Correspondance à sens unique

Fugitive

[Petite précision, cette lettre ainsi que les autres qui vont suivre n'ont jamais été envoyées à Adrien, elles le seront peut-être un jour mais pour l'instant elles lui sont justes adréssées, c'est tout. J'éspère que ça pourra compter comme une correspondance, j'avais envie d'inaugurer la section depuis longtemps ^^"]

Cher Adrien,

J’espère, un jour, avoir le courage de t’envoyer ces lettres, qui ne sont finalement rien de moins que la trace écrite de ce que je ressens au plus profond de moi.
Mais je doute sincèrement que cela se produise. Malgré tout ce qui a pu arriver ces deux dernières années, je demeure lâche et faible. Tu le sais sans doute mieux que quiconque.

Alors je t’écris, comme si tu allais me répondre, comme si tu étais encore à mes côtés malgré mes paroles blessantes, en murmurant ces sages conseils qui te sont tant particuliers. A toi, je peux le dire enfin: Gabrielle est partie. Je suis seule dans mon corps, et c’est sans doute le seul vrai bien en ces temps si obscurs. Mais comparée à toi, je me sens tellement nulle, laide et minuscule. En s’en allant pour toujours, elle a laissé un grand soulagement mais aussi un grand vide. A présent, je suis venue me perdre dans un monde où il n’y a plus que moi seule.

J’espère tant que le monde va changer. Que l’arrivée de l’Oracle sonnera le glas d’une nouvelle ère.
Une ère dans laquelle je pourrais, peut-être, construire ma vie avec Louis sans crainte du futur ni nostalgie du passé. On m’a dit que le temps n’allait pas s’arrêter parce qu’on regardait par dessus notre épaule, et qu’il n’était pas bon d’avoir des regrets dans la vie. Mais malgré tout, je ne suis jamais parvenue à accepter ce sentiment.
Sans doute est-ce cela, ta propre force.

Pourquoi ne puis-je jamais avancer sans avoir peur que mon univers s’écroule, sans craindre de perdre quelque chose ou quelqu’un? Et pourquoi réaliser ses rêves et trouver le bonheur sont deux choses si différentes?
Je ne comprends toujours pas.

Il est si dur de prendre soin des gens.
Il est si dur…
d’être un être humain.

Je t’écrirais bientôt une autre lettre
car, je suis sûre que d’autres événements importants vont bientôt survenir.
Avant, je pensais qu’à chaque fois qu’il arrivait quelque chose, ça ne pouvait pas être pire que précédemment. Qu’on ne pouvait en quelque sorte, pas descendre plus bas. Mais c’est faux. Plus on se débat et plus on sombre vers le fond.
L’être humain est bien futile.

Si je devais me réincarner, j’aimerais être un poisson.
Louis et moi nagerions tranquillement dans l'infini de l'océan…

Fugitive

.

Cher Adrien,

Tu me manques vraiment beaucoup.
Plus le temps passe et plus je regrette d’avoir été si cruelle et ingrate envers toi. Peut-être que je pensais que dans ton éternelle bonté, tu me pardonnerais toujours, quelques soient les horreurs que j’ai pu te faire. Que tu me sourirais, comme d’habitude, avec ton habituel air tranquille.

Mais je suis si bête, tu sais?
Si j’avais accepté ta main tendue, j’aurais sans doute pu éviter beaucoup de choses. Oui, à ce moment là, peut-être qu’au lieu de te dire merci
j’aurais du te dire
"Excuse moi"
"j’ai besoin de toi."

Quel chemin difficile… pour percevoir clairement mon propre amour et ma propre maladresse. Et pour y parvenir, il a fallu que je blesse tant de gens… car il est parfois nécessaire de blesser autrui pour mieux se comprendre soi-même.
Je n’ai appris cela que très récemment.

Comme l’être humain est menteur par nature, il lui est difficile de voir la réalité en face. Moi qui suis candide, j’admirais aussi cet aspect de ta personnalité… sans savoir combien tu avais souffert.
Si à l’époque j’avais été un peu plus mâture,
notre avenir aurait-il été différent?

