Prise... Passation de Pouvoir.

Mort(e)

L'entrée, fracassante et au combien impériale, de Lorenzo n'avait pas échappée à Adrien, qui, de son bureau, avait clairement pu entendre le bruit grave et bref de la porte ainsi que les paroles énoncées suffisamment fortement pour que n'importe qui puisse entendre. Hésitant à aller à la rencontre de celui qui prendrait la suite, ou rester dans son bureau en attendant que ce dernier vienne de lui-même réclamer son dû, le Vicomte resta pensif quelques secondes. L'idée d'être enfin débarrassé de cette tâche ingrate était enfin devenu réalité. Pour une fois dans son existence, il était enfin libéré d'une partie de ses responsabilités, et il allait enfin pouvoir se consacrer à sa famille. Il pourrait ainsi passer un peu plus de temps avec sa femme, son fils, et ...sa fille, ou plutôt essayer de comprendre l'entité qui possédait sa fille. Cette entité d'ailleurs qui justifiait pourquoi on avait pas eu de nouvelles de la fillette, et qu'elle était encore en vie après avoir errer aussi longtemps dans la nature. Partagé entre le sentiment d'être heureux de la revoir envie et celui d'être troublé de la voir ainsi possédée, Adrien n'avait pas vraiment su lequel des deux avait prédominé. Il ne connaissait rien de cette Oracle, et malgré ces « miracles » qui s'étaient produits à son contact, il aurait mille fois préféré que cette chose s'incarne en quelqu'un d'autre que sa fille.

Après tout, pourquoi Alexandrine ? Il essayait de comprendre, mais apparemment tout cela n'était que le fruit (malheureux) du hasard. Du moins c'est ce qu'elle avait dit. Une pauvre vie seule, fragile, qui était sur son chemin et qui convenait parfaitement à ses plans. Elle ne semblait pas heureuse de les avoir fait souffrir, sa femme et lui, mais elle avait jugé cela nécessaire pour accomplir l'œuvre pour laquelle elle, et donc par extension, Alexandrine, était destinée. Bien entendu, il semblait qu'une fois cette œuvre terminée, Alexandrine récupèrerait son corps et ne se souviendrait de rien, ce qui n'était bien sûr rien de certain, enfin du point de vue du Vicomte. Néanmoins il n'avait pas vraiment le choix et devait espérer que sa petite fille s'en remettrait comme l'Oracle le prédisait. Soupirant sur la chaise de son bureau, il posa un regard circulaire sur la pièce. Le bureau était presque vierge, les dossiers étant rangés sur les étagères. Aujourd'hui le Vicomte n'avait pas travaillé. Connaissant la date d'arrivée du nouveau régent de Forbach, il s'était contenté de ranger et classer les dossiers pour que le nouveau venu puisse s'y repérer facilement et reprendre les affaires en cours de la meilleure manière qu'il fut.

Il fut interrompu par le bruit d'une série de trois coups contre la porte de son bureau. Alors qu'il se levait pour accueillir celui qui était finalement venu jusqu'à lui, il fit d'une voix claire :

« - Entr... »

Il fut toutefois interrompu car celui qui était derrière n'attendit pas qu'on lui donne la permission de rentrer. Décidément. Cela commençait bien, était-il si pressé de prendre les rennes du pouvoir ? Savait-il seulement ce qui l'attendait ici ? Difficile à dire.

Mort(e)

[Hrp : Désolé Adrien, j'avais deux trois trucs en suspent. :-/]
[Hrp 2: Les quelques vers en latin prennent tout leur sens avec la musique « A call to arms » de Jason Hayes – dont je vous invite à écouter la partie intéressante pour ce Rp]

Gloria... Honorifice... Pralium Facio.

