses opinions, elle aurait à faire ses preuves, à apprendre, à lutter, pour pouvoir être la Main du Tout Puissant, et faire partie de ses Soldats contre le Mal. Et si tous les Inquisiteurs étaient comme cet homme, Il avait besoin d'elle !

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David était déjà retourné à ses préoccupations du moment lorsqu’il sentit la poigne d’une petite main, manquant cruellement d’audace et de force pour quelqu’un qui prétendait à un poste dans l’Inquisition, lui saisir le bras. Importuné, il s’apprêtait à la chasser d’un geste impatient de la main, à la manière dont on écarte un moustique, lorsque l’adolescence en question contourna très vite le banc pour se planter devant lui, frémissante, main sur les hanches. Cette gamine ne devait pas avoir l’habitude qu’on lui refuse quelque chose, pensa David sans chercher dissimuler un sourire devant cet air capricieux du « donne moi ce que je veux ou je crie très fort ». Elle se dressait de toute la hauteur de sa frêle silhouette, sa crinière dorée renforçant la détermination que l’on pouvait lire sur son visage aux traits juvéniles. Le jeune homme s’avisa également qu’elle ne manquait pas de culot pour une nobliotte sensée s’exprimer de manière toujours polie et mesurée.

Il ne put s’empêcher de rire à nouveau, mais plus discrètement cette fois, lorsque la petite remit fermement à sa place un vieil homme outragé. Celui-ci eut soudain la tête de quelqu’un qu’on avait frappé très fort et David sentit qu’il ne valait mieux pas s’attarder dans le coin.

"Seize ans, vraiment?" fit-il d’un ton distrait en se levant du banc. Tous les regards se portaient maintenant sur le petit duo hétéroclite. Le jeune homme lissa les épis de ses cheveux d’un geste machinal sous l’acuité et la férocité des regards; il ne faisait aucune doute que les ennuis viendraient dans quelques secondes.

"Viens par là" grogna-t-il en saisissant sans préavis le bras de l’adolescente. Il espéra qu’elle n’allait pas se mettre à hurler tandis qu’il l’entraînait à grands pas vifs le long de l’allée centrale, la porte dessinant devant eux une silhouette lumineuse. En jetant un regard derrière son épaule, David vit que leur départ était salué de nombreux regards courroucés. Il sortit de l’Eglise en compagnie de la gamine, se postant sur le seuil où, enfin, ils pourraient discuter tranquille sans risquer de se faire estourbir pour impertinence.

"Bon. Maintenant, fais-moi le plaisir de réfléchir deux secondes." Il croisa les bras, l’air aussi buté que la petite blonde avec une tête à peine plus mature. Jamais il n’avait vu un môme faire un caprice aussi saugrenu et d’une telle envergure! Où étaient ses parents, d’ailleurs? N’étaient-ils pas sensés, eux, faire en sorte que leur progéniture apprenne l’humilité? Son regard se porta tout autour, mais le Parvis était désert. Crotte. Il lui faudrait donc lui-même déballer ses arguments un à un, détruire le rêve de la fille pièce par pièce, une tâche qui, même si elle ne le rebutait pas, ne l’enchantait pas non plus car il avait franchement autre chose à faire.

"Les Inquisiteurs doivent se donner corps et âme à leur mission. Je ne crois pas que tes parents soient d’accord pour que tu affrontes un tel danger. Et puis qui te dit que tu ne fuiras pas devant le danger, hein?" Il voulut lui dire que ce genre d’affrontements étaient le domaine des hommes, mais elle aurait répliqué qu’il existait quelques femmes Inquisitrices. Factuellement, c’était vrai, mais elles étaient d’une trempe bien supérieure à la moyenne. David pensa à Cassandra, grande et inflexible.

"Que sais-tu faire de plus que tapper du pied, hein, petite? Connais-tu parfaitement la région? Es-tu jamais sortie de ton intérieur douillet plus de dix fois dans ta vie? Sais-tu manier une arme, monter à cheval, faire autre chose que des broderies ou du dessin ou toutes les mièvreries inutiles qu’on vous enseigne à vous les nobles? Ne t’est-il pas venu à l’esprit que les effectifs étaient complets? As-tu jamais eu à dormir dehors, à avoir de la boue sur tes chaussures vernies?" Un silence sans équivoque s’abattit; la réponse était clairement non, à chacune de ces questions.