J’espère que tu vas bien. Que tu peux te reposer ces derniers temps, l’esprit en paix. Tu as enfin retrouvé ta fille: le soulagement doit être immense, et rien ne devrait valoir ça. Tu sais, le ciel s’est enfin un peu dégagé. Les nuages qui recouvraient Forbach se sont dissipés, laissant l’éther dévoiler une myriade d’étoiles très scintillantes. Mais même en forçant l’œil, je n’arrive qu’à apercevoir des sortes de clignotement lointains, comme les innombrables et anonymes lumières d’une ville
Sans doute parce que je pensais n’être moi-même qu’une de ces lumières
perdue parmi toutes les autres.

Un jour, j’espère que l’on pourra enfin se retrouver dans la paix la plus parfaite. On repensera au passé, on rira de tout ça, soulagés que ces épreuves difficiles soient derrière nous, et nous tournant vers un avenir plein des promesses de ce bonheur que l’on a tant mérité. A ce moment là, tu me sourira, simplement, chaleureusement, comme tu sais si bien le faire. Et à ce moment là, j’aurais de nouveau l’impression, comme à chaque fois que tu souris, qu’une vague bienfaisante de chaleur étreindra mon cœur.
Je ne dis pas de mensonges.
Nul ne peut être capable comme tu le fais de guérir avec un sourire.
De qui que je sois amoureuse, tu demeureras toujours un de mes héros.

Car il n’y a que toi au monde, Adrien
qui puisse utiliser une telle magie
j’en resterais toujours persuadée.

Fugitive

.

Cher Adrien,

Tu me manques toujours autant et les récents événements ne contribuent pas le moins du monde à atténuer ce sentiment.

Cependant, je ne suis pas à plaindre, non, pas du tout. Car après tant de souffrances, j’ai enfin pu trouver un peu de repos. Toi, c’est différent. Tu as vu Alexandrine revenir parmi vous, mais ce n’est pas elle. Elle n’est pas vraiment là. Fidèle à ma bêtise, je ne mesure que maintenant la douleur que tu peux éprouver.
Ne perds pas espoir, car l’Oracle n’a qu’une parole et la respectera forcément. Mais j’imagine sans peine les doutes qui t’assaillent. Si je suis triste aujourd’hui, c’est parce que tu es en train de vivre ça
mais surtout
c’est parce que je me rends compte que je ne suis pas là pour t’apporter mon soutien.

Et cela, ça me fait vraiment mal.
Tu dois à présent te dire que ma trahison est définitive.

J’espère de tout cœur que toutes ces épreuves seront bientôt terminées pour toi. Tu le mérites. Mais de toute façon, tu ne laisseras pas le monde s’écouler ainsi si son cours ne te convient pas. Je pense que tu as une force de volonté que peu soupçonnent et qui est inébranlable, parce que tu sais avoir l’affection de tout le monde.
Toi, tu es le genre de personne qui, par sa seule présence, suffit à rendre l’ambiance d’un lieu plus agréable.

Moi, j’aspire plus que quiconque à être aimée, mais je n’ai jamais confiance en l’amour qu’on me porte.
Donc j’erre, tentant de capter les sentiments des personnes qui m’approchent.

…
Mais alors pourquoi le monde est-il aussi lumineux?

Maintenant que tout ça est derrière nous, je me rends compte à quel point il est facile de sombrer dans le malheur, en trouvant d’innombrables défauts à notre situation.
Mais l’optimisme, c’est surfait, Adrien. Mieux vaut affronter la réalité en face.
Je ne veux parler avec personne d’autre que toi de ce que j’ai vécu avec Elena et Gabrielle.
Je ne supporterais pas le regard des gens. Ni leurs erreurs, ni leurs jugements, ni même leur pitié.
Personne ne pourrait comprendre ce que je ressent.

Même maintenant, alors que la situation s’arrange, tout demeure extrêmement compliqué… Je me souviens que tu m’as dit ce jour-là, que tu irais me chercher jusqu’au fond de l’Enfer si c’était nécessaire. Les gens auxquels on tient sont notre plus grand soutien.
Mais on oublie aussi souvent qu’ils sont par corollaire notre plus grande faiblesse.

L’amour comme la vie sont des fardeaux.

