Supplications un jour de piété

Oblivius

C’était dimanche. Jour de repos. Jour du Seigneur. Telle une offrande au Saint-Esprit, Sandrine se rendait en la maison de Dieu pour prier. Prier pour son salut. Prier le Seigneur pour qu’il pardonne ses pêchés, mais sans jamais rien exiger de Lui. Si les Saintes Écritures lui apportaient réconfort, elle devait en remercier le Seigneur chaque jour qu’Il permettait sa présence sur Terre.

La dame gardait sur elle les paraboles de Dieu comme un bouclier contre l’égarement de son âme en peine et non pas parce qu’elle avait besoin d’y référer pour ses oraisons. S’il y avait des mots qu’elle avait lus et relus sans se lasser, c’était bien les Paroles de Dieu. Tant lu et relu que désormais, comme imprimé en son esprit, elle pouvait voir Dieu lui dicter le chemin à suivre seulement en fermant les yeux.

* Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous deveniez les fils de votre Père qui est dans les cieux (Évangile selon Matthieu, chapitre 5, verset 44) *

Il faisait froid ce matin-là et le vent sournois semblait tirer un certain plaisir à lui faire regretter d’avoir laissé en sa demeure cette veste en lainage qui aurait su la garder au chaud malgré les froideurs de ce printemps un peu timide. Et le soleil, jouant à cache-cache derrière l’édredon opaque couvrant le ciel, ne permettait pas de déterminer avec précision l’heure du jour. Il était tôt, car c’est mépriser le Seigneur que de sommeiller plus que nécessaire au lieu de tirer parti de ce jour de piété pour remercier Dieu pour son amour.

Marchant d’un pas vif et certain en direction de l’église, Sandrine ne regardait pas au loin. Il était plus avisé de garder le regard tourné vers la terre, car les bourrasques de vent chargées des poussières d’un automne achevé auraient tôt fait de l’aveugler. Or, même la cécité ne saurait la détourner de son chemin vers la maison du Seigneur. Ce chemin, elle l’avait parcouru chaque semaine depuis son arrivée, il y a de ça quatre années déjà. Ses pieds connaissaient la route aussi bien que son esprit connaissait le Notre-Père.

* Notre Père, qui est aux Cieux,
Que ton nom soit sanctifié,
Que ton règne vienne,
Que ta volonté soit faite
Sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,
Pardonne-nous nos offenses
Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés,
Et ne nous soumets pas à la tentation,
Mais délivre-nous du mal.
Amen. *

En vérité je vous le dis, elle avait été soumise à la tentation et avait pêché; chaque jour que Dieu le voulait, elle supplierait le Seigneur de la délivrer du Mal qui la rongeait depuis.

Comme si ses membres avaient gardé en mémoire ces gestes accomplis tant de fois par le passé, elle s’était machinalement retrouvée agenouillée au pied de cette statue du Christ. Yeux clos, mains jointes, tête baissée. Maintenant en pleine communion avec le Ciel, les préceptes du Seigneur pouvaient sortir de l’ombre et remonter à la surface pour émerger de sa conscience.

* Tout ce qui est caché sera découvert, et tout ce qui est secret sera connu (Évangile selon Matthieu, chapitre 10, verset 26). *

« Seigneur, vous savez qu’ils ne comprendraient pas. Ils ne pourraient pas comprendre et je serais reniée. Est-ce là votre souhait pour vos fidèles les plus dévoués? », c’était-elle entendu dire dans un murmure presque qu’inaudible.

Avec ses joues carminées de honte, elle savait qu’elle avait offensé le Seigneur par ses paroles. Le Seigneur n’est pas responsable de nos actes et le Seigneur ne peut réparer nos erreurs. Seule la faiblesse de l’Homme est responsable de ces égarements. En mémoire d’un passage furtif aux Enfers, Satan avait marqué Sandrine au fer rouge : Ira.