Il était enfin l'heure, l'heure de savourer l'expression déconfite sur les visages alors que la porte venait de s'ouvrir dans un son digne de la meilleure ouverture possible pour un Requiem. Comprenaient-ils tous ce qui leur arrivait ? Difficile de le croire. Mais l'heure était à la gloire toute entière de Lorenzo Maestriani, et même si certains ne le réalisaient pas encore, cela n'entachait en rien l'exaltation plénière de ce moment unique. Rien que de voir une partie de ces pauvres nobles commencer à s'inquiéter de leur pauvre petit futur sans importance il jubilait intérieurement au possible. Bien sûr, il n'avait que faire de leurs pauvres statuts et de leurs pauvres personnes. Ils n'avaient aucun intérêt pour lui, sauf peut-être s'ils étaient autre chose que de simples nobles. Mais pour cela, il faudrait attendre encore un peu, mais il ne manquerait pas d'accomplir les grandes choses qu'il était venu faire ici. « Restaurer l'honneur de l'Inquisition » lui avait-on demandé d'accomplir ? Si ces minables n'avaient pas réussi à éradiquer la menace, ils n'avaient rien à faire dans Ses rangs, mais une chose était sûre, à présent, c'était Lui, l'Inquisition. Néanmoins, il serait conciliant, n'était-ce pas leur incompétence qui avait joué un rôle pesant dans sa nomination à ce poste ? Peut-être bien. Il est vrai que Lorenzo leur devait bien ce menu service, mais comme toujours, l'incompétence de certains servait toujours à d'autres, qu'ils le veuillent ou non.

Animus... Gradior Quo... Prodo.

Il était temps maintenant. Temps de prendre ce qui lui revenait de droit. Visiblement son « hôte » n'avait pas pris la peine de venir le voir. Tant mieux. Il était beaucoup plus intéressant et gratifiant de venir se servir soi-même. D'un signe, après avoir admiré une dernière fois le Grand Hall, il fit comprendre à son escorte qu'il désirait en finir. D'un hochement de tête simultanés, ils se mirent en route, prenant la direction du bureau qui serait très bientôt celui de Lorenzo, écartant presque sans ménagement ceux qui se trouvaient sur leur chemin. Certains tentèrent de l'arrêter, ou du moins d'attirer son attention, surement pour des questions futiles et sans intérêt immédiat. Ces gens comprendraient bien assez tôt quelles seraient les nouvelles règles de ce Château, et nul ne pouvait douter qu'elles ne plairaient pas à tout le monde, mais qu'importe, il n'y avait qu'une personne pour prendre les décisions ici, et il était là pour ça, dorénavant.

In Excelsis... Precedo... Bellator... Decerte Adversa.

Plus rien, désormais, ne se dresserait entre lui et ses plans. Cette ville subirait son joug et par là même, les Sorcières et les Sorciers n'en sortiraient pas vivants. L'excellence même de ses talents de guerrier, son don, mis au service de la lutte contre les démons, allait lui permettre de défaire l'adversité, là où de pitoyables Inquisiteurs avaient échoué, et échoueront surement encore. L'espace d'un instant, il se demanda de quel bois pouvaient être ces fameux Inquisiteurs, peut être de simples branquignols ou amuseurs de foire que de véritables soldats de Dieu... Enfin, qu'importe, là n'était pas la chose importante en cet instant. Ce qui était important, c'était ce qui se trouvait derrière la porte de laquelle ils approchaient à grands pas.

Incurro... Invadoria.

Les gardes s'écartèrent, prenant position autour de la porte, me laissant seul face à elle. Il était temps de revendiquer le bien qui était le mien et de passer à l'attaque. Frappant à trois reprises contre la porte comme des coups de semonce, il posa la main sur la poignée avant d'envahir ce nouveau pays qui était dorénavant sien. La seule chose qui mettait de l'ombre au tableau était qu'il n'aurai pas à livrer batailler pour gagner...

Entrant dans le bureau, il découvrit la personne qui devait être le Vicomte Adrien d'Hasbauer. Il aurait été impressionnant pour le premier écuyer sorti des écuries, mais la fatigue se lisait sur son visage, il était temps qu'on en finisse.

« - Vicomte d'Hasbauer, comme vous devez le savoir, je suis maintenant en charge du Comté de Forbach, par décision du Conseil de Lorraine et de son souverain, le Duc Charles IV. »

Desideratus Fatum!... Desideratus Bellum!