"T’es-tu au moins demandé si tu pourrais apporter quoi que ce soit à l’Inquisition?" conclut David, assenant sa dernière phrase comme un couperet. Là aussi la réponse était évidente: rien…
… rien, à part de l’or.
Elle était noble et, si elle le décidait, pouvait apporter à l’Inquisition un soutien financier tel qu’il n’en avait jamais connu. Le jeune homme aurait bien sûr pu lui suggérer, mais il avait surtout envie qu’elle s’en aille, renonce à ses lubies et le laisse tranquille. Il poussa un soupir fataliste, comme pour lui prouver qu’il avait raison.

"Rentre chez toi petite, ça vaut mieux. De nombreux vétérans de l’Inquisition s’y sont cassé les dents, alors une fille de quatorze ans…"

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Il lui avait fait mal au bras, à la tirer vers l'extérieur, et lorsqu'il la lâcha, elle eut un mouvement d'épaule grognon et se massa l'endroit où les doigts avaient appuyé. On n'empoigne pas une jeune fille comme ça ! Et surtout devant Dieu, dans sa Maison ! C'était un sale petit irrespectueux, et maintenant il voulait lui faire la leçon. Garance avait les sourcils froncés, mécontente d'avoir à entendre la morale et les arguments -qu'elle trouvait inutiles !- du jeune homme.

« Laissez mes parents là où ils sont, ce ne sont pas vos affaires ! » Grogna l'adolescente, qui n'avait qu'une seule envie en tête, trépigner pour qu'il arrête de lui parler sur ce ton. Qu'en savait-il, lui, de ce qu'il fallait faire ou non ? Être Inquisiteur n'apprenait vraisemblablement pas le respect ou l'humilité, il était tellement sûr de lui et de son savoir !
Et puis d'abord, il n'avait pas l'air si vieux que ça, à la lumière du jour … Il pouvait bien se moquer de son âge, il n'avait pas beaucoup de poils au menton... Garance soupira largement, et avec insistance, pour montrer s'il le fallait, son inattention.

« JE ne vais pas fuir devant le danger, et vous, vous avez tourné les talons bien vite devant une fillette ! » Oui, elle avait envie de tirer la langue, de serrer les poings et de forcer ses larmes dans l'espoir que cela suffise à la convaincre.

Mais c'était là des attitudes de petites filles ! Elle était adulte, maintenant, elle était au moins égale à lui. Garance avait mal au cou à le regarder, à mettre un point d'honneur à le regarder dans les yeux. Il était beaucoup trop grand, ce n'était pas convenable d'être si haut. La mine bougon de l'adolescente se fit plus hargneuse, à mesure qu'elle l'entendait insulter sa détermination.

« Mais qui êtes-vous pour juger des motivations de quiconque souhaite aider le Seigneur ? » Elle ignorait quel type de réponse faire autrement, c'était là ce qui la choquait le plus. C'était en premier lieu Dieu qui lui avait soufflé ce besoin d'entrer dans son Ordre, et pas en tant que Nonne ! En second lieu, le Chef de l'Inquisition pourrait, lui, apporter son Jugement pour la décevoir ou l'accueillir parmi eux.

« Ma seule volonté de vouloir être Inquisitrice n'est-elle pas une aide précieuse ? Je sais monter à cheval... en amazone, j'ai joué à l'escrime avec mon cousin, et personne ne soupçonne une jeune fille d'être à double tranchant. » Ses yeux paraissaient s'allumer.

« Je pourrais me faire passer pour n'importe qui, et rapporter des informations ! Ou piéger des Sorcières ! Ou m'infiltrer parmi des bandits blasphémateurs ! » Elle ne sembla pas trouver les mots suffisants, son interlocuteur était toujours aussi insatisfait... Garance redoubla d'effort.

« Saviez-vous tout ce qu'aujourd'hui l'on vous a appris à vos débuts ? » Et, comme il ne réagissait pas, la jeune fille parut plus mauvaise, plissa les yeux, la mine sombre. « Assurément, personne ne vous a enseigné le respect, je vous dis « vous », moi ! » Pesta-t-elle en levant les bras.