J’espère t’écrire bientôt de nouveau. De toute façon, les choses ne vont pas tarder à bouger, en bien ou en mal. L’Oracle révolutionne tout. Je ne sais pas si c’est positif ou négatif, mais notre univers est en train de subir beaucoup de bouleversements et bientôt, rien ne sera plus pareil.
Porte toi bien.

Fugitive

Cher Adrien,

J’ai fait un rêve, dans lequel des pétales de fleurs blanches tombaient en pluie lente autour de moi.

Mais chacun d’eux se fanaient, aussitôt après avoir touché le sol… Je me suis dit que ce n’était pas grave. Je n’était pas contrariée. Car à chaque printemps, et de manière éternelle, ils renaîtraient sans qu’on ait besoin de rien faire.

Et puis j’ai réalisé que toi, tu ne renaîtrais pas, jamais.
Je me suis réveillée en sursaut avec l’envie de vomir.

Pourquoi le soleil se lève-t-il encore? Pourquoi tous ces gens se pressent dans la rue comme chaque jour? Et pourquoi mangent-ils, vivent-ils, rient-ils comme si de rien n’était? N’ont-ils donc pas conscience de ta disparition? Pour moi, Adrien, le monde a cessé de tourner. Comme il a cessé de tourner pour Elisabeth, et pour tes enfants, et pour tous ceux qui te sont chers, et pour tous ceux qui t’ont aimé.

Mais c’est étrange… car pour tous les autres, il continue comme d’habitude.
En fait, le monde n’a besoin d’aucun d’entre nous.

Les dirigeants comme les paysans… les nobles, les vieillards, les altruistes, les criminels… moi-même… et toi… ce monde dans lequel nous passons n’a besoin de personne! Il continuera à tourner et exister indifféremment à nos vies et nos morts… Inlassablement, le temps passera et les jours se succéderont… ce monde n’a certainement
besoin d’aucun de nous!

…
Mais c’est bien trop triste!… je trouve ça vraiment minable…

Je suppose que c’est pour ça qu’on redoute tant la solitude, qu’on a tant besoin des autres.
Ce que l’on ne voit pas, c’est que malgré tous nos efforts, nous resterons toujours seuls.

J’ai été stupide de croire que m’éloigner de toi suffirait à te protéger. Je n’avais pas compris que c’était ma dernière occasion de passer du temps avec toi. De toute façon, je n’avais personne contre qui me battre… et d’ailleurs, la bataille était finie depuis longtemps.
Tu es un homme responsable, tout à fait apte à se défendre lui-même et à prendre ses décisions. Je n’ai fait que traîner une superstition à sens unique depuis tout ce temps.
J’ai pensé faire mon devoir… et c’est toi qui a gentiment accepté de me laisser le temps de me détromper. Maintenant que je le réalise il est trop tard.
Mon âme est malade à en crever mais la mort ne me délivre pas pour autant. Et puis, le monde tourne toujours malgré que tu sois parti.

En vérité, tout était déjà fini depuis longtemps. C’est comme si tu mourrais une seconde fois.

Que je sois avec Louis… que je sois avec mes amis… que j’ai une tribu à diriger… ou des personnes sur qui compter…

Je reste seule.

Je suis seule.

Fugitive

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Cher Adrien.

J’ai de nouveau rêvé cette nuit. Je rêve depuis si longtemps maintenant que j’ai oublié à quoi ressemblait une nuit noire, abyssale et sans tâches comme de l’encre de chine. J’ai refait un rêve, un de ces rêves incompréhensibles dont la signification ne fait pourtant aucun doute…

J’étais un grand oiseau noir. Je volais au dessus d’un lac gris acier, bordé d’arbres que l’hiver avait dénudés et rendait scintillants. Portée par les courants froids, je n’avais même pas besoin d’agiter mes ailes sombres, d’une immense envergure. Tout en dessous m’était soumis. Les créatures, les poissons, les insectes, les mammifères minuscules s’agitaient à mon approche car ils me craignaient, redoutaient ma silhouette fuligineuse qui planait silencieusement.
J’ai ressenti une indicible sensation de puissance. J’avais le pouvoir et tous m’auraient obéi si je l’avais désiré.

Mais j’étais seule. Nul ne me comprenait et les longs rubans graciles de la peur étaient les seuls sentiments que je captais dans l’air gelé, tels des ondes aguisées et tranchantes.