Les engrenages étaient lancés, rien ne pourrait les arrêter. Un sourire ourla les lèvres de Lorenzo.

* Bienvenus dans Ma Destinée, Bienvenus dans Ma Guerre. *

Mort(e)

L’homme était rentré sans ménagement dans le bureau, sa volonté sans doute exacerbée par son autorité appuyée par le Conseil de Lorraine. Adrien n’avait pas bougé, ne daignant même pas se lever pour accueillir celui qui avait décidé de rentrer sans même attendre ne serait-ce qu’une seconde que l’on l’y adjoigne. Cet acte signifiait beaucoup de choses et le Vicomte se demandait comment cet homme allait diriger Forbach. En tout cas, il présageait de beaucoup de volonté et il paraissait savoir plus que bien où il allait. Il était bien la seule personne que l’ex-régent eu la « chance » de voir qui semblait parfaitement en adéquation avec son attitude. Si ce Lorenzo était un homme pragmatique avec un sens du devoir et de la communauté aigus, il cachait rudement bien son jeu, notamment derrière son jeu de soldats triés sur le volet, qui gardait maintenant l’entrée de son nouveau bureau. Comptait-il sur la force pour diriger ? L’espace d’un instant, Adrien imagina le Comte de Nicosie instaurer la loi martiale et le couvre-feu dans la brave ville de Forbach. Quoiqu’il en soit, il doutait sincèrement que le peuple voit ce changement d’un bon œil, pas après avoir vu le genre de régent que le Conseil leur avait envoyé. S’il avait su, il n’aurait jamais demandé ce changement au Conseil. Mais quel diable s’était donc emparé de leurs corps pour qu’ils décident une chose pareille ? Voulaient-ils se débarrasser de lui ? Cela pouvait sembler plus qu’évident…

L’annonce de ce fameux Maestriani ne troubla guère davantage le Vicomte, qui, à la fin de cette belle déclaration solennelle, prit quand même le temps de se lever, tout en ne quittant pas le nouveau régent des yeux.

« - N’est-il donc pas de coutume, en Italie, que d’attendre l’injonction « Entrez » avant de pénétrer dans un lieu occupé cher Comte ? »

Adrien n’avait pas eu un ton provoquant, ni un regard injurieux. Tout cela était plutôt posé sur le ton de l’interrogative, même si bien sur, il ne fallait pas se leurrer, il n’était absolument pas très enjoué de la manière dont Lorenzo s’imposait dans un lieu dans lequel il venait à peine d’arriver. Il ne le détestait pas d’entrée, certes, mais il sentait que ce pour quoi il avait œuvré depuis ces derniers mois allait être vain. Il s’était attendu à quelqu’un d’un peu plus… A quelqu’un qui aurait au moins semblé s’intéresser un peu plus au peuple qu’à sa propre personne. Malheureusement, Lorenzo Maestriani avait déçu le Vicomte rien qu’à sa première apparition et à ses premiers mots, sur tous les points. Mais qu’importait vraiment ? Après avoir passé autant de temps à aider les autres, il était temps qu’il ne pense qu’à sa famille et à lui-même, même si l’homme qui lui faisait face était un tyran, il n’aurait aucun mal à protéger Elisabeth, Léonce et Alexandrine – même si cette dernière était possédée par l’Oracle.

Forbach était livrée à elle-même, tirée entre la lumière éblouissante de l’Oracle et les ténèbres plus sombres et palpables que la nuit la plus noire qu’était entrain d’étendre sur la ville le fameux Comte Lorenzo Maestriani.