« Rah, et si je fuis, si je péris lors de la première escarmouche, alors vous serez bien débarrassé et pourriez vous féliciter d'avoir eu raison ! » Elle montra d'un doigt vif, d'un bras qui ne tremblait pas, bien droit, la lettre placardée à la porte de l'Eglise. « Pouvez-vous refuser toute l'aide qui se propose lorsqu'un homme se réclame du Malin ?! »

C'était là, pour Garance, une preuve flagrante d'incompétence. Comment refuser son ambition à les aider, lorsque circulait un homme ou une femme qui se voulait représentant du Mal à Forbach ? Et lorsque l'on avait voulu chasser l'Inquisition ? Elle semblait convaincu qu'il ferait une grave erreur en la repoussant, jusqu'à ce qu'elle cède.
Mais cela, elle n'était pas décidé à le faire ! Ca non. Et si ce n'était lui, ce serait un autre Inquisiteur qui la mènerait vers celui qui pourrait l'accueillir.

« Et j'ai Quinze ans, Monsieur. »

Sergent

Si il avait cru que son argumentation, pertinente à ses yeux, allait convaincre l’adolescente, David fut vite détrompé quand il s’aperçut qu’elle n’avait pas du tout quitté sa mine grognon et rebelle de petite fille gâtée. Les points sur les hanches, le regard furibard, elle le fustigeait sans discontinuer en prétextant sa seule bonne foi –laquelle, pensa David, était admirable mais n’apportait dans la pratique aucune solution concrète. C’était bien beau de vouloir intégrer les rangs de l’armée du Seigneur, mais encore fallait-il être utile à quoi que ce soit. Un poids en plus pour l’Inquisition ne ferait que charger sa mère de responsabilités supplémentaires, ce dont, à n’en pas douter, elle se passerait volontiers. En écoutant les paroles de la blondinette, David faillit presque perdre le fil. Il devait admettre qu’il y avait dans les propos redondants de la capricieuse quelques pistes intéressantes, et qu’elle aurait pu en effet faire une bonne espionne passe partout, mais rien n’était moins sérieux que de confier une telle mission à une gamine. Celle-ci continuait d’ailleurs à miauler devant lui, ses cheveux blonds ébouriffés par la frustration. Blablabla… elle n’avait pas sa langue dans sa poche non plus.

"Mais enfin!" soupira le jeune homme en levant les yeux au ciel, et les mains en signe de découragement.

"Pourquoi, oui, pourquoi as-tu tellement envie d’entrer dans l’Inquisition? Réponds sincèrement à cette question. C’est un simple caprice qui va te passer naturellement au bout de quelques jours, tu le sais ça?" De sa vie, il en était sûr, David n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi têtu et hermétique. Il l’aurait volontiers envoyée promener, car l’agacement commençait à le gagner, si il n’avait pas eu peur des représailles; étant noble, il suffirait à l’adolescente d’en référer à ses parents pour qu’il se retrouve avec un baron mécontent à ses trousses, lui reprochant diverses mauvaises actions au sujet de sa fille. D’ailleurs, c’était uniquement par crainte que ce genre de choses n’arrive que David n’accédait pas non plus à la demande de l’adolescente. Il avait très envie de profiter de sa crédulité et de son inexpérience pour lui sortir quelque chose du genre « très bien, voilà ton test d’évaluation, va espionner et ramène-moi une sorcière » ou encore « les entretiens d’embauche sont payants, ramène-moi de l’or ». Ou même « paye ton entretien en nature », si elle avait été un peu plus âgée. Mais si jamais un couple de noble furieux qu’on ait escroqué leur progéniture venait toquer à la porte… il n’était pas sûr que même le statut de sa mère soit suffisant pour le tirer d’affaire.

Et la petite continuait de piailler, de cracher son venin, lui reprochant son irrespect alors qu’elle, n’était rien de plus qu’une enfant capricieuse et impertinente aux cheveux tout aussi mal peignés que les siens.. David finit par pousser un feulement excédé et, sourcils froncés, la domina de toute sa hauteur.