Quelle futilité.

L’aube n’était même pas levée lorsque je me suis réveillée; nous avançons vers l’hiver et la nuit s’étire sans fin, peuplée de songes amphigouriques.

A la lueur d’une chandelle, solitaire dans une chambre glaciale, je t’écris une nouvelle fois en pensant que comme par magie, le grattement de la plume sur le papier allait alléger ma solitude, le fin tracé des lettres faire s’envoler mes doutes, l’essence du parchemin exorciser mes peines.
Je n’ai cessé de t’écrire depuis tant d’années en sachant pourtant pertinemment que rien de tout cela n’arrivera et qu’au final, toute cette catharsis aura été d’une vanité affligeante.

Aucune longue soirée solitaire, en tête à tête avec un bout de papier, ne pourra remplacer ta présence.
La douleur de ta perte ne s’estompe pas avec le temps. Et le déchirement que je ressent encore ne peut être exprimé par une suite de mots, si poétique fut-elle. Ton amitié comme ta disparition se sont ancrés dans le sang et la chair. Et par ce sacrifice tu as donné à notre monde son cadeau le plus précieux: la vie.

Tu es bien meilleur que je ne le serais jamais.

Et tant mieux.
Je sais depuis longtemps que tout a fané en moi, que celle que j’étais s’est éclipsée et a cédé le pas à une personne que les autres ne reconnaissent plus. Nul ne saurait les en blâmer. Après tout, comment pourraient-ils jamais comprendre le dixième de ce que je ressent, comme pourraient-ils jamais savoir le tumulte des songes qui m’habitent dont le fracas ne s’est pas apaisé depuis bien avant ta mort?

Ils ne savent rien et ils tentent de comprendre afin que tout aille pour le mieux. Mais ils ne pourront plus rien voir en moi sinon ces yeux vides, ce miroir de l’âme qui pourtant ne reflète plus rien, cette inconnue qui n'a aucune réponse à leurs questions.
Les mots, les reproches, les insultes fusent des lèvres et s’entrecroisent dans un balais cruel, trop fourbe pour être franc.

C’est une situation qui donne envie de mourir.

Mais…
… ça me plaît.

Ne l’ais-je pas mérité, après tout? Toute cette indifférence, tout ce mépris, cette incompréhension ne sont en fin de compte que les fruits de mes erreurs que je dois assumer. Dans un tel monde où l’on ne cultive que le malheur, il est rassurant de voir que même si il n’existe pas de justice universelle, tout se paie individuellement un jour ou l’autre.

Alors qu’ils continuent! Après tout, ne sont-ils pas là pour ça?
Le rôle des gouvernés n’est-il pas de critiquer sans cesse les gouvernants?
J’ai le pouvoir et il est devenu ma seule compagnie, comme un frère mesquin mais fidèle, un négatif de mon image. Je ne pourrais prétendre que je ne l’ai jamais recherché. A présent qu’il m’est acquis, me séparer de lui équivaudrait à mourir.

Adrien, je ne sais pas quand je t’écrirais à nouveau.

Je te déteste. Tu ne me réponds jamais.

Adrien, je crois que je suis en train de perdre l'esprit.

Mais tant mieux. Je vais glisser lentement, sur une pente abrupte, observer le monde basculer autour de moi dans la verticalité. Puis je finirais par sombrer et alors je passerais de l’autre côté.
Là, je pourrais te voir, avec Joan, Abigael, Elena, et tant d’autres.

Bientôt…

Fugitive

Cher Adrien,

Je doute. Je doute de moi-même, mais ce n’est pas une nouveauté. Je doute des autres. De ceux qui ne me rendent pas le quart de l’attention que je leur porte. J’ai enfin trouvé des réponses mais elles soulèvent de nouvelles questions et tout se poursuit comme une boucle sans fin.

Tu sais, il y a quelques jours, mes pensées ont vogué vers quelqu’un qui devrait pourtant avoir sombré dans l’oubli le plus total. Un homme dont on ne pense pas à lui en se remémorant son caractère raisonnable et altruiste.
Un homme que nous avons tous détesté, moi la première, parce qu’il ne reconnaissait pas le respect, ni l’amour ni la vie, ni la sagesse ni la vérité, ni le pardon ni la tolérance.