Mort(e)

Le Vicomte semblait quelqu’un de passablement paisible et calme. Ceux que l’on cherche indubitablement à laisser de côté car ils sont tellement droits et incorruptibles, que l’on ne peut malheureusement rien en tirer de bon. Cet homme se tuait à la tâche, c’était évident, et ce malgré la disparition de sa fille. Il était à bout, comment ne pas le remarquer, mais pourtant il semblait regagner en fierté et en prestance, alors que le Comte entrait nonchalamment dans la pièce, tel le roi qui pénètre sur son royaume, certain d’y trouver des sujets loyaux, ou prêt à écraser de sa botte la moindre résistance qui aurait pu naître en son absence. Lorenzo était certain que cela se voyait comme son nez au milieu de la figure – un nez plus que parfait, il va de soi, n’est-il pas italien ? Issu de la race des hommes les plus charismatiques, et surtout les plus aptes à diriger ? – mais il s’en fichait comme d’une guigne, au contraire, cela permettait de jouer « cartes sur table », ou du moins, ses interlocuteurs le pensaient-ils, et il pouvait alors en apprendre énormément d’eux en quelques phrases, ou quelques gestes. Le Vicomte s’était à présent levé, prêt à en découdre amèrement avant de laisser à Lorenzo les rennes du Comté. Finalement la bataille qu’il avait espérée aurait peut-être lieu. Non, improbable. Adrien d’Hasbauer n’était pas du genre à réfuter l’autorité du Conseil de Lorraine, même s’il se rendait compte des plans de Lorenzo, même s’il comprenait à quel point la régence future allait être différente de la sienne. Il ne contemplerait que l’immense abime dans laquelle ils plongeraient tous, mais s’y laisserait emporter, ne songeant qu’à protéger les siens.

Et oui, Lorenzo était parfaitement bien informé de la situation. Il avait eu largement le temps de se préparer et de recueillir les informations sur toutes les personnes importantes de ce Comté, toutes celles qui pouvaient lui mettre des bâtons dans les roues, ou, mieux encore, lui servir de tremplin vers son but espéré. Bien entendu, il y avait Louis Institoris, la Comtesse Alicia de Sarrebourg, et bien entendu, le régent actuel – enfin plutôt l’ex-régent actuel – le Vicomte Adrien d’Hasbauer. Il était évident que Lorenzo ne s’était pas privé d’en apprendre beaucoup sur leurs vies privées respectives et la moindre parcelle intéressante, la moindre petite information exploitable, était déjà ancré dans son esprit, prête à utilisée si nécessaire. Aussi, n’était-il pas difficile pour lui de faire plier qui que ce soit ici, et il ne s’en priverait pas si la situation l’exigerait. Il avait des plans ici, des plans que personnes ne soupçonnaient, tant ils étaient tous persuadés qu’il n’était là que pour se complaire en dirigeant suprême de ce Comté. Bien entendu le Comté était une chose, mais elle était loin d’être primordiale, il avait juste besoin de ce poste comme un tremplin, une carte d’accès et surtout d’immunité pour tout ce dont il avait envie, et qu’il allait, entreprendre.

*Les coutumes italiennes ? Vicomte… Vicomte… Je vous pensais plus intelligent et surtout plus rusé que cela. Il semble que la fatigue vous altère… *

Lorenzo ne cilla pas, fixant Adrien dans un rictus amusé.

« - Les coutumes italiennes, cher Vicomte, sont plus complexes que vous l’imaginez, mais il n’est pas coutume que d’attendre d’être invité à rentrer chez soi. Vous avez servi ce Comté avec obligeance et passion, soyez assuré que le Conseil vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour gérer l’intendance suite à la mort de votre défunt Cousin, néanmoins il est plus que temps de tirer votre révérence. »

Il marqua une très brève pause, comme pour appuyer les paroles suivantes :

« - Il est plus que temps que vous vous reposiez Vicomte, que vous preniez soin de votre famille, de votre femme, de votre fils, et de votre fille. Qui sait ce qui pourrait arriver à l’un d’entre eux si vous étiez trop occupé à vouloir encore interférer dans les affaires de ce Comté. Ne regretteriez vous pas d’avoir passé trop de temps pour de pitoyables dossiers, au lieu de vous focaliser sur l’essentiel ? »

Des menaces ? Bien entendu. Mais un minimum camouflée, sinon ce ne serait vraiment pas amusant.