"Ça suffit maintenant! Rentre chez toi, petite. Si tu veux vraiment aider le Seigneur, il y a un couvent dans la ville voisine. Rentre dans les ordres et apprends l’humilité, ça sera la meilleure solution pour tout le monde." Sur ses mots, il la contourna délibérément et s’apprêta à pénétrer de nouveau dans l’Eglise. Il était en avance à son rendez-vous, ce n’était donc pas l’arrivée de son ami qui le gênait, mais si il retournait s’asseoir sur les bancs à l’intérieur de l’édifice silencieux, la petite ne le suivrait probablement pas, ou du moins elle n’oserait pas faire un esclandre.

Enfin… normalement. Rien n’était moins sûr avec une petite teigneuse dans son genre. Pris de doute, David se retourna et stoppa son geste, ayant déjà commencé à ouvrir le petit battant mobile creusé dans la grande porte de l’Eglise. Il fallait l’éloigner définitivement, qu’elle ne le suive pas en jactant dans le silence feutré de l’édifice.

"Une dernière chose! A propos de laquelle tu ne pourras pas me taner, car il s’agit purement et simplement de la loi. Tu es une fille mineure. Si tu veux rentrer dans l’Inquisition, tu as besoin de l’autorisation de tes parents ou de ton mari. Reviens avec eux, ou alors un papier officiel signé de leur main, et ensuite on verra si je peux t’introduire auprès du Second."

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Majeure ?! Depuis quand le Tout Puissant choisissait ses Agneaux, selon des critères de poids et d'âge. Ah non, il avait tord, et elle allait le lui dire …
Garance resta cependant bouche close, il lui avait cloué le bec. C'était abominable d'avoir droit d'être Inquisiteur lorsqu'on était aussi têtu et méchant, qu'on repoussait même de pauvres jeunes filles qui souhaitaient faire le bien ! Quel grossier personnage il était devant la belle Eglise. C'était une honte que Dieu le laisse parler. Où étaient les tonnerres divins lorsqu'on en avait besoin ?

Son coeur pourtant battait trop fort. Non seulement parce que trépigner et hurler prenait beaucoup d'énergie et s'agiter pour rien rendait haletant, mais surtout parce qu'elle ne voyait qu'une seule chose à répondre à cet affreux bonhomme. D'une traite, car si elle s'arrêtait, sans doute ne pourrait-elle pas reprendre, par manque de souffle. Ou de force.

« Mon Père, Monsieur, est Inquisiteur lui-même, et il aurait volontiers pu donner son accord à ma Vocation, s'il n'avait été enterré depuis des années ! » C'était la première fois qu'elle annonçait tout haut ces mots liés ensembles, l'impression la laissa pâle. Elle n'avait jamais prononcer ces phrases qui confirmait son appartenance à Christian Stue, et reniait ouvertement les Haarlich qui l'avaient adoptée.

Mais pour autant, la minute qui suivit se trouva bien lourde, bien silencieuse. Garance avait envie de pleurer. Il aurait été trop pénible de se montrer pleurnicharde devant un être aussi heureux du malheur des autres. Ah, quel beau sentiment Chrétien ! Se moquer et repousser la bonne grâce, elle déglutit avec peine et ravala ses sanglots. L'instant d'après, elle tirait un petit sourire, à son tour mesquin.

« Et je n'ai pas de Mari. Ni aujourd'hui, ni jamais ! Demanderait-on à votre femme de valider toute décision à votre place, hein ? Non assurément, alors je n'ai pas besoin d'époux. » Elle ne parla en aucun cas de sa mère. Constance ne donnerait jamais, jamais son aval pour qu'elle entre dans l'Inquisition... Plutôt mourir que d'aller au Couvent, elle sortait déjà d'une prison, il était intolérable qu'elle s'y enferme à nouveau. Les prières et les chants passaient encore, mais toutes ces sottes mollassonnes et ses petites bourgeoises lisses, ah non !

Elle eut un profond soupir, qui laissait présager qu'elle n'en avait pas encore fini. Pourtant... « Mais peu importe que vous puissiez me présenter, je trouverai quelqu'un de plus aimable, qui sera ravi de m'aider à prendre votre place. » Et toc ! Elle leva le menton, et lui tourna délibérément le dos, le pas assuré.