Gabriel Touchedieu
ne reconnaissait rien.

A part son nom, « Gabriel »
et cette lumière qui le faisait marcher,
il n’avait rien.

C’est parce qu’il n’avait rien qu’il était plus libre qu’aucun d’entre nous
et,
après l’avoir vu mourir,
j’ai su pour la première fois qu’il existait quelqu’un de bien plus libre que je ne le serais jamais,
que je ne l’avais jamais imaginé,
même dans mes rêves les plus fous.

Comme rien ne le retenait, il est parti avant même que j’ai pu lui poser une question essentielle.
C’est sans doute mieux ainsi, car il n’y avait pas de place pour lui en ce monde.
Notre espèce enchaîne ses congénères. Elle aliène l’esprit de ses voisins dans le but qu’ils ne partent jamais au loin et ne disparaissent comme des rires évanescents. Nous voulons tous de la compagnie. Nous en voulons au risque de détruire ceux qui nous sont chers.

Toi-même, Adrien, tu étais comme un oiseau en cage, retenu derrière les barreaux par ceux qui t’aimaient et voulaient te garder auprès d’eux.
Ta plus grande force, c’est d’avoir avec la meilleure volonté, embrassé ce statut de prisonnier, car tu voulais également rester avec eux de toute ton âme.
Et ta deuxième plus grande force a été d’ouvrir toi-même la cage pour te séparer de ta famille.

Quelle cruauté. Touchedieu n’a jamais envisagé la moindre de ces notions et d’ailleurs, je ne pense pas qu’il les aurait comprises.
A présent, il est plus libre que jamais et seule cette solution est envisageable. Nous ne comprenions pas son monde. Il ne respectait aucune règle du notre et vivait en perpétuelle autonomie, dans un univers où il était le roi et où il faisait ce que bon lui semble. Le mépris que le genre humain éprouve pour la différence, s’approche en fait plus de la jalousie.

Je l’envie vraiment.

J’aimerais bien revenir à l’époque où je n’étais pas encore Prêtresse. C’était merveilleux, j’étais tout le temps heureuse.
Mais quinze ans se sont écoulés et rien n’a changé.

Alors peut-être que rien ne changera jamais.

Tu ne penses pas?

Fugitive

Cher Adrien,

Alicia est morte.

Enfin, peut-être es-tu déjà au courant, puisque tu as toi aussi quitté ce monde? Comment cela fonctionne-t-il au juste?

Je n’arrive plus à savoir si cette nouvelle me fait plaisir ou non, m’afflige ou non. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’elle remet en cause tout ce que j’ai été ou fait jusque là.
C’est dur de douter à ce point, je suis sûre que tu as déjà connu ça. D’autant que j’ai déjà de nombreuses années derrière moi…

Je finis par conséquent par analyser un par un mes actes passés, afin de comprendre le pourquoi du comment. Je me ressasse chaque moment susceptible de m’aider à percevoir le sens de mon présent. Mais il y a toujours un événement qui prédomine sur les autres. Je me convainc alors que c'est ce dernier qui renferme toutes ces réponses tant convoitées.

Mais parce qu'il n'y a aucun moyen de l'éviter, la vérité m'a éclaté au visage. Je regrette les erreurs que j'ai commise pour mettre fin à ce que je pensais être un cauchemar. Maintenant la seule chose que je puisse faire, c'est apprendre à vivre avec mes regrets chaque jour qui se lève.

Dis, Adrien, comment se nomment les habitants de l’après-vie?

Est-ce que tu crois qu’Alicia était humaine au même point que tous?
Est-ce qu’elle pensait, rêvait et aimait comme nous?
Lui est-il arrivé d’observer le soleil se coucher en silence, le cœur en miette? Ou de pleurer devant une aube à la beauté sans pareille? Observait-elle le paysage du haut des montagnes, se promenait-elle dans les champs de fleur? Est-ce qu’elle chantait et dansait, pour célébrer des événements chers à son âme? Pouvait-elle pleurer la perte d’êtres proches, composait-elle des poèmes, peignait-elle des tableaux? Et quelle musique écoutait-elle?

Notre existence est faite de joies et de peines, Adrien.
En est-il de même pour vous, tout là-haut?