Mort(e)

Il était là, tel l’Empereur dans sa demeure, ou le faucon devant la proie qu’il vient d’attraper et qui agonise entre ses serres. Adrien lui faisait face, peut-être le seul encore capable de pouvoir dire quoique ce soit, et surtout de faire quelque chose dans l’intérêt de Forbach. Comment pouvait-il ne pas faire quelque chose et laisser ce fameux Lorenzo mettre la main sur la ville et l’y presser de sa poigne tyrannique ? Il n’y avait pas à chercher bien loin la réponse, c’était bien entendu par devoir, qu’il devait laisser cet être infâme reprendre les rennes du Comté, il n’avait aucune autorité pour remettre en cause une décision du Conseil de Lorraine, à moins bien sur, de pouvoir prouver que le nouveau dirigeant de Forbach n’était pas apte à la tâche qui venait à peine de lui être confié. Néanmoins le Vicomte n’était absolument pas dupe, si Maestriani avait réussi à se hisser aussi haut, il devait avoir de nombreux amis, à défaut contacts, ou personnes lui devant service, relativement bien placés, et quelque chose disait à Adrien qu’il n’avait pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour se tenir devant lui en vainqueur. Comment aurait-il pu sinon se pavaner en toute indécence, si fier, tel un parangon de puissance, si certain de sa victoire déjà acquise, qu’il brûlait presque d’envie de livrer bataille, uniquement pour jouir de la défaite inévitable de son « ennemi ». Mais le Vicomte ne lui donnerait pas cet ultime plaisir, il devrait chercher sa jouissance de la défaite d’une autre personne, plus consentante à lui donner ce qu’il désire, car si Adrien ne pouvait pas l’empêcher de parvenir à ses fins, il était encore dans ses cordes de ne pas lui donner plus de satisfaction que nécessaire.

La réponse de Lorenzo ne le fit même pas ciller. Il se doutait qu’un homme de son envergure ne se laisserait pas déstabiliser par une vulgaire « boutade ». Et bien que le Vicomte eut préféré que ce fusse le cas, il ne s’attendait pas à être contre-attaqué si facilement. Le Comte de Nicosie maniait le verbe comme une lame effilée comme un rasoir, et s’exposer à une joute verbale contre lui, revenait à s’offrir un duel à l’épée contre un escrimeur hors pair, car, une fois encore, la réputation de Lorenzo Maestriani n’était plus à faire, notamment à ce niveau là, et personne ici, y compris Adrien, n’était pas au courant des prouesses à l’escrime de l’homme qui régnait maintenant en maître absolu sur Forbach, bien que cela en coûtait énormément au Vicomte. Toutefois, si la contre-attaque de Lorenzo le surprit, l’attaque puissante et masquée qui s’ensuivit, fut déstabilisatrice. Des menaces ? Osait-il ? On aurait pu croire à la mauvaise plaisanterie, mais le regard malsain et son rictus étaient sans équivoque aucune. Cet homme était sensé et pensait bien plus que la moitié de ses mots, rigoureusement posés et mesurés avec attention et rigueur. Peu étaient ceux qui avaient osé s’attaquer ainsi ouvertement à Adrien, mais cet homme-là, ne semblait pas avoir peur de lui, et malheureusement, ce dernier devait admettre qu’il avait tout à fait raison. Il n’était pas comme les autres, d’une autre classe que tous ces nobliaux, prêts à vendre leur mère pour gagner ne serait-ce qu’une miette de pouvoir… Non, lui il savait précisément ce qu’il devait faire pour empocher le pactole, pour rafler la mise et forcer la banque à faire banqueroute.