Sergent

Enfin, les argumentations de David semblaient avoir fait mouche. La fillette n’était manifestement pas sur le point d’abandonner, toujours fermement campée sur le sol de ses deux pieds, mais elle manquait visiblement de répartie en cet instant précis et semblait à court de répliques. Il voulut profiter de ce répit inattendu et bienvenue pour s’éclipser, mais à peine avait-il esquissé un geste de plus que l’adolescente se remettait à parler comme une pipelette. David serra les mâchoires et tâcha de garder un semblant de contrôle de soi. Le répit n’avait pas duré longtemps! Le souhait de cette gamine était louable, vraiment. Mais son moulin à parole aurait rendu Sarah Geisler ou même le Père Ethan en personne complètement dingues, au point d’en faire les parfaits prédisposés de meurtres sanglants et vengeurs.

Il faillit répliquer que lui non plus, il n’avait pas tout ce qu’il voulait. Que des obstacles s’étaient aussi dressés sur sa route, qu’il avait du composer avec des éléments imprévus et délétères. Et que la vie en général, c’était de la merde. Mais l’information que divulgua alors l’adolescente –la première sur sa famille depuis le début de l’entretien- le stoppa quelques secondes. Son père, un Inquisiteur déjà mort? Il pensa fugitivement à Gabriel Touchedieu et espéra sincèrement pour la gamine que son géniteur n’avait pas été de ce genre-là. Sinon, elle aurait de qui tenir et n’abandonnerait jamais la partie.

"Vraiment? Qui était-ce?" demanda David intrigué. Il s’aperçut trop tard de sa bourde et referma brusquement la bouche. Malgré sa curiosité, mieux valait ne pas relancer la petite sur un sujet où elle pourrait disserter des heures durant. Si il se risquait à lui poser la moindre question, cette langue bien pendue lui tiendrait la grappe tout le reste de la journée.

Malgré sa cruelle déception de se voir rabrouer, le jeune homme remarqua qu’elle retenait bravement ses pleurs. En revanche, il ne put retenir un rire aux propos de la petite blonde. C’était un rire sans joie, sifflant et ironique; oui, en effet, jamais il n’aurait confié des décisions importantes à sa femme, sous réserve qu’il soit marié un jour. Un nombre statistiquement désolant de femelles étaient douées pour les affaires; les autres devraient se contenter de faire ce qu’elles faisaient le mieux, à savoir… hé bien, tout ce que les filles faisaient d’ordinaire.
David remarqua qu’elle avait pas répondu à la question, à savoir pourquoi elle voulait faire partie de l’Inquisition. Sans doute par peur de se faire recaler si ses motivations étaient insuffisantes ou non conformes aux attentes. En lui-même, le jeune homme ne pouvait s’empêcher de compatir un peu au sort de cette fillette qui voyait ses espoirs déçus. Après tout, il n’aurait pas aimé non plus qu’on lui refuse l’accès à l’Inquisition pour quelque critère d’âge que ce soit… mais bon, après tout, ce n’était pas ses affaires. Il ne pouvait lui conseiller qu’une seule et dernière chose avant qu’elle ne lui fiche la paix.

"Alors va trouver ta génitrice! En l’absence de mari ou de père, c’est elle, ton représentant légal. Une mineure est incapable juridiquement." Il était étonnant que David, qui d’ordinaire montrait une culture générale assez lacunaire, sache ce genre de choses. En vérité, il était coutumier au fonctionnement de l’Inquisition et étant jeune, il s’était renseigné auprès d’un lointain ami juriste sur le régime légal auquel il était soumis. Son père, David Noistier, étant mort –et le fait qu’il soit ou non marié ne changeant strictement rien-, l’autorité parentale appartenait en toute et partie à Sarah Geisler jusqu’à sa majorité, 21 ans. Age qu’il attendrait dans quelques semaines.

Finalement, l’adolescente déclara son intention de ne pas abandonner et d’aller se renseigner ailleurs. David faillit pousser un soupir de soulagement. Il n’osait pas trop exprimer sa joie cependant, de peur qu’elle ne se ravise exprès pour cela. Il hocha donc rapidement la tête et dit d’un ton distrait:

"Parfait, très bonne idée". Qu’elle aille importuner quelqu’un d’autre, ce serait très bien! Il avait essayé d’être pédagogue mais devant une enfant aussi têtue, ce n’était pas facile. Avec reconnaissance, il ouvrit donc la porte de l’Eglise et pénétra silencieusement à l’intérieur.