Adrien soupira légèrement, puis répondit :

« - Loin de moi l’idée de vous mettre des bâtons dans les roues cher Comte. Je suis certain que vous saurez gérer ce Comté avec la même obligeance et la même passion avec lesquelles je me suis acquitté de ma tâche, peut-être même encore mieux, ce que je ne peux que vous souhaiter, dans l’intérêt de Forbach. Car nous savons, vous comme moi, que c’est dans ce seul et unique but, que se vouait mon œuvre et se voue désormais la votre. »

Il fit un pas de côté et prit la direction de la porte. Avant de sortir et de dépasser les gardes, il ne manqua pas de laisser un fin sourire s’esquisser sur son visage. Il savait pertinemment que cet homme n’était pas ici dans l’intérêt de Forbach, mais dans son propre intérêt, mais par sa dernière phrase, il venait de lui faire comprendre que beaucoup étaient ceux qui avaient les yeux rivés sur lui.

Mort(e)

Le face à face n’avait absolument rien de fascinant, même pas une once de suspense concernant un éventuel rebondissement. Le Vicomte était d’un pitoyable, un être sans vie, sans une once de vaillance, totalement usé par les quelques mois qu’il avait passé au pouvoir. Il n’avait pas su gérer son pouvoir et s’était fait absorbé tout entier par lui, preuve en est que même sa famille en avait été lésée, enfin, vu l’état dans lequel il était à présent, cela n’étonnait guère Lorenzo. Mais ce qui était d’autant plus triste était de savoir qu’il ne sortirait jamais de cet état, car visiblement il semblait s’y complaire. Voilà ce qui était le plus dommageable, savoir qu’un homme de son envergure, de sa carrure allait rester, alors qu’il aurait pu devenir beaucoup plus, mais cela servirait à beaucoup comme leçon, tout comme le Comte allait en être une des plus instructives, lorsque l’on saisissait l’opportunité du pouvoir on ne l’abandonnait que trop vite, usé jusqu’à la moelle pour l’intérêt des autres, soit on s’en servait telle une énergie inépuisable pour continuer sans cesse à s’occuper de soi-même. Faibles étaient ceux qui se voulaient altruiste, et qui, misérablement, inexorablement, s’enfonçaient, alourdis par leur charge de travail, œuvrant tellement pour les autres qu’ils en oubliaient même leurs plus proches « autres ». Paradoxal non ? Adrien d’Hasbauer finirait par comprendre l’étendue de son erreur, peut-être l’avait-il déjà mesurée, car à défaut de n’être plus l’ombre que lui-même, son intelligence n’était pas à faire valoir, et Lorenzo avait pu la mesurer en tout point, presque équivalente à la sienne.

Quoiqu’il en fût, ses paroles eurent l’effet escompté. Et si le Vicomte ne trouva rien à y redire dans la seconde, c’est qu’il ne trouverait plus rien. Sa victoire était totale, la dernière poche de « rébellion » était matée, bien qu’il aurait aimé plus d’affrontements et ainsi assouvir un besoin irrépressible de se montrer supérieur, - car il l’était ! – et ainsi montrer à tous de quel bois étaient fait les Italiens. Mais ce jour viendrait tôt ou tard, et ils finiraient tous par apprendre à craindre Lorenzo Maestriani, et les premières concernées seraient les Sorcières. Il n’attendait que cet instant, ce véritablement moment où il se mettrait enfin en chasse. Il savait que la ville était infestée, et leur nombre ne serait pas leur force non, leur nombre serait leur perte à toutes. Il les attraperait, les unes après les autres, s’occupant d’elles à sa manière, et ces pauvres Inquisiteurs, incapables de nettoyer la ville allaient apprendre pourquoi il était respecté, et qu’ils le veuillent ou non, ils apprendraient à obéir. Lorsque le Vicomte s’éclipsa, après sa petite harangue qu’il jugeait appropriée pour répondre à ces menaces, Lorenzo se retourna, et répondit :

« - Ne vous en faites pas Vicomte. Soyez assuré que je servirai les intérêts de Forbach avec dévotion et obligeance, car, dorénavant, Forbach, c’est moi. »

Et d’un geste, il indiqua aux gardes de fermer la porte derrière Adrien, le laissant ainsi seul dans ce nouveau bureau qui était le sien, seul avec son pouvoir, et toute la jubilation qu’il pouvait déjà en tirer.

[FIN]